Voir l'état des eaux et son évolution - rivières et aquifères

À partir des données brutes mises à la disposition du public, des citoyens élaborent et partagent une information indépendante sur l'état de l'environnement

ACCUEIL
VOIR L'ETAT DES EAUX
COIN CALCUL
AGIR POUR L'EAU
LES SOUTIENS
Contact
Les enfants d'Aarhus
Un nouveau paradigme
Avis sur documents
Liens amis
Autres

Information ou désinformation sur l'état des eaux (5) : une publication Irstea de décembre 2012 massacre la description de la contamination par les pesticides


Résumé : Dans une publication de décembre 2012, les scientifiques de l'Irstea présentent une nouvelle méthode d'évaluation de la contamination des eaux de surface par les pesticides. Selon Eau-Evolution, cette méthode évacue la problématique de ce type de pollution aussi grossièrement qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. C'est un véritable massacre à la tronçonneuse de l'évaluation des cocktails de pesticides, des faibles concentrations, des concentrations élevées, de la représentativité, de la toxicité potentielle, de l'incertitude analytique ou de la diversité des substances et de leurs produits de dégradation ! Le peu qui est évalué l'est de façon peu satisfaisante et très limitée. La méthode proposée dans cette publication Irstea 2012 reste très similaire et du même niveau que celles des publications de l'Ifen et du SOeS : -même utilisation (que ce soient des moyennes, des maximum, des taux de quantification, des centiles 90 ou des taux de concentrations supérieures à 0,1 µg/L) d'indicateurs simplistes et inadaptés à l'évaluation de la contamination réelle globale par les pesticides et de ses tendances, -même façon de forcer les calculs malgré des données non représentatives de la contamination réelle (fréquences insuffisantes, LQ trop élevées et variables, périodes mal mesurées, panels de substances et cocktails mal mesurés, etc.), -même façon de forcer les calculs malgré des échantillons de stations non représentatifs sur le plan hydro-spatial. Cette méthode ne permet qu'un point de vue réducteur sur la contamination et se révèle juste bonne à enfoncer des portes ouvertes. Elle ne permet pas de décrire la contamination réelle globale et encore moins de dire si cette contamination s'améliore ou s'aggrave. Elle ne répond pas aux enjeux ni aux besoins en matière d'information publique dans ce domaine. De plus, le principe de regrouper les données n'a rien de nouveau et s'est toujours heurté à l'évaluation de la représentativité hydro-spatiale, point méthodologique crucial que la publication Irstea n'a étonnamment pas traité. Bien qu'elle le prétende, la méthode proposée ne peut absolument pas fournir une base aux politiques publiques qui nécessitent une description rigoureuse et complète de la contamination. Pire, elle apporte de fait une caution scientifique à une surveillance chimique des pesticides qui est complètement défaillante et décalée. On attendait d'une publication scientifique et technique soit qu'elle propose une méthode sérieuse, soit qu'elle démontre, en s'appuyant sur les méthodes d'analyse mathématique modernes, que les données brutes publiques ne permettent pas d'évaluer sérieusement la contamination réelle des eaux par les pesticides ni la toxicité potentielle qui en résulte. Pourquoi cette publication d'un EPST annonce-t-elle une méthode qui n'en est pas une et qui ne peut que retarder une fois de plus la mise en place d'une surveillance chimique sérieuse et en rapport avec la contamination délétère occasionnée par ces substances en France ? Depuis une quinzaine d'année que les mesures des pesticides dans les eaux ont commencé, les simulacres de résultats d'analyses de pesticides, les simulacres de protocoles de mesures de ces substances dans les eaux, les simulacres de méthodes d'évaluation de la contamination des eaux par ces substances, les progrès indispensables mais vainement attendus lors des mises en place de l'Ifen, puis de la DCE, du SOeS, du Système d'Information sur l'Eau et de l'Onema… ça commence à bien faire ! Avec cette énième publication sur le sujet, il semble désormais qu'il n'y ait plus aucun doute possible quant à l'absence de volonté durable des pouvoirs publics de connaitre sérieusement (surveillance et méthode d'évaluation) la contamination réelle des eaux et des milieux aquatiques par les pesticides, que l'argent public soit gâché en analyses et évaluations bidons, et que la ressource en eau patrimoniale soit livrée aux pollueurs avec un bâillon.



(Avertissements : passage surlignés en jaune, quelques définitions, l'Annexe avec graphiques et cartes, etc.)


Des publications de l'Ifen à celles du SOeS : des simulacres de méthodes d'évaluation de la contamination et des bilans pesticides creux !

Depuis les années 2000, à la demande du ministère de l'écologie, l'Ifen (devenu le SOeS depuis 2008) produit des bilans de contamination des eaux par les pesticides avec des résultats très insuffisants et très critiquables : la France, grand consommateur de pesticides depuis des décennies, premier utilisateur européen de pesticides, ne produit toujours pas d'évaluation nationale sérieuse et pertinente de la contamination réelle des cours d'eaux (en particulier sur les aspects cocktails de substances) et encore moins de la toxicité potentielle qui en résulte. Encore à l'heure actuelle, personne n'est en mesure de dire si la contamination réelle globale des eaux de surface par les pesticides s'améliore ou s'aggrave ! Personne ne peut dire "ça va mieux" ou "c'est de pire en pire" ! Personne n’est capable aujourd’hui d’évaluer les cocktails de pesticides et de façon générale les cocktails chimiques, et donc leur contribution à la perte de la biodiversité inféodée aux milieux aquatiques ; on peut d'ailleurs imaginer la pertinence des autorisations de rejets ponctuels ou diffus de ces substances alors que l'on ne sait même pas évaluer la contamination réelle des milieux aquatiques dans lesquels ils vont se déverser… ; toutes ces molécules présentes à des concentrations infimes ont probablement des effets chroniques bien plus importants que ne le laissent penser les approches écotoxicologiques actuelles, sans compter l'effet des "augmentations moyennes de température de l’eau comprises entre 1,1 et 2,2 °C, avec une moyenne de 1,6 °C" selon la démarche Explore 2070 de simulation multi-modèle de l'effet du changement climatique sur l'ensemble de la métropole. La faute d'une part à l'insuffisance coupable des protocoles d'acquisition des données de terrain ; et d'autre part à l'insuffisance tout autant coupable des méthodes utilisées dans les publications de l'Ifen puis dans celles du SOeS (voir ici ou ici aussi) pour analyser ces données de terrain : des méthodes incroyablement archaïques et simplificatrices à base de calculs de pourcentages, maximum, centiles 90 et moyennes triviaux, statistiquement abusifs et complètement inadaptés à cette problématique environnementale à si forts enjeux. Ces deux défaillances sont bien évidemment liées : on ne peut pas produire de statistiques de qualité à partir de données brutes de mauvaise qualité ; réciproquement, si on cherchait à appliquer des méthodes mathématiques performantes et innovantes, on deviendrait moteur pour améliorer les protocoles d'acquisition des données de terrain.

Rien à attendre de sérieux non plus avec la DCE, sa surveillance, sa méthode pour évaluer le bon état chimique et tout ce qui va avec !

Les données issues des programmes de surveillance mis en place dans le cadre de la Directive européenne sur l'eau de 2000 (DCE) concernent l'année 2007 et au-delà. Si la DCE a parfaitement intégré la gravité de la contamination chimique ("La pollution chimique des eaux de surface constitue une menace tant pour le milieu aquatique, avec des effets tels que la toxicité aiguë et chronique pour les organismes aquatiques, l'accumulation dans les écosystèmes et la disparition d'habitats et d'espèces, que pour la santé humaine"), ni sa surveillance chimique minimale obligatoire, ni son évaluation de l'état chimique des eaux ne sont, et de loin, à la hauteur de ses ambitions. Le bon état chimique DCE ne traduit pas une faible toxicité chimique réelle de l'eau ou des sédiments et relève bien plus d'errements arithmétiques que de l'intérêt général : -il ne tient pas compte des effets cocktails c'est-à-dire des interactions entre les substances présentes en même temps en faibles concentrations ni des cumuls des contaminations dans le temps ; -il ne prend en compte qu'un nombre dérisoire de substances (une quarantaine toutes familles confondues et selon cette Notice technique sur l’état chimique des eaux de surface continentale "Sur les 41 substances, 21 sont interdit d’usage, 4 n’ont plus d’usage en France, 6 sont en restriction d’usage et 5 sont issues d’émissions non intentionnelles. A noter de plus que la plupart des substances sont hydrophobes et que les normes actuelles sont disponibles pour le support eau et non le support biote ou support sédiments sauf exception") et même si elle évolue, cette liste de substance reste relativement très figée par rapport à l'évolutivité incessante des substances pesticides ; -il sous-évalue la contamination par les substances hydrophobes dont le suivi n'est pas pertinent sur le support eau ; -il est fondé sur une méthode d'évaluation simpliste basée sur des dépassements de seuils arbitraires par des moyennes annuelles ou des concentrations maximales souvent calculées avec des données inadaptées (fréquence, LQ, etc.) ; -il ne tient pas compte du niveau de dépassement de ces seuils (l'état chimique est bon ou mauvais) ; -il ne prévoit qu'un simple suivi pour les sédiments, etc. Le document La fiabilité des données de surveillance : de nouveaux défis ? pose d'ailleurs assez bien le problème : "des stations supposées « polluées » apparaissent en bon état chimique et écologique"… Donc aucun bilan sérieux n'est à attendre du côté de la DCE non plus pour l'évaluation de la contamination chimique réelle des eaux et de ses tendances, et cela concerne aussi bien les pesticides que l'ensemble des autres micropolluants.

Et maintenant, avec la méthode proposée par la publication Irstea 2012, on touche le fond !

Depuis les années 2000 aussi, le Cemagref (devenu l'Irstea depuis 2011) fournit l'appui technique au ministère de l'écologie et à l'Onema pour la mise en œuvre de la DCE, en développant des méthodes et des outils et en participant aux travaux des groupes nationaux et européens concernés (hydro-écorégions, bioindication, hydromorphologie, etc.). C'est dans ce contexte général que le Cemagref de Lyon a proposé en 2008 un stage intitulé "L'analyse des données relatives aux produits phytosanitaires issues des réseaux de surveillance" dont un extrait : "une des difficultés majeures pour l'interprétation des données ainsi acquises tient, pour les produits phytosanitaires, dont les concentrations dans les eaux de surface sont très variables, à la faible fréquence de prélèvements aux points de suivi : 4 à 12 par an au mieux pour les points classiques en eaux superficielles, un par an pour les sédiments. Le suivi n'a de surcroît pas à être réalisé tous les ans, ce qui rend a priori difficile la détection d'éventuelles évolutions". S'agissait-il de sauver les données manifestement insuffisantes et inadaptées à la plupart des pesticides issues de la surveillance chimique française mise en place dans le cadre de la DCE, données dont le protocole d'acquisition est d'ailleurs parfaitement décrit dans cet extrait de l'offre de stage (la fréquence minimale de 12 par an ne concerne que les substances prioritaires soit une vingtaine de molécules de pesticides) ? En tout cas, ce même Irstea de Lyon publie le 17 décembre 2012 une "Interprétation des données de surveillance de la contamination des eaux de surface par les pesticides par hydro-écorégion" dont le résumé est le suivant : "Face aux résultats des millions d’analyses ponctuelles de la présence de pesticides dans les eaux de surface, les scientifiques d'Irstea ont élaboré une méthode d’interprétation basée sur le regroupement des données par hydro-écorégions qui permet de décrire la contamination et de faire le lien avec les pratiques agricoles". Ce document a été publié dans la revue de transfert d'Irstea Sciences Eaux & Territoires dont l'"objectif est de proposer une information claire et lisible de haute qualité scientifique et technique qui permette de nourrir le processus de l’action et/ou de la décision des différents intervenants publics et privés dans le domaine du développement rural et l'environnement". Cette publication Irstea de décembre 2012 confirme le protocole d'acquisition des données DCE pour la plupart des pesticides ("Depuis 2006, les recommandations minimales pour le suivi des pesticides par les réseaux des agences de l’eau sont, pour le contrôle de surveillance : des analyses dans 25 % des points, une année sur trois, quatre fois par an") et définit très justement la contamination comme la "présence anormale d’une substance dans un milieu. Ici on considère que la présence d’un pesticide dans l’eau est une contamination, quelle que soit sa concentration". D'après cette publication, et malgré la défaillance des données de terrain, grâce aux "scientifiques d'Irstea" et aux hydro-écorégions d'Irstea, on disposerait donc enfin d'une méthode "qui permet de décrire la contamination" des eaux de surface françaises par les pesticides ! Mais quelle ne fut pas notre consternation et notre indignation à la lecture du contenu de cette publication Irstea… au plus un petit travail exploratoire interne à ranger au placard, mais en aucun cas de quoi produire un contenu scientifique et technique sérieux ("une information claire et lisible de haute qualité scientifique et technique") ni de quoi oser l'annonce d'une méthode qui permette de décrire la contamination !

Bon anniversaire Rachel ! Nous ne devons pas rester silencieux !

Il fallait donc réagir, ne serait-ce qu'avec la critique indépendante présentée ici et qui s'ajoute aux autres critiques indépendantes de publications officielles du même acabit. Eau-Evolution est en effet un site citoyen indépendant qui veut contribuer au développement d'un esprit critique et participatif dans le domaine de l'information technique environnementale. Dans le cas des évaluations des pesticides dans les eaux et de l'état de l'environnement en général, l'analyse technique du contenu des publications officielles est d'utilité publique et relève même du devoir citoyen : ne soyons plus des lecteurs benêts des informations techniques officielles sur l'état de l'environnement (Alerte au gogol les enfants) ! La suite montre de façon détaillée que ce n'est pas parce qu'une méthode est élaborée par rien moins que "les scientifiques d'Irstea" qu'elle en est pour autant sérieuse et pertinente ! Il faut dire que nous étions déjà échaudés avec les méthodes d'évaluation de l'état des eaux élaborées par le service statistique du ministère de l'écologie : "Les publications récentes du SOeS sur l'eau sont absolument consternantes et décalées par rapport aux enjeux de protection de cette ressource patrimoniale et de la biodiversité. Elles constituent un camouflet sévère pour les sciences écologiques et statistiques. Aucune vue globale et des thématiques essentielles occultées. Des méthodologies d'un autre temps. Un étalage décomplexé de calculs triviaux et inadaptés, d'affirmations gratuites, d'imprécisions confusantes, de contradictions et même d'erreurs inacceptables". Cette modeste critique citoyenne est dédiée à la mémoire de Rachel Carson dont 2012 est justement l'anniversaire des 50 ans de son "Printemps Silencieux", et aussi à la mémoire de la biodiversité aquatique (voir par exemple ici ou bien ici la diversité des seuls unicellulaires aquatiques) si malmenée par les pesticides. Cet article est assez long, parce qu'il y avait beaucoup de choses à dire à propos et autour de la publication Irstea 2012, et parce que nous avons pour principe d'étayer tous nos commentaires. Les lecteurs pressés pourront se contenter du résumé et de la synthèse/conclusion (section A) ; mais nous les engageons vivement à exercer eux aussi leur esprit critique et donc à entrer comme nous dans le contenu détaillé de la publication Irstea (section B), d'autant plus que l'on se sent très vite scientifiques à la lecture d'une telle publication... Votre compréhension et vos éventuels ajouts et/ou corrections en cas d'erreur sont les bienvenues, cet article étant en effet réalisé avec des moyens de calcul sommaires et de façon bénévole : nous ne sommes pas des "scientifiques d'Irstea" et surtout, nous ne disposons pas des moyens de calcul d'un EPST.

A-SYNTHESE ET CONCLUSION

Nous présentons ici la synthèse non-exhaustive des commentaires et critiques que nous avons formulés en détail tout au long de cet article, puis quelques conclusions et un certain nombre de questions malheureusement récurrentes (voir par exemple -"L'état réel des eaux et des données sur l'eau" ; -"L’état des eaux: derrière une information officielle déficiente, des évaluations et des données inquiétantes" ; -"Le thermomètre de l'environnement est toujours cassé!" ; -"Les grandes faillites de l'Etat sur l'eau et les milieux aquatiques" ; -"Faut-il supprimer le mot eau de la constitution?" ; -"Qualité de l'eau: un mensonge d'Etat" et articles suivants ; -"Scandale à l’Onema 1" et articles suivants).

Vous avez dit "une méthode" ? et en plus une méthode "qui permet de décrire la contamination" ?

La contamination minimaliste et biaisée décrite par la méthode Irstea avec son centile 90 molécule par molécule ne correspond même pas à la propre définition en termes de présence "quelle que soit sa concentration" que cette publication donne de la contamination ; une évacuation à l'emporte pièce des problématiques des données sur les pesticides (pics, faibles concentrations, cocktails, etc.) ; pas d'évaluation au niveau des stations de mesure qui pourrait être mise en lien avec les caractéristiques des bassins versants qu'elles drainent (taille, climat, occupation du sol, etc.), mais des regroupements simplistes et simplificateurs des données dans l'espace (HER) et dans le temps (quinzaine) ; une mise au point sur un petit nombre de substances (quelques herbicides) de surcroît pas représentatives de l'ensemble des pesticides ; aucune information sur la représentativité hydro-spatiale, l'incertitude analytique, la robustesse, la précision, les nombreux biais ; des validations sur de rares exemples expéditifs et peu rigoureux, etc. De plus, le principe de regrouper les données n'a rien de nouveau et s'est toujours heurté à l'évaluation de la représentativité hydro-spatiale, point méthodologique crucial que la publication Irstea 2012 n'a étonnamment pas traité. Peut-on annoncer une méthode "qui permet de décrire la contamination" par les pesticides alors le minuscule aspect de la contamination qu'elle permet de décrire est mal décrit ? Est-il vraiment scientifique :
-Que des aspects aussi importants que la contamination par les cocktails de pesticides ou l'accumulation des contaminations ne soient même pas évoqués ? Qu'il n'y ait aucune prise en compte de la possibilité d'étendre la méthode à l'évaluation de la contamination globale par l'ensemble des micropolluants, pesticides plus tous les autres micropolluants, et encore moins de leur toxicité globale cumulée dans les milieux aquatiques ? ; -Que la méthode soit par construction incapable d'évaluer des tendances sur la contamination par l'ensemble des pesticides alors que c'est une donnée essentielle pour gérer sérieusement la ressource et pour évaluer l'efficacité des mesures ? ; -Que cette méthode ne puisse a priori pas être appliquée à la plupart des insecticides ni à la plupart des substances pesticides ainsi qu'à leurs métabolites et produits de dégradation ni à la plupart des zones ? ; -Que, même molécule par molécule, l'information produite en vue d'une exploitation pour les politiques publiques sur la contamination réelle et la complexité des distributions de concentrations puisse se résumer à un centile 90 ou à un pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L ? ; -Qu'une publication scientifique et technique considère une limite de qualité réglementaire conjoncturelle pour les eaux potabilisables ou potables comme une bonne référence pour évaluer la contamination de la ressource patrimoniale en eau par les pesticides ("Moreover, 0,1 µg/L is the limit accepted in drinking water for almost all pesticides, so it is a good reference point in pollution assessment") ? En quoi ce seuil de 0,1 µg/L qui est inadapté voir régressif par rapport aux enjeux serait-il pertinent dans l'évaluation de la contamination ? ; -De concevoir une méthode d'évaluation des pesticides dans les eaux sans prendre en compte la réalité des données sur un point aussi crucial que les résultats sans quantification ? Le choix de la publication Irstea 2012 de ne pas gérer ces résultats sans quantification de façon homogène ne révèle-t-il pas une faillite de l'exploration préalable des données indispensable à toute élaboration méthodologique ? ; -Que la difficulté majeure pour les données pesticides qu'est le traitement des seuils analytiques et des concentrations environnementales proches de ces seuils soit évacuée de façon tout à fait insatisfaisante, laissant cette problématique cruciale toujours aussi mal appréhendée que par le passé ? ; -Que l'on nous explique que le centile 90 est l'enveloppe de la contamination alors qu'il ne l'est pas, et qu'il ne répond même pas à la définition donnée de la contamination "ici on considère que la présence d’un pesticide dans l’eau est une contamination, quelle que soit sa concentration" ? ; -Que l'aspect des concentrations élevées, donc de la toxicité aigüe, puisse être évacué d'une information produite en vue d'une exploitation pour les politiques publiques ? ; -Que l'aspect des concentrations faibles, qui représentent la majeure partie des concentrations réelles des pesticides dans les eaux, puisse être évacué à la hussarde de l'information produite en vue d'une exploitation pour les politiques publiques ? ; -Que l'on interprète le centile 90 en termes de "détection" c'est-à-dire de "présence" ("On observe ainsi une nette diminution des détections entre 2003 et 2004", "D’une région à l’autre, on peut mettre en évidence des différences de profils de détections", "Les détections de printemps sont plus tardives en Alsace que dans l’HER armoricaine") ? De façon générale, les imprécisions récurrentes tout au long de la publication Irstea 2012 entre contamination, détection, quantification, présence, pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L et centile 90 ont-elles leur place dans une publication scientifique et technique ? ; -Que l'évaluation du risque toxique puisse être déléguée à quelques normes de qualité empiriques pour quelques molécules, quand on connait le caractère hautement empirique et insuffisant de ces normes et de l'état chimique DCE ? ; -Que la capacité de la méthode à être généralisée pour évaluer la contamination des plans d'eau, des sédiments des cours d'eau et des eaux souterraines en particulier des nappes alluviales directement connectées aux cours d'eau, ne soit pas d'emblée prise en compte pour la mettre au point ? ; -Que la méthode n'évoque même pas l'aspect du calcul des flux de pesticides, aspect pourtant indispensable pour voir l'évolution des pratiques en aval des bassins versants et pour évaluer la contamination toxique qui arrive dans les eaux côtières ? ; -Qu'un pan méthodologique aussi crucial que celui de la représentativité (représentativité hydro-spatiale et représentativité des mesures par rapport à la contamination réelle) ne soit pas traité, réduisant la méthode à des regroupements simplificateurs des analyses par HER et par quinzaine ? ; -Que l'on critique l'indicateur "taux de quantification" en proposant à la place l'indicateur "centile 90" alors que, en plus d'oublier que chacun ne peut décrire la contamination que de façon très réductrice et biaisée, on oublie de s'attaquer aux conditions mathématiques d'utilisation de ces indicateurs qui sont le fondement d'une méthode rigoureuse et fiable ? L’hôpital qui se moque de la charité ? ; -Que l'incertitude analytique, qui peut par exemple beaucoup influencer le niveau de l'élimination des valeurs élevées par le centile 90, ne soit pas traitée ? ; -Que la sensibilité du centile 90 au découpage des données dans le temps, qui peut par exemple beaucoup influencer le niveau de l'élimination des valeurs élevées par le centile 90 et la position des pics, ne soit pas traitée ? ; -Que la sensibilité du centile 90 aux valeurs attribuées aux concentrations non quantifiées ne soit pas traitée ? ; -Que la robustesse globale de cette méthode ne soit pas traitée ? ; -Qu'une méthode produite par un EPST n'utilise pas les progrès réalisés depuis une vingtaine d'années dans l'analyse statistique des données écologiques, en particulier avec les prises en compte mathématiques des phénomènes multifactoriels, des facteurs cycliques annuels et pluriannuels, ainsi que des voisinages spatio-temporels ? ; -Que l'aspect bassin versant puisse être oublié au point de découper les données géographiques "selon une ligne" ? ; -Que les résultats comme des décalages de pics contradictoires, de Est vers l'Ouest ou dans l'autre sens, et peu fiables car issus d'une méthode et de données peu sérieuses, ne soient pas justifiés de façon multivariée comme il le faudrait ? ; -Que l'on attribue aux résultats des analyses "la moitié de la valeur du seuil de quantification en cas de détection non quantifiée" tout en expliquant que "Si l’indicateur est nul, cela veut dire qu’il n’y a pas eu de contamination ou une contamination trop faible pour être quantifiée" ? ; -Que l'on ne valide une méthode qu'à partir de quelques exemples sur quelques cas particuliers, et sans même avoir montré que les explications avancées étaient les bonnes au vu du caractère multifactoriel des phénomènes qui amènent la molécule dans l'eau en final, dont la pluviométrie qui n'a pas été prise en compte ? ; -Que l'on ne nous montre pas et ne nous parle pas de tout ce que la méthode ne permet pas de voir ? ; -Que la validation de la méthode ne soit pas faite aussi en revenant aux chronologies mathématiques des contaminations par station ? ; -Qu'une publication de fin 2012 dans une revue dont l'"objectif est de proposer une information claire et lisible de haute qualité scientifique et technique qui permette de nourrir le processus de l’action et/ou de la décision des différents intervenants publics et privés dans le domaine du développement rural et l'environnement" illustre sa méthode avec des données récoltées six ans avant sa parution, alors que les protocoles d'acquisition des données ont changé depuis, et alors que cette même année 2012, le lecteur dispose par ailleurs d'un bilan pesticides portant sur les données de 2010 ? Etc.

Pourquoi annoncer une méthode qui n'en est pas une et qui ne peut que retarder une fois de plus la mise en place d'une surveillance chimique sérieuse et en rapport avec la contamination délétère occasionnée par les pesticides ?

Le résumé de la publication Irstea 2012 est le suivant : "Face aux résultats des millions d’analyses ponctuelles de la présence de pesticides dans les eaux de surface, les scientifiques d'Irstea ont élaboré une méthode d’interprétation basée sur le regroupement des données par hydro-écorégions qui permet de décrire la contamination et de faire le lien avec les pratiques agricoles". Après avoir pris connaissance du contenu détaillé de cette publication, le résumé suivant ne correspond-il pas mieux à cette publication : Face aux résultats des millions d’analyses ponctuelles issues des surveillances ancienne comme récente des pesticides dans les eaux de surface, les scientifiques d'Irstea n'ont pas élaboré de méthode d’interprétation sérieuse et fiable qui permette de décrire la contamination réelle ni de calculer des tendances et de faire le lien avec les pratiques agricoles ? Un tel résumé aurait au moins constitué une vraie information, et surtout une information utile ! Car de quoi avons-nous besoin actuellement concernant les pesticides dans les eaux ? Le document La curieuse méthodologie du rapport de l’Ifen qui concluait en 2006 que "Dans ces conditions, il est parfaitement impossible de déterminer s’il y a amélioration ou aggravation de l’état des eaux. On constate simplement un certain niveau de pesticides, qui évolue au gré des moyens accordés pour effectuer des analyses, et en fonction des stratégies de mesures et de détection. Un résultat un peu maigre pour presque dix ans d’efforts financiers du ministère de l’Environnement !" semble malheureusement toujours d'actualité, sauf que cela fait maintenant plus de 15 ans que l'on nous vend une volonté publique en la matière... Devons-nous tolérer plus longtemps que les pesticides soient toujours mesurés dans les eaux selon des protocoles largement inadaptés, avec à la clé des bilans de contamination creux élaborés à partir de méthodes qui n'en sont pas et qui ne présenteront jamais peu ou prou que des tendances triviales sur quelques substances interdites ? Nous avons urgemment besoin de méthodes d'analyses mathématiques performantes, et ces méthodes d'évaluation nécessitent des protocoles d'acquisition des données adaptés à ce type de pollution dont la France est championne. Nous attendions donc d'une publication scientifique et technique sur le sujet, d'une publication d'un EPST impliqué dans l'appui technique à la DCE, qu'elle propose une méthode d'analyse mathématique sérieuse et à la pointe des connaissances modernes pour évaluer la contamination réelle, ses tendances et le risque toxicologique associé. Et le cas échéant, qu'elle démontre, en s'appuyant sur les méthodes d'analyse mathématique modernes, que les données brutes publiques ne permettent pas d'évaluer sérieusement la contamination réelle des eaux par les pesticides ni la toxicité potentielle qui en résulte ; et dans ce cas, qu'elle conclut et exige même de faire urgemment évoluer les protocoles d'acquisition des données de terrain. Mais nous n'avons eu ni l'un ni l'autre. Juste un centile 90 archaïque et appliqué sans aucune rigueur mathématique, un simulacre de méthode adaptée dans la pure tradition à des simulacres de données sur l'eau, et qui nous ramène à "l’interprétation habituellement faite des données de surveillance". Sans parler des cocktails et cumuls de substances même pas évoqués, en évacuant à la hussarde les problématiques des valeurs élevées et des valeurs basses, la méthode de la publication Irstea 2012 s'affranchit purement et simplement de toute la problématique des données pesticides et des micropolluants en général, et devient une non-méthode juste bonne à montrer des trivialités. Bien qu'elle le prétende, la méthode proposée dans la publication Irstea 2012 ne peut absolument pas fournir une base aux politiques publiques qui nécessitent une description rigoureuse et complète de la contamination. Non seulement cette publication ne constitue en rien la révision méthodologique profonde attendue d'une publication scientifique ; et ne répond donc ni aux attentes en matière d'information publique ni aux besoins des politiques publiques ni aux enjeux liés à la connaissance de la contamination réelle et de la toxicité potentielle qu'elle engendre dans les eaux et les sédiments, notamment sur la biodiversité et la santé humaine. Mais pire, elle apporte de fait une caution scientifique à la surveillance chimique défaillante et décalée mise en place dans le cadre de la DCE, à tel point qu'il n'est même pas possible d'évaluer la contamination au niveau des stations mesurées c'est-à-dire en aval des bassins versants mesurés. Car tout en critiquant, certes très mollement, les données, la méthode est présentée comme si prometteuse, si performante et si utile ("…l’intérêt de cette méthode…"), que l'on ne voit pas la nécessité de les améliorer ! Pourquoi annoncer une méthode qui n'en est pas une et qui ne peut que retarder une fois de plus la mise en place d'une surveillance chimique sérieuse et en rapport avec la contamination délétère occasionnée par ces substances en France ?
La remarque de la publication Irstea 2012 "Notamment, une des demandes de la directive cadre européenne sur l’eau (DCE) est d’identifier les zones à risques et d’agir sur les causes, objectifs que l’interprétation habituellement faite des données de surveillance ne permet pas d’atteindre" nous interpelle aussi à cause de la contradiction entre cette remarque et le fait de citer la publication "SOeS 2010" qui présente justement les résultats des méthodes d'évaluations des pesticides mises en place par la DCE pour répondre à ses objectifs ! Même si ses critiques restent trop molles pour faire évoluer les protocoles et qu'elle présente en plus une méthode qui semble valider ces protocoles, cette publication Irstea 2012 nous confirme que les évaluations DCE de la contamination des masses d'eau par les pesticides et de ses tendances sont un leurre. Les données de terrain, même depuis 2007, sont tellement déficientes, qu'il est nécessaire de les regrouper sur des zones relativement immenses pour n'en tirer finalement aucune information autre que triviale. Tout ceci montre, et c'est très grave, que non seulement l'Etat français ne s'est pas donné par le passé les moyens de "connaître et caractériser l’état de la contamination et l’exposition résultante des organismes aquatiques" et "d’identifier les zones à risques et d’agir sur les causes", mais qu'il ne se les donne toujours pas avec la mise en place de la DCE ! On le savait et pas que pour les pesticides ! Une nouvelle surveillance chimique a pourtant été clairement réclamée, en particulier pour les pesticides, mais en vain. On ne peut que regretter que la conclusion de la publication Irstea 2012 soit si vigoureusement élogieuse pour son simulacre de méthode et si molle sur la critique de la surveillance chimique. C'est pourquoi, pour compléter toutes ces publications officielles qui, depuis une quinzaine d'année que les mesures des pesticides dans les eaux ont commencé, sont incapables de décrire la contamination réelle globale et encore moins de dire si elle s'améliore ou s'aggrave, nous persistons à demander la mise en place d'une nouvelle surveillance chimique des eaux, avec au minimum : -Des listes de pesticides réactives, revues chaque année et sans cesse augmentées ; -Des fréquences minimales obligatoires qui soient conséquentes et adaptées, pour les suivis ponctuels comme pour des suivis en continu de plusieurs jours à l'aval de tous les bassins versants consommateurs de pesticides, qu'ils soient petits ou grands ; -Des limites analytiques de détection et de quantification sans cesse les plus basses possibles en fonction des techniques analytiques les plus performantes, revues chaque année et obligatoires ; -Des protocoles de mesures permettant d'évaluer les cumuls de pesticides et les cumuls de l'ensemble des micropolluants et macropolluants susceptibles d'agir en synergie avec eux ; -Des protocoles de mesures revus et corrigés chaque année pour fournir des données toujours plus patrimoniales au fur et à mesure des progrès scientifiques écologiques et toxicologiques.
Cette amélioration indispensable de la surveillance des pesticides et de la surveillance de tous les micropolluants est aussi nécessaire pour accompagner le développement tout autant indispensable de la recherche en écotoxicocologie ; il est urgent de mettre en place une surveillance chimique réellement patrimoniale, moderne, pertinente et adaptée aux changements climatiques ; il faut empêcher que ne perdure le simulacre d'historique de la contamination des eaux par les pesticides ; il faut aussi permettre à des instances compétentes et indépendantes d'appliquer les méthodes mathématiques nécessaires à l'évaluation de cette contamination et de ses tendances. Si l'Etat ne modifie pas ses recommandations minimales pour le suivi des pesticides par le réseau de contrôle de surveillance ("Depuis 2006, les recommandations minimales pour le suivi des pesticides par les réseaux des agences de l’eau sont : -pour le contrôle de surveillance : des analyses dans 25 % des points, une année sur trois, quatre fois par an"), qu'il exige alors au moins que les agriculteurs épandent les pesticides conformément à ce protocole : épandages autorisés seulement aux alentours proches de 25 % des points du RCS, seulement une année sur trois, seulement quatre fois par an et seulement pour les listes de molécules mesurées !

Les données sur l'eau : une quinzaine de millions d'analyses de pesticides sans aucun crédit et un historique des contaminations comme effacé !

D'une part, les publications Irstea 2012 et 2011 précisent que "Les données étudiées sont celles centralisées par l’Ifen puis par le SOeS entre 1997 et 2009 (Ifen, 2007; SOeS, 2010)", que "La base de données gérée par le SOeS sur les pesticides dans les eaux de surface en France contient plus de huit millions d’analyses" et plus exactement "The database contained 8.6 million analyses". D'autre part, la publication "(SOeS, 2010)" précise que "En pratique, les laboratoires ne font pas la distinction entre limite de détection et limite de quantification et la seule information disponible aujourd’hui est la limite de quantification". Pire, la réalité des données brutes montre que ce ne sont pas seulement les valeurs attribuées LD ou LQ aux informations "non détecté", "détecté mais non quantifié" et "non quantifié" mais ces informations elles-mêmes qui n'ont aucune fiabilité ni valeur analytique ou statistique. Autrement dit, les informations sur les LD et sur la présence de traces ont été effacées de l'historique des données depuis le début de leur collecte jusqu'en 2006 voire en 2007. Et cette grave déficience existe aussi pour les données issues de la mise en œuvre de la DCE, puisque la publication SOeS 2011 (y compris sous sa version corrigée en 2012) la confirme aussi pour les données de 2007 à 2009 sur les pesticides et sur l'ensemble des micropolluants ("L’analyse des pesticides pour les trois années 2007 à 2009 utilise les données obtenues auprès des agences de l’Eau pour la métropole et des offices de l’Eau pour les DOM. Ces données proviennent des réseaux mis en œuvre par les agences et offices de l’Eau : programmes de surveillance de la DCE auxquels s’ajoutent, le cas échéant, des réseaux complémentaires" et "Chaque résultat d’analyse est théoriquement caractérisé par une limite de détection (LD) et une limite de quantification (LQ). En deçà de la limite de détection, il est impossible de déterminer la présence ou l’absence de la molécule. La présence ne peut être quantifiée, c’est à dire chiffrée, qu’au-delà de la limite de quantification. En pratique, les laboratoires ne font pas la distinction entre limite de détection et limite de quantification et la seule information disponible aujourd’hui est la limite de quantification"). Heureusement que l'on nous avait expliqué que "Les programmes de surveillance liés à la DCE, prenant la suite et complétant des programmes antérieurs, ont débuté en France en 2007. Cette année constitue ainsi une année de référence" ! Un petit décompte du nombre d'analyses réalisées dans ces conditions lamentables est nécessaire : 8,6 millions jusqu'en 2006, plus sans doute environ 6 millions d'analyses sur la période de 2007 à 2009 (n'ayant pas trouvé le chiffre exact dans les publications du SOeS, nous nous sommes basés sur le nombre d'analyses des données publiques disponibles pour 2007 qui était de 2,2 millions pour la métropole), cela fait environ un total de 15 millions d'analyses jusqu'en 2009. Si l'on tient compte du coût moyen unitaire de ces analyses, du temps passé et autres charges, cela fait des centaines de millions d'euros pour une information de très mauvaise qualité analytique et statistique, mauvaise qualité qui s'ajoute à celle occasionnée par des protocoles de mesures insuffisants et inadaptés. Dans ces conditions, plusieurs questions élémentaires se posent :
-Comment des laboratoires a priori agréés et payés pour analyser la présence de micropolluants dans l'eau "ne font pas la distinction entre limite de détection et limite de quantification" et pour le moins, ne renseignent pas correctement leurs résultats ?
-Comment des laboratoires ont-ils pu fournir des prestations aussi peu sérieuses et aussi longtemps sur un point aussi crucial que la présence de traces, la limite de détection, sans parler de l'incertitude analytique, pour la quinzaine de millions d'analyses de pesticides réalisées sans compter les autres micropolluants ? N'y avait-il pas de prescriptions précises dans les cahiers des charges et/ou de contrôle ni de réclamation voire d'actions en justice de la part de l'Etat et des collectivités locales, alors que ces analyses étaient financées essentiellement avec de l'argent public ?
-Dans les deux cas, que les informations sur les valeurs des LD et sur la présence de traces n'aient pas été demandées aux laboratoires ou qu'elles n'aient pas été fournies par ces laboratoires, il y a un dysfonctionnement grave. Mais si ces informations existent toujours dans les archives des laboratoires, les contribuables ne sont-ils pas en droit de réclamer leur restitution dans l'historique déjà squelettique des données sur les micropolluants ?
-A quoi servent la DCE et le Système d'Information sur l'Eau puisque qu'il n'y a pas eu d'amélioration sur un point aussi fondamental que les limites analytiques pour les pesticides et pour tous les micropolluants ? La mauvaise qualité inhérente aux défaillances des protocoles de mesure (fréquence, période, molécules, etc.), alors même que les experts intervenus lors de la mise en place de la DCE en 2000 connaissaient depuis longtemps les protocoles un minimum sérieux à mettre en place, ne suffisait-elle donc pas ?
-Quel a été l'impact sur la protection des écosystèmes et sur la santé humaine de cette désinformation sur des analyses dont une partie concernait les eaux brutes potabilisables ?
-Comment accepter que la quinzaine de millions d'analyses de pesticides effectuées de 1997 à 2009, et peut être aussi les suivantes, manquent à ce point de fiabilité et aient une valeur statistique aussi réduite ?
Car accepter que les informations sur les valeurs des LD et sur la présence de traces soit effacée d'un historique des données réduit à un pourcentage infime de données quantifiées avec des protocoles anachroniques et surréalistes dignes des pieds nickelés ("Actuellement nous sommes dans la situation d'évaluer une symphonie en écoutant un accord tout les cinq minutes"), c'est grave : c'est accepter de ne pas être capable de gérer les données non quantifiées, de ne pas être capable d'élaborer des méthodes pertinentes pour évaluer la contamination réelle des eaux par les pesticides et surtout, de ne pas être capable d'évaluer la contamination réelle des eaux.
Dans ce contexte, revenons sur le bricolage proposé dans la publication Irstea 2012 pour ne pas augmenter le coût de la surveillance : "Un moyen de réduire le risque de ne pas détecter un pic de contamination tout en gardant le même nombre d’analyses, et donc le même coût, serait de concentrer les analyses pendant les périodes où la contamination est le plus susceptible de se produire". Nous avons expliqué (section B-4) tout le mal que nous en pensons sur le plan scientifique. Mais ce délicat souci de ne pas augmenter le coût de la surveillance parait encore plus décalé, quand par ailleurs la quinzaine de millions d'analyses de pesticides effectuées de 1997 à 2009, et peut être aussi les suivantes, s'avèrent un immense gâchis d'argent essentiellement public et même un gros scandale écologique et financier, scandale déjà évoqué d'ailleurs en 2006 dans La curieuse méthodologie du rapport de l’Ifen : "Dans ces conditions, il est parfaitement impossible de déterminer s’il y a amélioration ou aggravation de l’état des eaux. On constate simplement un certain niveau de pesticides, qui évolue au gré des moyens accordés pour effectuer des analyses, et en fonction des stratégies de mesures et de détection. Un résultat un peu maigre pour presque dix ans d’efforts financiers du ministère de l’Environnement !" Faut-il vivre dans le monde des bisounours pour ne pas savoir que plus la surveillance est mauvaise (protocoles de mesures déficients, limites analytiques trop élevées, etc.), moins elle permettra de détecter de pollutions et moins il y aura de mesures dérangeantes à prendre pour les enrayer ? Des mesures dérangeantes parce qu'elles remettent en cause nos modèles productivistes et qu'elles sont beaucoup plus coûteuses que la surveillance en elle-même
. Car s'il y a effectivement un problème de gros sous, il n'est pas tant dans le coût de la surveillance, et le gâchis généralisé et consensuel des coûteuses analyses de pesticides et autres micropolluants le confirme, que dans le coût des mesures à mettre en œuvre, avec des taxes pollueurs-payeurs à augmenter de façon certainement drastique, pour réparer tous les dégâts que ces pollutions chimiques ont déjà fait et vont continuer à faire pendant des décennies et pour arrêter les rejets chimiques toxiques ponctuels et diffus. Vu dans le Cahier des charges pour l'évolution des réseaux de suivi de la qualité des eaux de surface continentales en France – 13 décembre 2001 et à méditer : "L’importance du coût des mesures de micropolluants apparaît nettement. Leur mise en œuvre conduira à augmenter le nombre de sites contaminés identifiés. Il est donc nécessaire que cet effort de mesure soit effectif dans les différents Etats européens, pour garantir une équité dans l’identification des risques de non atteinte du bon état du fait des micropolluants".
Le délicat souci de la publication Irstea de ne pas augmenter le coût de la surveillance parait encore plus décalé aussi quand on pense aux impacts des pesticides et autres toxiques sur les écosystèmes. Car la France a autorisé depuis des décennies toutes sortes de dégradations et de rejets polluants toxiques dans l'eau avec les conséquences que l'on sait, et voilà qu'elle peine toujours à fournir une surveillance performante de la contamination et des impacts que causent ces dégradations et ces rejets !
Citons par exemple quelques extraits de l'alerte lancée déjà en 2007 par la responsable du groupe "Physico- et toxico-chimie de l'environnement" à l'Institut des Sciences Moléculaires dans le journal du CNRS (Cote d'alerte sur la pollution des eaux) : "Les fleuves et les rivières contiennent des millions de tonnes de polluants formés des rejets chimiques de nos industries, de notre agriculture et de nos activités quotidiennes. Ce qui signifie que l'on y trouve de tout : des solvants, des nitrates, des phosphates, des détergents, des produits cosmétiques, des PCB, notamment dans le Rhône, des nanoparticules de carbone qui pourraient jouer le rôle de surfaces absorbantes et de «pièges» pour d'autres contaminants… la liste comprend aussi des substances pharmaceutiques : paracétamol, ibuprofène, anticancéreux, anti-cholestérol, anti-inflammatoires, pilule contraceptive…" ; "Nos connaissances sur ces polluants émergents sont encore lacunaires. Nous sommes donc aujourd'hui dans l'impossibilité d'établir un lien direct entre telle classe de molécules pharmaceutiques et tel problème précis de santé. Il n'en reste pas moins que nous voyons apparaître, dans de nombreux cours d'eau français, des phénomènes de féminisation des mâles chez certaines espèces de poissons (truite arc-en-ciel, gardon…), de gastéropodes, de grenouilles…, ainsi que des phénomènes d'immunotoxicité qui se traduisent par une diminution de l'efficacité du système immunitaire entraînant une sensibilité accrue aux agents infectieux". Citons aussi les deux rapports récents du WWF Perturbateurs endocriniens et biodiversité ("Cette problématique émergente de la perturbation endocrinienne remet en question les fondements mêmes de certains principes d’écotoxicologie, comme la notion de seuil, de faibles doses, de fenêtre d’exposition ou encore d’impact sur l’ensemble d’une chaîne trophique. Il est important d’apprécier l’ampleur des impacts susceptibles d’affecter les écosystèmes, par la prise en compte de nouveaux paradigmes et de l’irréversibilité de certains phénomènes, afin de considérer avec une juste valeur, l’urgence en termes d’analyse, d’évaluation puis de gestion de cette « nouvelle famille de risques ». En plus des phénomènes de pluri-expositions déjà évoqués, d’autres processus liés à la biosphère de manière générale entrent en jeu. Il est possible de citer pour illustrer ceux-ci la bioamplification le long d’une chaîne trophique. Certains pesticides par exemple s’accumulent au fil de la chaîne alimentaire pour se concentrer dans les derniers maillons. Les carnivores et piscivores situés en bout de chaîne concentrent des doses de pesticides pouvant atteindre 10 000 fois celles des premiers maillons") et La biodiversité, victime silencieuse des pesticides ("Aujourd’hui la biodiversité, dont l’homme fait partie, est toujours une victime silencieuse des pesticides et les problèmes évoqués par Carson en 1962 sont toujours d’actualité").
Citons aussi ces deux publications qui paraissent à l'heure où nous achevons nos commentaires et qui montrent encore à quel point la méthode proposée dans la publication Irstea est anachronique : l'article Les pesticides réduisent fortement la biodiversité aquatique ("Les pesticides, dont un grand nombre sont utilisés en Europe et en Australie, réduisent jusqu'à 42 % des populations d'insectes et autres formes de vie des rivières et ruisseaux en Allemagne, en France et en Australie, selon une recherche publiée lundi 17 juin aux Etats-Unis. Les pesticides, utilisés par exemple dans l'agriculture, sont parmi les polluants les plus surveillés et réglementés. Mais malgré cela, on ignorait jusqu'alors l'ampleur de leur impact sur la biodiversité dans les environnements aquatiques, soulignent ces chercheurs, dont Mikhail Beketov du Helmholtz Centre for Environmental Research à Leipzig en Allemagne et Ben Kefford de la University of Technology à Sydney. Ces scientifiques ont démontré une forte disparition des insectes des rivières et cours d'eau et d'autres invertébrés d'eau douce. En Europe, ils ont constaté que ces insectes étaient 42 % moins fréquents dans les zones fortement contaminées par ces pesticides que dans des rivières et cours d'eau non-contaminées. En Australie, cette différence était de 27 %. Les auteurs de cette recherche, parue dans les Comptes-rendus de l'Académie nationale américaine des sciences (PNAS), ont découvert que la diminution de la biodiversité aquatique résultait surtout de la disparition de plusieurs groupes d'espèces particulièrement vulnérables aux pesticides. Il s'agit notamment des libellules et des mouches éphémères, des insectes importants dans la chaîne alimentaire, aussi bien pour les poissons que les oiseaux. Plus inquiétant, l'impact sur ces minuscules insectes est observé à des concentrations de pesticides qui sont déjà considérées comme sûres par les réglementations européennes actuelles, soulignent ces scientifiques. Selon eux, de nouveaux concepts d'évaluation liant l'écologie à l'éco-toxicologie sont maintenant nécessaires de façon urgente. «L'approche actuelle d'évaluation du risque environnemental de l'écosystème des rivières et autres cours d'eau revient à conduire sur l'autoroute avec un bandeau sur les yeux», ironise l'écotoxicologiste Matthias Liess, un autre auteur de cette recherche. Jusqu'à présent, les pesticides sont autorisés principalement sur la base d'une recherche expérimentale menée dans des laboratoires et dans des écosystèmes artificiels, souligne-t-il") ; et le Rapport d’évaluation de la politique de l’eau en France ("Dans les eaux superficielles ces produits peuvent avoir des conséquences graves sur les écosystèmes car il suffit qu’une bouffée de pesticide circule dans une rivière pendant un temps relativement bref, une seule fois dans l’année, pour que tout l’édifice biologique soit appauvri") qui rappelle à point nommé que "Des progrès considérables restent à faire en termes de connaissance sur l’état de l’eau et les pressions qui s’exercent sur la ressource ainsi que sur l’évaluation des données" et que "Des progrès considérables restent à faire en termes de connaissance sur l'état et les pressions, et de valorisation de ces données" !

Quelques autres questions de gros bon sens, en vrac :

  • Comment se fait-il que cette publication Irstea 2012 critique les données issues de la surveillance DCE alors que l'Irstea a étroitement collaboré à la mise en place de cette DCE ?
  • Cette publication Irstea 2012 nous présente une méthode semble-t-il vraiment utile pour décrire la contamination sur la seule base d'un simplissime centile 90 appliqué sur des échantillons sans représentativité hydro-spatiale et des données très critiquables. Mais si c'était aussi simple, comment expliquer que les publications de l'Ifen et du SOeS chargés des bilans de contamination des eaux par les pesticides depuis les années 2000 n'aient jamais pu répondre sérieusement sur la question de l'amélioration ou de l'aggravation de la contamination globale des cours d'eau par les pesticides ?
  • Les publications officielles des ministère de l'écologie, Onema, Ifen-SOeS, etc., peuvent-elles encore et toujours se contenter d'alléguer la mauvaise qualité des données (limites analytiques, fréquences, etc.) pour justifier que la contamination globale réelle par les pesticides, leur toxicité globale réelle et leurs tendances ne soient toujours pas connues ? Les hauts responsables du contrôle de la qualité des données brutes et du choix des protocoles de mesure et des méthodes d'évaluation, ne devraient-ils pas être sanctionnés ?
  • Ceux qui traitent les données, ne sont-ils pas compétents sur le plan méthodologique et/ou n'ont-ils pas autorité à imposer les protocoles d'acquisition sérieux nécessaires, mais dans tous les cas, l'argent public n'est-il pas gâché en millions d'analyses inexploitables et la ressource en eau livrée aux pollueurs ? Maintenir volontairement le flou dans la connaissance et l'information voire pratiquer la désinformation, ne reste-t-elle malheureusement pas la seule explication ?
  • Les contribuables qui se font soutirer depuis plus d'une décennie des centaines de millions d'euros pour des millions d'analyses de micropolluants inexploitables à cause de protocoles de mesure et de limites analytiques complètement inadaptés voire hallucinants, sans compter les bilans qui se suivent à base de méthodes archaïques et anachroniques, qui sont incapables d'apporter de réponse ni sur la contamination réelle globale des eaux ni sur son évolution et qui rejettent la faute sur les données de mauvaise qualité, ces contribuables ne sont-ils pas en droit d'exiger quelques explications ?
  • L'ambition de l'Irstea "de se voir reconnu comme un opérateur d'expertises scientifiques et techniques de référence, et de contribuer à la structuration d'une expertise scientifique à l'échelle européenne", n'exigerait-elle pas que le niveau des publications sur le sujet fasse un saut quantique par rapport aux publications Irstea de 2011 et 2012 ?
  • Avec cette énième publication sur le sujet, y aurait-il encore place au doute quant à l'absence de volonté des pouvoirs publics de connaitre sérieusement (surveillance et méthode d'évaluation) la contamination réelle des eaux et des milieux aquatiques par les pesticides : toutes les institutions officielles du monde l'eau tourneraient-elles en système fermé, chacune juge et partie, chacune caution des autres, pour laisser perdurer un flou dans la connaissance et l'information sur les pesticides dans les eaux, flou qui profite in fine au lobby agro-chimique ?
  • Est-ce bien normal qu'à la lecture de ces publications anachroniques, nous ayons le sentiment désagréable d'être pris pour des benêts voire d'être manipulés ? Le sentiment aussi que l'information nationale sur l'état réel des eaux est carrément prise en otage par ces organismes ? Même question pour tous les autres types de pollution et de contamination des eaux et des milieux aquatiques ?
  • Quand un bureau d'étude réalise une étude d'impact financée par le maître d'ouvrage ou pétitionnaire du projet, quelle liberté a-t-il pour en dénoncer l'impact ? De même, quand l'Irstea réalise une étude financée par l'Onema gestionnaire du SIE (Système d'Information sur l'Eau), quelle liberté a-t-il pour y critiquer sévèrement le fonctionnement et les données du SIE ?
  • S'il ne s'agissait pas d'apporter une caution scientifique à la surveillance chimique des pesticides, quel était l'objet de cette publication Irstea 2012 ? De la publication au kilomètre ? Rentabiliser une fois de plus le découpage des HER créé au départ pour aider à la délimitation des masses d'eau de surface de la DCE ?
  • Qu'il s'agisse -des publications de l'Ifen (voir le commentaire suivant dont l'extrait "Ce changement des seuils du SEQ, qui a été initié dans le Bilan pesticides publié en 2004 pour les données 2002, coïncide étrangement avec la mise en place de la DCE et, pour les eaux souterraines, des seuils du "bon état chimique" fixés à 0,1 µg/l par pesticide et 0,5 µg/l pour la somme des pesticides qui correspondent aux normes de qualité visées dans l'annexe V de la Directive cadre de 2000 (Directives n° 2000/60/CE du 23/10/2000 et n° 2006/118/CE du 12 décembre 2006)"), -des publications du SOeS (Voir les commentaires Les publications officielles du SOeS depuis 2009 sur l'état des eaux et ses tendances sont consternantes ou La publication officielle du 14 octobre 2011 ou encore ce commentaire qui résume la situation par : "Le Commissariat général au développement durable a dressé un bilan de la présence de micropolluants dans les milieux aquatiques continentaux. Résultat, les eaux seraient quasiment toutes polluées mais resteraient majoritairement conformes") et ce document le confirme "des stations supposées «polluées» apparaissent en bon état chimique et écologique", -ou, et c'est un comble, de la publication de l'EPST Irstea qui fait l'objet de cet article, l'évaluation du risque toxique lié aux pesticides dans les eaux parait désormais déléguée façon Ponce Pilate à quelques normes de qualité empiriques pour quelques molécules et se résume à l'état chimique de la DCE, alors même que l'on connait le caractère hautement empirique et insuffisant de ces normes et de l'état chimique DCE : existerait-il un imprimatur DCE/Ministère de l'écologie sur les publications officielles traitant de la toxicité chimique des eaux ? Dans ces conditions, sans compter tout ce qui est révélé par ailleurs sur le sujet dans le blog de Marc Laimé (entrez les mots clés "Directive cadre", "DCE" ou "Onema" dans le bouton "Rechercher"), comment ne pas percevoir la DCE, sa surveillance chimique obligatoire en décalage total avec ses ambitions, son évaluation réglementaire a minima de l'état chimique, comme un véritable lobby d'Etat ?


B-ANALYSE DETAILLEE DE LA PUBLICATION IRSTEA

  1. L'introduction de la publication Irstea 2012
  2. Le paragraphe "Des données hétérogènes" de la publication Irstea 2012
  3. Le paragraphe "Des profils de contamination par hydro-écorégions" de la publication Irstea 2012
  4. Le paragraphe "Applications et évolutions de la méthode" de la publication Irstea 2012
  5. Le paragraphe "Conclusion" de la publication Irstea 2012

Avertissements :

Nous avons choisi de présenter nos commentaires en respectant le plus possible l'ordre chronologique de la publication Irstea 2012. Nous citerons si besoin une publication presque identique de Irstea en 2011 Interpretation of data on pesticide residues in surface water in France, by grouping data within homogeneous spatial units et résumée en langue française par : "La base de données gérée par le SOeS sur les pesticides dans les eaux de surface en France contient plus de huit millions d’analyses. Pour interpréter de manière plus approfondie ces données, des méthodes ont été testées en se basant sur un regroupement géographique des données au sein d’entités homogènes (hydroécorégions de niveau 1). Les objectifs étaient de trouver des descripteurs et des méthodes adaptées et de tester leur pertinence afin de décrire la contamination et mettre en évidence les facteurs explicatifs. En utilisant le 90e centile des résultats d’analyse par période de 15 jours, nous avons identifié des dynamiques de contamination pour les molécules étudiées (évolution saisonnière et inter-annuelle). Les différences observées entre les régions et entre les années sont cohérentes avec l’utilisation des pesticides (périodes d’application et réglementation). De plus, les différences de niveaux de contamination entre régions et molécules sont explicables en partie par les cultures cibles des produits".
POUR PLUS DE CLARTE, NOUS AVONS SURLIGNE EN JAUNE TOUS LES EXTRAITS QUE NOUS CITONS DE CES DEUX PUBLICATIONS IRSTEA DE 2012 ET 2011.
UNE ANNEXE PRESENTE LES COMPLEMENTS (CALCULS, GRAPHIQUES ET CARTES) ELABORES PAR EAU-EVOLUTION POUR ETAYER LES COMMENTAIRES
. La publication Irstea 2012 ne traitant pas l'outremer, cette annexe ne concerne donc aussi que la France métropolitaine.
Les "données" encore appelées "données brutes" ou "données de terrain" sont les résultats ponctuels des analyses de l'eau prélevée dans les cours d'eau dans le cadre de la surveillance chimique, par exemple : on a quantifié 0,11 µg/l d'atrazine le 22/01/2007 dans un prélèvement effectué à la station de mesure 03257800 sur la rivière La Saire au niveau de Brillevast.
Les "LD" et "LQ" d'une analyse sont les limites analytiques respectivement de détection et de quantification avec lesquelles elle a été réalisée.
Le centile 90 d'un ensemble de concentrations est la concentration maximum après avoir éliminé 10 % des concentrations les plus élevées.
Certains liens web sont cassés, d'autres changent souvent, la plupart des extraits concernés sont donc inclus dans cet article pour en faciliter la lecture.

1-L'introduction de la publication Irstea 2012

=>"La surveillance de la qualité des eaux en France est nécessaire pour répondre aux exigences de la directive cadre sur l’eau (DCE, 2000/60), ainsi que pour répondre à une préoccupation sociétale quant à la qualité des milieux aquatiques et des risques potentiels induits pour la santé humaine et les écosystèmes (photo 1). C’est notamment le cas pour la contamination par les pesticides, d’autant que « les niveaux de contamination sont significatifs » (Institut français de l'environnement, 2007)"
  • "La surveillance de la qualité des eaux en France est nécessaire pour répondre aux exigences de la directive cadre sur l’eau (DCE, 2000/60), ainsi que pour répondre à une préoccupation sociétale quant à la qualité des milieux aquatiques et des risques potentiels induits pour la santé humaine et les écosystèmes (photo 1)" : la photo 1 à laquelle le texte renvoie est-elle vraiment sensée illustrer cette affirmation ? Historiquement et logiquement, la surveillance devrait d'abord répondre aux exigences de protection d'une ressource en eau déclarée patrimoniale et à la "préoccupation sociétale quant à la qualité des milieux aquatiques et des risques potentiels induits pour la santé humaine et les écosystèmes", et ensuite seulement aux exigences réglementaires minimalistes de la DCE. Pourquoi la publication Irstea 2012 n'a-t-elle pas, ni en lieu et place de la photo 1 ni ailleurs, listé en détail ces "risques potentiels induits" puisque c'est sa capacité à les reconnaitre et à les évaluer qui fait la pertinence et l'utilité d'une méthode de description de la contamination des eaux de surface par les pesticides (synergie à cause des cocktails de substances, effets reprotoxiques à très faibles concentrations, bioaccumulation, etc.). Pertinence et utilité en particulier pour les politiques publiques car il est impossible de gérer la ressource sans la connaître du mieux possible. Pertinence et utilité aussi pour déterminer les facteurs de risque liés aux caractéristiques physiques des milieux ("Il est également important d’identifier les facteurs dont dépend principalement la contamination, ainsi que les pesticides ou les milieux qui présentent le risque le plus important") puisqu'ils sont a priori différents selon que la contamination est décrite de façon pertinente et complète, ou uniquement par quelques molécules hydrophiles, ou par les fortes concentrations sans tenir compte des faibles concentrations, ou par certaines familles de substances comme les herbicides avec leurs modalités d'applications particulières, etc. Nous n'attendons pas d'une publication scientifique et technique de 2012 qu'elle bavarde à propos de risques écologiques et sanitaires, mais qu'elle fournisse des précisions scientifiques au fait des connaissances en 2012 sur ce que doit être la description de la contamination sous tous ses aspects (en particulier cocktail de substances) pour pouvoir évaluer et maîtriser ces risques. Pour la biodiversité, le risque le plus important n'est-il pas que l'évaluation de la contamination par les pesticides, des risques qu'elle engendre et des facteurs de risque, soit effectuée par des pieds nickelés ?
  • "«les niveaux de contamination sont significatifs» (Institut français de l'environnement, 2007)" : n'y a-t-il donc pas, fin 2012, de référence plus récente sur les niveaux de contamination qu'une publication qui concerne des données acquises en 2005 et dont l'auteur, l'Ifen, a été dissous en 2008 ? Alors que le SOeS a publié des bilans sur les pesticides en 2010 ("SOeS 2010" cité dans la publication Irstea 2012) et aussi plus récemment en 2011 ?

=>"Cette surveillance est assurée par différents réseaux qui réalisent des analyses de la présence ponctuelle de pesticides dans l’eau. Cependant, les millions de données ainsi collectées sont difficiles à interpréter. Les rapports annuels de l’Institut français de l'environnement (Ifen) puis du Service d’observation et de statistiques (SOeS) du ministère chargé de l’écologie donnent une appréciation de l’état général de la qualité des eaux. Un indicateur appréhende la contamination par les pesticides au niveau de chaque point de prélèvement : SEQ-eau [1] avant 2006, puis moyenne annuelle des concentrations totales en pesticides de chaque prélèvement, la concentration totale étant la somme des concentrations des pesticides quantifiés. Les différentes substances sont comparées à l’échelle nationale (taux de quantification, par exemple). Une des difficultés est de connaître l’évolution de la contamination (Ifen, 2007)."
  • "Un indicateur appréhende la contamination par les pesticides au niveau de chaque point de prélèvement" : actuellement, aucun indicateur sérieux et pertinent ne décrit la contamination globale réelle par les pesticides au niveau de chaque point de prélèvement. Il est pourtant tout à fait légitime et même indispensable de vouloir appréhender la contamination au niveau de chacun des points de prélèvement déjà pas si nombreux, c'est-à-dire de vouloir cerner la contamination en aval d'un nombre malheureusement limité de bassins versants de plus ou moins grande taille. Il faudrait même aussi être capable de connaitre les flux de pesticides au niveau de ces points de prélèvement exutoires des bassins versants mesurés. Une fois que l'on connait sérieusement la contamination station par station, ou du moins que l'on dispose de toutes les données brutes nécessaires à son évaluation, des méthodes mathématiques puissantes existent pour les comparer voire les regrouper sur des zones géographiques particulières ou sur des critères de chronologies de contamination similaires, etc.
  • "Une des difficultés est de connaître l’évolution de la contamination (Ifen, 2007)" : pour connaitre l'évolution de la contamination, il faudrait d'abord connaitre la contamination, et ça, plus qu'une difficulté, c'est une lacune majeure et inacceptable ; il faut d'abord définir et connaitre correctement la contamination à l'échelle d'une station de mesure d'un cours d'eau à une date donnée, ou tout au moins disposer des données pour pouvoir le faire, avant de pouvoir en étudier l'évolution chronologique et comparer les stations ou les regroupements de stations ! Là encore, pourquoi, sur l'évolution de la contamination par les pesticides, citer l'Ifen qui n'existe plus au lieu de citer le SOeS qui a justement présenté des tendances en 2010 dans la publication "SOeS 2010" ? Qui plus est, les tendances présentées dans cette publication "SOeS 2010" ("Le suivi de l’évolution de la présence des pesticides dans les milieux aquatiques se heurte à de nombreuses difficultés techniques et méthodologiques. Elles portent notamment sur la variabilité dans le temps et dans l’espace du nombre de points de mesure, des substances mesurées, des limites de quantification, des fréquences et des périodes d’analyse. Des tendances peuvent néanmoins être dégagées en étudiant les fréquences de quantification des pesticides figurant parmi les 15 substances les plus souvent rencontrées depuis 1997. Cela permet de renseigner l’évolution de la présence (ou de l’absence) des substances dans les cours d’eau mais non l’évolution de leur niveau de contamination") correspondent tout à fait à la définition de la contamination donnée par la publication Irstea 2012 ("Ici on considère que la présence d’un pesticide dans l’eau est une contamination, quelle que soit sa concentration") !

=>"Une demande forte est également exprimée de pouvoir mieux connaître et caractériser l’état de la contamination et l’exposition résultante des organismes aquatiques. Bien que peu de pesticides fassent partie des molécules prioritaires, ces produits contribuent à l’ambiance chimique et donc à l'état écologique. Il est également important d’identifier les facteurs dont dépend principalement la contamination, ainsi que les pesticides ou les milieux qui présentent le risque le plus important. Notamment, une des demandes de la directive cadre européenne sur l’eau (DCE) est d’identifier les zones à risques et d’agir sur les causes, objectifs que l’interprétation habituellement faite des données de surveillance ne permet pas d’atteindre. Cet article présente une méthode d’interprétation, par regroupement des données par hydro-écorégions (HER), qui vise à lever certaines contraintes pour tenter de répondre à ces questions et de fournir un appui aux politiques publiques dans ce domaine" : cette demande forte n'existe-t-elle pas depuis que l'Etat autorise le déversement des pesticides dans la nature tout en étant sensé protéger la ressource en eau, soit depuis 4 ou 5 décennies ? Quant à la demande de la DCE "d’identifier les zones à risques et d’agir sur les causes, objectifs que l’interprétation habituellement faite des données de surveillance ne permet pas d’atteindre", c'était déjà l'objectif assigné à l'Ifen dès 1998 : "A la demande de la Ministre chargée de l’environnement, l’Ifen a réalisé en 1998 le premier état national relatif à la présence de pesticides dans les eaux […] Prenant en compte ces constats de contamination des eaux, le gouvernement a prévu, à partir de l’an 2000, un programme visant à renforcer les actions de réduction des pollutions mises en place au niveau national et dans les régions". La publication Irstea 2012 nous explique, fin 2012, alors que l'Ifen puis le SOeS produisent régulièrement des évaluations et des tendances sur les pesticides dans les eaux depuis plus d'une décennie, que "l’interprétation habituellement faite des données de surveillance" ne permet pas "d’identifier les zones à risques et d’agir sur les causes" ! Cette affirmation est d'ailleurs complétée par la publication Irstea 2011 qui laisse entendre que les travaux précédents manquaient d'approfondissement "La base de données gérée par le SOeS sur les pesticides dans les eaux de surface en France contient plus de huit millions d’analyses. Pour interpréter de manière plus approfondie ces données, des méthodes ont été testées en se basant sur un regroupement géographique des données au sein d’entités homogènes (hydroécorégions de niveau 1). Les objectifs étaient de trouver des descripteurs et des méthodes adaptées et de tester leur pertinence afin de décrire la contamination et mettre en évidence les facteurs explicatifs" (voir aussi ici pour une interprétation plus approfondie). On nous avait pourtant raconté en 2010 que le rapport "L'environnement en France – SOeS - 2010" (donc en particulier son passage sur la contamination des eaux par les pesticides) était assis "sur des données bien assurées, des méthodes éprouvées" et qu'il était sensé "tendre vers une information de plus en plus large" pour nous donner "une perception suffisamment large et profonde des évolutions en cours" ! On nous avait aussi raconté en 2011 dans le Bilan de présence des micropolluants dans les milieux aquatiques continentaux Période 2007-2009 que "Ce bilan s’inscrit dans la continuité des précédents bilans pesticides réalisés par l’Institut français de l'Environnement (Ifen), puis par le Service de l'observation et des statistiques (SOeS). Il s’élargit aujourd’hui aux autres micropolluants suivis dans les milieux aquatiques. Il s’agit d’une action inscrite dans le Plan national micropolluants 2010-2013 dont l’objectif est de valoriser les données de surveillance acquises et de disposer d’une photographie des micropolluants présents dans les milieux aquatiques afin de contribuer à la définition de nouvelles actions" !
Si "Une demande forte est également exprimée de pouvoir mieux connaître et caractériser l’état de la contamination et l’exposition résultante des organismes aquatiques" et si "Notamment, une des demandes de la directive cadre européenne sur l’eau (DCE) est d’identifier les zones à risques et d’agir sur les causes", on imagine que la DCE a imposé à tous les Etats membres un protocole minimal de surveillance chimique adapté ainsi qu'une méthode d'évaluation de l'état chimique des eaux suffisamment performante pour y répondre. Dans ce cas pourquoi la publication Irstea 2012 a-t-elle aussi pour objectif de "tenter de répondre à ces questions" ? Cette question se pose d'autant plus que dés 2010, des publications officielles (que la publication Irstea n'a pas pu ignorer vu leur date de parution bien antérieures à la sienne, et vu qu'elle cite au moins celle du "SOeS 2010") ont présenté des bilans avec les données issues de la surveillance DCE et les méthodes d'évaluations mises en place par la DCE elle-même pour répondre à ses objectifs, dont : -le bilan de l'Onema sur l'état des eaux du 22 mars 2010 , -le bilan du "SOeS 2010" (Des normes de qualité environnementales (NQE) ont été fixées, par les autorités européennes ou nationales, pour un nombre limite de substances phytosanitaires afin de les prendre en compte dans l'évaluation de l'état des cours d'eau au regard de la DCE. Ces normes portent soit sur la moyenne annuelle des analyses (5 substances retenues pour l'évaluation de l'état écologique–voir annexe 4), soit sur la moyenne annuelle et la concentration maximale observée lors d'un prélèvement (les 13 pesticides ou groupes de pesticides figurant dans la liste des substances prioritaires et dangereuses–voir annexe 3). Le respect des normes a été étudie, pour chacune de ces 18 substances ou groupe de substances, sur les stations présentant plus de 4 analyses dans l'année sur le paramètre concerné, soit 1 822 stations) , -le bilan du SOeS sur les micropolluants dont les pesticides du 14 octobre 2011 ("Les données utilisées sont issues des réseaux de surveillance mis en place par les agences de l’eau en métropole et par les offices de l’eau dans les DOM. Ces données relèvent du programme de surveillance de la DCE (Directive Cadre sur l’Eau) : «réseau de contrôle de surveillance» (RCS) et «réseau de contrôle opérationnel» (RCO), complétés le cas échéant, de réseaux complémentaires" ; "Le respect des normes en vigueur est analysé par année, selon les règles édictées dans le cadre de l’évaluation de l’état des eaux au titre de la DCE" ; "Les normes de qualité de la directive cadre sur l’eau (DCE) sont établies en concentration moyenne annuelle quel que soit le milieu aquatique et la substance considérés, et en concentration maximale pour les eaux superficielles. Ces valeurs ont été calculées pour chacune des années 2007, 2008 et 2009") !
Tout ceci montre, et c'est très grave, que non seulement l'Etat français ne s'est pas donné par le passé les moyens de "connaître et caractériser l’état de la contamination et l’exposition résultante des organismes aquatiques" et "d’identifier les zones à risques et d’agir sur les causes", mais qu'il ne se les donne toujours pas avec la mise en place de la DCE ! La publication Irstea 2012 nous confirme s'il en était besoin que les évaluations selon les méthodes de la DCE sont un leurre. On savait tout cela et pas que pour les pesticides ! La mobilisation citoyenne n'a heureusement pas attendu la publication Irstea 2012 pour alerter sur "l’interprétation habituellement faite des données de surveillance" et sur les données de la surveillance elles-mêmes, c'est l'objet de cet article qui a toute sa place dans la série Information ou désinformation sur l'état des eaux : -une information officielle indigente sur l'état chimique des eaux jusqu'en 2009 ; -les publications officielles du SOeS depuis 2009 sur l'état des eaux et ses tendances sont consternantes ; -la surveillance des contaminants chimiques et l'évaluation de l'état chimique DCE ne sont que des leurres ; -le simulacre de réponse du MEDD aux critiques et demandes WWF/Eau-Evolution. C'est aussi l'objet des dossiers sur l'eau du WWF France ou du journaliste indépendant Marc Laimé (Qualité de l'eau: un mensonge d'Etat et articles suivants ; Scandale à l’Onema 1 et articles suivants).


=>"Cet article présente une méthode d’interprétation, par regroupement des données par hydro-écorégions (HER), qui vise à lever certaines contraintes pour tenter de répondre à ces questions et de fournir un appui aux politiques publiques dans ce domaine. Cette méthode a été développée à partir des herbicides car on dispose plus facilement de données et de mesures sur ces substances que sur les fongicides ou les insecticides."
  • "Cet article présente une méthode d’interprétation, par regroupement des données par hydro-écorégions (HER), qui vise à lever certaines contraintes pour tenter de répondre à ces questions et de fournir un appui aux politiques publiques dans ce domaine" : on attendait une méthode qui prenne enfin sérieusement en compte les contraintes liées à la problématique si délicate des pesticides, et non pas une méthode qui les lève et qui nous ramène ainsi à "l’interprétation habituellement faite des données de surveillance". Pourquoi est-on toujours dans l'incapacité d'évaluer la contamination à l'exutoire des bassins versants mesurés ? Voilà la question que l'on doit continuer à se poser. Par ailleurs, regrouper des données déficientes sur des zones qui ne sont homogènes que de façon relative et au travers d'un nombre limité de critères, ne peut pas les transformer en données de bonne qualité. "fournir un appui aux politiques publiques dans ce domaine" : là encore, on aurait aimé connaitre en détail les besoins actuels des politiques publiques dans ce domaine.
  • "Cette méthode a été développée à partir des herbicides car on dispose plus facilement de données et de mesures sur ces substances que sur les fongicides ou les insecticides" : on nous annonce une méthode qui s'applique à l'ensemble des pesticides puisqu'elle "permet de décrire la contamination". Au vu du contenu de la publication Irstea 2012, elle n'a pourtant été développée qu'à partir de quelques herbicides, sans aucune démonstration que les insecticides, fongicides, produits de dégradation, métabolites et autres substances avaient les mêmes problématiques de contamination que les herbicides, par exemple sur les aspects des faibles concentrations ou des pics saisonniers (voir Annexes 2 et 3), ni aucune analyse non plus des raisons pour lesquelles "on dispose plus facilement de données" sur les herbicides et qui pourraient rendre impossible la généralisation de cette méthode. Les faibles concentrations sont l'une de ces raisons, et même si elles constituent l'une des principales contraintes des données pesticides dans leur ensemble, elles concernent tout particulièrement l'ensemble des insecticides.
  • Ces bases de travail ne posent pas d'emblée les enjeux modernes de l'évaluation des pesticides, à savoir d'être capable d'évaluer de façon approfondie et représentative la contamination et la toxicité potentielle des eaux, sous tous leurs aspects dont en particulier les cocktails de substances, les bioaccumulations potentielles et les faibles doses et très faibles doses à effets reprotoxiques possibles. Car les concentrations dans les milieux aquatiques deviennent d'autant plus faibles que les substances modernes sont plus toxiques donc moins dosées, ou qu'elles sont utilisées en cocktails. Un rapport de l'OPECST précisait déjà en 2003, concernant les mélanges de molécules : "L'efficacité d'un produit peut être démultipliée par l'association avec un autre produit, ce qui permet de réduire les dosages. Les betteraviers de l'Artois ont réussi par ce genre de calculs à réduire les épandages d'un coefficient 10". Le rapport de l'Inserm Pesticides : effets sur la santé signale "L’évolution la plus marquée concerne les insecticides, la vente de ces derniers ayant diminué de près de 70 % entre les années 1990 et 2000 : 11 000 tonnes ont été vendues en 1990, et moins de 3 000 tonnes par an aujourd’hui. Cette baisse importante s’explique en partie par la mise sur le marché de substances actives utilisées à des quantités plus faibles, de l’ordre de quelques grammes à l’hectare". Rappelons aussi les propos tenus par l'ancien directeur de l'eau Pascal Berteaud lors d'un entretien public du 23/11/05 : "Les pesticides, c’est un risque de pollution majeur dans l’eau, avec des molécules de plus en plus puissantes qu’on a du mal à suivre parce qu’elles mutent". Les niveaux quantifiés étant plus faibles, ils passent, à toxicité égale voire supérieure, en dessous des seuils d’alerte des indicateurs substance par substance comme le bon état chimique de la DCE. Ce qui signifie qu'une méthode qui évacue grossièrement la contrainte des faibles concentrations n'est pas du tout adaptée à l'évaluation de la contamination par les pesticides. La justification du manque de données n'est simplement pas acceptable pour publier un simulacre de méthode qui ne peut servir qu'à cautionner la déficience persistante des mesures des faibles concentrations dans l’eau des rivières. Car les données disponibles depuis 2007 ne constituent pas du tout le progrès significatif attendu de la DCE et ne peuvent pas permettre d'élaborer de méthode d'évaluation sérieuse de la contamination. L'Ifen, dans son bilan pesticides publié en 2006, avait pourtant déjà à l'époque évoqué la nécessité de "présenter un rendu statistique qui soit représentatif de la contamination sous tous ses aspects".

2-Le paragraphe "Des données hétérogènes" de la publication Irstea 2012

=>"Les données étudiées sont celles centralisées par l’Ifen puis par le SOeS entre 1997 et 2009 (Ifen, 2007; SOeS, 2010) […] Nous remercions le SOeS pour nous avoir fourni les données et l'Onema pour le financement de cette étude" : on en déduit que les données étudiées comprennent les données de 2007 exploitées dans le bilan cité "SOeS, 2010". Or, dans le cadre de la validation de la méthode qu'elle propose, la publication Irstea 2012 ne produit aucun résultat (figures et graphes) avec des données ultérieures à 2006 donc issues des nouveaux protocoles de surveillance mis en place pour satisfaire à la réglementation de la DCE ; quelques remarques ici et là font pourtant penser que les données de la DCE ont bien été étudiées pour élaborer la méthode, par exemple : -"Depuis 2006, les recommandations minimales pour le suivi des pesticides par les réseaux des agences de l’eau sont : -pour le contrôle de surveillance : des analyses dans 25 % des points, une année sur trois, quatre fois par an ; -pour le contrôle opérationnel : des analyses à des points représentatifs d’une masse d’eau, tous les ans, quatre fois par an. De 2007 à 2009, il y a eu entre un et quarante-sept prélèvements par station et par an pour les réseaux des agences de l’eau (un quart des 2 960 stations ont eu au moins quatre prélèvements par an et 4 % en ont eu au moins huit par an)." ; -"Par exemple, en 2007, l’AMPA (acide aminomethylphosphonique), un métabolite du glyphosate, n’a été recherché que sur 36,9 % des stations. Or, c’est la molécule qui est la plus fréquemment quantifiée parmi les pesticides et leurs métabolites (SOeS, 2010). La concentration totale en pesticides, estimée par la somme des concentrations de chaque pesticide, n’a donc pas la même signification selon que l’AMPA a été recherché ou non" ; -"Une étude des concentrations en diuron dans une rivière du Beaujolais a également montré qu’avec un échantillonnage ponctuel, même avec une fréquence hebdomadaire, on sous-estime la concentration moyenne durant les périodes de traitement les plus pluvieuses (Rabiet et al., 2010), alors que la fréquence minimale obligatoire dans les réseaux de surveillance est de quatre fois par an". La publication Irstea 2011 précise "We used SOeS pesticide analysis data in French water courses from 1997 to 2006. At the time we carried out this study, data after 2006 were not yet available". Or cette même année 2011, le SOeS publiait un bilan sur les micropolluants dont les pesticides qui exploitait les données de 2007 à 2009 ! Pire, à l'instar de la publication Irstea 2011 mais un an plus tard, la publication Irstea 2012 ne publie de résultats (figures et de graphes) que pour les données comprises entre 1997 à 2006, alors qu'en 2012, les données 2010 sur les pesticides étaient déjà exploitées par le SOeS ! Plusieurs questions se posent donc :
1-Sur le fond, la méthode est présentée comme une méthode scientifique innovante ("les scientifiques d'Irstea ont élaboré une méthode d’interprétation basée sur le regroupement des données par hydro-écorégions qui permet de décrire la contamination et de faire le lien avec les pratiques agricoles") et qui fait sans cesse référence à la DCE -tant sur le choix des HER qui fondent la méthode ("The hydro-ecoregions were chosen to group the data. These spatial units have been defined to implement the European Water Framework Directive, which requires a typology of aquatic ecosystems based on geographical features to define reference conditions (Wasson et al., 2002)") -que sur son objectif affiché de pallier la déficience méthodologique de la DCE ("Notamment, une des demandes de la directive cadre européenne sur l’eau (DCE) est d’identifier les zones à risques et d’agir sur les causes, objectifs que l’interprétation habituellement faite des données de surveillance ne permet pas d’atteindre. Cet article présente une méthode d’interprétation, par regroupement des données par hydro-écorégions (HER), qui vise à lever certaines contraintes pour tenter de répondre à ces questions et de fournir un appui aux politiques publiques dans ce domaine") -et que surtout les données sur lesquelles elle se base qui prendraient apparemment en compte les données ultérieures à 2006 ("Les données étudiées sont celles centralisées par l’Ifen puis par le SOeS entre 1997 et 2009 (Ifen, 2007; SOeS, 2010)"). Puisque la surveillance DCE est sensée être un progrès (on nous avait expliqué en 2010 que "Les programmes de surveillance liés à la DCE, prenant la suite et complétant des programmes antérieurs, ont débuté en France en 2007. Cette année constitue ainsi une année de référence"), on suppose que la méthode de la publication Irstea 2012 a logiquement utilisé ce progrès pour innover par rapport à "l’interprétation habituellement faite des données de surveillance" ! Mais autant nous pourrions éventuellement comprendre que la publication Irstea nous vante les mérites d'un vulgaire et simplissime centile 90 appliqué à des regroupements non représentatifs sur le plan hydro-spatial, parce que les données anciennes sont de très mauvaise qualité ; autant il est difficile d'accepter que les données postérieures à 2006 issues de la surveillance DCE ne permettent pas de mettre au point de méthode moins anachronique et surtout plus performante pour "décrire la contamination et de faire le lien avec les pratiques agricoles" ! Que penser d'une méthode d'avenir validée uniquement sur les données de 1997 à 2006 acquises selon des protocoles périmés ? La publication Irstea 2012 n'est pas claire sur cette question pourtant si fondamentale du changement de la surveillance chimique, et ce grand flou artistique n'est simplement pas acceptable dans une publication scientifique et technique. A la lecture de cette publication, on est vraiment fondé à se demander à quoi sert la DCE ? Les données issues de la surveillance DCE ne permettent-elles donc pas de progresser sur le plan méthodologique ? Il est vrai que constituer un réseau de connaissance générale (donc adapté au caractère patrimonial de la ressource en eau) en mesurant les pesticides "dans 25 % des points, une année sur trois, quatre fois par an", cela ne révolutionne pas vraiment l'ancienne tradition de surveillance…
2-Sur la forme, pourquoi un document publié fin 2012 n'utilise-t-il pas les données brutes directement issues du SIE (Système d'Information sur l'Eau) géré par l'Onema ? Serait-ce un aveu que ce SIE n'est toujours pas fonctionnel ? C'est assez drôle que l'Onema finance une étude ("Nous remercions le SOeS pour nous avoir fourni les données et l'Onema pour le financement de cette étude") pour élaborer "une méthode d’interprétation basée sur le regroupement des données par hydro-écorégions qui permet de décrire la contamination et de faire le lien avec les pratiques agricoles" sans aucune illustration ni validation (figures et graphes) à partir des données issues du SIE ou de la surveillance DCE ! Sur la forme aussi, on attend d'une publication de fin 2012 dans une revue dont l'"objectif est de proposer une information claire et lisible de haute qualité scientifique et technique qui permette de nourrir le processus de l’action et/ou de la décision des différents intervenants publics et privés dans le domaine du développement rural et l'environnement" qu'elle illustre sa méthode avec des données plus récentes que celles récoltées six ans avant sa parution ! Surtout quand cette même année 2012, le lecteur dispose par ailleurs d'un bilan portant sur les données pesticides 2010 !
Nous avons donc essayé de recouper tous les éléments que nous avons pu trouver sur le web sur le sujet : -le stage "L'analyse des données relatives aux produits phytosanitaires issues des réseaux de surveillance" qui avait été proposé par le Cemagref de Lyon en 2008 ; -la remarque de la publication Irstea 2011 "At the time we carried out this study, data after 2006 were not yet available" ; -la source des données qui aurait dû, pour une publication fin 2012 et financée par l'Onema, être le SIE ; -le document Irstea de 2010 Interprétation des données 1997-2006 rassemblées par le SOeS (ex-Ifen) ; -les décalages presque toujours de l'ordre de deux ans entre l'année de prélèvement des données pesticides et leur exploitation donc à fortiori leur bancarisation et leur disponibilité, ce qui signifie que les données de 2006 étaient disponibles en 2008. Dans ces conditions, la publication Irstea 2012 n'apparait-elle pas comme un recyclage avec une simple actualisation cosmétique de façade, des travaux anciens effectués à la suite du stage "L'analyse des données relatives aux produits phytosanitaires issues des réseaux de surveillance" proposé en 2008, déjà rassemblés dans le document Irstea de 2010 Interprétation des données 1997-2006 rassemblées par le SOeS (ex-Ifen) et déjà publiés dans la publication Irstea 2011 ? Ce qui impliquerait d'une part que les protocoles de la surveillance DCE auraient bien été pris en compte pour concevoir la méthode, et d'autre part que les données anciennes auraient été jugées suffisamment représentatives de l'ensemble des données pour la valider. Peut être y-a-t-il d'autres explications, mais même si les protocoles de la nouvelle surveillance n'apparaissent pas comme un progrès significatif, n'aurait-il pas fallu, sauf à mépriser les lecteurs, au moins se donner la peine d'actualiser tous les résultats présentés (figures et graphes) pour valider la méthode en rapport avec leur date de publication, donc jusqu'aux données 2010 incluses ?
3-Une dernière question s'impose sur qui fait quoi : pourquoi l'Onema (établissement public sous tutelle du ministère de l'écologie créé en 2006 pour accompagner la mise en œuvre de la politique de l’eau en lien avec la DCE et coordonateur du SIE) a-t-il financé l'Irstea (EPST) pour faire une étude qui devrait pourtant complètement relever des missions et des compétences du SOeS (service statistique du ministère de l'écologie) ? Le SOeS a en effet récupéré le passé de traitement des données des pesticides dans les eaux de l'Ifen et est a priori tout à fait en état de traiter l'information géographique, sols et occupation des sols, dont les découpages HER avec leurs éventuelles caractéristiques de contamination par les pesticides. La publication SOeS "L'environnement en France – 2010 – L'eau" a même réussi la prouesse technique d'agréger les points de mesures de nappes souterraines selon des délimitations de bassins versants de surface ! Le SOeS a de plus déjà publié deux bilans décrivant les pesticides dans les eaux sur la base des données de 2007 ou postérieures issues de la surveillance DCE. La question se pose d'autant plus que la méthode proposée dans cette publication Irstea 2012 reste très similaire et du même niveau que celles des publications de l'Ifen et du SOeS : -même propension à utiliser des indicateurs simplistes et inadaptés à l'évaluation de la contamination globale par les pesticides et de ses tendances (moyennes, maximum, taux de quantification, centiles 90, taux de concentrations supérieures à 0,1 µg/L, etc.), -même façon de forcer les calculs malgré des données non représentatives de la contamination réelle (fréquences insuffisantes, LQ trop élevées et variables, périodes mal mesurées, panels de substances et cocktails mal mesurés, etc.), -même façon de forcer les calculs, qu'ils soient effectués avant ou après regroupement, à partir d'échantillons de stations sans représentativité hydro-spatiale. S'agissait-il d'apporter une caution scientifique pour les données pesticides exécrables issues de la surveillance chimique mise en place dans le cadre de la DCE ?


=>"L’interprétation des données provenant des réseaux de surveillance doit tenir compte de la limite de quantification (LQ) de la substance considérée. Or celle-ci peut être très différente selon les molécules, les laboratoires et les années. Notamment, l’amélioration des techniques d’analyse au cours du temps permet de faire baisser les seuils d’analyse. Cette variabilité a des conséquences sur certains indicateurs utilisés pour estimer la contamination, comme le taux de quantifications ou la moyenne des concentrations."
  • "Notamment, l’amélioration des techniques d’analyse au cours du temps permet de faire baisser les seuils d’analyse" : ce n'est pas parce l'amélioration des techniques d'analyse permet de faire baisser les seuils des analyses que ces seuils baissent effectivement ! Le manque de courage pour imposer, pour la mesure de tous les micropolluants chimiques, les limites analytiques les plus basses possibles et pour imposer qu'elles soient abaissées tous les ans en fonction des progrès réalisés sur les techniques d'analyse, c'est même une énorme lacune de la DCE et l'un des principaux obstacles à l'élaboration d'une méthode d'évaluation pertinente (Cf. par exemple les détails des évolutions annuelles des LQ de 1998 à 2008). Quand on lit (Guide technique actualisant les règles d’évaluation de l’état des eaux douces de surface de métropole) à propos du calcul de la concentration moyenne annuelle pour évaluer l'état chimique réglementaire DCE pour seulement la quarantaine de substances prioritaires "n’étant pas en mesure aujourd’hui d’atteindre les limites de quantification prévue par le projet de directive de la Commission (LQmax<=1/3NQE), il n’est pas souhaitable de conclure en comparant la moyenne calculée à la NQE alors même que l’incertitude sur la valeur de cette moyenne (Max-Min) peut être bien supérieure à la NQE", on peut à juste titre se poser des questions sur les exigences de la DCE ("Le présent guide technique vise à répondre aux exigences de la DCE consistant en une cartographie de l’état écologique actuel et une cartographie de l’état chimique actuel de chaque masse d’eau pour les eaux douces de surface") ! Le document La fiabilité des données de surveillance : de nouveaux défis ? fait d'ailleurs état de "14 substances où LQ > 30% NQE" et cite l'exemple évocateur du TBT : "l’objectif de limite de quantification (LQ) est passé de 0,020 µg/L à 0,0002 µg/L (valeur de la NQE) puis à 30% de la NQE soit 0,00006 µg/L !!"…
  • "Cette variabilité a des conséquences sur certains indicateurs utilisés pour estimer la contamination, comme le taux de quantifications ou la moyenne des concentrations" : on aurait aimé avoir des précisions mathématiques sur les "conséquences" de cette variabilité ; car les indicateurs décrits comme "certains indicateurs" sont utilisés par l'Ifen-SOeS (moyennes et les taux de quantification) mais aussi par la DCE (moyennes appliquées aux pesticides prioritaires comme aux pesticides retenus pour évaluer l'état écologique) ! Autrement dit, mais on le savait déjà, les indicateurs de l'Ifen et du SOeS et de la DCE seraient-ils donc bidons ? Ce n'est malheureusement pas en levant cette contrainte de la variabilité des LQ comme le fait la publication Irstea 2012 (voir plus bas), que l'on évaluera plus correctement la contamination par les pesticides.

=>"Par exemple, entre 1997 et 2006, le lindane (Hexachlorocyclohexane gamma) et la terbuthylazine ont eu des taux de quantifications pour l’ensemble des analyses très proches (respectivement 8,07 % et 8,26 %), alors que les niveaux de contaminations sont beaucoup plus bas dans le cas du lindane (moyenne des concentrations quantifiées respectivement de 0,01 µg/L et de 0,13 µg/L). En effet, le lindane peut être quantifié à des concentrations plus faibles que la terbuthylazine. La liste des molécules recherchées dans les prélèvements est elle aussi variable. Par exemple, en 2007, l’AMPA (acide aminomethylphosphonique), un métabolite du glyphosate, n’a été recherché que sur 36,9 % des stations. Or, c’est la molécule qui est la plus fréquemment quantifiée parmi les pesticides et leurs métabolites (SOeS, 2010). La concentration totale en pesticides, estimée par la somme des concentrations de chaque pesticide, n’a donc pas la même signification selon que l’AMPA a été recherché ou non." : encore deux exemples qui constituent, de la part de la publication Irstea 2012, une critique des méthodes utilisées dans les publications de l'Ifen et du SOeS ; certes une critique molle puisqu'il y aurait beaucoup d'autres défaillances à signaler, mais une critique quand même ! Ceci est d'autant plus grave que ce type d'indicateurs simplistes et sans représentativité ont orienté les politiques publiques sur les pesticides jusqu'à présent et qu'ils vont, au moins pour la moyenne et le maximum qui entrent dans le calcul de l'état chimique, continuer à les orienter. L'Atrazine, par exemple, a été interdite alors qu'elle était en tête des substances les plus fréquemment quantifiées dans les bilans pesticides de l'Ifen. Un rapport de 2003 de l'OPECST précisait d'ailleurs "L'interdiction de l'atrazine qui n'est que partiellement justifiée pour des raisons scientifiques a été très clairement un signal politique fort d'une détermination des pouvoirs publics à enrayer des contaminations des eaux". Rappelons aussi qu'en 2007, l'AMPA qui est annoncée comme la molécule "la plus fréquemment quantifiée parmi les pesticides et leurs métabolites (SOeS, 2010)" mais qui pourtant "n’a été recherché que sur 36,9 % des stations", était pourtant mesuré selon les nouveaux protocoles de surveillance mis en place par la France dans le cadre de la directive sur l'eau…


=>"Depuis 2006, les recommandations minimales pour le suivi des pesticides par les réseaux des agences de l’eau sont : -pour le contrôle de surveillance : des analyses dans 25 % des points, une année sur trois, quatre fois par an ; -pour le contrôle opérationnel : des analyses à des points représentatifs d’une masse d’eau, tous les ans, quatre fois par an. De 2007 à 2009, il y a eu entre un et quarante-sept prélèvements par station et par an pour les réseaux des agences de l’eau (un quart des 2 960 stations ont eu au moins quatre prélèvements par an et 4 % en ont eu au moins huit par an)" : les réseaux des agences de l'eau ? Après 2006, ne serait-il pas plus clair de préciser s'il s'agit du réseau de contrôle de surveillance (RCS) ou du réseau de contrôle opérationnel (RCO) ou de réseaux autres complémentaires ? Car le réseau de contrôle de surveillance des rivières, seul réseau prévu pour des bilans approfondis et à long terme sur la contamination ("Le programme de contrôle de surveillance est conçu pour fournir des informations sur l’état général des masses d’eau. Le réseau de surveillance se compose de plusieurs sites permanents (à la fois en France continentale et dans les territoires d’outre-mer), dans le but de disposer de suffisamment de données pour surveiller les écosystèmes aquatiques à long terme, notamment afin d’évaluer les incidences sur ces écosystèmes découlant des changements dans les conditions naturelles des masses d’eau, dus tant aux activités humaines qu’au changement climatique. Le réseau de surveillance n’a pas pour but de surveiller les différentes pressions, mais bien d’améliorer les connaissances sur l’état des masses d’eau"), n'est en réalité composé que de 1566 stations pour 1422 masses d'eau pour les rivières de la métropole (soit en général une station par masse d'eau et plus parfois). Et donc les analyses complémentaires portant sur les pesticides ne concernent en réalité qu'un quart de ces 1566 stations, soit environ 390 stations dont la représentativité n'est pas claire et dont le nombre parait dérisoire au vu de l'importance de ce type de contamination en France, premier utilisateur européen de pesticides : cela ne fait qu'environ 1 station de mesure pour 1400 km2, 4 stations de mesure par département et 17 stations de mesures par HER… Les 2960 stations de 2007 à 2009 évoquées par la publication Irstea 2012 comprennent donc forcément des réseaux autres que le RCS (RCO et autres) qui n'ont pas été conçus pour ce genre d'étude.


=>Concernant les deux paragraphes ("Différentes vitesses de variation des concentrations entre les stations de surveillance : exemple de l’isoproturon en Bretagne" et "Conséquences pour l’interprétation des données à l’échelle d’une station de surveillance") qui pointent sur les difficultés liées aux fréquences de mesures insuffisantes, on attendait autre chose de la publication Irstea 2012 que de réinventer l'eau chaude ! Car ces questions sont déjà bien connues, pour les pesticides comme d'ailleurs pour les autres micropolluants mesurés dans l'eau. La publication Irstea 2012 conseille d'augmenter les fréquences, mais les experts de la DCE l'avaient déjà demandé dés 2000 et avaient même été plus loin en suggérant des échantillonnages en continu : "Les fréquences sont choisies de manière à parvenir à un niveau de confiance et de précision acceptable" ; "Sont choisies des fréquences de contrôle qui tiennent compte de la variabilité des paramètres résultant des conditions à la fois naturelles et anthropogéniques" ou encore "In case of pesticides and other seasonally variable substances, which show peak concentrations within short time periods, enhanced sampling frequency compared to that specified in the DCE may be necessary in these periods. For example, the best sampling time for detecting concentration peaks of pesticides due to inappropriate application is after heavy rainfall within or just after the application period. Moreover, failure to comply with good agricultural practice, e.g. inappropriate cleaning of equipment during or at the end of the season before winter can also cause pesticide peak concentrations. Other reasons for enhanced sampling frequency include touristic pressures, seasonal industrial activities, which are common practice for example in pesticide production etc. The results of those measurements should be compared with the NQE-CMA […] Collecting composite samples (24h to week) might be another option to detect peak concentrations of seasonally variable compounds". Comme l'a d'ailleurs très justement résumé un internaute à propos de la mesure des pesticides dans les cours d'eau : "Actuellement nous sommes dans la situation d'évaluer une symphonie en écoutant un accord tout les cinq minutes".
La remarque suivante, sur la pertinence des fréquences imposées par la surveillance mise en place dans le cadre de la DCE ne fait que confirmer tardivement ce que les experts savaient depuis longtemps et laisse encore une fois perplexe sur la pertinence des choix techniques des gestionnaires de l'eau : "Une étude des concentrations en diuron dans une rivière du Beaujolais a également montré qu’avec un échantillonnage ponctuel, même avec une fréquence hebdomadaire, on sous-estime la concentration moyenne durant les périodes de traitement les plus pluvieuses (Rabiet et al., 2010), alors que la fréquence minimale obligatoire dans les réseaux de surveillance est de quatre fois par an"…


=>"Nous avons vu qu’avec une analyse par mois, on pouvait détecter de longues périodes de contamination par l’isoproturon à la station C, même si on rate sûrement le maximum. En revanche, nous pouvons constater, sur la figure 3, que diminuer la fréquence des prélèvements de la station A à des pas hebdomadaire ou mensuel n’aurait pas permis de détecter tous les pics de contamination. Par exemple, en 2003, en ne sélectionnant qu’une analyse par semaine, ce qui est déjà une fréquence de surveillance exceptionnelle, on ne détecte pas la contamination. Les maxima mesurés, par exemple, sont donc très différents selon la fréquence d’échantillonnage choisie, ainsi que d’autres indicateurs."
  • La figure 3 de la publication Irstea 2012 nous présente les "Résultats d’analyses ponctuelles d’isoproturon dans l’Elorn à Pont-Ar-Bled (station A) entre 2003 et 2006, avec toutes les analyses à disposition (une toutes les 2,5 semaines) ou en sélectionnant seulement une analyse par semaine puis une par mois". Comment pourrait-on "diminuer la fréquence des prélèvements de la station A à des pas hebdomadaire" vu que les données les plus fournies sont annoncées de "une toutes les 2,5 semaines" ? La fréquence des prélèvements ne serait-elle pas plutôt de "en moyenne un tous les trois jours pour la station A" comme dans le texte correspondant à la figure 2 de la publication Irstea 2012 ?
  • S'il est évident et déjà connu qu'une analyse par semaine n'est pas l'assurance de détecter correctement la contamination d'une stations d'un cours d'eau par les pesticides, l'affirmation de la publication Irstea 2012 comme quoi "Par exemple, en 2003, en ne sélectionnant qu’une analyse par semaine, ce qui est déjà une fréquence de surveillance exceptionnelle, on ne détecte pas la contamination" ne peut cependant pas se déduire des éléments publiés : elle n'est pas vraie pour tous les exemples de sous-échantillons comportant une analyse par semaine, et la publication aurait dû le préciser. Des scientifiques peuvent-ils utiliser un sous-échantillon sans faire appel à l'une des théories de l'échantillonnage statistique, donc sans présenter les résultats en conséquence, soit au minimum un calcul de la probabilité de ne pas détecter la contamination avec une analyse par semaine ? Avec par exemple la méthode du bootstrap, Eau-Evolution a simulé des calculs de concentration moyenne à partir de fréquences d'échantillonnages réduites sur une station possédant au départ 31 mesures d'atrazine effectuées en 2000 en aval de la Seine. En simulant un échantillonnage réel de 4 mesures effectuées au rythme de 1 mesure/trimestre, les moyennes obtenues (1000 simulations) varient entre 0,05 µg/l et 0,18 µg/l et 64 % des moyennes s'écartent de plus de 20 % de part et d'autre de la moyenne calculée à partir des 31 mesures. Même chose sur des cours d'eau plus petits où les variations des concentrations sont beaucoup plus contrastées : 12 mesures de diuron ont été effectuées en 2007 en aval du Gouessant. En simulant un échantillonnage réel de 4 mesures effectuées au rythme de 1 mesure/trimestre, les moyennes obtenues pour ces 4 mesures (1000 simulations) varient entre 0,02 µg/l et 0,175 µg/l et toutes les moyennes s'écartent de plus de 40 % de part et d'autre de la moyenne calculée à partir des 12 mesures.
  • Les données publiques disponibles en avril 2013 sur l'isoproturon dans l'eau de l'Elorn à Pont-Ar-Bled ("station A") de 2001 à 2006 ne correspondent pas à celles présentées dans les figures 2 et 3 de la publication Irstea 2012 (voir Annexe 24) : Les fréquences sont très inférieures, respectivement de 4, 7, 7, 7, 11 et 10 de 2001 à 2006 ; au lieu de "en moyenne un tous les trois jours" (soit environ 120 par an) dans la publication Irstea 2012. Les valeurs quantifiées aussi, au nombre de 4 et ne dépassant pas 0,14 µg/L alors qu'elles sont bien plus nombreuses et atteignent presque 0,6 µg/L dans la publication Irstea 2012. N'est-il pas anormal que toutes les données dont ont disposé Irstea et le SOeS ("Nous remercions le SOeS pour nous avoir fourni les données"), données qui concernent l'état des eaux et sont donc des données sensées être publiques, ne soient pas accessibles au public en 2013 ? Car ainsi, les citoyens ne peuvent que sous-évaluer la contamination à partir des données publiques.

=>"La vitesse de variation des concentrations varie également selon les substances. Pour les molécules mobiles mais qui se dégradent vite, il faudrait des fréquences d’échantillonnage plus élevées que pour les molécules qui ont une longue demi-vie, ou pour les molécules qui s’adsorbent fortement et qui sont probablement exportées de façon plus fugace (en fonction de la dynamique hydrologique) que les substances à forte solubilité et faible coefficient d’adsorption." : phrase pas particulièrement limpide…

3-Le paragraphe "Des profils de contamination par hydro-écorégions" de la publication Irstea 2012

=>"Nous avons vu que la fréquence d’échantillonnage est souvent trop faible pour bien détecter la contamination par les pesticides au niveau d’une seule station de surveillance, et que l’évaluation de la contamination à cette échelle est également rendue difficile par l'évolution des plans de surveillance (stations non suivies d’une année à l’autre, modifications des listes de molécules à rechercher…). Ainsi, il nous a semblé intéressant de tester une démarche tentant d’interpréter les données à une échelle plus large, en regroupant les données issues de stations de surveillance différentes, mais dont les bassins versants ont un fonctionnement relativement homogène du point de vue des transferts de pesticides. Une telle démarche permet a priori d’étudier l’évolution des contaminations au cours d’une année malgré les faibles fréquences de prélèvement, et diminue les conséquences des réorganisations des réseaux sur l’estimation de la contamination."
  • "Ainsi, il nous a semblé intéressant de tester une démarche tentant d’interpréter les données à une échelle plus large, en regroupant les données issues de stations de surveillance différentes, mais dont les bassins versants ont un fonctionnement relativement homogène du point de vue des transferts de pesticides" : regrouper les stations permet de disposer de plus de données, certes, mais en matière de données de contamination de l'eau, la quantité ne peut pas remplacer la qualité. Regrouper les résultats d'analyse aussi grossièrement que ce qui est proposé n'a aucune chance de les rendre plus fiables ni de créer une information qui n'existe pas : si on ne mesure pas correctement les faibles concentrations ni les pics de concentrations au niveau de chacune des stations, on ne les mesure pas plus en regroupant les stations ; si les LQ sont trop élevées sur chaque station, elles sont aussi trop élevées pour des regroupements de stations. De plus, les contaminations des stations situées sur une même rivière étant corrélées à cause du lien hydrologique amont-aval, regrouper des stations demande a minima de prendre en compte les phénomènes de voisinages. Faute de quoi, le même bassin versant est compté plusieurs fois de l'amont en aval, et les résultats ne sont pas représentatifs. Regrouper des stations peut déjà s'avérer hasardeux à l'échelle d'un même bassin versant, alors que dire sur un ensemble de bassins versants à "fonctionnement relativement homogène" ? Le fonctionnement d'un bassin versant peut être homogène pour certains polluants mais pas pour d'autres, y compris au sein de la famille des pesticides qui comprend des molécules au comportement très différents. Par ailleurs, les stations du contrôle de surveillance pour les pesticides sont en nombre dérisoire et on aurait grandement besoin de connaitre leur contamination chacune à part, ce qui est d'ailleurs prévu par la DCE. Ne faudrait-il pas plutôt d'efforcer de justifier scientifiquement la nécessité d'une surveillance plus performante que de perdre du temps dans l'exploitation de données issues d'un simulacre de surveillance ? Enfin l'idée de regrouper les données en vue d'une exploitation statistique par le centile 90 choisi par la publication Irstea 2012, n'est ni nouvelle ni adaptée aux pesticides ni suffisamment performante pour se prêter à l'examen du lien avec les pratiques agricoles, on le verra dans la suite.
  • "Une telle démarche permet a priori d’étudier l’évolution des contaminations au cours d’une année malgré les faibles fréquences de prélèvement, et diminue les conséquences des réorganisations des réseaux sur l’estimation de la contamination" : la quantité de données ne garantissant en rien qu'elles aient une meilleure valeur statistique et informative, on dira plutôt qu'une telle démarche est a priori vouée à l'échec, c'est-à-dire à ne produire que des résultats triviaux que n'importe quelle autre méthode simpliste permettrait aussi de produire. La question de la réorganisation des réseaux ne devrait pas se poser dans le cadre de la conception d'une méthode tournée vers l'avenir, puisque l'on dispose depuis 2006 des données issues du réseau de contrôle de surveillance (RCS) qui est normalement prévu pour être stable et pour se prêter à de telles études.

=>"Le découpage choisi est celui des hydro-écorégions de niveau 1 (HER). En effet, ces entités ont été définies par rapport à la plupart des facteurs susceptibles d’influencer la contamination des eaux de surface par les pesticides (encadré 2 et figure 4). L’occupation et les caractéristiques du sol, qui sont déterminants dans les transferts de produits phytosanitaires (Corpen, 1999), ne font pas partie des critères qui ont servi à la définition des HER. Cependant, elles sont indirectement prises en compte car la répartition des cultures est fortement dépendante des caractéristiques du milieu, de même que la pédologie est intimement liée aux caractéristiques considérées dans la délimitation des HER" : en observant la figure 10 de la publication Irstea 2012 ("Découpage basé sur les HER et l’occupation du sol, et orientation technico-économique des exploitations agricoles (Otex) majoritaire par commune"), on constate que les données pesticides issues du regroupement de stations sur une même HER de niveau 1 voire de niveau 2 ont peu de chance d'être homogènes, donc de se prêter à l'utilisation du centile 90 comme préconisé dans la publication Irstea 2012. Sur les exemples de l'atrazine et de l'isoproturon, les cartes de qualité (voir Annexes 8, 9, 21 et 22) confirment que ces substances ne sont pas réparties de façon homogène dans la plupart de ces zones. Il est d'ailleurs difficile de comprendre la cohérence entre la figure 6 de la publication Irstea 2012 (profil de contamination de l'isoproturon dans l'HER armoricaine) qui nécessite pour l'interprétation d'être réalisée sur une zone homogène, et la figure 2 de la publication Irstea 2012 (variations des concentrations d'isoproturon dans trois stations en Bretagne) qui illustre justement les "différences de comportement selon les stations de surveillance" dans une même sous-zone de l'HER armoricaine.


=>"Nous avons pris comme concentration la valeur obtenue en cas de quantification, la moitié de la valeur du seuil de quantification en cas de détection non quantifiée, et 0 si pas de détection. Le choix d’utiliser la moitié de la limite de quantification (LQ) en cas de détections de traces peut, selon les cas, surestimer ou sous-estimer la contamination, mais cela ne concerne de toute façon qu’une part négligeable des analyses (moins de 0,1 %), et dans certaines bases de données, ce cas n’est pas distingué du cas suivant. Faire l’approximation que la contamination est nulle si la molécule n’a pas été détectée peut conduire à sous-estimer la contamination. Si l’indicateur est nul, cela veut dire qu’il n’y a pas eu de contamination ou une contamination trop faible pour être quantifiée". La publication Irstea 2011 précise : "The product concentrations were equal to or above the limit of quantification (LOQ) in 2.8% of analyses, between the LOQ and the limit of detection (LOD) in less than 0.1% of analyses, and under the LOD in 97.1% of analyses" [ ] "We replaced LODs by 0 and LOQs by LOQ/2 in the database for this analysis".
  • Pour appréhender le manque de cohérence et de pertinence des choix qui ont été effectués dans les publication Irstea 2012 ou 2011 en vue d'attribuer des valeurs aux analyses non quantifiées, il faut revenir aux définitions fixées par la Nomenclature Sandre relative aux données brutes sur l'eau (voir aussi ce petit lexique sur l’eau) : les données non quantifiées sont codifiées par des codes remarques 2 (résultat inférieur à la limite de détection notée LD ou LOD "limit of detection" en anglais), des codes remarques 7 (résultat supérieur à LD mais inférieur à la limite de quantification notée LQ ou LOQ en anglais) ou des codes remarques 10 (résultat inférieur à LQ, sans autre précision ; ces codes égaux à 10 ne sont parfois qu'implicites dans les fichiers téléchargés où il n'y a que les signes "<" pour les valeurs non quantifiées ou "=" pour les valeurs quantifiées) ; les résultats indiqués sont des LD pour les codes remarques 2 et des LQ pour les codes remarques 7 et 10. Ces définitions théoriques ne sont malheureusement pas vraies en pratique, la plupart des LD étant des LQ. Pour le constater, il suffit de lire par exemple le contenu de la publication "(SOeS, 2010)" citée par la publication Irstea 2012 elle-même : "Limite de quantification (LQ) : concentration à partir de laquelle le laboratoire menant l’analyse peut indiquer avec certitude la concentration d’un paramètre. En pratique, les laboratoires ne font pas la distinction entre limite de détection et limite de quantification et la seule information disponible aujourd’hui est la limite de quantification". Il suffit aussi d'examiner de façon approfondie les données brutes, et le minimum de rigueur scientifique exige de bien prendre connaissance de la réalité des données avant de décider de la façon de gérer les données sans quantifications et de traiter mathématiquement l'ensemble des données. Les deux exemples ci-dessous illustrent l'absolue nécessité d'une démarche basique de connaissance de la réalité des données avant de les traiter :
    -Exemple 1 : Considérons d'abord le cas simple des données publiques sur l'atrazine mesurées de 1997 à 2006 et obtenues en 2009, donc à la même époque que la publication Irstea 2012 ("Les données étudiées sont celles centralisées par l’Ifen puis par le SOeS entre 1997 et 2009"). Intéressons-nous aux données sans quantification (codes remarques 2, 7 et 10). En Seine-Normandie, Artois-Picardie, Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée-Corse, et de 1997 à 2006, toutes les valeurs d'atrazine non quantifiées ont des codes remarques 2 (non détecté et LD). En Rhin-Meuse, les valeurs d'atrazine non quantifiées ont des codes remarques 2 de 1997 à 2004 puis des codes remarques 10 (non quantifié et LQ) de 2005 à 2006. En Loire-Bretagne, les valeurs non quantifiées d'atrazine ont des codes remarques 2 de 1997 à 2006, puis aussi quelques codes remarques 7 (traces et LQ) de 2004 à 2006 (de 1 % à 18 % du nombre total des valeurs non quantifiées). Peut-on accorder du crédit à l'information "détection non quantifiée" portée par le code remarque 7 ? L'examen des données disponibles pour les 4 grands bassins, Seine-Normandie, Artois-Picardie, Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée-Corse, montre que non. Car sur ces bassins, de 1997 à 2006, on passe directement du code 2 au code 1, c'est-à-dire des résultats non détectés à des résultats quantifiés, sans qu'il n'y ait jamais de "traces" (codes remarques 7), ce qui serait invraisemblable. Tout autant invraisemblable aussi la présence de "traces" en Loire-Bretagne de 2004 à 2006 mais jamais de 1997 à 2003. De plus, non seulement le code remarque 7 n'a été trouvé pratiquement qu'en 2005 et 2006 et qu'en Loire-Bretagne, mais il est localisé essentiellement sur la HER armoricaine et l'ouest de la HER tables calcaires, et donc totalement absent sur la partie Est de ce bassin. Toujours pour l'atrazine, il est intéressant de constater que dans l'échantillon de 109 stations de Loire-Bretagne ayant des analyses avec des codes remarques 7 en 2005 et 2006, 22 % des données disponibles ont des codes remarques 7 : cela donne peut être une idée de l'ordre de grandeur que pourrait peut-être avoir l'information "traces" pour l'ensemble des données s'il elle était fiable, sans doute du même niveau que le taux de quantification (26 % pour l'atrazine sur ces 109 stations et 28 % pour l'atrazine au niveau national en 2005). Au vu de la répartition du code remarque 7 dans l'ensemble des données, souvent totalement absent dans des zones immenses, on en conclut que, même si les rares codes remarques 7 présents décrivaient une information réelle de "trace", les codes remarques 2 et 10, eux, masquent forcément cette information et lui enlèvent donc toute fiabilité. De même, peut-on accorder du crédit aux valeurs portées par information "non détecté" (LD) ou "non quantifié" (LQ) ? Les codes remarques 2 sensés être des LD ont-ils des valeurs inférieures à celles des codes remarques 7 ou 10 sensés être des LQ ? L'examen des données montre que non. De façon globale sur les bassins Rhin-Meuse et Loire-Bretagne concernés par les codes 7 et 10 et pour les années 2005 et 2006, les codes remarques 7 et 10 (LQ) vont de 0,01 µg/L à 0,02 µg/L tandis que les codes remarques 2 (LD) vont de 0,01 µg/L à 0,05 µg/L. Ces codes remarques peuvent varier pour une même station tout en étant associés à des valeurs de limites analytiques tout à fait équivalentes (voir Annexes 16 et 17). De toute façon, comment accorder du crédit à un code remarque 2 lorsqu'il est associé à une LQ, c'est-à-dire à l'information comme quoi un résultat ne serait pas détecté avec une limite de détection qui est en réalité une limite de quantification ? On constate d'ailleurs, en téléchargeant, non pas en 2009 mais en 2013, les données brutes correspondant aux deux exemples de stations présentés en annexes 16 et 17, que les codes remarques 2 sont devenus des codes remarques 10 !
    -Exemple 2 : Considérons ici l'ensemble des données pesticides mesurées en 2007 et obtenues en 2009, donc à la même époque que la publication Irstea 2012 ("Les données étudiées sont celles centralisées par l’Ifen puis par le SOeS entre 1997 et 2009") : parmi les résultats non quantifiés (codes remarques 2,7 et 10), il y a environ 68 % de codes remarques 2, 32 % de codes remarques 10 et 0,1 % de codes remarques 7 ; donc 68 % de limites sensées être des LD et 32 % de limites sensées être des LQ. Si l'on observe d'un peu plus prés ces résultats non quantifiés, on constate : -que les bassins Artois-Picardie et Rhin-Meuse ne fournissent que des codes remarques 10 ; -que les bassins Seine-Normandie et Rhône-Méditerranée ne fournissent que des codes remarques 2 ; -que le bassin Adour-Garonne fournit une majorité de codes remarques 10 et quelques codes remarques 7 ; -et que le bassin Loire-Bretagne fournit une majorité de codes remarques 2 et quelques codes remarques 7. Rien que sur cet exemple de carte de limites analytiques pour le diuron, on voit facilement que les supposées LQ des bassins comme Adour-Garonne ou Rhin-Meuse paraissent souvent inférieures aux supposées LD des bassins comme Seine-Normandie ou Loire-Bretagne (D'autres exemples ici) !
    Ces deux exemples rapides montrent que l'on ne peut pas accorder d'autre crédit aux informations "non détecté", "détecté mais non quantifié" et "non quantifié" ainsi qu'aux valeurs LD et LQ portées par les codes remarques 2, 7 et 10, que d'indiquer que les résultats ne sont pas quantifiés et donner la valeur de leur LQ. La réalité des données brutes montre que ce ne sont pas seulement les valeurs LD ou LQ attribuées aux informations "non détecté", "détecté mais non quantifié" et "non quantifié" mais ces informations elles-mêmes qui n'ont aucune fiabilité, les différences régionales voire locales d'attribution des codes remarques étant à chercher du côté des pratiques des différents laboratoires et réseaux de mesures. Les informations sur les LD et sur la présence de traces ont été comme effacées de l'historique des données depuis le début de leur collecte jusqu'en 2006 voire en 2007. C'est un constat grave car il met en cause le sérieux analytique et statistique des analyses dans leur ensemble ; il réduit aussi à néant l'information "détecté mais non quantifié" sensée nous renseigner sur la présence ou l'absence d'une molécule et indispensable pour évaluer la contamination réelle des eaux et gérer sérieusement les données sans quantification. Evaluer la contamination réelle demande en effet d'évaluer aussi les cocktails de substances et donc de connaitre les nombres de pesticides présents simultanément dans un même prélèvement d'eau, donc d'avoir l'information sur leur présence (code remarque 7) et pas seulement sur leur présence quantifiée. De même, gérer correctement les données sans quantification demande de connaitre avec un grand sérieux statistique les valeurs non détectées et les valeurs des LD, afin de remplacer par exemple les valeurs non détectées par LD/2 et les traces par LQ/2. Comment accepter que les 8,6 millions d'analyses de pesticides effectuées de 1997 à 2006, et aussi une grande partie des suivantes (puisque la publication SOeS 2011 confirme aussi pour les données de 2007 à 2009 que "En pratique, les laboratoires ne font pas la distinction entre limite de détection et limite de quantification et la seule information disponible aujourd’hui est la limite de quantification") manquent à ce point de fiabilité et aient une valeur statistique si réduite, sans compter la mauvaise qualité inhérente aux défaillances des protocoles de mesure (fréquence, période, molécules, etc.) ?
  • Pour tenir compte de cette réalité des données brutes, l'ensemble des données non quantifiées doit bien évidemment être traité de façon homogène, quels que soient les codes remarques 2, 7 ou 10 qui leur sont attribués. Ce choix de l'homogénéité est d'ailleurs celui de la publication "SOeS, 2010" qui, en fonction du type de calcul, remplace les analyses non quantifiées sans distinction -soit "à hauteur de la moitié de la valeur de la limite de quantification associée" pour le calcul des concentrations moyennes, -soit par 0 pour le calcul de "la concentration totale en pesticides, ou «pesticides totaux», qui correspond, pour une station, à la somme des analyses quantifiées de pesticides". Tout en traitant de façon homogène les données en-dessous des seuils de quantification, Eau-Evolution propose systématiquement deux types de graphiques ou de cartes, en attribuant à l'ensemble de ces données soit la valeur "0" soit la valeur "LQ" : car la réalité se situe entre les deux résultats extrêmes présentés et c'est la seule chose dont on puisse être scientifiquement certain. Dans ce contexte de très mauvaise qualité des informations portant sur les analyses sans quantification, il est incompréhensible que la publication Irstea 2012 n'ait pas fait le choix de l'homogénéité : il a en effet été choisi ("Nous avons pris comme concentration" [ ] "la moitié de la valeur du seuil de quantification en cas de détection non quantifiée, et 0 si pas de détection") d'attribuer la valeur 0 aux codes remarques 2 (non détecté et LD) et la valeur LQ/2 aux codes remarques 7 (traces et LQ), ce que confirme la publication Irstea 2011 ("We replaced LODs by 0 and LOQs by LOQ/2 in the database for this analysis"). Quant aux codes remarques 10 (valeurs déclarées non quantifiées sans autre précision) qui existent pourtant dans les données publiques obtenues en 2009 à la même époque que la publication Irstea 2012, on ne connait pas le choix de la publication Irstea 2012 : -s'ils sont remplacés par la valeur 0, il aurait fallu écrire "et 0 si pas de détection ou pas de quantification" ; -s'ils sont remplacés par la valeur LQ/2 (ce que semble dire la publication Irstea 2011 par "We replaced [ ] LOQs by LOQ/2"), il aurait fallu écrire "la moitié de la valeur du seuil de quantification en cas de résultat non quantifié, avec ou sans détection". La formulation de la publication Irstea 2011 ("The result of the analysis is either the molecule concentration, the limit of detection if the molecule was not detected, or the limit of quantification if traces of the molecule were detected but not quantified") laisse aussi assez perplexe, puisqu'elle sous-entend qu'il n'y aurait aucun code remarque 10, les résultats d'analyses correspondant à ce code étant eux aussi par définition égaux à la limite de quantification, sans que l'on sache si des traces ont été ou non détectées. Mais le sort réservé aux codes remarques 10 n'est qu'accessoire. La remarque "Si l’indicateur est nul, cela veut dire qu’il n’y a pas eu de contamination ou une contamination trop faible pour être quantifiée" indique que la valeur 0 a été attribuée non seulement aux codes remarques 2, mais aussi aux codes remarques 7 (et 10) qui traduit une concentration trop faible pour être quantifiée : n'est-ce pas en contradiction avec le fait d'attribuer la valeur LQ/2 "en cas de détection non quantifiée", c'est-à-dire aux codes remarques 7 ? Selon donc les formulations du début ou de la fin du petit paragraphe de la publication Irstea 2012 expliquant son choix ("Nous avons pris comme concentration la valeur obtenue en cas de quantification, la moitié de la valeur du seuil de quantification en cas de détection non quantifiée, et 0 si pas de détection" [ ] "Si l’indicateur est nul, cela veut dire qu’il n’y a pas eu de contamination ou une contamination trop faible pour être quantifiée"), des concentrations trop faibles pour être quantifiées (codes remarques 7) sont remplacées de façon contradictoire respectivement par LQ/2 ou par 0 ! Le choix de la publication Irstea 2012, en plus d'être incompréhensif sur le fond à cause de son décalage total avec la réalité des données brutes, parait donc aussi approximatif voire incohérent sur la forme. Cette publication n'a-t-elle pas pris connaissance de la réalité des données avant de choisir comment gérer les données sans quantifications ? Bien connaitre, nettoyer et déminer les données brutes sont pourtant une condition indispensable pour obtenir des résultats valides et c'est la base et la majeure partie du travail de toutes analyse des données et mise au point méthodologique qui se prétendent scientifiques. Attribuer aux codes remarques 7 une valeur particulière égale à LQ/2, revient à biaiser l'information "détecté mais pas quantifié" qui n'est pas connue, ou, dans le cas où les quelques codes 7 présents dans les données seraient exacts, connue au mieux de façon très partielle et très peu homogène. Ce biais supplémentaire sur des données déjà largement biaisées par ailleurs (fréquences, périodes, localisation des stations, LQ, etc.) peut avoir un impact significatif et entacher les résultats présentés lorsque le centile 90 est peu élevé.
  • Car la méthode qui nous est présentée dans la publication Irstea 2012 repose sur un centile 90 qui est sensible aux valeurs attribuées aux concentrations non quantifiées, contrairement à la formulation du document Irstea de 2010 Interprétation des données 1997-2006 rassemblées par le SOeS (ex-Ifen) comme quoi le centile 90 est "Peu sensible à la façon dont on tient compte des analyses sans quantification". Les deux exemples de l'atrazine et de l'isoproturon en 2007 (voir Annexes 5, 6, 7, 18, 19 et 20), en plus de montrer que le centile 90 par quinzaines de la méthode Irstea ne donne pas une image très représentative des distributions de concentrations et de leurs chronologies, montrent que, sauf en cas rare de pic prononcé, ce centile 90 dépend des valeurs attribuées aux analyses proches des seuils de quantification : pour une même quinzaine (voir de mai à août dans les Annexes 19 et 20), le centile 90 de l'isoproturon peut ainsi varier de 0 à 0,1 µg/L suivant que l'on choisisse d'attribuer "0" ou " LQ" aux valeurs non quantifiées. Cet écart de 0,1 µg/L est énorme pour des pesticides et compromet toute velléité d'utiliser une telle méthode pour produire des tendances autres que triviales et approximatives ! Ces exemples montrent que la publication Irstea 2012 aurait dû évaluer sérieusement la sensibilité du centile 90 à la stratégie de gestion des concentrations inférieures aux seuils analytiques, gammes de valeurs qui concernent la grande majorité des analyses de pesticides !
  • La publication Irstea 2012 explique que "Le choix d’utiliser la moitié de la limite de quantification (LQ) en cas de détections de traces peut, selon les cas, surestimer ou sous-estimer la contamination, mais cela ne concerne de toute façon qu’une part négligeable des analyses (moins de 0,1 %)" : outre que la très faible valeur du pourcentage de traces aurait dû alerter sur la fiabilité de cette information, l'argument comme quoi "cela ne concerne de toute façon qu’une part négligeable des analyses" est-il un argument scientifique ? Négligeables aussi les analyses quantifiées au-dessus de 0,1 µg/L (et référence importante dans cette publication Irstea 2012 pour le seuil des LQ comme pour tester le centile 90) puisque qu'en 2007 par exemple elles ne représentent que 0,3 % des analyses totales (voir Annexe "l'ensemble des pesticides") ? Négligeable aussi toutes les analyses quantifiées puisque par exemple en 2007 elles ne représentent que moins de 1,3 % des analyses totales par exemple en 2007 ? Si les analyses concernées ne sont pas réparties de façon homogène dans l'espace et le temps, ce choix peut au contraire avoir un impact significatif car 0,1 % de 8 millions, cela représente quand même 8000 analyses ("La base de données gérée par le SOeS sur les pesticides dans les eaux de surface en France contient plus de huit millions d’analyses") ! Sur l'exemple de l'atrazine pour les données publiques disponibles de 1997 à 2006, le code remarque 7 a été trouvé essentiellement en 2005 et 2006 et localisé sur la HER armoricaine et l'ouest de la HER tables calcaires. Pour ces deux HER et ces deux années, l'impact du choix de 0,1 % n'a donc a priori rien de négligeable. Par ailleurs, si l'on rapporte le nombre de ces codes remarques 7, non pas à l'ensemble des données comme l'a fait la publication Irstea, mais à l'ensemble des données quantifiées puisque cette publication assimile ces codes remarques 7 à des valeurs quantifiées égales à LQ/2, cela deviendrait environ 3 % (10 % même sur l'exemple des données pesticides en 2007), ce qui n'est a priori pas négligeable. De toute façon, un tel choix se base normalement sur des critères logiques rigoureux, et pas en regardant a posteriori s'il risque d'avoir un impact ; sinon, ce n'est une méthode qui est proposée et testée, mais du bricolage sur un jeu de données particulier, bricolage qui n'a pas lieu d'être dans une telle publication scientifique et technique.
  • Tout ceci montre que la méthode proposée dans la publication Irstea 2012 évacue de façon tout à fait insatisfaisante la difficulté majeure pour les données pesticides qu'est le traitement des seuils analytiques et des concentrations faibles proches de ces seuils ; cette problématique cruciale reste donc toujours aussi mal appréhendée que par le passé.

=>"Nous avons ensuite élaboré des « profils de contamination », c’est-à-dire l’évolution de la contamination par une molécule au cours de l’année dans une HER. Pour cela, nous avons utilisé le 90e centile des concentrations mesurées (exemple sur la figure 5). Nous avons ensuite groupé les données obtenues par quinzaine (premiers quinze jours de chaque mois, et restant du mois). Utiliser le 90e centile (exemple sur la figure 6) permet de s’affranchir des valeurs exceptionnellement élevées, tout en permettant de visualiser les contaminations (en général, la médiane est nulle car il y a peu de quantifications). Des essais ont été faits avec d’autres centiles et le 90ecentile a été retenu car il paraissait être le meilleur compromis pour ces deux critères. On peut également utiliser un indicateur qui est le pourcentage d’analyses où une concentration de la substance supérieure à 0,1 µg/L a été quantifiée. Cet indicateur est préférable au taux de quantification, car il s’affranchit de la variabilité des LQ. Le seuil de 0,1 µg/L a été choisi, car 97,8 % des LQ ou LD renseignées dans la base de données sont inférieures ou égales à ce seuil."
  • "Nous avons ensuite élaboré des « profils de contamination », c’est-à-dire l’évolution de la contamination par une molécule au cours de l’année dans une HER" : les méthodes de regroupement des données par zone géographique quelle qu'elle soit (bassin versant, etc.) avec usage du centile 90 ne sont pas nouvelles. Le SEQ, basé sur le centile 90, préconisait déjà de regrouper les données quand elles étaient insuffisantes. L'Ifen dans son bilan sur les pesticides de 2004 avait aussi déjà prévu des regroupements spatiaux "Les principaux objectifs sont de développer des méthodes d’agrégation spatiale et temporelle des données issues des réseaux de surveillance". Eau-Evolution a aussi proposé une méthode de ce type en 2009 mais en l'appliquant : 1-sans éliminer les descripteurs statistiques élémentaires autres que le centile 90 de façon à produire un aperçu plus pertinent des distributions des concentrations ; on pouvait remarquer par exemple la persistance des concentrations très fortes (10 % des concentrations rencontrées sur cette zone étant supérieures à 55 mg/L au mois d'avril quand la vie aquatique redémarre dans les rivières) ou des concentrations hivernales élevées qui ne permettent pas d'envisager de baisse massive des flux de nitrates vers les eaux côtières ; toutes ces informations sont nécessaires aux politiques publiques. 2-aux macropolluants, en l'occurrence les nitrates, et surtout pas aux pesticides ; la mauvaise qualité des données sur les micropolluants (LQ trop élevées et variables, une très forte proportion de données non quantifiées, des fréquences de mesure trop faibles et trop inadaptées, etc.) ne permet absolument pas de leur appliquer cette méthode. 3-en Bretagne qui est une sous-zone relativement moins hétérogène de l'HER armoricaine ; si on peut réduire la surface de la zone étudiée, c'est parce qu'il y a beaucoup plus de stations mesurées pour les macropolluants que pour les micropolluants, donc beaucoup plus de données en quantité. 4-en présentant systématiquement les nombres de stations mesurées pour permettre au lecteur de juger au minimum de la représentativité des résultats en effectifs, effectifs souvent insuffisants même pour les nitrates pour certaines années ou certaines périodes ; la représentativité hydro-spatiale des échantillons ne dépendant évidemment pas que de leurs effectifs, même s'ils restent constants sur deux années consécutives, elle ne peut pas être traitée sans moyens de calcul importants (SIG, etc.) dont ne dispose pas ce modeste site citoyen. 5-en précisant bien que ces statistiques n'étaient fournies qu'à titre indicatif ; en effet, la pertinence d'un regroupement de données sur les cours d'eau est directement liée à la représentativité hydro-spatiale de ces données et à la représentativité des mesures de pollution par rapport à la pollution réelle. Ces représentativités ne peuvent être occultées et conditionnent la pertinence des comparaisons spatio-temporelles (comparaison de zones ou profils chronologiques) de ces descripteurs statistiques.
  • "Nous avons ensuite groupé les données obtenues par quinzaine (premiers quinze jours de chaque mois, et restant du mois)" : la méthode du centile 90 est sensible au découpage, c'est-à-dire au regroupement des données dans le temps, qui peut créer des biais importants. Suivant que le découpage est effectué par semaines, quinzaines ou mois, les niveaux et les positions des pics résultats peuvent être différents, et ce d'autant plus qu'il y a moins de données disponibles. On peut s'étonner qu'il n'y ait aucune évaluation mathématique de cette sensibilité, ni de la robustesse en général de cette méthode.
  • "Utiliser le 90e centile (exemple sur la figure 6) permet de s’affranchir des valeurs exceptionnellement élevées, tout en permettant de visualiser les contaminations (en général, la médiane est nulle car il y a peu de quantifications). Des essais ont été faits avec d’autres centiles et le 90ecentile a été retenu car il paraissait être le meilleur compromis pour ces deux critères. On peut également utiliser un indicateur qui est le pourcentage d’analyses où une concentration de la substance supérieure à 0,1 µg/L a été quantifiée. Cet indicateur est préférable au taux de quantification, car il s’affranchit de la variabilité des LQ. Le seuil de 0,1 µg/L a été choisi, car 97,8 % des LQ ou LD renseignées dans la base de données sont inférieures ou égales à ce seuil" : après avoir grossièrement évacué la problématique des concentrations proches des seuils analytiques qui sont légions et dont le centile 90 dépend hors périodes de pics prononcés, la publication Irstea 2012 évacue tout aussi grossièrement la problématique des valeurs élevées ! On le sait, les faibles concentrations sont mal mesurées à cause de LD non renseignées et de LQ trop élevées et trop variables et, sauf cas particulier de contamination accidentelle ou autre, les fortes concentrations n'apparaissent exceptionnelles que parce qu'elles sont mesurées avec des fréquences insuffisantes et inadaptées ; mais le rôle d'un EPST n'est-il pas plutôt d'élaborer une méthode sérieuse et capable de décrire la contamination sous tous ses aspects, de définir les critères de qualité des données nécessaires à sa mise eu œuvre et de les réclamer pour la surveillance chimique à venir ? Ce qui ne l'empêche pas de filtrer les données existantes sur ces critères de façon à éventuellement commencer à tester cette méthode ? D'une part, on ne peut pas prétendre décrire une distribution complexe de concentrations avec un seul descripteur statistique comme le centile 90. D'autre part ce centile 90 présente beaucoup de défaillances méthodologiques. Ensuite pour la majorité des pesticides, en enlevant 10 % des concentrations les plus élevées, on ne s'affranchit pas seulement "des valeurs exceptionnellement élevées", mais de la plupart des valeurs élevées voire de la plupart des valeurs quantifiées. Enfin, l'usage du pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L est tout aussi choquant. Tout cela est détaillé ci-dessous :
    1-Cet indicateur ne fournit par construction qu'une vision réductrice des distributions des concentrations. Pour permettre "de visualiser les contaminations" le centile 90 doit donc être impérativement accompagné des autres descripteurs statistiques des concentrations regroupées sur la zone. Malheureusement, ce type de descripteurs (les centiles) ne se prête pas plus aux données sur les pesticides que les indicateurs habituels ("l’interprétation habituellement faite des données de surveillance"). En effet, de façon schématique : -soit on n'applique ces centiles qu'aux données quantifiées et alors ils deviennent aussi sensibles à la variabilité des LQ que les indicateurs habituels ("Cette variabilité a des conséquences sur certains indicateurs utilisés pour estimer la contamination, comme le taux de quantifications ou la moyenne des concentrations") ; -soit on les applique à l'ensemble des données et alors seuls les centiles de rang élevé ne sont pas nuls ("Des essais ont été faits avec d’autres centiles" [ ] "en général, la médiane est nulle car il y a peu de quantifications" [ ] "As the whole percentage of quantifications is low, the median does not allow one to describe the contamination precisely, as we can see in the example of diuron in the HER 20 (sand-clay deposits) (Figure 3), and the maximum is not very representative of the contamination levels due to some extreme but unusual concentrations. Instead, we tested the 90th percentile and also tried to interpret the data with the 70th to 99th percentiles for some products, which led to similar results. The percentage of concentrations above 0,1 µg/L and the 90th percentile per 15 days were therefore the descriptors we used because they were convenient for our objectives. However, these might not be adequate to estimate the exposure of aquatic organisms") et seulement pour les molécules les plus dosées ; on verra ci-dessous que même si le choix retenu par la publication Irstea 2012 d'appliquer le centile 90 à l'ensemble des données ne donne pas autant de valeurs "nulle" que la médiane, il n'en n'est pas plus pertinent pour autant. "la médiane est nulle" : fallait-il s'attendre à autre chose après avoir choisi de décrire les concentrations avec une méthode aussi inadaptée ? C'est justement dans ce "nulle", qui n'en est pas vraiment un si l'on s'intéresse aux concentrations environnementales rencontrées, que réside toute la problématique des pesticides ! Par exemple, les médianes des valeurs quantifiées de pesticides en 2007 (voir Annexe 3), pour les 148 substances ayant eu plus de 5 quantifications sont, surtout pour les insecticides, de l'ordre de grandeur des seuils de risque chronique LTC, mais cette information n'intéresse sans doute pas les politiques publiques ! Au 21ième siècle, n'y aurait-il que des centiles ou des pourcentages pour analyser des données environnementales ?
    2-En plus de ne présenter qu'un aperçu réducteur sur la contamination, le centile 90 présente encore beaucoup de défauts (détails tout au long de cet article), si bien qu'il ne peut en aucun cas constituer une méthode sérieuse d'évaluation de la contamination : -sauf en cas rare de pic prononcé, il dépend des valeurs attribuées aux analyses proches des seuils de quantification ; -la position des pics dépend du choix du découpage et même de la date du début du découpage par semaine, quinzaine ou mois ; -le niveau d'écrêtage du centile 90 est peu précis et biaisé par le nombre des mesures variable selon la quinzaine, les stations ou la zone mesurées ; -le centile 90 est bien évidemment très sensible aussi aux fréquences des mesures (d'ailleurs l'exemple donné par la publication Irstea 2012 elle-même dans la figure 3 aurait dû déclencher une sérieuse étude de robustesse de cet indicateur "En 2006, en ne sélectionnant qu’une analyse par mois, le maximum est de 0,07 µg/L, le 90e centile est de 0,059 µg/L et le pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L est nul, comparés à respectivement 0,33 µg/L, 0,075 µg/L et 8 % si on utilise tous les résultats d’analyses disponibles") ; etc. Le SEQ eau basé sur le centile 90 était une méthode primaire et jugée inefficace depuis longtemps pour les pesticides et tous les micropolluants, et pas seulement à cause de la variabilité des LQ ! Le centile 90, après regroupement spatio-temporel des données ou pas, n'est pas adapté aux pesticides et on le sait depuis longtemps ; dans son bilan sur les données 2001, l'Ifen qui utilisait le SEQ-Eau et le centile 90 signalait déjà "La caractérisation des niveaux de contamination des eaux continentales passe par l’estimation de concentrations ou de flux annuels ou saisonniers. C’est l’évaluation de la précision de ces estimations qui permettra de qualifier le caractère significatif ou non des variations interannuelles. L’analyse approfondie de ces questions méthodologiques reste à développer".
    3-La plupart des données ne permettent pas de mesurer les pics réels sensés être écrêtés par ce centile 90 pour permettre "de visualiser les contaminations". Mais même si on mesurait réellement les pics de concentration, il serait anormal de retirer 10 % des concentrations les plus élevées de l'information pour les politiques publiques. Comment évaluer les risques de toxicité aigüe dans ce cas ? La DCE a-t-elle prévu de retirer 10 % des concentrations les plus élevées pour calculer la moyenne des concentrations permettant de visualiser l'état chimique réglementaire ? Pour la plupart des pesticides, le centile 90 n'écarte pas que les concentrations exceptionnelles, il écarte aussi le peu de concentrations élevées que l'on arrive à mesurer malgré nos protocoles déficients, voire le peu de concentrations quantifiées malgré des LQ élevées, et donc une grande partie de l'information. Quant aux concentrations réellement anormales, quelle que soit la méthode choisie, il y a de nombreuses façons mathématiques de les traiter. D'ailleurs, la publication Irstea 2012 peut-elle parler de valeurs "exceptionnellement élevées" sans l'avoir prouvé de façon scientifique (méthode des outliers, etc.) et pire, après avoir montré sur quelques exemples qu'on ne mesurait pas les pics et de loin ("Par exemple, en 2003, en ne sélectionnant qu’une analyse par semaine, ce qui est déjà une fréquence de surveillance exceptionnelle, on ne détecte pas la contamination" ou "Les maxima mesurés, par exemple, sont donc très différents selon la fréquence d’échantillonnage choisie, ainsi que d’autres indicateurs") ? Comme suite logique à cette remarque de la publication Irstea 2011 "the maximum is not very representative of the contamination levels due to some extreme but unusual concentrations. Instead, we tested the 90th percentile and also tried to interpret the data with the 70th to 99th percentiles for some products, which led to similar results", les concentrations anormales sont de l'ordre de moins de 1 %. Selon Eau-Evolution, les concentrations qui paraissent élevées dans les jeux de données disponibles demandent absolument à être replacées dans leur contexte avant d'être qualifiées d'exceptionnelles, car elles ne le sont que par rapport à des protocoles de mesure qui ne sont pas adaptés à la mesure des pesticides et qui ne mesurent pas les pics réels. Pour la plupart, ce ne sont pas des concentrations accidentelles ou anormales. Elles sont souvent caractéristiques des stations drainant des petits bassins versants plus contaminés et d'autant plus pertinentes qu'elles montrent l'état du chevelu hydrographique, information normalement importante pour les politiques publiques sur la biodiversité. Les concentrations réellement exceptionnelles ne représentent certainement que de l'ordre du millième des mesures. En 2007 par exemple (voir Annexe "l'atrazine" ou "l'isoproturon"), seulement environ 0,3 % des analyses dépassent 5 fois l'écart-type et 0,5 % des analyses dépassent 3 fois l'écart-type, pour l'isoproturon comme pour l'atrazine. Ci-dessous, quelques illustrations pour l'atrazine et l'isoproturon des seuils qui, selon la méthode la publication Irstea 2012, permettent "de visualiser les contaminations". Le nombre de valeurs élevées supprimées de la visualisation par quinzaine est variable, car il correspond à 10 % d'un nombre total d'analyses par quinzaine lui-même variable (voir Annexes 6, 7, 11, 12, 15, 19 et 20). Cela signifie que l'on peut éliminer plus de valeurs élevées dans certaines quinzaines uniquement parce qu'il y a plus de mesures, les nombres de concentrations élevées n'étant a priori pas proportionnels aux nombres de mesures surtout quand les échantillons de stations ne sont pas constants et les zones géographiques pas homogènes. Ce biais serait aggravé pour la plupart des molécules et produits de dégradations, car ils ne sont pas classés prioritaires DCE et sont donc a priori plus mal mesurés que l'atrazine et l'isoproturon. Le centile 90 varie en fonction des quinzaines suivant la stratégie de gestion des valeurs non quantifiées : -pour l'atrazine en 2007 (voir Annexes 6 et 7), de 0,02 µg/L à 0,04 µg/L (nq=LQ) ou de 0 µg/L à 0,04 µg/L (nq=0), avec des résultats aberrants, comme éliminer une faible valeur quantifiée de 0,03 µg/L ; -pour l'isoproturon en 2007 (voir Annexes 19 et 20), de 0,04 µg/L à 0,27 µg/L (nq=LQ) ou de 0 µg/L à 0,27 µg/L (nq=0). On constate que le centile 90 masque ou atténue sensiblement des pics non exceptionnels, comme le pic d'atrazine en mai 2007 ou le pic d'isoproturon en mars 2007. Ces 10 % de valeurs éliminées de l'information par le centile 90 sont malheureusement du même ordre de grandeur que les pourcentages d'analyses quantifiées (12,2 % exactement pour l'atrazine en 2007 et 10,5 % pour l'isoproturon en 2007). Le centile 90 qui permet "de visualiser" 90 % des concentrations ne permettrait donc pas de visualiser une grande partie des valeurs quantifiées d'atrazine ou d'isoproturon en 2007 ! Pour l'atrazine en 2007, les valeurs non visualisées sont pour la plupart comprises entre 0,03 µg/L à 0,05 µg/L, gammes de basses concentrations où justement peut se faire sentir son effet perturbateur endocrinien ; les nombres de valeurs non visualisées vont jusqu'à 102 analyses par quinzaine et représentent 1865 analyses pour 2007 ; le centile 90 ne permet pas de visualiser les valeurs supérieures à un ordre de grandeur des concentrations de 0,03 µg/L, en zappant l'information comme quoi plus de 400 mesures ont été quantifiées entre 0,04 et 0,1 µg/L !
    4-"On peut également utiliser un indicateur qui est le pourcentage d’analyses où une concentration de la substance supérieure à 0,1 µg/L a été quantifiée. Cet indicateur est préférable au taux de quantification, car il s’affranchit de la variabilité des LQ" : il s'affranchit de la variabilité des LQ, certes… mais il s'affranchit aussi des concentrations quantifiées inférieures à 0,1 µg/L qui représentent, par exemple en 2007, presque 80 % des analyses quantifiées (voir Annexe 1) ! C'est juste remplacer une difficulté par une autre, car le taux d'analyses supérieures à 0,1 µg/L est certainement plus sensible à la variabilité des fréquences et des périodes de mesure que le taux de quantification, surtout pour la plupart des substances qui sont moins dosées, car il s'agit alors de saisir des pics ! D'ailleurs la publication Irstea 2012 le remarque elle-même indirectement ("En 2006, en ne sélectionnant qu’une analyse par mois, le maximum est de 0,07 µg/L, le 90e centile est de 0,059 µg/L et le pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L est nul, comparés à respectivement 0,33 µg/L, 0,075 µg/L et 8 % si on utilise tous les résultats d’analyses disponibles"). Quelle incohérence entre les deux indicateurs proposé par la publication Irstea 2012 que sont le centile 90 et le taux d'analyses supérieures à 0,1 µg/L, et la définition qu'elle donne de la contamination ("Ici on considère que la présence d’un pesticide dans l’eau est une contamination, quelle que soit sa concentration") ! Par ailleurs et en toute logique, si l'on estime que les 10 % de concentrations les plus élevées sont à retirer de l'information pour les politiques publiques, il faudrait aussi les retirer du pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L… "Le seuil de 0,1 µg/L a été choisi, car 97,8 % des LQ ou LD renseignées dans la base de données sont inférieures ou égales à ce seuil" : on retrouve ici la démarche constamment appliquée dans la méthode proposée par la publication Irstea 2012, qui est de s'affranchir à la hussarde de toutes les difficultés. Si la publication Irstea 2012 avait aussi appliqué sa règle du centile 90 aux LQ, elle aurait jugé que 0,1 µg/L était une valeur à éliminer ! En quoi ce seuil de 0,1 µg/L qui est inadapté voir régressif par rapport aux enjeux serait-il pertinent dans l'évaluation de la contamination et des risques (voir Annexe 4) ? La DCE elle-même a imposé des NQE-MA inférieures à 0,1 µg/L ! La publication Irstea 2012 confondrait-elle l'état patrimonial de la ressource en eau avec l'état réglementaire des eaux potabilisables ou potables ? En tout cas, la publication Irstea 2011 conforte ce mélange des genres : "Moreover, 0,1 µg/L is the limit accepted in drinking water for almost all pesticides, so it is a good reference point in pollution assessment". Il faut se rappeler que "La norme de 0,1µg/l correspondait à la limite de détection analytique en 1980 lorsque la première directive relative à la qualité de seaux potables fut adoptée et elle répondait à la volonté politique de ne pas avoir de pesticides dans l’eau potable", c'est-à-dire que "La norme de 0,1 µg/l fixée par la directive européenne 80/775 du 15 juillet 1980 a en effet été définie sur la base de capacités d’analyse qui avaient cours il y a plus de vingt-cinq ans. Elle ne prend pas en compte la notion de risque réel présenté par chaque molécule pour le milieu aquatique" ; et que, comme l'explique d'ailleurs la publication Irstea 2012, "l’amélioration des techniques d’analyse au cours du temps permet de faire baisser les seuils d’analyse" ! Sachant que pour les eaux souterraines, le SEQ publié en 2003, fixait le premier seuil de contamination à 0,01 µg/L par substance (0,001 µg/L même pour certaines substances) : "L'état patrimonial du SEQ Eaux souterraines fournit une échelle d'appréciation de l'atteinte des nappes par la pollution et permet de donner une indication sur le niveau de pression anthropique s'exerçant sur elles sans faire référence à un usage quelconque", les LQ ne devraient pas excéder non plus 0,01 µg/L pour les eaux superficielles pour le même motif et parce qu’on sait le faire à présent sur le plan analytique (comme le montre l'annexe 4, pour pratiquement chacune des 30 substances les plus quantifiées en 2007, une partie des analyses est effectivement effectuée avec des LQ qui ne dépassent pas la valeur de 0,01 µg/L). Avec cette publication Irstea 2012, nous sommes donc bien loin de la problématique générale des micropolluants dans les cours d'eau (très faibles concentrations, cocktails de substance, flux aux exutoires des bassins versants, etc.) et des avis des experts européens qui avaient recommandé dès 1998 pour pouvoir calculer les flux d'abaisser suffisamment les limites analytiques pour qu'au moins 70 % des mesures soient détectées "it is necessary to choose an analytical method which gives at least 70 % of positive findings (i.e. no more than 30% of the samples below the detection limit)" !
  • Une telle méthode qui s'affranchit de toute la problématique des données pesticides se révèle extrêmement anachronique et décalée par rapport aux enjeux de l'évaluation de ce type de contamination ; elle ne peut, par construction, générer que des trivialités et non des informations pertinentes utiles aux politiques publiques. Concrètement, les données pesticides de 2007, année de référence pour les données de surveillances de la DCE, se présentent de la façon suivante (voir Annexe 2) :
    Les analyses quantifiées sont à 81 % des analyses d'herbicides, 10 % des analyses d'insecticides et 9 % de fongicides et autres. Mais les herbicides ne représentent que moins de la moitié des substances qui ont été quantifiées, le tiers d'entres elles étant des insecticides. Ce qui signifie donc qu'avec des LQ et des fréquences adaptées, on aurait certainement beaucoup plus d'analyses et de molécules d'insecticides quantifiées. Ce problème se pose naturellement aussi pour les herbicides. On avait par exemple en 2007 une plus grande proportion d'analyses quantifiées pour l'atrazine (12,2 %) que pour l'isoproturon (10,5 %) : cela peut s'expliquer en grande partie par les basses concentrations mieux mesurées pour l'atrazine avec 12 % des LQ supérieures à 0,02 µg/L, que pour l'isoproturon avec 30 % des LQ supérieures à 0,02 µg/L (voir Annexe 4).
    Les analyses quantifiées au-dessus de 0,1 µg/L ne représentent que 0,3 % des analyses totales et moins du quart des analyses quantifiées ; ce sont en grande majorité des analyses d'herbicides. Mais, même pour les herbicides, le quart des substances quantifiées n'ont aucune valeur quantifiée au-dessus de 0,1 µg/L, et la moitié des analyses quantifiées d'herbicides n'excédent pas 0,05 µg/L. Quant aux insecticides, la majorité des analyses quantifiées n'excèdent pas 0,1 µg/L. La moitié d'entre elles n'excèdent pas 0,02 µg/L. Il n'y a en tout qu'une vingtaine de substances, soit le dixième des substances qui ont été quantifiées en 2007, qui ont eu au moins 50 quantifications au-dessus de 0,1 µg/L. Ce sont en majorité des herbicides.
    Les herbicides ne représentant qu'environ 48 % des substances quantifiées, la méthode de la publication Irstea 2012, qui n'est en plus pas adaptée à tous les herbicides, évacue a priori de son champ d'application plus de la moitié des molécules de pesticides quantifiées ; des pesticides qui seront au mieux considérées comme du "bruit de fond", parce que ce sont soit des substances très toxiques à faible dosage, soit des substances nouvelles en augmentation, soit des substances anciennes en diminution, etc. ? Cette méthode évacue même sans doute les deux tiers voire les trois quarts des substances épandues qui se retrouvent dans les eaux, beaucoup n'étant pas ou très peu quantifiées à cause des LQ élevées et des fréquences insuffisantes et inappropriées. Notons aussi que les calculs de flux de pesticides (si utiles pour évaluer les tendances et croiser avec les pressions au niveau des bassins versants) impliquent de ne pas évacuer les faibles concentrations : elles peuvent en effet, en rapport avec les forts débits hivernaux, révéler des flux importants en aval des bassins versants et vers les eaux côtières.

=>"L’intérêt de l’interprétation à l’échelle des HER va être illustré par quelques exemples" : il manque juste une présentation scientifique et technique de tout ce que la méthode Irstea ne permet pas de savoir sur les pesticides dans les eaux ! Le reste du document n'est en effet qu'éloge d'un simulacre de méthode qui réduit les données à leur plus petit dénominateur commun exploitable et qui évacue à la hussarde toutes les difficultés liées aux données pesticides ; le tout avec une autocritique très timide et très modérée par rapport à l'éloge des prétendues performances de cette méthode. Quelques extraits (en anglais, les extraits en français étant répartis tout au long de cet article) : "Calculating percentiles of concentrations per HER is an efficient way to describe the contamination, especially the seasonal variations. However, it provides statistics on the scale of the regions and we cannot deduce the contamination of a specific site from these results. Considering the contamination patterns would be useful to design the monitoring plan, such as optimising the place and date of samplings, target substances, etc." [ ] "This way of describing seasonal variations is interesting because it shows contamination patterns which are not always visible on the scale of a stand-alone sampling site. In particular, the effects of changes in pesticide registration (such as for atrazine) are visible" [ ] "Using the 90th percentile or the percentage of concentrations above 0,1 µg/L of spatially grouped data allows one to compare substances or regions despite the differences in monitoring plans" [ ] "The contamination patterns identified so far are coherent with agricultural practices (application date, substances used). This and the persistence of these patterns between years show the relevance of the method, in spite of the constraints due to the heterogeneity of the data. It also highlights the part of the factors which influence the contamination, such as plant protection product registration or climate" [ ] "This method allows one to describe the contamination of surface water by pesticides, and particularly to show the regions and periods of relatively high contaminations". Ces performances supposées, à commencer par la capacité "de décrire la contamination", excusez du peu, sont apparemment validées sur la seule base de quelques exemples ni représentatifs, ni convaincants, ni rigoureux (ce que nous illustrons tout au long de cet article) !


=>"Pour les molécules présentant de nombreuses quantifications, les courbes de 90e centile présentent une allure similaire d’une année à l’autre. Par exemple, pour l’isoproturon dans l’HER armoricaine, on met en évidence deux périodes de contamination (figure 6). L’isoproturon est utilisé pour désherber les céréales. La première période de contamination, à partir de février, suit les applications de sortie d’hiver. La deuxième période, en novembre et décembre, correspond au désherbage au semis des céréales d’hiver. Cependant, en plus de cette similarité, ces profils peuvent montrer des différences secondaires d’une année à l’autre, soit lors d’années climatiques particulières (on peut faire l’hypothèse que, dans l’exemple de l’isoproturon, les contaminations observées en 2003 ont été plutôt faibles à cause de la sécheresse), soit par suite de l’évolution des pratiques." : sur cet exemple, n'importe quelle méthode simpliste mettrait en évidence deux périodes de contaminations, y compris des moyennes ou des pourcentages de quantification par quinzaine calculés à partir d'échantillons de stations non-représentatifs. Si on enlève l'année 2001, toutes les autres années rentrent dans le même faisceau de courbes, à ce niveau de précision qui n'est même pas évoqué. Il aurait fallu pour le moins démontrer que les différences d'une année à l'autre sont significatives compte tenu de l'incertitude des mesures (de l'ordre de 30 % ou plus rien que pour l'incertitude analytique et il y a bien d'autres incertitudes liées aux mesures, fréquences, localisation, ainsi qu'à la méthode du centile 90 elle-même) ; les graphes présentés n'indiquent même pas le nombre de stations par quinzaine, ce qui aurait été élémentaire pour avoir une idée de leur pertinence. Il aurait aussi fallu montrer que ces différences seraient vraiment liées à la sécheresse ou à l'évolution des pratiques. On remarque par exemple que, bien que 2005 ait été encore plus sèche que 2003, elle ne sort pas du faisceau de courbes.


=>"Ainsi, à l’échelle de la France, on constate que l’atrazine présentait une période de contamination assez longue chaque année, d’avril à octobre, avec un maximum en juin-juillet. Cependant, la valeur de ce maximum a baissé depuis 1997 (figure 7). Ceci est cohérent avec les usages de l’atrazine, herbicide homologué sur maïs : dans un premier temps, des réductions de doses et des interdictions locales ont causé une diminution lente des contaminations, jusqu’à fin 2003 où l’atrazine a été totalement interdite. On observe ainsi une nette diminution des détections entre 2003 et 2004, et un bruit de fond depuis", ou pour la publication Irstea 2011 "Its contamination level decreased steadily until 2003, and sharply between 2003 and 2004. This may be due to the reduction in the amount of substance applied, as a local ban on atrazine use has been implemented since 1997, with a complete ban on sale at the end of 2002 and a complete ban on use at the end of 2003" : ce constat trivial est-il sensé valider la méthode de la publication Irstea 2012 ? Car n'importe quelle méthode simpliste sans pertinence statistique réelle, en particulier au niveau des précision, rigueur et représentativité des évaluations, et appliquée à n'importe quel regroupement géographique, aurait montré que l'atrazine diminuait dans les eaux de surface ; à commencer par les méthodes utilisées dans la publication Ifen "L'environnement en France – 2006 – L'eau" ("Suite aux restrictions d’usage qui ont débuté en 1997, on constate une décroissance lente mais régulière des concentrations de l’herbicide atrazine en aval des grands bassins utilisateurs de cette molécule") ou dans le bilan SOeS 2010 ("Les fréquences de quantification de l’atrazine et de son métabolite déséthyl diminuent nettement à partir de 2001/2002" ou "on observe une baisse sensible de la présence dans les cours d’eau des molécules frappées d’interdiction (lindane, pesticides de la famille des triazines), même si elles ne disparaissent pas totalement, à l’image de l’atrazine") ! Un rapport de l'OPECST précisait déjà en 2003 (donc pour des données antérieures à 2001), en prenant en compte à la fois les pics de concentration et les fréquences de détection, "L'interdiction de l'atrazine a été décidée lorsque les mesures de limitation de dosage ont montré leur inefficacité. Certes, les pics de concentration diminuaient, mais la fréquence de détection augmentait. La réduction des dosages n'avait pratiquement aucun effet sur la contamination des eaux, compte tenu des délais de transferts de la molécule dans les sols et dans les eaux". Bien qu'aucun de ces indicateurs simplistes ne soit ni performants ni fiables, le taux de quantification est bien plus proche de la propre définition de la contamination donnée par la publication Irstea 2012 ("Ici on considère que la présence d’un pesticide dans l’eau est une contamination, quelle que soit sa concentration") que le centile 90 ("une «courbe enveloppe» de la contamination") qu'elle retient pour ses profils et qui, selon elle, permet de décrire la contamination sur les HER. Que n'importe quel indicateur simpliste, même appliqué à des échantillons de stations non-représentatifs, soit capable de montrer les variations triviales des concentrations, on le voit aussi avec les évolutions comparables des centiles 90 et des taux de quantification par quinzaine de l'atrazine et de l'isoproturon en 2007 (voir Annexes 10 et 23), ou de l'atrazine de 1996 à 2007 (voir Annexes 11 et 15). La figure 7 de la publication Irstea 2012, pas plus que les évolutions des taux de quantifications pour la méthode basée sur ces taux de quantification, ne valide donc en rien la capacité de la méthode de la publication Irstea 2012 à mettre en évidence des tendances autres que triviales. Pire, l'évolution des nombres de mesure par quinzaine de 1996 à 2007 (voir Annexe 11) montre le peu de fiabilité des centiles 90, sans compter la répartition géographique des stations qui varie aussi en même temps. La forme en pointe marquée des pics des centiles 90 interpelle aussi parce qu'elle correspond peu avec la notion de "courbe enveloppe de la contamination" et parce que les points des sommets peuvent se trouver étonnamment distants des autres points (voir Annexe 12). Pour illustrer l'impact de la représentativité hydro-spatiale sur le centile 90, nous avons calculé son évolution de 1996/1997 à 2007, -d'une part sur l'ensemble des stations comme la publication Irstea 2012 (voir Annexe 11), -et d'autre part sur une sélection des 68 stations toutes suivies depuis 1997 avec au moins 4 mesures/an (voir Annexe 15). Cet échantillon (7 stations en Artois-Picardie, 7 en Rhin-Meuse, 12 en Seine-Normandie, 4 en Loire-Bretagne, 32 en Adour-Garonne et 6 en Rhône-Méditerranée, LQ variables, nombres de mesures supérieurs à 4 mais variables) n'est certes pas plus représentatif dans l'absolu que celui de la publication Irstea 2012, mais il élimine au moins un biais, à savoir l'impact des variations des stations prises en compte selon les années. La figure 7 de la publication Irstea 2012 l'amène à distinguer trois étapes dans l'évolution du centile 90 pour l'atrazine ; nous les commentons ci-dessous :
1-"dans un premier temps, des réductions de doses et des interdictions locales ont causé une diminution lente des contaminations, jusqu’à fin 2003 où l’atrazine a été totalement interdite" : on constate que les deux profils (voir Annexes 11 et 15) ne sont pas les mêmes sur cette première étape jusqu'en 2003. On remarque d'abord, pour l'échantillon toutes stations, que l'année 1996 ne donne pas lieu à un pic élevé comme 1997 et 1998, ce que la figure 7 de la publication Irstea 2012 ne montre pas puisqu'elle commence en 1997. Ensuite, la baisse régulière du centile 90 (centile 90 d'ailleurs curieusement assimilé à la contamination) dont parle la publication Irstea entre 1997 et 2003 ("une diminution lente des contaminations, jusqu’à fin 2003" ou "Its contamination level decreased steadily until 2003") n'apparait pas du tout avec l'échantillon constant des 68 stations. Pour ce dernier profil, il n'y a pas de pics en 1997/1998 mais un pic en 2000, pic que l'on constate d'ailleurs aussi en aval de grands bassins versants comme ceux de la Loire ou de la Garonne. En l'absence de représentativité hydro-spatiale chiffrée, il n'est pas sérieux d'interpréter, à l'instar de ce qui est écrit dans la publication Irstea 2012, les pics de 1997 et 1998 et la baisse jusqu'en 2003 comme si ces résultats avaient une réelle valeur statistique, robuste et non biaisée, ni de les comparer avec le reste des années. De plus, les phénomènes de transfert dans les eaux sont multifactoriels et il aurait fallu au moins enlever mathématiquement l'effet des variations saisonnières, annuelles et interannuelles de la pluviométrie avant d'interpréter les résultats en termes de tendance et de leur trouver une explication. Entres autres biais et artefacts dus au peu d'exigence sur la qualité des données, il est possible qu'une part de décroissance régulière du centile soit liée à l'accroissement du nombre de stations mesurées, car les nombres de concentrations élevées, même calculés par quinzaine, ne sont a priori pas proportionnels aux nombres de mesures : les échantillons de stations des réseaux de connaissance générale ont en effet évolué depuis 1996 vers toujours plus de prise en compte de stations moins contaminées (les zones plutôt naturelles étant à l'origine relativement moins surveillées). La méthode du centile 90 élimine environ une dizaine de valeurs élevées par quinzaine en 1997, contre une centaine par quinzaine en 2007 (environ 1800 analyses au total en 1997 contre 18000 en 2007). C'est ainsi que des valeurs élevées en 1997 ou 1998 peuvent être inférieures au centile 90 alors qu'elles en seraient éliminées en 2000 ou 2001 sans que cela corresponde à un changement réel des contaminations. De plus, quand il n'y a pas beaucoup de mesures, ce qui est le cas jusqu'en 2006 compris, le centile 90 est très sensible aux valeurs ponctuelles.
2-"On observe ainsi une nette diminution des détections entre 2003 et 2004" : si les deux profils montrent une baisse nette du niveau du centile 90 entre 2003 et 2004, il faut d'abord, comme dans le cas précédent, enlever mathématiquement l'effet des variations saisonnières, annuelles et interannuelles de la pluviométrie avant d'interpréter les résultats en termes de tendance et de leur trouver une explication. On peut aussi mettre en cause l'interprétation en terme de "détections" qu'en fait la publication Irstea 2012 : d'une part, les taux de quantification traduisent beaucoup moins mal la notion de détection que les centiles 90 ; ensuite, la réalité des données ne permet pas de parler de détection mais seulement de quantification ; enfin et surtout, même s'ils évoluent de façon comparable, les détections à proprement parler, traduites par les taux de quantification, ne diminuent pas de façon spectaculaire entre 2003 et 2004 mais de façon progressive à partir de 2003 (voir Annexes 11 et 15), ce qui parait normal puisqu'il faut compter avec l'imprégnation importante des milieux naturels, sols et nappes phréatiques ; cela n'exclut pas là encore que l'on doive préalablement rendre les résultats représentatifs et enlever l'effet des variations pluviométriques avant de parler en termes de tendance. Notons en passant que ces imprécisions récurrentes tout au long de la publication Irstea 2012 entre contamination, détection, quantification, présence, pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L et centile 90 n'ont peut être pas leur place dans une publication scientifique et technique !
3-"et un bruit de fond depuis" : Toute la problématique actuelle de l'atrazine réside dans ce que la publication Irstea 2012 balaye comme d'un revers de la main avec son "bruit de fond depuis" 2004 (voir Annexes 7 et 14) ; la question n'est plus de vérifier que les concentrations diminuent dans un graphe affichant un centile 90 inutile et décalé, mais bien d'évaluer précisément ce "bruit de fond", la toxicité de la molécule seule ou en cocktail, et les contaminations d'origine récente interdites ou provenant des nappes souterraines. Les concentrations d'atrazine sur l'année 2007 montrent que le "bruit de fond" annoncé par la publication Irstea 2012 depuis 2004 n'en est pas vraiment un (voir Annexes 5, 6, 7, 13 et 14). Elles interpellent même sur des utilisations interdites probables dans certaines régions. Par ailleurs, si l'atrazine classée prioritaire DCE reste relativement moins mal mesurée que la plupart des pesticides, ses nombreux métabolites et produits de dégradation ne rentrent pas dans la catégorie où "l'on dispose plus facilement de données", alors que leur toxicité peut être parfois plus élevée : "Aujourd’hui, les inquiétudes viennent moins de la molécule que de son métabolite, le DEA, considéré comme plus toxique que la molécule mère". Sur l'exemple du "bruit de fond" de l'atrazine, "bruit de fond" qui concerne certainement, avec une telle méthode, une majorité de pesticides, l'examen des Annexes 13 et 14 fait plutôt apparaitre le centile 90 comme un squelette de la contamination que comme "une «courbe enveloppe» de la contamination". L'annexe 6 où les concentrations non quantifiées ont été remplacées par leur LQ fait apparaitre le centile 90 comme l'enveloppe, non pas des contaminations, mais des limites de quantifications ! Sur ce sujet, on ne peut d'ailleurs que regretter que la publication Irstea n'ait pas montré de profils de centiles 90 par quinzaine pour des insecticides. L'annexe 14 montre que le centile 99 correspondrait par contre un peu plus à la définition d'une courbe enveloppe. La figure 3 de la publication Irstea 2011 semble aussi éloquente à ce sujet.
Les variations marquées des concentrations élevées d'une substance, qu'elles soient liées aux saisons, à la pluviométrie ou à son interdiction, se voient avec tous les indicateurs triviaux. Mais les variations fines, celles qui permettent de conduire des politiques réactives, demandent des indicateurs plus élaborés et surtout la représentativité des analyses et la représentativité hydro-spatiale des échantillons de stations que l'on souhaite comparer dans le temps ou dans l'espace. Bien que ces questions de représentativité soient l'une des difficultés méthodologiques majeures, la publication Irstea 2012 ne les a pas traitées. Par ailleurs, expliquer qu'une variation de concentration est liée à une variation de la réglementation sans prendre en compte les aspects multifactoriels des phénomènes de transfert dans les eaux, ne parait pas du tout sérieux.


=>"D’une région à l’autre, on peut mettre en évidence des différences de profils de détections : importance des concentrations, étalement, dates des pics… Nous avons vu que l’isoproturon était détecté dans les eaux de surface surtout au printemps et à la fin de l’automne. Ces périodes sont toutefois décalées entre les régions. Les détections de printemps sont plus tardives en Alsace que dans l’HER armoricaine, alors que celles d’automne ont lieu plus tôt et sont plus importantes (figure 8). On observe une situation intermédiaire en Plaine de la Saône (HER 15). Ceci est cohérent avec les différences climatiques : à l’est, la reprise de végétation est plus tardive, et donc les applications d’herbicides aussi, tandis que le semis d’automne est réalisé plus tôt. Les différences de périodes de contamination peuvent également être dues à des différences d’usages. Par exemple, le diuron (herbicide) est détecté surtout en avril et mai dans les régions viticoles comme l’HER 15 Plaine de la Saône (Beaujolais et Bourgogne), tandis que dans les autres régions comme l’HER 20 Dépôts argilo-sableux, où le diuron est utilisé en zones non agricoles, le maximum de détection est plus tardif (juin et juillet). Quant à l’importance des contaminations, elles dépendent logiquement en partie des quantités appliquées. Pour estimer grossièrement ces quantités, nous avons utilisé les surfaces des cultures déclarées par canton lors du recensement général agricole (RGA) réalisé en 2000 [4], en posant comme hypothèses que les surfaces de cultures en 2000 sont représentatives de celles des années 1997 à 2006 et que les doses de substances utilisées sur une culture donnée sont identiques dans toutes les régions. La figure 9 montre qu’en effet, le pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L par HER de l’isoproturon, du 2,4-MCPA et du chlortoluron peut être expliqué en partie (entre 57 et 62 %) par le pourcentage de surface en orge ou blé tendre. Pour une même molécule, la variabilité qui reste inexpliquée peut être due à la méthode et aux données utilisées, aux différences de vulnérabilité des HER vis-à-vis des transferts de pesticides (dues à la pédologie, au climat ou à l’hydrogéologie…), ou à des différences de doses appliquées entre les régions. Il faudrait connaître les quantités réellement appliquées pour écarter la part de variabilité due à ce dernier facteur."
  • "D’une région à l’autre, on peut mettre en évidence des différences de profils de détections : importance des concentrations, étalement, dates des pics" : La difficulté n'est pas de mettre en évidence des différences, n'importe quelle méthode simpliste peut aussi le faire, mais d'établir que ces différences ont une quelconque pertinence statistique et de les justifier correctement !
  • "Nous avons vu que l’isoproturon était détecté dans les eaux de surface surtout au printemps et à la fin de l’automne. Ces périodes sont toutefois décalées entre les régions. Les détections de printemps sont plus tardives en Alsace que dans l’HER armoricaine, alors que celles d’automne ont lieu plus tôt et sont plus importantes (figure 8). On observe une situation intermédiaire en Plaine de la Saône (HER 15). Ceci est cohérent avec les différences climatiques : à l’est, la reprise de végétation est plus tardive, et donc les applications d’herbicides aussi, tandis que le semis d’automne est réalisé plus tôt" : la publication Irstea 2012 signale ("Entre 1997 et 2006 […] des stratégies d’échantillonnage différentes en termes de fréquence et dates de prélèvements, de localisation des stations de prélèvement ou de substances analysées"). Mais la réalité est bien au-delà, jusqu'à empêcher tout bilan mathématique sérieux. Les données de 1997 à 2006 sont hautement variables avec aucune représentativité hydro-spatiale et des taux de recherche des pesticides variables, en particulier pour l'isoproturon ; les réseaux de connaissance générale des pesticides dans les cours d'eau en métropole comptent par exemple 247 stations pour 1997/1998, 607 pour 2004, 819 pour 2005, 1097 pour 2006 et 1781 pour 2007 (cf. les bilans pesticides successifs de l'Ifen/SOeS à partir de 2000)… Le regroupement de stations et d'analyses qui a servi à construire la figure 8 de la publication Irstea 2012 est donc très peu fiable et n'a a priori aucune pertinence statistique ; d'autant plus que les cultures traitées et les pratiques ne sont a priori pas les mêmes de l'ouest à l'est (voir figure 10 de la publication Irstea 2012), que les conditions pluviométriques ne sont pas toujours liées à la longitude et n'ont pas été prises en compte, que des stations mesurées lors de certaines conditions climatiques ne le seraient pas forcément dans d'autres, etc. Où la représentativité hydro-spatiale, la valeur statistique des décalages ou le niveau de précision et la robustesse de ces résultats sont-ils évalués ? Où l'aspect multifactoriel des processus écologiques est-il pris en compte dans la méthode mathématique ? Les graphiques, ici comme ailleurs dans cette publication, ne montrent même pas les nombres de mesures par quinzaine, information pourtant élémentaire pour juger de la pertinence des calculs, même si ça elle ne suffit pas ! Où sont les chronologies de 1997 à 2006 des contaminations aux exutoires de bassins versants comparables sur ces trois zones et qui auraient permis de juger de la pertinence des regroupements ? Si ces résultats ressortent du jeu de données peu représentatives à tous points de vue, d'autres méthodes aussi simplistes que le centile 90 n'auraient-elles pas aussi montré les mêmes trivialités ? La figure 8 de la publication Irstea 2012 ne montre que trois HER, les autres HER montrent-elles les mêmes décalages ? Apparemment non, puisque dans le cas de l'HER des tables calcaires qui s'étale d'Ouest en Est sur une grande partie de la France, avec les différences climatiques qui vont avec, la publication Irstea 2012 ne signale aucun décalage pour les contaminations printanières et même un décalage dans le sens contraire pour les contaminations automnales "les contaminations automnales ont lieu plus tôt dans l’Ouest que dans l’Est" (voir plus bas)…
  • "Quant à l’importance des contaminations, elles dépendent logiquement en partie des quantités appliquées. Pour estimer grossièrement ces quantités, nous avons utilisé les surfaces des cultures déclarées par canton lors du recensement général agricole (RGA) réalisé en 2000 [4], en posant comme hypothèses que les surfaces de cultures en 2000 sont représentatives de celles des années 1997 à 2006 et que les doses de substances utilisées sur une culture donnée sont identiques dans toutes les régions. La figure 9 montre qu’en effet, le pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L par HER de l’isoproturon, du 2,4-MCPA et du chlortoluron peut être expliqué en partie (entre 57 et 62 %) par le pourcentage de surface en orge ou blé tendre. Pour une même molécule, la variabilité qui reste inexpliquée peut être due à la méthode et aux données utilisées, aux différences de vulnérabilité des HER vis-à-vis des transferts de pesticides (dues à la pédologie, au climat ou à l’hydrogéologie…), ou à des différences de doses appliquées entre les régions. Il faudrait connaître les quantités réellement appliquées pour écarter la part de variabilité due à ce dernier facteur" : on nous montre ici, et de façon approximative, que "l’importance des contaminations, elles dépendent logiquement en partie des quantités appliquées", si tant est que le "pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L" soit un indicateur pertinent de l'"importance des contaminations". La figure 9 de la publication Irstea 2012 montre seulement que le pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L n'est pas complètement indépendant de la pression agricole, et montre surtout (paquet de points dans le coin en bas à gauche du graphe) que si la pression est nulle alors la contamination est nulle…

=>"On peut constater sur la figure 9 que l’isoproturon présente globalement une contamination plus importante que le chlortoluron, qui lui-même a une contamination plus importante que le 2,4-MCPA. Les différences observées entre ces molécules utilisées sur les mêmes cultures peuvent être dues à des différences de doses ou de propriétés des molécules (comme la demi-vie ou le coefficient d’absorption sur le carbone organique). Des analyses en composantes principales sur le pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L par molécule et HER, pour une sélection de 55 substances actives ou métabolites, ont également montré que les contaminations sont effectivement liées à la localisation des cultures cibles, mais elles n’ont pas permis de mettre en évidence de lien entre l’importance des contaminations et les propriétés des molécules. Là encore, il faudrait connaître les quantités appliquées pour dissocier la part qui résulte des différences de doses de celle due aux propriétés des molécules"
  • "On peut constater sur la figure 9 que l’isoproturon présente globalement une contamination plus importante que le chlortoluron, qui lui-même a une contamination plus importante que le 2,4-MCPA" : il aurait fallu considérer le peu de fiabilité des données de 1997 à 2006, en particulier au niveau de la représentativité analytique et hydro-spatiale, avant de produire ce type d'analyse statistique. Quel sérieux pour des explications peu compromettantes dans le genre "Les différences observées entre ces molécules utilisées sur les mêmes cultures peuvent être dues à des différences de doses ou de propriétés des molécules" ? Et toujours la confusion entre contamination et pourcentages de concentrations supérieures à 0,1 µg/L.
  • "Des analyses en composantes principales sur le pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L par molécule et HER, pour une sélection de 55 substances actives ou métabolites, ont également montré que les contaminations sont effectivement liées à la localisation des cultures cibles, mais elles n’ont pas permis de mettre en évidence de lien entre l’importance des contaminations et les propriétés des molécules. Là encore, il faudrait connaître les quantités appliquées pour dissocier la part qui résulte des différences de doses de celle due aux propriétés des molécules" : pour ces ACP, les indications sont floues, mais on aurait apparemment encore une fois utilisé toutes les données de 1997 à 2006 ("on the whole"), ce qui parait extrêmement peu sérieux sachant le peu de fiabilité de ces données dont leur manque de représentativité analytique et spatio-temporelle (voir plus haut) et sachant que la qualité des données est une condition particulièrement indispensable pour obtenir des résultats valides à partir d'une analyse multivariée. Espérait-on obtenir des résultats autres que triviaux avec des ACP réalisées sur des données très peu fiables, avec des variables peu représentatives de la contamination réelle en qualité comme en quantité (seulement 55 substances et pas forcément toutes les substances d'usage local, seulement les concentrations supérieures à 0,1 µg/L et appréhendées par des pourcentages, etc.) et avec des individus (les HER) qui ne sont pas forcément homogènes ? Il aurait fallu au moins préciser qu'il ne s'agissait pas de montrer la contamination réelle, mais uniquement la contamination selon un certain point de vue simplificateur qui ne prend en compte -ni l'ensemble des substances -ni l'ensemble de leurs concentrations dans les eaux ! Compte tenu du niveau exécrable de fiabilité des données brutes de contamination, quelques simples cartes de points paraissent bien plus pertinentes pour lier la contamination "à la localisation des cultures cibles" que l'utilisation des 22 HER dans des ACP à l'emporte-pièce. N'aurait-il pas fallu s'interroger sur des résultats de ces ACP comme par exemple le classement du pourtour méditerranéen (HER 6) non seulement comme zone "less contaminated", mais surtout dans le même groupe que l'HER "Massif central sud" ("The PCA results show that the first component, which carries 34% of the variance, does not differentiate the individual substances (Figure 8) but the HER according to their level of contamination (Figure 9). HER 15 (plain of the Saône), 10 (Eastern limestone cuestas), 14 (hillsides of Aquitaine), 9 (limestone tables), 20 (sand-clay deposits), 12 (Armorica) and 18 (Alsace) are the most contaminated. HER 22 (Ardennes), 17 (depressions of the Massif Central), 5 (Jura and alpine foredeep), 6 (Mediterranean) and 3 (Massif Central) are less contaminated, and HER 1 (Pyrénées), 2 (Inner Alps), 4 (Vosges), 7 (Southern pre-Alps), 8 (Cévennes), 11 (Causses of Aquitaine), 13 (Landes), 16 (Corsica), 19 (Grands Causses) and 21 (Southern Massif Central), which are regions of mountains and forests, have almost no detection of pesticides") ? Car pour les stations qui drainent les zones anthropisées du pourtour méditerranéen, ce n'est pas vraiment ce que montrent les niveaux de contamination par les pesticides pris dans leur ensemble, même si ces niveaux ne sont appréhendés que de loin, par exemple par les différents indicateurs Eau-Evolution sur les cumuls de pesticides ou même par la moyenne des "pesticides totaux" du "SOeS, 2010". Ce n'est pas le fait de réaliser des analyses multivariées qui est en cause mais la façon dont elles sont effectuées, à cause de la mauvaise qualité générale des données sur les pesticides et notamment de leur manque de représentativité analytique et spatio-temporelle, mais aussi :
    -à cause de l'hétérogénéité plus ou moins forte de certaines HER ; par exemple dans le "Jura et Préalpes du nord" (HER 6) classée dans le même groupe que le Pourtour méditerranéen, le mélange de zones naturelles avec des zones anthropisées enlève tout sens au calcul d'un pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L ou d'un centile 90. Autant cela a du sens de comparer des exutoires de bassins versants de même taille, de même niveau d'anthropisation et avec les mêmes types d'occupation du sol, autant cela parait illusoire d'attendre d'ACP sur des HER de niveau 1 autre chose que des trivialités ; et cela vaut pour les pesticides comme pour les autres micropolluants.
    -à cause de la restriction du nombre des substances prises en compte. La publication Irstea 2011 précise "To restrict the number of variables, we considered only the 55 substances for which there were more than 10 000 analyses and which have the highest percentage of concentrations above 0,1 µg/L on the whole" : cette liste des 55 substances retenues ne comprenant sauf erreur que 2 insecticides (excepté le chlordécone utilisé majoritairement dans l'outremer et dont la contribution est minime vu sa position très proche de l'origine dans la figure 8 de la publication Irstea 2011), on voit mal comment elle permettrait de comparer vraiment "the contamination levels between substances and HER-1" quand on sait l'importance des vergers et des vignes dans certaines régions ("For example, there are lots of vineyards, orchards and flowers growing in the HER 6 (Mediterranean), whereas in the HER 1 (Pyrénées) the dominant farming is ruminant husbandry"). Sur l'exemple des données de 2007 (voir Annexe "l'ensemble des pesticides"), le tiers des substances quantifiées sont des insecticides, on peut donc fortement douter de la représentativité de cet échantillon de 55 substances qui ne comprend que 5 % d'insecticides.
    -à cause du choix de ne pas prendre en compte l'ensemble des concentrations quantifiées mais seulement les concentrations supérieures à 0,1 µg/L. Là encore, la publication Irstea 2012 réduit "la contamination" au "pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L"… Les pourcentages de valeurs supérieurs à 0,1 µg/L ne sont pourtant qu'un aspect extrêmement réducteur, non représentatif, biaisé et peu à jour des caractéristiques de la contamination par les pesticides. L'exemple des données 2007 (voir Annexe "l'ensemble des pesticides") montre que les analyses quantifiées au-dessus de 0,1 µg/L ne représentent que 0,3 % des analyses totales et moins du quart des analyses quantifiées, et que seules une vingtaine de substances, soit le dixième des substances qui ont été quantifiées, ont eu au moins 50 quantifications supérieures à 0,1 µg/L au cours de l'année sur l'ensemble du territoire. Même pour les herbicides, le quart des substances quantifiées n'ont aucune valeur quantifiée au-dessus de 0,1 µg/L, et la moitié des analyses quantifiées n'excédent pas 0,05 µg/L. Quant aux insecticides, la majorité des analyses quantifiées n'excèdent pas 0,1 µg/L, la moitié d'entre elles n'excédant pas 0,02 µg/L. Et pourtant "Les pesticides, dont un grand nombre sont utilisés en Europe et en Australie, réduisent jusqu'à 42 % des populations d'insectes et autres formes de vie des rivières et ruisseaux en Allemagne, en France et en Australie, selon une recherche publiée lundi 17 juin aux Etats-Unis"… On constate aussi sur ce même exemple des données 2007 (voir les statistiques indicatives sur les concentrations quantifiées par substance) que l'échantillon des 55 substances mélange des substances pour lesquelles le pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L n'a pas la même signification : les concentrations supérieures à 0,1 µg/L sont des concentrations environnementales élevées pour certaines substances (2,4-D, etc.) mais pas pour d'autres (glyphosate, etc.) ; cela signifie que les substances ne sont pas traitées de façon homogène dans ces ACP, certaines n'étant perçues que par leurs concentration élevées voire très élevées, et d'autre par leurs concentrations courantes voire la majorité de leurs concentrations quantifiées...

4-Le paragraphe "Applications et évolutions de la méthode" de la publication Irstea 2012

=>"Cette méthode, en permettant de mettre en évidence l’état de la contamination des eaux de surface par les pesticides à partir des données de surveillance, peut fournir une base aux politiques publiques qui nécessitent une connaissance de la contamination" : n'était-ce pas déjà le rôle de la surveillance et de l'évaluation de l'état des eaux par la DCE ? En quoi cette méthode complètement réductrice et inapte à évaluer la contamination réelle des eaux de surface par les pesticides ou ses tendances, peut-elle fournir une base à des politiques publiques, il est vrai jusqu'à présent peu critiques par rapport aux informations déficientes sur l'état réel des eaux ?


=>"Lors de la demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytosanitaire, ou de modification de ses usages, les risques induits par l’utilisation de ce produit sont évalués a priori. Notamment, des concentrations maximales prévisibles dans les eaux sont calculées. La surveillance de la contamination après la mise sur le marché des produits permet de vérifier si l’évaluation du risque a été correcte. Les profils de contamination peuvent ainsi être comparés aux concentrations prévisibles. De même, ils pourraient également être utilisés pour la validation des outils d’évaluation des risques de contamination développés pour le rapportage DCE (outils ARPEGES de l’Onema et Irstea et MERCAT’EAU de Footways). Le regroupement des données par HER permet d’étudier l’évolution de la contamination d’année en année, ce qui est intéressant pour évaluer l’effet de la mise en place de mesures de gestion du risque (diminution des doses, augmentation des zones non traitées, installation de zones tampons, interdiction de certains usages…). Enfin, les profils de contamination peuvent être utilisés pour ajuster les plans de surveillance pour les produits déjà retrouvés dans les eaux, en ciblant les périodes où la contamination est la plus élevée. Nous avons vu que l’évaluation de la contamination était très contrainte par la fréquence d’analyses. Un moyen de réduire le risque de ne pas détecter un pic de contamination tout en gardant le même nombre d’analyses, et donc le même coût, serait de concentrer les analyses pendant les périodes où la contamination est le plus susceptible de se produire, soit en choisissant les dates des prélèvements (faisable s’il y a des cultures majoritaires avec des périodes de traitement, et donc d’exportation, privilégiées), soit en sélectionnant les molécules que l’on va analyser dans les prélèvements (inutile en cas d’analyses multi-résidus)."
  • "Lors de la demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytosanitaire, ou de modification de ses usages, les risques induits par l’utilisation de ce produit sont évalués a priori. Notamment, des concentrations maximales prévisibles dans les eaux sont calculées. La surveillance de la contamination après la mise sur le marché des produits permet de vérifier si l’évaluation du risque a été correcte. Les profils de contamination peuvent ainsi être comparés aux concentrations prévisibles" : comment peut-on juger des "concentrations maximales prévisibles" avec des profils de contamination qui éliminent 10 % des concentrations élevées soit grosso-modo la plupart des concentrations quantifiées ? Comment prendre au sérieux la remarque "La surveillance de la contamination après la mise sur le marché des produits permet de vérifier si l’évaluation du risque a été correcte", quand on sait les déficiences de la surveillance chimique des eaux et des milieux aquatiques ainsi que de l'évaluation du risque ou quand on sait les impacts déjà effectifs des micropolluants toxiques sur la vie aquatique (voir ici ou ici ou encore ici) ?
  • "De même, ils pourraient également être utilisés pour la validation des outils d’évaluation des risques de contamination développés pour le rapportage DCE (outils ARPEGES de l’Onema et Irstea et MERCAT’EAU de Footways)" : il reste à espérer que la contamination calculée et prise en compte par ces outils pour évaluer les risques de contamination est un peu plus élaborée que celle qui est décrite par la méthode du centile 90 de cette publication Irstea 2012 !
  • "Le regroupement des données par HER permet d’étudier l’évolution de la contamination d’année en année, ce qui est intéressant pour évaluer l’effet de la mise en place de mesures de gestion du risque" : là aussi, ces propos ne sont qu'une généralisation abusive de la capacité d'un centile 90 sur quelques zones et quelques molécules à montrer des tendances autres que triviales !
  • "Enfin, les profils de contamination peuvent être utilisés pour ajuster les plans de surveillance pour les produits déjà retrouvés dans les eaux, en ciblant les périodes où la contamination est la plus élevée" : toujours cette simplification à outrance de la contamination, on n'évalue pas correctement voire pas du tout les concentrations environnementales habituelles qui ne sont pas élevées, les concentrations les plus élevées, les effets cocktails, les faibles concentrations proches des limites analytiques, etc.
  • "Un moyen de réduire le risque de ne pas détecter un pic de contamination tout en gardant le même nombre d’analyses, et donc le même coût, serait de concentrer les analyses pendant les périodes où la contamination est le plus susceptible de se produire" : augmenter les fréquences de mesure lorsque les concentrations varient rapidement, cela devrait relever du sérieux statistique de base de n'importe quel protocole de mesure. Par contre, concentrer les analyses dans certaines périodes au détriment du reste, comme le propose la publication Irstea 2012, mettrait gravement en danger l'évaluation du risque qui n'est pas largement lié qu'aux concentrations significatives (effets des très faibles doses, cocktails, etc.). Plus grave encore, cela empêcherait toute possibilité de calculer les flux de pesticides, ces flux pouvant être importants lorsque les débits sont élevés, même si les concentrations sont faibles. Le principe de précaution élémentaire voudrait que l'on arrête d'effacer l'historique déjà squelettique de l'historique des données chimiques sur l'eau. Que l'argent dépensé pour les travaux et les publications inutiles de ce type soit plutôt consacré à mesurer plus correctement les pollutions !

=>"Une directive européenne définit le bon état chimique des masses d’eau de surface comme le respect des normes de qualité environnementale (NQE). Ces NQE sont des limites de concentration, de deux types : -la concertation moyenne de la substance considérée, calculée sur une période d’un an. Cette norme vise à garantir la qualité du milieu aquatique vis-à-vis de l’exposition chronique des organismes ; -la concentration maximale admissible de la substance, mesurée de manière ponctuelle. Cette seconde norme vise à limiter les pics de pollution et donc l’exposition aiguë des organismes. Elles sont définies en fonction de l’effet de ces substances sur les organismes aquatiques, les prédateurs supérieurs et la santé humaine. Des NQE ont été fixées au niveau européen pour les substances dites prioritaires et dangereuses, parmi lesquelles figurent treize pesticides ou groupes de pesticides, et au niveau français pour des substances pertinentes dont cinq pesticides. Une méthode d’interprétation des données telle que le calcul d’un profil de contamination est cohérente avec cette logique de vérifier, d’une part, la qualité à court terme, et d’autre part, la qualité à long terme de l’eau. Elle permet d’identifier, par comparaison entre le profil de contamination et les NQE, les régions où une substance prioritaire ou pertinente peut présenter un risque pour les organismes" : La "qualité à court terme" dont parle la publication Irstea 2012, c'est sans doute la NQE-CMA (concentration maximale admissible) avec laquelle le centile 90 des profils de contamination ne peut en général pas être comparé puisqu'il enlève 10 % des mesures élevées, en réduisant parfois considérablement l'ampleur réelle des pics (voir par exemple Annexe 14). Si la DCE a introduit les NQE-CMA, ce n'est pas pour occulter les quelques concentrations élevées que l'on arrive à mesurer malgré les fréquences insuffisantes et inadaptées ! Quant à la "qualité à long terme", la NQE-MA (moyenne annuelle) doit être comparée à des moyennes annuelles de concentrations par station ; mais comment compare-t-on une chronologie de centiles 90 par quinzaines avec cette NQE-MA, sachant qu'en plus, on n'a pas accès à l'information sur les concentrations élevées dans les centiles 90 puisqu'elles en sont enlevées, alors que ces concentrations élevées sont sensées entrer dans le calcul des moyennes annuelles réglementaires DCE ? "Une méthode d’interprétation des données telle que le calcul d’un profil de contamination est cohérente avec cette logique de vérifier, d’une part, la qualité à court terme, et d’autre part, la qualité à long terme de l’eau" : le problème, ce n'est pas d'être cohérent avec le fait d'évaluer des qualités à court et à long terme, mais d'être capable d'évaluer ces qualités, c'est-à-dire de définir scientifiquement la qualité chimique réelle de l'eau sous tous ses aspects et d'en proposer des modes de calculs performants ! "L'Identification des situations à risque pour les organismes aquatiques ou la santé humaine" se réduirait donc à quelques substances en nombre très limité possédant une norme de qualité réglementaire et examinées chacune à part avec des méthodes archaïques comme des moyennes annuelles, des concentrations maximales ou des centiles 90, surtout quand on connait le caractère hautement empirique et insuffisant des normes et de l'état chimique DCE ? Une publication scientifique et technique peut-elle renvoyer l'évaluation patrimoniale du risque toxique à une évaluation a minima purement réglementaire ? "Elle permet d’identifier, par comparaison entre le profil de contamination et les NQE, les régions où une substance prioritaire ou pertinente peut présenter un risque pour les organismes" : les publications du SOeS le font déjà avec des simples cartes de points regroupables selon les critères que l'on souhaite, et pas que pour les pesticides ("Le respect des normes en vigueur est analysé par année, selon les règles édictées dans le cadre de l’évaluation de l’état des eaux au titre de la DCE" ; "Les normes de qualité de la directive cadre sur l’eau (DCE) sont établies en concentration moyenne annuelle quel que soit le milieu aquatique et la substance considérés, et en concentration maximale pour les eaux superficielles. Ces valeurs ont été calculées pour chacune des années 2007, 2008 et 2009") ! Qu'est-ce que quelques profils de contamination pour quelques substances sur quelques zones géographiques apportent de plus que l'état chimique de la DCE ?
Quant à la prise en compte de la santé humaine dans les NQE ("Elles sont définies en fonction de l’effet de ces substances sur les organismes aquatiques, les prédateurs supérieurs et la santé humaine"), on ne peut que rester perplexe devant les propos du directeur de l'eau et de la biodiversité lors d'un interview de février 2013 : "La DCE ne porte pas sur l’état sanitaire des masses d’eau, mais bien sur leur état environnemental" !


=>"La caractérisation de la contamination des eaux est nécessaire, d’une part pour l’étude du lien de causalité entre pression phytosanitaire et contamination (et donc exposition des organismes aquatiques), et d’autre part entre exposition des organismes aquatiques et impact sur ces organismes de la pollution. Une meilleure connaissance du lien entre pression et contamination permettrait notamment d’expliciter l’influence de la vulnérabilité du milieu et des propriétés des molécules (vitesse de dégradation ou capacité d’adsorption, par exemple) sur les transferts de pesticides. Pour cela, il faudrait toutefois disposer de données quantitatives sur l’utilisation des produits phytosanitaires, pour isoler l’influence des autres facteurs. La Banque nationale des ventes de produits phytopharmaceutiques par les distributeurs (BNVD), qui contient les données déclarées par les distributeurs pour le paiement de la redevance pour pollutions diffuses à partir du 1er janvier 2008, pourrait fournir les données nécessaires, sous réserve que la résolution de restitution de ces données soit suffisante. Identifier les paramètres qui jouent le plus sur les transferts vers les eaux de surface permettrait la définition de plans d’actions visant à réduire la contamination, en adaptant les pratiques culturales. Enfin, après l’étude du lien pression-contamination, il pourrait également être intéressant de faire le lien avec l’impact des molécules sur le milieu aquatique, en comparant la contamination et les données biologiques observées (indice IBGN, par exemple) pour tenter d’établir un lien de cause à effet. Le Groupe d’experts recherche (GER) de l’axe 3 du plan Ecophyto 2018 a identifié comme besoin de recherche prioritaire l’exploration de la connexion entre usages et risques, notamment par la validation d’indicateurs permettant de décrire la chaîne pratiques-pressions-impacts. La méthode d’évaluation de la contamination par HER peut être utilisée dans cette optique"
  • "La caractérisation de la contamination des eaux est nécessaire, d’une part pour l’étude du lien de causalité entre pression phytosanitaire et contamination (et donc exposition des organismes aquatiques), et d’autre part entre exposition des organismes aquatiques et impact sur ces organismes de la pollution" : la publication Irstea 2012 considère-t-elle vraiment avoir caractérisé la contamination en la décrivant par les seuls filtres obtus d'un centile 90 ou d'un pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L ? Les propos dans ce sens ne manquent pas, sous-entendant que l'exposition des organismes aquatiques aussi serait caractérisée ("Face aux résultats des millions d’analyses ponctuelles de la présence de pesticides dans les eaux de surface, les scientifiques d'Irstea ont élaboré une méthode d’interprétation basée sur le regroupement des données par hydro-écorégions qui permet de décrire la contamination et de faire le lien avec les pratiques agricoles" ; "Cette méthode, en permettant de mettre en évidence l’état de la contamination des eaux de surface par les pesticides à partir des données de surveillance, peut fournir une base aux politiques publiques qui nécessitent une connaissance de la contamination" ; "Une demande forte est également exprimée de pouvoir mieux connaître et caractériser l’état de la contamination et l’exposition résultante des organismes aquatiques [ ] Cet article présente une méthode d’interprétation, par regroupement des données par hydro-écorégions (HER), qui vise à lever certaines contraintes pour tenter de répondre à ces questions et de fournir un appui aux politiques publiques dans ce domaine" ; "La caractérisation de la contamination des eaux est nécessaire, d’une part pour l’étude du lien de causalité entre pression phytosanitaire et contamination (et donc exposition des organismes aquatiques), et d’autre part entre exposition des organismes aquatiques et impact sur ces organismes de la pollution", etc.). Mais la remarque de la publication Irstea 2011 ("As the whole percentage of quantifications is low, the median does not allow one to describe the contamination precisely, as we can see in the example of diuron in the HER 20 (sand-clay deposits) (Figure 3), and the maximum is not very representative of the contamination levels due to some extreme but unusual concentrations. Instead, we tested the 90th percentile and also tried to interpret the data with the 70th to 99th percentiles for some products, which led to similar results. The percentage of concentrations above 0,1 µg/L and the 90th percentile per 15 days were therefore the descriptors we used because they were convenient for our objectives. However, these might not be adequate to estimate the exposure of aquatic organisms") laisse perplexe : elle laisse en effet entendre que "The percentage of concentrations above 0,1 µg/L and the 90th percentile per 15 days" permettent "to describe the contamination precisely" et sont "very representative of the contamination levels", mais ne sont pas pour autant "adequate to estimate the exposure of aquatic organisms" ! Loin de toutes ces paroles qui nous paraissent bien légères pour une publication scientifique et technique, la réalité est que la méthode proposée par la publication Irstea 2012 ne permet ni de caractériser la contamination réelle des eaux, ni d'estimer l'exposition réelle des organismes aquatiques ! "il pourrait également être intéressant de faire le lien avec l’impact des molécules sur le milieu aquatique, en comparant la contamination et les données biologiques observées (indice IBGN, par exemple) pour tenter d’établir un lien de cause à effet" : de même que la contamination ne peut se résumer à un centile 90, les données biologiques et l'écotoxicité peuvent-elles se résumer à un indice IBGN ou même à deux ou trois indices biologiques de plus ? Pourquoi par exemple, ces indicateurs biologiques relativement anciens n'ont-ils pas alerté plus tôt sur les effets des micropolluants (pesticides, métaux, HAP, PCB, phtalates, solvants, médicaments, etc.) sur les espèces aquatiques ?
  • "Une meilleure connaissance du lien entre pression et contamination permettrait notamment d’expliciter l’influence de la vulnérabilité du milieu et des propriétés des molécules (vitesse de dégradation ou capacité d’adsorption, par exemple) sur les transferts de pesticides. Pour cela, il faudrait toutefois disposer de données quantitatives sur l’utilisation des produits phytosanitaires, pour isoler l’influence des autres facteurs. La Banque nationale des ventes de produits phytopharmaceutiques par les distributeurs (BNVD), qui contient les données déclarées par les distributeurs pour le paiement de la redevance pour pollutions diffuses à partir du 1er janvier 2008, pourrait fournir les données nécessaires, sous réserve que la résolution de restitution de ces données soit suffisante" : incroyable que l'on déverse des pesticides depuis des décennies sans disposer de données de pression fiables ; il faudrait aussi que ces données de pression puissent être calculées sur les contours des bassins versants élémentaires ou zones hydrographiques ! Et que cela ne fasse pas oublier que la connaissance de la contamination aussi nécessiterait, à l'instar des données sur la pression, d'avoir des données sur la contamination beaucoup plus pertinentes.
  • "La méthode d’évaluation de la contamination par HER peut être utilisée dans cette optique" : cette méthode, basée sur des statistiques réductrices sur des regroupements de stations dont la contamination est mal mesurée et selon des contours d'HER peu homogènes, peut en effet "être utilisée" pour décrire la contamination et faire le lien avec les pratiques agricoles… mais au vu des résultats présentés peu concluants, elle peut surtout avec profit ne pas être utilisée ! Si chaque station disposait de mesures sérieuses des micropolluants, avec les valeurs faibles et les pics vraiment mesurés et pour toutes les molécules, on pourrait produire une bonne évaluation de la contamination et de sa chronologie, calculer des tendances pertinentes et comparer ces stations entre elles ; on pourrait surtout, en disposant d'une évaluation de la contamination un peu plus performante que celle proposée ici, étudier sérieusement le lien entre la contamination et la pression sur la surface du bassin versant drainé par cette station.

=>"La méthode a été construite en regroupant les mesures issues de toutes les stations de prélèvement selon un découpage qui a priori était adapté, car les facteurs influençant les processus dominant les transferts de pesticides y sont supposés globalement homogènes. La méthode basée sur ce découpage montre des résultats intéressants et cohérents. Cependant, cela ne garantit pas que ce découpage soit le plus adapté. En effet, il peut y avoir des disparités à l’intérieur d’une entité, qui soient masquées par le fait de regrouper les données. On pourrait notamment essayer des entités plus petites, ou un découpage toujours basé sur les HER, mais modifié pour être mieux adapté à l’occupation du sol. Nous n’avons cependant pas trouvé de méthode adaptée pour comparer la pertinence des différents découpages. Nous avons vu que les données à l’échelle d’une station sont souvent insuffisantes pour comparer les stations les unes aux autres sur la seule base des contaminations observées. Nous avons essayé de mettre en évidence des hétérogénéités à l’intérieur des plus grandes HER pour quelques exemples de molécules, en se basant sur les courbes annuelles de 90e centile. Par exemple, pour l’isoproturon dans l’HER des Tables calcaires, les valeurs du maximum pris par ces courbes entre janvier et juillet chaque année de 1997 à 2006, ainsi que leur intégrale (aire sous la courbe), sont statistiquement différentes entre le Sud (correspondant aux HER de niveau 2 « Charentes Poitou » et « Sud Loire ») et le Nord de l’HER (test de Wilcoxon, p-value < 0,01). Il en est de même pour les maxima et les intégrales de janvier à juillet. Globalement, les contaminations d’isoproturon observées sont donc plus importantes dans le Nord de l’HER des Tables calcaires que dans le Sud. De la même façon, les dates du maximum de 90e centile d’août à décembre sont statistiquement différentes entre l’Ouest et l’Est de cette HER (en le découpant selon une ligne) : les contaminations automnales ont lieu plus tôt dans l’Ouest que dans l’Est. Pour l’isoproturon, on peut donc mettre en évidence des disparités à l’intérieur de l’HER Tables calcaires. Cependant, il faudrait refaire le même travail pour toutes les molécules et toutes les régions. Nous proposons donc en première analyse de se baser sur un découpage par HER de niveau 1 qui semble a priori pertinent, tout en gardant la possibilité d’affiner le découpage si on veut étudier plus précisément certaines molécules où régions pour lesquelles plus de données sont disponibles. On peut également adapter le découpage selon la thématique que l’on veut étudier. Par exemple, pour étudier le lien entre pression et contamination, il est plus pertinent de tenir compte de l’occupation du sol. Les vignobles, notamment, sont parfois situés à cheval entre deux HER (Beaujolais, Alsace ou Jura, par exemple), alors que ce sont des territoires bien particuliers du point de vue de la pression phytosanitaire et de certains facteurs du milieu (pente et couverture du sol). On peut donc envisager de créer un nouveau découpage basé sur les HER et sur l’occupation du sol (en utilisant les orientations technico-économiques des exploitations agricoles par exemple, figure 10), en restant cohérent avec l’échelle des données à disposition."
  • "Nous avons vu que les données à l’échelle d’une station sont souvent insuffisantes pour comparer les stations les unes aux autres sur la seule base des contaminations observées" : à quoi cela sert-il d'avoir créé des masses d'eau si ensuite on ne les mesure pas correctement ("une des difficultés majeures pour l'interprétation des données ainsi acquises tient, pour les produits phytosanitaires, dont les concentrations dans les eaux de surface sont très variables, à la faible fréquence de prélèvements aux points de suivi : 4 à 12 par an au mieux pour les points classiques en eaux superficielles, un par an pour les sédiments. Le suivi n'a de surcroît pas à être réalisé tous les ans, ce qui rend a priori difficile la détection d'éventuelles évolution" ; "Cette surveillance est assurée par différents réseaux qui réalisent des analyses de la présence ponctuelle de pesticides dans l’eau. Cependant, les millions de données ainsi collectées sont difficiles à interpréter" ; "Cet article présente une méthode d’interprétation, par regroupement des données par hydro-écorégions (HER), qui vise à lever certaines contraintes pour tenter de répondre à ces questions et de fournir un appui aux politiques publiques dans ce domaine. Cette méthode a été développée à partir des herbicides car on dispose plus facilement de données et de mesures sur ces substances que sur les fongicides ou les insecticides", etc.) ? Le fait qu'il soit nécessaire de regrouper les données pesticides sur des zones relativement importantes pour pouvoir les traiter est une confirmation de plus que, au moins pour les pesticides, l'évaluation de la contamination par l'état chimique réglementaire des masses d'eau n'est qu'un leurre, le calcul de l'état chimique étant sensé s'appliquer à l'échelle d'une masse d'eau cours d'eau, donc en général d'une station de mesure… Que peut bien signifier qu'une masse d'eau soit en bon état chimique, alors que l'on est incapable de mesurer et d'évaluer sa contamination réelle et donc ses risques réels, ne serait-ce que par les pesticides ? Si l'état chimique évaluait correctement la contamination réelle et ses risques, pourquoi chercher une nouvelle méthode ? Une contamination correctement évaluée à l'échelle des stations et des masses d'eau aurait en outre permis le calcul des tendances et du lien avec les pressions agricoles, avec un regroupement géographique a posteriori si besoin sur n'importe quelle entité géographique.
  • "La méthode a été construite en regroupant les mesures issues de toutes les stations de prélèvement selon un découpage qui a priori était adapté, car les facteurs influençant les processus dominant les transferts de pesticides y sont supposés globalement homogènes. La méthode basée sur ce découpage montre des résultats intéressants et cohérents. Cependant, cela ne garantit pas que ce découpage soit le plus adapté. En effet, il peut y avoir des disparités à l’intérieur d’une entité, qui soient masquées par le fait de regrouper les données" : des facteurs influençant les processus dominant les transferts de pesticides "supposés globalement homogènes" ou réellement homogènes avec des critères d'homogénéité précis ? Un découpage "qui a priori était adapté" à des données peu nombreuses et de mauvaise qualité ainsi qu'à un centile 90 qui ne peut donner, et de façon ni représentative ni robuste, qu'un point de vue très réducteur sur la contamination ? La publication Irstea 2012 affirme que "La méthode basée sur ce découpage montre des résultats intéressants et cohérents", Eau-Evolution montre cependant de façon détaillée que les résultats contenus dans cette publication ne sont ni cohérents, ni intéressants, ni convaincants, et qu'ils relèvent d'une certaine trivialité régressive.
  • "Nous avons essayé de mettre en évidence des hétérogénéités à l’intérieur des plus grandes HER pour quelques exemples de molécules, en se basant sur les courbes annuelles de 90e centile. Par exemple, pour l’isoproturon dans l’HER des Tables calcaires, les valeurs du maximum pris par ces courbes entre janvier et juillet chaque année de 1997 à 2006, ainsi que leur intégrale (aire sous la courbe), sont statistiquement différentes entre le Sud (correspondant aux HER de niveau 2 « Charentes Poitou » et « Sud Loire ») et le Nord de l’HER (test de Wilcoxon, p-value < 0,01). Il en est de même pour les maxima et les intégrales de janvier à juillet. Globalement, les contaminations d’isoproturon observées sont donc plus importantes dans le Nord de l’HER des Tables calcaires que dans le Sud. De la même façon, les dates du maximum de 90e centile d’août à décembre sont statistiquement différentes entre l’Ouest et l’Est de cette HER (en le découpant selon une ligne) : les contaminations automnales ont lieu plus tôt dans l’Ouest que dans l’Est. Pour l’isoproturon, on peut donc mettre en évidence des disparités à l’intérieur de l’HER Tables calcaires. Cependant, il faudrait refaire le même travail pour toutes les molécules et toutes les régions" : quelle pertinence pour un test statistique qui utilise des données aussi hétérogènes à tous points de vue que celles qui s'étalent de 1997 à 2006 (les bilans pesticides de l'Ifen/SOeS indiquent en effet pour les réseaux de connaissance générale des pesticides dans les cours d'eau en métropole 247 stations pour 1997/1998, 607 pour 2004, 819 pour 2005, 1097 pour 2006 (1781 pour 2007) avec aucune représentativité hydro-spatiale et des taux de recherche de l'isoproturon variables), avec des conditions climatiques dont des pluviométries pas forcément homogènes sur une HER qui couvre le quart de la France (140555 km2), avec des stations mesurées lors de certaines conditions climatiques qui ne le seraient pas dans d'autres, etc. ? Les incertitudes et les représentativités analytiques et hydro-spatiales ne sont pas présentées. Dans la phrase "Il en est de même pour les maxima et les intégrales de janvier à juillet", ce ne serait pas plutôt d'août à décembre ? La publication Irstea 2012 explique que pour l'isoproturon, "Les détections de printemps sont plus tardives en Alsace que dans l’HER armoricaine, alors que celles d’automne ont lieu plus tôt et sont plus importantes [ ] Ceci est cohérent avec les différences climatiques : à l’est, la reprise de végétation est plus tardive, et donc les applications d’herbicides aussi, tandis que le semis d’automne est réalisé plus tôt". Mais dans le cas de l'HER des tables calcaires qui s'étale d'Ouest en Est sur une grande partie de la France, avec les différences climatiques qui vont avec, la publication Irstea 2012 ne signale aucun décalage pour les contaminations printanières, et un décalage dans le sens contraire pour les contaminations automnales ("les dates du maximum de 90e centile d’août à décembre sont statistiquement différentes entre l’Ouest et l’Est de cette HER (en le découpant selon une ligne) : les contaminations automnales ont lieu plus tôt dans l’Ouest que dans l’Est") ! D'abord, est-il bien sérieux de découper l'HER des tables calcaires "selon une ligne" pour séparer les stations de l'Ouest de celles de l'Est, sachant qu'une ligne verticale découpe forcément la plupart des bassins versant en deux, si bien que l'on peut attribuer à l'Ouest des concentrations qui viennent de l'Est et réciproquement ? Ensuite, pourquoi le décalage printanier n'apparait-il pas, soit, en d'autres termes, pourquoi "les dates du maximum de 90e centile d’août à décembre sont statistiquement différentes entre l’Ouest et l’Est de cette HER" et pas celles du maximum du 90e centile de janvier à juillet ? Enfin, pourquoi le décalage automnal est-il inversé ? Pourquoi les "disparités" à l’intérieur d'une même HER ("entités relativement homogènes du point de vue des processus en jeu dans le devenir des pesticides") serait-elles plus importantes que les disparités entre des HER distinctes au point d'inverser les décalages des pics liés aux différences climatiques ? En réalité, la publication Irstea 2012 ne fournit pas plus de justifications multifactorielles synthétiques (pluviométrie, données non représentatives, position des pics peu précise, différences de perméabilité, différences de doses etc.) pour les décalages de l'HER des tables calcaires que pour ceux des HER 12, 15 et 18, donc pas plus de validation sérieuse des résultats obtenus dans les deux cas par sa méthode. Non seulement on a un centile 90 inadapté aux pesticides, des données pas fiables, des résultats pas robustes ni justifiés comme il le faudrait de façon multivariée ; mais on a aussi des HER de niveau 1 qui ne sont pour la plupart pas homogènes, sans espoir qu'il y ait assez de données pour appliquer ce centile 90 sur des zones plus petites qui seraient elles plus homogènes ; cela apparait d'ailleurs dans la discussion de la publication Irstea 2011 : "the heterogeneity of transfer patterns within a spatial unit is hidden by the descriptors we used, and at times this could be more significant than the differences between HER. To test this we tried to use other smaller spatial units. Small agricultural areas (PRA) or level 2 HER are much smaller so they sharply decrease the amount of data within each unit and so the 90th percentiles are less stable from one year to another". De plus, la carte (figure 10 de la publication Irstea 2012) montre que les cultures à l'origine des contaminations (et sans doute aussi les doses appliquées) ne sont pas tout à fait les mêmes entre l'Ouest (plus de polyculture et d'élevage) et l'Est (plus de cultures générales) ; même chose pour le Nord (plus de cultures générales) que le Sud (plus de polyculture et de viticulture). Faire un test statistique n'a donc aucun sens dans ces conditions. En réalité, il n'y a pas besoin des profils de contamination pour affirmer que "Globalement, les contaminations d’isoproturon observées sont donc plus importantes dans le Nord de l’HER des Tables calcaires que dans le Sud", n'importe quelle méthode simpliste aurait fait l'affaire ! Comme le montre les cartes de qualité (voir Annexes 21 et 22), l'isoproturon n'est pas réparti de façon homogène dans l'HER des tables calcaires, ni d'ailleurs dans la plupart des HER de niveau 1. Il aurait été bien plus efficace de travailler sur les bassins versants concernés par cette molécule, repérables avec une simple carte de qualité, et avec des exutoires correctement mesurés. La publication Irstea 2012 montre quelques exemples qui valident, selon elle, la méthode présentée, sans même avoir tenu compte du caractère multifactoriel des phénomènes qui amènent la molécule dans l'eau en final. La méthode scientifique veut que montrer quelques rares exemples n'ait une valeur que si ce sont des contre-exemples. Il reste à espérer que des deniers publics ne seront pas utilisés pour "refaire le même travail pour toutes les molécules et toutes les régions"…
  • "Nous proposons donc en première analyse de se baser sur un découpage par HER de niveau 1 qui semble a priori pertinent, tout en gardant la possibilité d’affiner le découpage si on veut étudier plus précisément certaines molécules où régions pour lesquelles plus de données sont disponibles. On peut également adapter le découpage selon la thématique que l’on veut étudier. Par exemple, pour étudier le lien entre pression et contamination, il est plus pertinent de tenir compte de l’occupation du sol. Les vignobles, notamment, sont parfois situés à cheval entre deux HER (Beaujolais, Alsace ou Jura, par exemple), alors que ce sont des territoires bien particuliers du point de vue de la pression phytosanitaire et de certains facteurs du milieu (pente et couverture du sol). On peut donc envisager de créer un nouveau découpage basé sur les HER et sur l’occupation du sol (en utilisant les orientations technico-économiques des exploitations agricoles par exemple, figure 10), en restant cohérent avec l’échelle des données à disposition" : la méthode annoncée se résume à calculer un seul descripteur statistique, le centile 90, de la distribution des données regroupées selon un découpage géographique "qui semble a priori pertinent" mais qui ne l'est qu'au cas par cas voire pas du tout. Schématiquement, le centile 90 sur des regroupements de données par HER ne montre et mal qu'un aspect de la contamination, et uniquement pour les molécules les moins mal mesurées et sur les HER assez grandes ; il s'avère donc inexploitable pour un couplage avec d'autres paramètre décrivant l'état des milieux aquatiques ou la pression. On ne peut que rester perplexe devant les explications de la publication Irstea 2012, à savoir d'une part que "les scientifiques d'Irstea ont élaboré une méthode d’interprétation basée sur le regroupement des données par hydro-écorégions qui permet de décrire la contamination et de faire le lien avec les pratiques agricoles", mais d'autre part que "pour étudier le lien entre pression et contamination, il est plus pertinent de tenir compte de l’occupation du sol" [ ] "On peut donc envisager de créer un nouveau découpage basé sur les HER et sur l’occupation du sol" ! Sachant qu'une masse d’eau est justement un volume d’eau à caractéristiques physiques (HER et taille du cours d'eau) homogènes et sur lequel s'exercent des pressions urbaines, agricoles et industrielles identiques ; sachant plus simplement qu'un bassin versant de petite taille avec des sols, des reliefs, des climats, etc. et des occupations du sols homogènes, reste la seule entité pertinente pour croiser sérieusement la pression et la contamination de l'eau à son exutoire ; on en revient toujours à la même nécessité qui est de mesurer avec beaucoup plus de sérieux la contamination au niveau d'une station de mesure et donc d'une masse d'eau ! Une fois que l'on connait sérieusement la contamination station par station, ou du moins que l'on dispose de toutes les données brutes nécessaires à son évaluation, des méthodes mathématiques puissantes existent pour les comparer voire les regrouper sur toutes sortes de critères. Au vu des résultats peu concluant qu'elle produit, la publication Irstea 2012 semble vanter plutôt lourdement l'intérêt des HER ; à tel point que l'on peut se demander si son objet était bien de concevoir une méthode pour évaluer sérieusement la contamination ou seulement de rentabiliser encore une fois le découpage HER créé à l'origine par l'Irstea de Lyon pour aider à la délimitation des masses d'eau de surface de la DCE ? Pour information la carte des HER de niveau 1 ressemble beaucoup aux cartes géologiques, phytoécologiques et du relief qui ont toutes une certaine valeur explicative, mais on peut aussi, sans beaucoup de moyens, concevoir d'autres fonds plus ou moins explicatifs.

5-Le paragraphe "Conclusion" de la publication Irstea 2012

=>"L’étude de l’état de la contamination des eaux de surface par les pesticides au niveau d’une station de surveillance est nécessaire pour répondre aux exigences de la DCE. Pour autant, elle n’est pas toujours pertinente pour bien appréhender la contamination et son impact potentiel sur le milieu, ou son évolution, notamment quand la fréquence de prélèvement n’est pas suffisante et/ou que les plans de surveillance (molécules analysées et localisation des stations) sont modifiés au fil du temps. En revanche, regrouper les données sur des entités relativement homogènes du point de vue des processus en jeu dans le devenir des pesticides, comme les hydro-écorégions de niveau 1, et utiliser des descripteurs comme le 90e centile sur une période donnée, permet de mettre en évidence des profils de contamination annuelle pour une molécule donnée, en fournissant une « courbe enveloppe » de la contamination reçue par le milieu. Dans les exemples étudiés ici, ces profils sont cohérents avec les usages des molécules (cultures cibles ou usages non agricoles, dates d’application, interdictions…), ce qui montre l’intérêt de cette méthode. Cet outil permet d’évaluer, à l’échelle des HER de niveau 1, l’évolution de la contamination, les périodes où la contamination est maximale et l’ordre de grandeur des concentrations. En conséquence, il permet d’adapter les plans de surveillance, d’identifier les situations à risque pour les organismes aquatiques par comparaison avec les NQE, et de surveiller les effets d’une mesure de réduction du risque. Il peut donc servir au pilotage des intrants dans le cadre du plan Ecophyto 2018. Enfin, cette méthode d’évaluation de l’état de la contamination pourrait être utilisée pour l’étude des liens entre pression et contamination et entre contamination et impact sur les organismes aquatiques. Elle n’a pas été testée ici pour toutes les substances : pour celles qui sont le moins surveillées, l’échelle des HER est probablement encore trop fine pour appliquer cette méthode".
On savait que la surveillance des pesticides et de tous les autres contaminants chimiques ainsi que l'évaluation de l'état chimique DCE n'étaient que des leurres, avec en particulier aucune réelle amélioration des données (notamment sur la bassesse et l'homogénéité des LQ ou sur les fréquences des mesures) et un état chimique réglementaire qui sous-estime gravement l'état chimique réel des eaux ; cette publication Irstea 2012 le confirme ("L’étude de l’état de la contamination des eaux de surface par les pesticides au niveau d’une station de surveillance est nécessaire pour répondre aux exigences de la DCE. Pour autant, elle n’est pas toujours pertinente pour bien appréhender la contamination et son impact potentiel sur le milieu, ou son évolution, notamment quand la fréquence de prélèvement n’est pas suffisante et/ou que les plans de surveillance (molécules analysées et localisation des stations) sont modifiés au fil du temps") mais s'avère elle aussi extrêmement réductrice, décalée et superficielle. Il est exact que "regrouper les données sur des entités relativement homogènes" et "utiliser des descripteurs comme le 90e centile sur une période donnée" permet de calculer "des profils de contamination annuelle pour une molécule donnée" : car pour calculer des centiles 90, il suffit d'avoir des données ! Mais est-ce que pour autant ces profils décrivent correctement la contamination et ont une quelconque valeur statistique, est-ce qu'ils sont représentatifs, précis, robustes, pertinents, sérieux, utiles ou novateurs ? L'ensemble des commentaires de cet article montre que non. La quantité de données ne peut remplacer leur qualité et créer une information qui n'existe pas comme la mesure des niveaux réels des pics ou des faibles concentrations ; si bien qu'un regroupement de données pas fiables n'est qu'un cache-misère, surtout quand il est effectué en esquivant la problématique sans doute la plus importante et la plus difficile qu'est la représentativité hydro-spatiale.
Cette méthode "n’a pas été testée ici pour toutes les substances : pour celles qui sont le moins surveillées, l’échelle des HER est probablement encore trop fine pour appliquer cette méthode" : ce n'est pas un hasard si la publication Irstea 2012 a présenté son exemple de tendances interannuelles -d'une part en choisissant l'atrazine qui est certainement la molécule la moins mal mesurée de tous les pesticides, -et d'autre part, en choisissant l'échelle de toute la métropole et non plus l'échelle d'une HER à laquelle sa méthode était sensée s'appliquer. Car ce sont les fondements mêmes de cette méthode qui la rendent inadaptée à calculer des tendances sur les pesticides à partir des données issues de la surveillance. S'il y a peu de mesures (moins de quelques centaines par quinzaine), le centile 90 est très peu fiable, la présence ou l'absence d'une seule station peut le faire changer significativement de valeur. Et s'il y en a beaucoup, c'est que la surface est grande et que la zone n'est donc pas homogène, avec pour conséquence un résultat difficilement exploitable et qui pourra masquer les sous-zones et les rivières plus contaminées ou beaucoup d'autres phénomènes. Pire, avec "pour le contrôle de surveillance : des analyses dans 25 % des points, une année sur trois, quatre fois par an", c'est-à-dire une mesure quatre fois par an, une année sur trois, sur 25 % des 1566 stations du RCS donc sur 17 stations en moyenne par HER de niveau 1, il ne peut pas y avoir suffisamment de mesures issues du contrôle de surveillance pour les pesticides complémentaires ! Est-il bien sérieux de proposer une méthode basée sur un centile 90 calculé sur 17 analyses au mieux lorsque toutes les stations sont mesurées la même quinzaine (un peu plus sur les très grandes HER mais beaucoup moins sur toutes les autres), avec 5 % des quinzaines mesurées tous les 3 ans ? Le fait que l'occupation du sol dépende du climat de la géologie et de la topographie, ne rend pas les HER suffisamment homogènes pour les choisir comme compromis nombre de stations/homogénéité pertinent pour le regroupement des données pesticides ("Although HER are not defined according to the land use, they are quite coherent with it, as land use is also dependent on the climate, the geology and the topography"). Les cartes de qualité par station le montrent bien ; la surface des HER aussi (l'HER des tables calcaires couvre plus de 140000 km2 !). La nécessité de conserver les découpages de bassins versants pour effectuer des statistiques sur les eaux de surface, parait, non pas une limite, mais un empêchement absolu pour cette méthode : "This method of grouping data in spatial units is limited by the fact that some rivers cross the units, so contamination of the corresponding sampling sites depends on the upstream areas too". De plus, rien ne garantit que regrouper les données sur des surfaces plus importantes rendrait possible la généralisation de cette méthode aux substances "qui sont le moins surveillées" et qui représentent sans doute les deux tiers voire les trois quarts des substances épandues qui se retrouvent dans les eaux : cette méthode n'a été développée qu'à partir de quelques herbicides, sans aucune démonstration que les insecticides, produits de dégradation, métabolites et autres substances avaient les mêmes problématiques de contamination que les herbicides, par exemple sur les aspects des faibles concentrations ou des pics saisonniers.
"Cet outil permet d’évaluer, à l’échelle des HER de niveau 1, l’évolution de la contamination, les périodes où la contamination est maximale et l’ordre de grandeur des concentrations" : il parait tout à fait contradictoire de définir la contamination en termes de "présence" ("ici on considère que la présence d’un pesticide dans l’eau est une contamination, quelle que soit sa concentration") et de prétendre en même temps l'évaluer avec un centile 90 ! Le taux de quantification parait bien plus proche de cette définition en termes de "présence", et l'exemple du "bruit de fond" montré par le centile 90 depuis 2004 pour l'atrazine montre à quel point cette méthode est inadaptée aux faibles concentrations. En quoi des descripteurs statistiques comme le centile 90 ou le pourcentage de concentrations supérieures à 0,1 µg/L sont-ils aptes à décrire les faibles concentrations ? Quant à évaluer "l’évolution de la contamination", non seulement la contamination ne peut pas être réduite à un centile 90, mais il faudrait aussi être en mesure d'évaluer la représentativité hydro-spatiale des échantillons pour s'autoriser à les comparer dans le temps ! Sans parler de la capacité hautement contestable du centile 90 à fournir "l’ordre de grandeur des concentrations" : il n'est qu'à regarder les Annexes 6, 7, 14, 19 ou 20 ! On constate entre autres -que l'on ne pourrait pas "visualiser" presque toutes les valeurs quantifiées d'atrazine en 2007 ; -que les presque 2000 analyses d'atrazine éliminées en 2007 par le centile 90 sont pour la plupart entre 0,03 µg/L à 0,05 µg/L, gammes de basses concentrations où justement peut se faire sentir son effet perturbateur endocrinien ; -qu'en donnant un ordre de grandeur des concentrations de 0,03 µg/L ou moins pour l'atrazine en 2007, le centile 90 ne permet pas de "visualiser" l'information par exemple comme quoi plus de 400 mesures ont été quantifiées entre 0,04 et 0,1 µg/L ! Sans évaluation de la précision de la méthode, on ne sait pas si l'"ordre de grandeur des concentrations" est à 1 µg prés ou à une dizaine de µg prés… Mais même si le centile 90 fournissait vraiment un "ordre de grandeur des concentrations", n'est-on pas en droit d'attendre beaucoup plus d'un document scientifique et technique publié au 21ièmesiècle, fin 2012 et après plus de 15 ans de travaux nationaux sur l'évaluation des pesticides dans les eaux ? N'a-t-on pas besoin de plus qu'un "ordre de grandeur des concentrations" pour gérer la contamination délétère de la ressource en eau patrimoniale par les pesticides ? Proposer une méthode qui évaluerait "l'ordre de grandeur des concentrations" pour quelques substances et sur quelques zones, n'est-ce pas de la provocation lorsque l'on se rappelle que déjà dans son bilan sur les données 2001, l'Ifen signalait "La caractérisation des niveaux de contamination des eaux continentales passe par l’estimation de concentrations ou de flux annuels ou saisonniers. C’est l’évaluation de la précision de ces estimations qui permettra de qualifier le caractère significatif ou non des variations interannuelles. L’analyse approfondie de ces questions méthodologiques reste à développer". De façon générale, l'ensemble des commentaires de cet article montre qu'il tout à fait inexact, voire abusif, de conférer à ces quelques profils même pas généralisables, une quelconque capacité à évaluer la contamination sous tous ses aspects, ni ses tendances ni les risques qu'elle engendre. L'information indispensable aux politiques publiques sur la contamination réelle et ses tendances ne peut être réduite à un centile 90, quand bien même il serait appliqué de façon sérieuse à des échantillons représentatifs.
Selon la conclusion de la publication Irstea 2011, "This method allows one to describe the contamination of surface water by pesticides, and particularly to show the regions and periods of relatively high contaminations" et "A second interesting prospect would be to compare the contamination of groundwater and surface water. That could improve our knowledge of the environment’s sensitivity to pesticide transfer" : sauf que pour comparer les contaminations des eaux souterraines et des eaux de surface, il faudrait d'abord commencer par évaluer sérieusement et sous tous ses aspects la contamination des eaux de surface !




Création : 15 juillet 2013
Dernière actualisation :

Commentaires (fermés depuis mars 2014)

Claude, le 2013-07-16 15:21:27

C'est incroyable que les laboratoires ne fassent pas la distinction entre limite de détection et limite de quantification pour des analyses des pesticides dans l'eau ! Merci de le relever !

Constance, le 2013-07-22 11:30:26

Respects et bravo pour cette critique tout à fait fondée de travaux dits scientifiques ! Continuez ! Il est certain qu'avec de telles méthodes, les pesticides ont encore de beaux jours devant eux, et aussi ceux qui en vivent à tous les niveaux ...

Constance, le 2013-07-22 11:37:05

Quelqu'un a-t-il connaissance du montant du financement octroyé à IRSTEA pour ces travaux ? et est-ce qu'une suite est prévue ?

Webmaster, le 2013-07-23 09:42:29

Merci Constance, je me suis aussi posée ces questions mais je n'ai pas les réponses.

Webmaster, le 2013-07-23 10:35:24

On le sait depuis longtemps, les effets de l’agriculture intensive sur la biodiversité sont désastreux… "The European Grassland Butterfly Indicator : 1990–2011" (http://www.eea.europa.eu/publications/the-european-grassland-butterfly-indicator-19902011). Extraits :

"Grassland butterflies have undergone a huge overall decrease in numbers. Their populations declined by almost 50 % from 1990 to 2011. Although the causes for the decline are different for each species and country, the two main drivers are agricultural intensification and abandonment of grasslands."

"Intensification comprises a wide range of activities, including the conversion of unimproved grasslands to arable crops, and permanent grasslands into temporary grasslands, heavy use of fertilisers, drainage, the use of herbicides, insecticides and pesticides, enlargement of fields, removal of landscape features and field margins and the use of heavy machines. In its most extreme form, the remaining agricultural land is virtually sterile with almost no butterflies. In such situations, butterflies can survive only on road verges, in remaining nature reserves and urban areas. Even then butterflies are not safe, as wind-drifted insecticides kill many larvae on road verges next to sprayed fields and nitrogen deposition fertilises nutrient&#8209;poor meadows. This speeds up succession and leads to the paradox of micro-climatic cooling in combination with climate warming (Wallis De Vries and van Swaay, 2006)."

"In most of Europe, grasslands are not the climax vegetation. Without any form of management, they would gradually change into scrub and forest. This means that grasslands and their butterflies are highly dependent on activities such as grazing or mowing. Traditional forms of farming management, such as extensive livestock grazing and hay-making where fertiliser and pesticide use are minimal, provide an ideal environment for these butterflies."

"This huge decline has important implications for the conservation of biodiversity because butterflies are considered to be representative indicators of trends observed for most other terrestrial insects, which together form around two thirds of the world's species (Thomas, 2005). Butterflies are therefore useful biodiversity indicators - for example, in evaluating progress towards achieving the EU target of halting biodiversity loss (EEA, 2012)."

Webmaster, le 2013-07-30 10:33:14

Les deux nouvelles publications du SOeS (Service de l’observation et des statistiques du CGDD) sur les pesticides dans les eaux arrivent à point pour confirmer, encore une fois hélas, les constats de décalage et de grande désinformation officielle durable sur la contamination globale et la toxicité globale ainsi que sur leurs tendances. Il s'agit des publications "Contamination des cours d’eau par les pesticides en 2011" (http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/fileadmin/documents/Produits_editoriaux/Publications/Chiffres_et_statistiques/2013/chiffres-stats436-contamination-cours-eau-2011-juin2013.pdf) et "Les pesticides dans les eaux douces par secteur hydrographique et par nappe" (http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/fileadmin/documents/Sujets_transversaux/Developpement_durable/Indicateurs_de_developpement_durable/IDD_territoriaux/2013/iddt-pesticides-eaux-douces.pdf).

Ces publications sont toujours aussi inacceptables et se passent de commentaires supplémentaires ; car que ce soit pour les moyennes par station ou par zone géographique, ou pour les pourcentages de quantification, ou pour la toxicité, ou pour les tendances, ou enfin pour toute l'information manquante, tout ou presque a déjà été dit : Cf. "Les publications officielles du SOeS depuis 2009 sur l'état des eaux et ses tendances sont consternantes" (http://eau-evolution.fr/doc/divers.php?lien=eau_etat_tendance_evolu_inform_publi_soes_ifen) ainsi que cet article et l'ensemble du contenu de la rubrique "Les enfants d'Aarhus" (http://eau-evolution.fr/doc/divers.php?theme=enfants). Ah oui quand même, les points de mesures en nappes souterraines ne sont plus agrégés selon des délimitations de bassins versants de surface comme ce qui avait été fait avec les nitrates (Cf. http://eau-evolution.fr/doc/divers.php?lien=eau_etat_tendance_evolu_inform_publi_soes_ifen) et c'est déjà pas mal :)

Sans surprise, on a eu droit à une médiatisation sur les pesticides dans les eaux à peu prés du même niveau que l'information diffusée par le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) sur le sujet, comme à l'époque où l'Ifen ex-SOeS publiait ses bilans annuels sur les pesticides dans les eaux (http://www.agriculture-environnement.fr/a-la-une,6/la-curieuse-methodologie-du-rapport-de-l-ifen,135.html)…
Cf. par exemple l'article France Info "Forte présence de pesticides dans les cours d'eau français" (http://www.franceinfo.fr/environnement/france-forte-presence-de-pesticides-dans-les-cours-d-eaux-de-metropole-et-d-1086527-2013-07-29). Quelques extraits :
-"Le constat du rapport du CGDD publié fin juillet est alarmant et inquiète sur la qualité de l'eau en France, d'autant que ce taux de pollution est légèrement supérieur à celui constaté l'année précédente : en 2010, déjà 90 % des points de mesure affichaient une présence de produits chimiques".
-"Les eaux françaises de plus en plus polluées par les pesticides. Bruno Rougier (00:00:52)"
-"Contacté par France Info, Jean-Pierre Donzier, directeur général de l'Office International de l'Eau (OIEau), une association à but non lucratif qui se soucie de la gestion et la protection de l'eau dans le monde, se veut rassurant : "De manière générale, nous sommes à des niveaux de traces, sauf dans des points très particuliers mais bien identifiés. A ce stade, ces traces ne présentent pas de danger particulier pour la santé humaine.""
-"Pas de commentaire du CGDD
Le CGDD se refuse pour le moment à commenter ses travaux, qui seront examinés lors de la Conférence environnementale des 20 et 21 septembre."

En tous cas, si "Le CGDD se refuse pour le moment à commenter ses travaux", le site citoyen Eau-Evolution, lui, commente les travaux du CGDD sur l'état des eaux depuis déjà quelques années !! (http://eau-evolution.fr/doc/divers.php?theme=enfants)

Webmaster, le 2013-08-24 08:05:18

Henri Clément, président de l’Union Nationale de l’Apiculture Française, explique à propos des causes de la raréfaction des abeilles, cf. "Les abeilles en danger de disparition (et l’humanité par la même occasion) : état des lieux des dernières connaissances scientifiques" (http://www.atlantico.fr/decryptage/abeilles-en-danger-disparition-et-humanite-meme-occasion-etat-lieux-dernieres-connaissances-scientifiques-henri-clement-jean-fra-798635.html). Extraits :
"Il y a plusieurs problèmes :
-Les pesticides : qui restent la cause principale.
-L’évolution agricole : on observe un manque de diversité dans nos cultures.
-Les conditions climatiques qui évoluent.
-Le varroa : petit acarien qui s’attaque aux larves des abeilles, il est arrivé depuis les années 80.
-Virus et champignon : les scientifiques ont démontré qu’il fallait des conditions aggravantes pour qu’ils se développent. Ce sont des maladies opportunistes qui ne se déclenchent qu’en cas de stress dû notamment aux résidus de pesticides. Cela a été démontré par le CNR et l’Université de Clermont-Ferrand et des chercheurs américains.

L’Europe a récemment pris la décision d’enlever des molécules des pesticides ce qui est une bonne nouvelle.
Le cumul de ces facteurs entraîne le phénomène que l’on observe aujourd’hui, avec comme causes prépondérantes : les pesticides et nos modes de cultures actuels."

Webmaster, le 2013-09-05 08:18:26

Signalons cet article de Marc Laimé dans "L’écologie défaite par l’idéologie de la croissance" (http://www.eauxglacees.com/L-ecologie-defaite-par-l-ideologie). Extraits :
"Le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), vient de publier une étude prospective intitulée "Eau, milieux aquatiques et territoires durables 2030".
L’étude part de l’analyse de la situation en Languedoc-Roussillon et l’étend au niveau national. Cette démarche a du sens puisque la gestion de l’eau en LR n’est absolument pas durable. La crise de l’eau y sera particulièrement grave si rien est fait d’ici 2030.
L’étude a été menée par des experts de 3 bureaux d’étude privés et de l’IRSTEA.
L’IRSTEA (ex-Cemagref), dont nombre d’ex-(mais toujours) fonctionnaires- ingénieurs ont monté leur petite entreprise, joyeusement financée sur fonds publics par l’Agence, l’Onema, etc., fait partie du pôle de compétitivité Eau de Montpellier et à ce titre, certains de ses projets de recherche sont financés par Veolia, Suez and co, et d’autres par les collectivités territoriales.
Lors des 2 débats sur l’eau qui ont agité récemment la région (Aqua Domitia, expiration des DSP eau et assainissement de l’agglo de Montpellier), l’IRSTEA a eu des positions officielles qui allaient dans le sens souhaité par les délégataires privés et les élus des collectivités territoriales, et la question de la durabilité ne dépassait pas le stade du slogan."

Webmaster, le 2013-10-08 08:50:00

La méthode scientifique... ou la méthode éléphiantifique cf. l'article ci-dessus, ou la méthode scientifric cf. l'article "Les perturbateurs endocriniens au cœur d'un scandale européen" (http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/10/04/les-perturbateurs-endocriniens-au-c-ur-d-un-scandale-europeen_3489918_3244.html). Extraits :
"L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) préconise l'utilisation de produits de substitution au bisphénol A (BPA), ce qui protégerait la population de tout risque éventuel. Le dossier est si explosif qu'il est désormais entre les mains du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Sa conseillère scientifique, Anne Glover, devrait ainsi réunir dans les prochains jours l'ensemble des scientifiques impliqués dans une violente controverse aux enjeux économiques de taille : quelle position les Etats membres doivent-ils adopter vis-à-vis des perturbateurs endocriniens ?"

"Bruxelles doit statuer d'ici à la fin de l'année sur les mesures destinées à protéger les Européens des effets de ces substances – plastifiants, cosmétiques, pesticides, etc. – qui interfèrent avec le système hormonal, à l'instar du bisphénol A qui sera définitivement interdit, en France, dans les conditionnements alimentaires, en 2015 .
La polémique a atteint ces derniers jours une intensité inédite. Certains membres de la communauté scientifique accusent – à mots couverts – plusieurs de leurs pairs de manœuvrer en faveur des intérêts industriels, au mépris de la santé publique."

""LA SCIENCE EST DEVENUE L'ENJEU D'UNE GUERRE"
La bataille a débuté cet été avec la publication, dans plusieurs revues savantes, d'une tribune dans laquelle dix-huit toxicologues (professeurs ou membres d'organismes publics de recherche) critiquent les mesures en discussion à Bruxelles. Très contraignantes pour de nombreux industriels, celles-ci seraient, selon les auteurs, des "précautions scientifiquement infondées". Les signataires, menés par le toxicologue Daniel Dietrich (université de Konstanz, Allemagne), contestent notamment que ces molécules puissent avoir des conséquences délétères à des doses très faibles. Ces effets sont pourtant au centre de nombreuses investigations scientifiques depuis une quinzaine d'années et sont reconnus par un rapport publié conjointement en 2012 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). En particulier, chez l'animal, l'exposition in utero à certaines de ces molécules, à doses très faibles, accroît les risques de survenue de certaines pathologies plus tard dans la vie – cancers hormono-dépendants, obésité, troubles neurocomportementaux, etc. Le texte des dix-huit chercheurs a immédiatement provoqué une levée de boucliers. Et une suspicion considérable. "Le problème des "intentions dissimulées" s'est accentué en même temps que s'est accrue la capacité de la science à peser sur la régulation des polluants et que la recherche académique dépend de plus en plus du soutien financier de l'industrie, écrivent, dans la revue Environmental Health, Philippe Grandjean (Harvard Public School of Medicine, University of Southern Denmark) et David Ozonoff (Boston University), professeurs de santé environnementale et responsables de la publication. La science est devenue l'enjeu d'une guerre dont la plupart des batailles se jouent derrière la scène."

PAS MOINS DE 18 CONTRATS DE CONSULTANT ENTRE 2007 ET 2012
Dans la même édition d'Environmental Health, une quarantaine de toxicologues et d'endocrinologues publient une autre réponse cinglante, pointant que le texte de Daniel Dietrich et de ses coauteurs relève d'"une volonté d'influer sur des décisions imminentes de la Commission européenne". Une centaine d'autres scientifiques estiment, eux, dans un éditorial du dernier numéro de la revue Endocrinology, que le texte de M. Dietrich et de ses coauteurs "représente la science de manière trompeuse". Surtout, les répliques adressées aux dix-huit chercheurs s'indignent de ce que ces derniers n'ont pas divulgué – comme d'usage dans les revues scientifiques – leurs liens d'intérêt avec les industriels potentiellement concernés par une nouvelle réglementation. "C'est ce qu'ont fait les vingt-cinq scientifiques, dont je faisais partie, qui ont rédigé en 2012 le rapport de l'OMS et du PNUE, précise Ake Bergman (université de Stockholm). C'est aussi ce qu'ont fait tous les signataires – dont je fais partie – de la réponse envoyée à M. Dietrich et à ses coauteurs." Les liens de ces derniers avec l'industrie ont finalement été rendus publics. Fin septembre, une enquête de l'agence Environmental Health News (EHN) a révélé que dix-sept des dix-huit auteurs entretenaient des relations financières avec "des industriels de la chimie, de la pharmacie, des cosmétiques, du tabac, des pesticides ou des biotechnologies".

LETTRE OUVERTE À LA CONSEILLÈRE SCIENTIFIQUE DE M. BARROSO
Certains ont vu leur laboratoire financé par des entreprises, d'autres ont bénéficié de rémunérations personnelles au titre de consultant ou de conseiller scientifique. Le toxicologue Wolfgang Dekant (université de Würzburg, Allemagne), par exemple, a enchaîné, selon les informations recueillies par EHN, pas moins de dix-huit contrats de consultant entre 2007 et 2012 avec des sociétés dont il n'a pas divulgué l'identité. Et la liste ne s'arrête pas là. M. Dietrich et ses coauteurs sont aussi à l'initiative d'une lettre ouverte à Anne Glover, signée par une cinquantaine d'autres scientifiques. Selon un premier criblage effectué par EHN, au moins une quarantaine d'entre eux ont aussi des liens avec des industriels. "Les estimations les plus récentes suggèrent que près d'un millier de molécules pourraient être des perturbateurs endocriniens, explique M. Grandjean. De nombreux secteurs peuvent donc être impliqués." Le chercheur, une des figures de la recherche en santé environnementale, dit ne pas être surpris des collaborations de M. Dietrich et ses coauteurs avec les milieux industriels, mais s'étonne "qu'ils ne collaborent apparemment pas avec des ONG ou des associations de patients".

LES ZONES D'OMBRE S'ÉTENDENT AUSSI AU SEIN DE LA COMMISSION
M. Dietrich n'a pas souhaité répondre au Monde. L'un des coauteurs, Wolfgang Dekant, assure qu'il n'y a eu "aucune implication de l'industrie, formelle ou informelle", dans l'initiative ou la rédaction du texte. Les zones d'ombre s'étendent aussi au sein de la Commission. La députée européenne Michèle Rivasi (EE-LV), ainsi que d'autres parlementaires, vont adresser dans les jours qui viennent une question écrite à José Manuel Barroso pour demander la publication de la déclaration d'intérêts d'Anne Glover, sa conseillère scientifique. Des éléments pour le moment non communiqués sur le site de la Commission. A Bruxelles, on indique que seuls les commissaires sont tenus de rédiger et de rendre publique une déclaration d'intérêts. Il a été précisé au Monde que José Manuel Barroso avait choisi Anne Glover à l'issue d'un "processus de recrutement rigoureux"."

pseudo, le 2013-10-30 11:48:47

Merci à eau-evolution de nous présenter cette alerte en forme de travail minutieux et argumenté, c'est un travail certainement considérable et en tous cas très pédagogique. Car ce n'est pas l'habitude de remettre en question de façon indépendante et avec une telle démonstration la rigueur des publications scientifiques. et cette publication de Irstea ne tient effectivement pas la route. Très utile et un modèle du genre pour les étudiants !
Vos compétences sont bien utiles en cette période de joyeux bafouement de l'écologie.

Webmaster, le 2013-11-09 19:46:48

"L’effet cocktail de ces substances est encore insuffisamment documenté, mais pourrait s’avérer majeur pour un certain nombre d’associations avec des pathologies endocriniennes ou cancéreuses"… Insuffisamment documenté, c'est peu dire quand on constate que l'évaluation des cocktails dans les eaux est complètement zappée dans cette méthode d'évaluation proposée par l'Irstea… Heureusement que certains se mobilisent encore et toujours pour alerter, cf. "Appel de Montpellier: Passer à un niveau supérieur d’alerte et de prévention pour limiter des risques sanitaires et écologiques des pesticides" (http://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/appel-de-montpellier-passer-%C3%A0-un-niveau-sup%C3%A9rieur-d-alerte-et-de-pr%C3%A9vention-pour-limiter-des-risques-sanitaires-et-%C3%A9cologiques-des-pesticides). Extraits :
"Réunis le lundi 26 août à Montpellier, chercheurs, praticiens, militants d’ONG, élus politiques, voulons lancer un cri d'alerte concernant l’atteinte des objectifs du plan Ecophyto 2018, qui visait à la réduction de 50% des quantités de pesticides utilisées en France à l’horizon 2018. Malgré une diminution nette des quantités vendues depuis 1998, nous constatons, à ce jour, que les ventes de pesticides ne diminuent pas depuis trois ans. Le constat est alarmant : 90% des cours d’eau du pays connaissent, selon le Commissariat général au développement durable, une « présence généralisée » de pesticides.
Cette situation est d’autant plus condamnable que, depuis 2009, des données récentes viennent à la fois préciser les risques sanitaires encourus, certains étant désormais avérés, et montrer les mécanismes des atteintes à la biodiversité, notamment concernant les abeilles.
Dans le même temps, il apparait que là où existe une réelle volonté d’agir des partenaires et des autorités politiques, il est possible de diminuer significativement les quantités de pesticides utilisées, en agissant sur les systèmes de productions et par des méthodes substitutives biologiques.
La récente expertise collective de l’INSERM vient de montrer que les conséquences néfastes des pesticides sur la santé sont désormais reconnues par les travaux internationaux de recherche : une forte présomption d’association est désormais reconnue entre certaines substances et différentes pathologies, notamment des maladies neurodégénératives, certains cancers, comme des cancers du sang, que ce soit chez les adultes ou les enfants.
Les travaux de l’INRA ont permis de faire avancer nos connaissances sur les mécanismes de la perturbation endocrinienne comme sur la surmortalité des abeilles. Les travaux menés par les instituts de recherche agronomique en conditions tempérées (INRA), mais aussi en conditions tropicales (CIRAD), ont montré qu’un mode de gestion agro-écologique des systèmes de production agricole permettait de réduire drastiquement la quantité de pesticides utilisée, voire dans certains cas de s’en affranchir.
Voilà plus d’une décennie que des professionnels, des scientifiques et des militants d’ONG lancent des cris d’alerte. Des retraits de certains produits ont été obtenus, souvent après des années de lutte : ce fut le cas pour les pesticides organochlorés, dont des traces sont toujours retrouvées dans les organismes vivants et les milieux naturels. Ce fut le cas pour le Fipronil (« Régent® ») ou l’Imidaclopridee (« Gaucho® »), reconnus comme facteurs de surmortalité ou d’effets sublétaux pour les abeilles entrainant la disparition des butineuses. Mais, le Thiamethoxam (« Cruiser® »), de la même famille que l’Imidaclopride, est apparu sur le marché !
Les plus récentes études de biosurveillance montrent que des traces de nombreux pesticides sont retrouvées non seulement au voisinage des aires d’épandage, mais aussi sur la très grande majorité des fruits et légumes de nos assiettes, dans les nappes phréatiques et eaux de captage, ainsi que dans l’air intérieur des bâtiments à des concentrations souvent préoccupantes.
L’effet cocktail de ces substances est encore insuffisamment documenté, mais pourrait s’avérer majeur pour un certain nombre d’associations avec des pathologies endocriniennes ou cancéreuses.
Dans l’immédiat, il est nécessaire de déclencher des campagnes d’information et de prévention auprès des publics vulnérables, des professionnels de la maternité et de la petite enfance, ainsi que de mieux prendre en considération le risque professionnel, le risque d’exposition des riverains pendant les campagnes d’épandage, et également celui de la population générale.
Enfin les signataires appellent les autorités de sécurité sanitaire et alimentaire à passer à un niveau supérieur d’alerte et de prévention pour limiter des risques sanitaires et écologiques désormais avérés et interdire la publicité assurant la promotion des pesticides vers le grand public.
Ils demandent également que les familles de produits dangereux pour l’Homme et les éco-systèmes, identifiées comme telles par le dispositif REACh, soient retirées du marché, et que des systèmes alternatifs de production, ainsi que des méthodes substitutives de bio contrôle, soient prioritairement développés. L’agriculture biologique et l’agroécologie doivent en conséquence bénéficier de mécanismes réglementaires et fiscaux puissants permettant de les privilégier significativement.
Ils réclament que les points noirs de l’imprégnation du territoire aux pesticides soient précisément ciblés et traités, notamment les zones de captages d’eau potable.
Ils appellent les autorités politiques à agir pour la réduction, voire la suppression quand cela est possible de l’usage de pesticides, considérant que ces substances qui ont envahi notre vie quotidienne sont des facteurs majeurs de l’épidémie de maladies chroniques dont l’Assemblée Générale de l’ONU, du 19 septembre 2011, a indiqué qu’elle allait déborder nos systèmes de protection sociale."

Webmaster, le 2013-11-11 15:25:03

La démarche de l'association BLOOM concernant une publication récente de l'Ifremer sur la pêche profonde ("on y trouve un certain nombre de déclarations parfaitement fausses d’un point de vue scientifique et qui ne survivraient pas un instant à la relecture d’une revue scientifique sérieuse") n'est pas sans ressembler aux travaux habituels du site citoyen Eau-Evolution.
En effet, dans un autre domaine à fort enjeu qui est celui de l'état des eaux continentales, Eau-Evolution s'est attaché à démontrer le manque de pertinence inacceptable de l'information technique environnementale, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer quant à la protection des milieux aquatiques : cela a été fait pour des publications de l'Ifen (http://eau-evolution.fr/doc/divers.php?lien=eau_etat_information_donnees_publique_ressource_patrimo), pour des publications du SOeS (http://eau-evolution.fr/doc/divers.php?lien=eau_etat_tendance_evolu_inform_publi_soes_ifen ou http://eau-evolution.fr/doc/divers.php?lien=eau_micropolluant_recherche_contamination_toxi_soes_2011) et ci-dessus pour une publication récente de l'Irstea.

L'article en question de BLOOM est "L’Ifremer : alibi officiel des lobbies industriels de la pêche profonde" (http://www.bloomassociation.org/lifremer-alibi-officiel-des-lobbies-industriels-de-la-peche-profonde/). Extraits :

"Avec un sulfureux papier de position politique, infondé scientifiquement, l’Ifremer est devenu l’alibi officiel des lobbies et se retrouve au centre du débat entre pêcheurs industriels, cabinets ministériels et ONG. C’est désolant pour les nombreux chercheurs excellents de l’Ifremer dont le travail se trouve entaché par une sombre affaire politico-industrielle – et soi-disant – scientifique.

Explication de texte : lors de la Conférence environnementale, la députée Isabelle Thomas a brandi un « dossier d’actualité » de l’Ifremer au statut bâtard, totalement infondé scientifiquement et qui ne pèse pas plus que n’importe quel blog sur le Web, sauf qu’en l’occurrence, c’est sur le site de l’Ifremer que cet article a été posté. Cela « en jette ». Alors que contient ce document pour qu’il soit si fréquemment mis en avant par les lobbies de la pêche industrielle et leurs défenseurs politiques ?
Ce plaidoyer de l’Ifremer pour le chalutage profond (http://wwz.ifremer.fr/content/download/62843/851949/file/Le%20point%20sur%20les%20p) ne représente ni l’état des connaissances actuelles ni l’avis des chercheurs de l’Ifremer sur la pêche profonde au chalut. En revanche, on y trouve un certain nombre de déclarations parfaitement fausses d’un point de vue scientifique et qui ne survivraient pas un instant à la relecture d’une revue scientifique sérieuse. Notons d’ailleurs que l’Ifremer s’est bien gardé de traduire ce document compromettant en anglais, mais BLOOM s’en est chargé (http://www.bloomassociation.org/download/English_%20IFREMER_19_Jun_2013.pdf).
Ce document n’a donc pas d’autre vocation que de répondre aux besoins politiques du cabinet de Frédéric Cuvillier et des élus de Bretagne siégeant à la Commission de la pêche du Parlement européen (Alain Cadec – UMP et Isabelle Thomas – PS) : ces quelques individus œuvrent ensemble pour faire dérailler, depuis le début, le règlement ayant vocation à protéger les écosystèmes marins les plus vulnérables du monde. Mais sans aucune munition scientifique, la tâche n’est pas aisée. Voilà ce à quoi ce document bâtard de l’Ifremer a cherché à pallier. Mais comme les ifremériens pro-pêche industrielle au chalut ne passeraient pas les fourches caudines de la relecture scientifique anonyme, ils ont opté pour la seule solution possible : un article Web, en français uniquement, sans relecture ni même approbation au sein de l’Ifremer.

Les propos scientifiquement erronés qui y sont tenus ont été épinglés par la revue « Nature » dans un éditorial (http://www.nature.com/news/deep-sea-trawling-must-be-banned-1.13656) qui met nommément en cause l’Ifremer et le sulfureux rôle politique que la science joue en France dans ce dossier. Ce n’est pas sans rappeler un autre contexte français de création de fausses controverses sur le climat… Morceaux choisis du plaidoyer de l’Ifremer pro-pêche chalutière :
- « La durabilité de l’exploitation de ces stocks (grenadier, sabre et lingue bleue) est aujourd’hui établie » => FAUX. Nulle part n’est-il fait mention de « durabilité » pour les espèces profondes. Au contraire, à chaque fois que la durabilité monospécifique est envisagée pour une ou deux espèces de poissons profonds, elle est immédiatement contre-balancée par la non durabilité de l’exploitation d’un point de vue écosystémique (soit espèces capturées accidentellement, soit habitats marins).
- « Les observations ont montré que les rejets sont largement dominés par deux espèces : le mulet noir et la grande argentine, auxquelles il faut parfois ajouter la chimère, pour lesquelles les scientifiques n’expriment pas de préoccupations. » => FAUX. Un éditorial de Nature montre au contraire que le mulet noir a chuté à seulement 6% de son abondance de 2002, ce qui le rend éligible à un statut d’espèce menacée d’extinction selon les critères de la Liste Rouge de l’UICN (http://www.nature.com/news/deep-sea-trawling-must-be-banned-1.13656).
- Mais encore, « Les connaissances des poissons et écosystèmes profonds augmentent rapidement. L’aire de répartition, la longévité et la croissance des poissons profonds exploités sont aujourd’hui bien connues » , « Les écosystèmes profonds ont été étudiés et cartographiés, ce qui permet d’identifier les zones les plus vulnérables et de les protéger », et autres perles de ce genre… Le décodage a été fait 1000 fois par BLOOM de ces mensonges assumés et très regrettables.

Il sera intéressant de voir comment le nouveau président de l’Ifremer, François Jacq, se positionnera par rapport à ce dossier peu reluisant pour la recherche française. Rupture avec son prédécesseur Jean-Yves Perrot ou complaisance renouvelée envers les cabinets ministériels ?"

Webmaster, le 2013-11-23 11:38:31

Autoriser les pesticides malgré des données brutes, des évaluations et des connaissances en écotoxicologie indigentes, c'est comme livrer aux contaminations la ressource en eau et la biodiversité associée en leur imposant le silence. C'est cela qui est grave, on ne devrait pas autoriser sans savoir évaluer ce qui est réellement dans le milieu naturel et quel est son impact réel. Le principe de précaution est complètement perverti puisqu'au lieu d'interdire les rejets dont on ne sait pas vraiment mesurer la présence et dont on ne connait pas l'impact réel, on les autorise sur la base d'études et de normes qui s'avèrent très vite dépassées, et on se donne bonne conscience en lançant des études difficiles, souvent très très longues et sans moyens financiers adaptés. La ressource en eau est sacrifiée sur l'autel de l'agriculture intensive, au même titre que les abeilles, Cf. "Les abeilles sacrifiées sur l'autel de l'agriculture intensive" (http://www.actu-environnement.com/ae/news/abeilles-mortalite-apiculture-agriculture-intensive-pesticides-Anses-20022.php4). Extraits :

"Démêler l'écheveau des causes multifactorielles
Comment expliquer un tel désastre ? "Il est dorénavant établi, affirme François Gerster qui veut incarner "la neutralité de l'Etat", qu'il n'y a pas une cause unique de mortalité des colonies d'abeilles mais plusieurs facteurs concomitants, qui parfois se potentialisent. On peut citer, ajoute-t-il, les agressions chimiques (pesticides dont insecticides, fongicides…), le parasitisme chronique de Varroa, les agressions microbiologiques (bactériennes et virales), l'insuffisance de ressources alimentaires équilibrées et accessibles tout au long de la saison, l'inadaptation des reines importées à l'écotype des colonies et les pratiques parfois inadaptées de certains apiculteurs…".
D'où des batteries d'études longues et complexes menées notamment par l'Institut national de recherche agronomique (Inra) ou par l'Anses, qui anime le réseau de surveillance européen de la mortalité des abeilles via son laboratoire de Sophia-Antipolis, afin de démêler l'écheveau de ces causes multifactorielles.

Des profils de toxicité inattendus
"On tourne autour du pot", estime toutefois Jean-Marie Barbançon, président de la Fédération nationale des organisations sanitaires apicoles départementales (Fnosad), pour qui le facteur "pesticides" est largement sous-estimé. Comme le souligne Luc Belzunces, directeur de recherche à l'INRA, "à faibles doses, et plus spécialement en exposition chronique, les pesticides peuvent présenter des profils de toxicité inattendus qui remettent en cause le dogmatique principe d'une toxicité qui croît avec l'intensité de l'exposition à un toxique".
Leurs effets peuvent être plus complexes que d'entraîner une mortalité directe des abeilles, les pesticides pouvant déséquilibrer des colonies en termes de classes d'âge, explique Jean-Marie Barbançon. Cet affaiblissement des colonies peut expliquer une sensibilité plus grande aux maladies infectieuses et parasitaires, d'où par exemple un impact plus important de Varroa, cet acarien qui parasite les ruches. L'origine "multifactorielle" de la surmortalité pourrait dès lors légitimement être rediscutée."

Webmaster, le 2013-11-28 15:59:16

"L'Ifremer estime que les données sont insuffisantes pour conclure à la durabilité de la pêche profonde" et nous aimerions que le Ministère de l'écologie estime de même que les données chimiques et biologiques sont insuffisantes et qu'il y a "un défaut de connaissance" pour continuer à autoriser les rejets chimiques ponctuels et diffus, à commencer par les pesticides… cf. "Pêche profonde: la durabilité pas prouvée pour de nombreuses espèces" (http://www.20minutes.fr/planete/1255919-20131127-peche-profonde-durabilite-prouvee-nombreuses-especes). Extraits :

"Le directeur général délégué de l'Ifremer, Patrick Vincent, a estimé que les données étaient insuffisantes pour conclure à la durabilité de la pêche profonde, prenant ainsi des distances avec la position de cet organisme affichée en 2012, relève mercredi l'ONG BLOOM.
Lors d'une table ronde mardi à l'Assemblée nationale, organisée à deux semaines d'un vote sur le sujet au Parlement européen, M. Vincent a souhaité s'expliquer sur un texte «que tout le monde cite».
«Dans ce papier, on lit que trois espèces sont au rendement maximum durable : doit-on conclure qu'il y a durabilité ?», a-t-il interrogé. «Cela veut simplement dire que pour certains stocks, l'exercice a été conduit de façon maximale» et «pour les autres stocks, nous avons un défaut de connaissance qui ne permet pas de porter les mêmes conclusions», a-t-il dit. «En résumé, sur certains stocks, il y a durabilité, sur d'autres stocks, la connaissance est insuffisante», a-t-il ajouté.
Ce texte «avait une intention pédagogique (...) avec des raccourcis, et probablement trop de raccourcis» et il n'était pas «scientifiquement suffisamment précis», a-t-il fait valoir.

L'ONG BLOOM, qui milite pour un plus stricte encadrement de la pêche profonde, a estimé mercredi dans un communiqué que le directeur général délégué de l'Ifremer avait «mis fin à une imposture scientifique française (...) en réfutant l'imaginaire durabilité des pêches profondes au chalut». L'association considère qu'à 15 jours du vote en plénière au Parlement européen, l'Ifremer «retire la maigre caution scientifique aux lobbies de la pêche profonde». Dans le texte de juillet 2012, l'Ifremer écrivait que «l'exploitation des stocks de poissons profonds a été amenée à un niveau soutenable, après la surexploitation au début des années 2000». Ce document rappelait que des mesures (quotas, aires de protection) ont été prises à partir de 2003 pour endiguer le déclin des espèces profondes (empereur, certains requins, grenadier, sabre lingue bleue, mulet noir, grande argentine, etc.) et estimait que «la gestion des pêches actuelle (avait) déjà mis fin à l'essentiel de la surexploitation des poissons profonds»."

Webmaster, le 2013-12-02 08:47:47

Cette faillite de l'évaluation des pesticides et de leurs risques dans les eaux, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, ce n'est malheureusement pas quelque chose d'original dans le domaine de la protection de l'environnement. Cf. "La faillite de l'évaluation des pesticides sur les abeilles" (http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/07/09/abeilles-la-faillite-de-l-evaluation-des-pesticides_1731092_3244.html). Extraits :
"Le coupable est-il plutôt l'incompétence ou l'accumulation de conflits d'intérêts ? Impossible de trancher. Mais la question est désormais posée : comment des tests d'évaluation des risques pour l'abeille, notoirement déficients, ont-ils pu être utilisés pendant près de vingt ans pour homologuer les dernières générations d'insecticides ? Après avoir été autorisés depuis le début des années 1990, tous (Gaucho, Régent...) ont été au centre d'intenses polémiques avant d'être retirés, au moins partiellement, du marché... Le dernier en date, le Cruiser, vient d'être interdit par la France sur le colza, une décision attaquée par son fabricant, Syngenta. Cette défaillance est d'autant plus troublante que certains de ces tests d'évaluation ont été remis à jour en 2010, c'est-à-dire tout récemment. Leur mise en cause ne vient pas d'un rapport de Greenpeace ou des Amis de la Terre, mais d'un avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Jamais, sans doute, celle-ci n'aura endossé un document aussi embarrassant. Paru fin mai, ce texte technique de 275 pages est d'ailleurs passé à peu près totalement inaperçu..."

"De manière générale, explique le rapport, "les expositions prolongées et intermittentes ne sont pas évaluées en laboratoire", pas plus que "l'exposition par inhalation et l'exposition des larves". Les calculs d'exposition des insectes sont systématiquement biaisés : ils ne tiennent pas compte de l'eau exsudée par les plantes traitées, avec laquelle les insectes sont en contact. Ils ne considèrent pas non plus les poussières produites par les semences enrobées au cours de la période des semis..."

"De même, ajoute le rapport, les effets des doses sublétales ne sont pas pleinement pris en compte par les tests standard conventionnels." Ces faibles doses ne tuent pas directement les abeilles, mais peuvent par exemple altérer leur capacité à retrouver le chemin de leur ruche, comme l'a récemment montré une étude conduite par Mickaël Henry (INRA) et publiée le 30 mars dans la revue Science."

"Les tests standard réalisés en champ sont eux aussi critiqués. Colonies trop petites, durée d'exposition trop courte... Des effets délétères, mêmes détectés, s'avèrent souvent non significatifs en raison du trop faible nombre d'abeilles utilisées."

"Ce n'est pas tout. Des "faiblesses majeures" sont pointées par les rapporteurs, comme la taille des champs traités aux insecticides testés. Les ruches enrôlées sont en effet placées devant une surface test de 2 500 m2 à un hectare en fonction de la plante. Or, explique le rapport, ces superficies ne représentent que 0,01 % à 0,05 % de la surface visitée par une butineuse autour de sa ruche... Dès lors, l'exposition au produit est potentiellement plusieurs milliers de fois inférieure à la réalité, notamment dans le cas où les abeilles seraient situées dans des zones de monoculture intensive recourant à ce même produit."

"En outre, poursuit le rapport, les abeilles devraient être testées pour déterminer si de faibles doses du produit ont déclenché des maladies dues à des virus ou des parasites... De récents travaux, conduits par Cyril Vidau (INRA) et publiés en juin 2011 dans la revue PLoS One, ont en effet montré des synergies entre le fipronil (Régent), le thiaclopride (un néo-nicotinoïde) et la nosémose, une maladie commune de l'abeille..."

"Ces manquements sont, selon l'expression d'un apidologue français qui a requis l'anonymat, chercheur dans un organisme public, "un secret de polichinelle". De longue date en effet, le renforcement de ces "lignes directrices" et autres protocoles standardisés est demandé par des apiculteurs et les associations de défense de l'environnement. En vain. Et ce, malgré un nombre toujours plus grand d'études publiées dans les revues scientifiques depuis le milieu des années 2000, qui mettent en évidence leurs lacunes."

"Les trois apiculteurs assistent tout de même au compte rendu des groupes de travail sur la mise à jour des tests standardisés. "Nous étions dans une ambiance très cordiale, avec des gens très avenants qui proposaient des choses radicalement inacceptables, estime Mme Kievits. Pour ne donner qu'un exemple, l'un des calculs de risque présenté revenait à définir un produit comme 'à bas risque' dès lors que l'abeille n'est pas exposée à la "dose létale 50" chronique [qui tue 50 % d'une population exposée sur une longue période]. Donc le produit est 'à bas risque' s'il ne tue que 49 % des abeilles ! Pour nous, c'était simplement incroyable. C'était à tomber mort !""

"Le jugement des experts mandatés par les Etats membres de l'EPPO pose quelques questions. Dans le cas de la Suède, l'expert représentant ce pays, issu du ministère de l'agriculture, a approuvé les nouveaux standards alors que deux de ses pairs de l'Agence suédoise des produits chimiques venaient, par lettre, d'apporter leur soutien aux commentaires critiques de la Coordination apicole européenne. Le jugement des experts varie donc largement selon leur employeur..."

"Et la France ? L'approbation des nouveaux standards de 2010 s'est faite sous la supervision d'une écotoxicologue de la Direction générale de l'alimentation (ministère de l'agriculture) – qui représente la France à l'EPPO. Or, cette scientifique participait aux travaux de l'ICPBR et n'est autre que la principale auteure des recommandations soumises... Elle a donc expertisé et approuvé son propre travail. Ancienne employée de Syngenta (ex-Novartis), elle est ensuite passée par différents organismes publics (INRA, Afssa, ministère de l'agriculture). Elle est, aujourd'hui, employée par l'agrochimiste Dow Agrosciences."

Webmaster, le 2013-12-02 08:49:44

Toujours à propos de la faillite de l'évaluation des pesticides et de leurs risques, la question écrite au sénat et sa réponse… cf. "Faillite de l'évaluation des pesticides sur les abeilles" (http://www.senat.fr/questions/base/2012/qSEQ120801366.html). Extraits :

"Question écrite n° 01366 de M. Jean-Louis Lorrain (Haut-Rhin - UMP) publiée dans le JO Sénat du 02/08/2012 - page 1745 :
M. Jean-Louis Lorrain attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur les leçons à tirer après la faillite de l'évaluation des pesticides sur les abeilles.
Depuis l'avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), rendu public fin mai 2012, il est avéré que des tests déficients d'évaluation des risques pour l'abeille ont été utilisés pendant près de vingt ans pour homologuer les dernières générations d'insecticides, du fait de conflits d'intérêts existant entre les organismes chargés de mettre en œuvre les protocoles (EPPPO, ICPBR), les entreprises productrices d'insecticides (BASF, Bayer CropScience, Syngenta et DuPont) et les soi-disant experts (celui mandaté par la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture en 2010, par exemple).
Il lui demande donc quelles sont les mesures et pistes de réflexion envisagées par le Gouvernement pour mettre fin à ces conflits d'intérêts, concernant les protocoles d'évaluation des risques, que ce soit dans le domaine des insecticides ou dans tout autre domaine de santé publique."

"Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée dans le JO Sénat du 20/12/2012 - page 2982 :
Dans la procédure de mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique (AMM), en application du règlement européen (CE) 1107/2009, l'évaluation des données toxicologiques écotoxicologiques, agronomiques et environnementales, et en particulier, l'exposition des abeilles aux produits phytopharmaceutiques relève, pour la substance active qu'il contient, de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et, pour le produit phytopharmaceutique, de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Indépendance, transparence et ouverture sont les principes fondamentaux sur lesquels s'appuient ces agences d'évaluation. Les avis adoptés par les groupes scientifiques de l'Efsa sont issus de décisions collectives et de délibérations collégiales. Dans les cas où les groupes scientifiques ne parviennent pas à un consensus sur un sujet donné, les experts ont la possibilité d'exprimer des avis minoritaires qui sont consignés dans les avis scientifiques. Cette question de l'indépendance est également couverte par la politique de l'Efsa sur les déclarations d'intérêts, qui veut que les intérêts soient proactivement et minutieusement examinés et gérés tout au long du processus afin de garantir qu'aucune influence indue ne vienne influencer les travaux scientifiques de l'autorité. Un rapport issu d'une évaluation externe parue début septembre 2012, confirme les bonnes performances de l'Autorité, après dix ans d'activité, en particulier à l'aune d'autres agences européennes et des normes internationales pertinentes telles que celles de l'OCDE. Les structures, la gouvernance et les procédures de l'Efsa, même si ce rapport émet également quelques recommandations susceptibles de contribuer à améliorer encore les performances de l'Autorité, en particulier l'amélioration de la transparence de certains processus décisionnels ne peuvent être remises en cause. Ces recommandations vont être étudiées lors de l'élaboration du plan stratégique de l'Efsa pour les cinq prochaines années. L'Efsa continue donc à démontrer qu' en tant que pilier de l'évaluation des risques relatifs à la sécurité des aliments destinés à l'alimentation humaine et animale dans l'union européenne, elle remplit ses obligations en toute indépendance. Ce rapport met en exergue la culture de la transparence au sein de l'Autorité et la robustesse de ses systèmes qui sont les garants de l'impartialité de ses conseils scientifiques. L'Anses, établissement public administratif de l'État issu de la fusion en 2010 de deux agences d'évaluation, est maintenant largement reconnue au niveau européen et international pour son expertise scientifique. Elle est appelée à travailler sur saisines issues d'une ou plusieurs de ses tutelles ou par auto-saisine pour fournir une évaluation scientifique rigoureuse, indépendante et pluraliste en appui aux politiques publiques. Les avis délivrés sont rendus publics. L'expertise demandée est réalisée dans le respect de la norme NF Qualité en expertise (NF X 50-110) et respecte le code de déontologie propre à l'agence, qui dispose d'un comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêt. L'expertise produite est le résultat du travail des experts réunis au sein des comités d'experts spécialisés (Ces). Dans le cas de l'évaluation des produits phytopharmaceutiques, les modèles utilisés sont ceux indiqués dans la réglementation ou dans des lignes directrices au niveau européen. Les travaux s'inscrivent dans un processus d'amélioration mis en place par l'Union européenne. Ainsi, récemment, la commission a saisi l'Efsa afin qu'elle précise les méthodologies d'évaluation en fonction des différents niveaux de sécurité à atteindre pour la protection des abeilles. Un second mandat a été adressé à l'Efsa suite aux récentes études scientifiques sur les insecticides de la famille des néonicotinoïdes et les abeilles. L'Autorité européennne doit réévaluer en priorité, pour la partie risque pour les abeilles et sur la base de ces nouvelles données, les dossiers de trois substances actives appartenant à cette famille. Les exigences en matière de données à présenter lors de la demande d'autorisation seront révisées suite à ces avis."

Webmaster, le 2013-12-02 08:52:02

Toujours à propos de la faillite de l'évaluation des pesticides et de leurs risques dans les eaux, cf. (Wallonie) "Néonicotinoïdes : après les abeilles et les oiseaux, ils déciment la vie aquatique !!" (http://www.iew.be/spip.php?article5665). Extraits :
"Après les abeilles et l’avifaune, les néonicotinoïdes sont incriminés pour leurs impacts sur la biodiversité aquatique. Une nouvelle recherche menée sur le terrain et à grande échelle montre que l’imidaclopride, un pesticide systémique de la famille des néonicotinoïdes, a une influence néfaste sur les libellules, les éphémères, les escargots et les crustacés. Dans cette étude très récente, les concentrations d’imidaclopride dans les eaux de surface du réseau de surveillance néerlandais sont couplées à l’observation d’animaux aquatiques. Dans les cours d’eau et rivières pollués au-delà de la norme autorisée, la diversité biologique a diminué de 70 %.
L’imidaclopride est l’insecticide plus utilisé dans le monde. Il s’agit d’un insecticide systémique qui pénètre dans la plante et se répand via la sève dans tous ses tissus végétaux. La Commission européenne a récemment limité l’utilisation de certains néonicotinoïdes (Clothianidin, Imidacloprid et Thiametoxam), pour une durée de deux ans. Ils ne pourront plus être utilisés sur les plantes à fleurs parce qu’ils sont responsables de la mortalité des abeilles. A cette liste devrait s’ajouter le Fipronil, un autre néonicotinoïde largement utilisé et considéré par l’EFSA comme présentant un risque aigü élevé pour les abeilles. Ce dossier n’est que la partie émergée de l’iceberg car une méta-étude récente mettait en évidence la toxicité chronique des néonicotinoïdes pour les oiseaux, caractérisée entre autres par des effets notables sur leur reproduction.

Eaux de surface surveillées en Hollande, mais pas chez nous :
Le réseau de surveillance des pesticides dans l’eau permet d’apprécier la concentration de l’imidaclopride dans les eaux de surface. Les données collectées dans l’étude hollandaise [1] l’ont été sur une période de 8 ans dans un réseau de 800 points de mesures. Ces données ont ensuite été comparées avec les données existantes relatives à la diversité des animaux aquatiques dans les eaux de surface néerlandaises. Pour rappel, seule une petite fraction des néonicotinoïdes utilisés est absorbée par la plante, le reste est lessivé par l’eau du sol vers les cours d’eau ou les nappes aquifères. De part sa forte rémanence, ce pesticide persistera longtemps après la récolte avec de graves conséquences. L’étude montre que lorsque la norme est dépassée, on compte jusqu’à 70 % en moins d’insectes aquatiques.
L’imidaclopride est au Pays-bas l’insecticide qui dépasse depuis 2004 le plus régulièrement la norme admissible dans les eaux de surface. Sur ces huit dernières années, la norme a été dépassée dans la moitié des points de mesure. Fait remarquable, certains points de mesure ont dépassé la norme d’un facteur de 25 000. Dans ces conditions, l’eau de la rivière est à ce point contaminée qu’elle peut directement être utilisée pour la pulvérisation en champs. Les chercheurs ont également montré l’incidence négative sur la diversité des espèces et le développement des larves dans les rivières et cours d’eau dont le seuil de contamination était conforme à la Loi, soit en deçà du niveau de 13 nanogrammes par litre.
Contrairement aux Pays-Bas, il n’y a pas de données publiques disponibles et récurrentes sur l’utilisation des néonicotinoïdes, ni même de suivis de la contamination dans nos eaux de surface. En Wallonie, les mesures de concentration les plus récentes dans les eaux de surfaces datent de 2002 et sont inférieures au seuil de 0,05 mg/l.

Vers une interdiction totale :
Cette étude récente révèle la faillite du système d’évaluation et de suivi des pesticides dans l’environnement. Cinquante ans après la mise en évidence de l’impact du DDT sur les chaînes alimentaires, la famille de pesticides la plus utilisée au monde, celle qui couvre les plus larges surfaces dans notre pays et probablement en Europe, ne fait même pas l’objet d’un suivi de ses concentrations dans l’environnement. En sus, les données relevées par le réseau de contrôle néerlandais mettent une fois encore en cause la capacité de prédiction des modèles utilisés pour la mise sur le marché des pesticides. L’interdiction temporaire annoncée par la Commission de trois néonicotinoïdes sur les seules cultures butinées par les abeilles est certes un premier pas important, mais c’est en fait très peu au regard de leur impact environnemental. La mortalité des abeilles suite à l’utilisation de ces pesticides n’est jamais que la partie émergée de l’iceberg. Ces insecticides sont extrêmement toxiques, restent très longtemps dans le sol et l’eau et constituent de cette manière une menace énorme pour les insectes et les oiseaux des plaines.
Les effets négatifs sur l’environnement pèsent nettement plus que les avantages « offerts » à l’agriculture. Il importe d’aller au-delà des mesures européennes et d’interdire l’usage des néonicotinoïdes."

Webmaster, le 2013-12-02 08:57:34

Toujours à propos de la faillite de l'évaluation des pesticides et de leurs risques dans les eaux, les remarques édifiantes, puisqu'elles confirment l'ignorance sur laquelle se fondent les autorisations d'utilisation de ces substances, vues sur le site du Cnrs en ce jour du 02/12/2013, dans la rubrique "Dossier scientifique : l'eau" et plus précisément le dossier "Découvrir l'eau>dégradations/la pollution par les pesticides" (http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decouv/degradation/06_pollution.htm). Extraits :
"Estimer les effets sur les écosystèmes d’une pollution liée aux pesticides s’avère difficile, car il existe un millier de familles de pesticides, soit des dizaines de milliers de pesticides. Ils sont en outre utilisés à faibles doses et leurs comportements sont très divers. Leur impact dépend à la fois de leur mode d’action (certains sont beaucoup plus toxiques que d’autres), de leur persistance dans le temps (certains se dégradent beaucoup plus rapidement que d’autres) et de leurs sous-produits de dégradation lesquels sont parfois plus toxiques et se dégradent moins vite que le composé initial. Leurs effets sur le vivant sont, eux aussi, encore très mal connus."

"Les principaux pesticides utilisés actuellement appartiennent à quelques grandes familles chimiques :
-Les organochlorés (hydrocarbures chlorés), comme le DDT synthétisé dès les années 1940, sont des pesticides très stables chimiquement. Le DDT a été utilisé partout dans le monde dans la lutte contre les insectes, jusqu'à ce que l'on découvre qu’il était peu dégradable et pouvait se concentrer dans les organismes en bout de chaîne alimentaire, par bio-accumulation, avec des risques certains pour la santé humaine. Son utilisation est aujourd’hui interdite dans de nombreux pays tempérés, mais on en trouve encore beaucoup dans les milieux aquatiques. En outre, ils continuent à être employés dans certains pays tropicaux.
-Les organophosphorés sont des composés de synthèse qui se dégradent assez rapidement dans l’environnement mais qui ont des effets neurotoxiques sur les vertébrés.
-Les pyréthroïdes sont des insecticides de synthèse très toxiques pour les organismes aquatiques. Une pollution accidentelle des eaux par ces composés peut être dramatique.
-Les carbamates, très toxiques, sont utilisés comme insecticides et fongicides.
-Les phytosanitaires, qui regroupent un très grand nombre de produits de la famille des triazines ou des fongicides, représentent plus de la moitié du tonnage annuel des pesticides utilisés en France. Ces produits réagissant avec le sol lors de leur migration (piégeage, relargage, spéciation), l’évaluation de leur devenir et de leur impact se révèle difficile."

Webmaster, le 2013-12-04 09:20:21

Quelques éléments de vulgarisation sur la bombe à retardement pour la biodiversité et l'homme que constitue la défaillance de l'évaluation de la présence dans l'environnement des perturbateurs endocriniens dont des pesticides, et le mépris du principe de précaution, cf. "Méthodes d'évaluation des perturbateurs endocriniens" (http://www.greenfacts.org/fr/evaluation-perturbateurs-endocriniens/index.htm). Extraits :

"De nombreuses substances rejetées dans l'environnement par l'activité humaine peuvent potentiellement interférer avec les systèmes endocriniens et hormonaux des animaux et des humains. Parmi ces substances à action endocrine (SAE) figurent des drogues de synthèse, des pesticides, des composés utilisés dans l'industrie et dans les produits de consommation, des sous-produits industriels et des polluants, notamment certains métaux."

"L'évaluation des perturbateurs endocriniens potentiels pose un certain nombre de problèmes :
-Il n'existe pas de définition scientifique claire de ce qu'est un 'problème', quand il s'agit du système endocrinien, et par nature, l'évaluation type des substances chimiques est difficile. Cela est notamment dû au fait que les substances chimiques peuvent interagir avec le système endocrinien de multiples façons.
-Les concentrations d'une substance qui aurait une action endocrine peuvent être très faibles et sont parfois même inférieures au seuil de détection des mesures d'évaluation type. Il est donc très difficile d'évaluer une relation de cause à effet, par exemple.
-Il est difficile de déterminer en-dessous de quelle concentration les perturbateurs endocriniens ne posent aucun problème.
-Les méthodes d'évaluation type sont insuffisantes pour beaucoup des multiples façons dont les perturbateurs endocriniens interagissent avec l'organisme."

"combined exposure to multiple endocrine active substances could occur in such a way that combined toxicity could arise"

Belzo, le 2013-12-05 19:30:23

Bonjour,
Mettre en lumière les problèmes occultés par les lobbies est crucial, pointer les manquements est d'intérêt public, dénoncer les malversations est salutaire. Ces actions sont précieuses pour la démocratie et l'avancée vers une meilleure situation. Merci à ceux qui prennent le temps et l’énergie de le faire.
Mais le faire en brandissant de telles diatribes agressives, avec un acharnement surprenant, démontant point par point des travaux scientifiques, décrédibilisant de façon globale les scientifiques et la recherche en amalgamant de bonnes idée et des contre-vérités coupables est imbécile et contre-productif. Faire croire au « citoyen » que des établissements de recherche, au motif qu'ils sont financés par le si décrié Onema, se soumettent à une pensée unique dictée par des lobbies ou un pouvoir public machiavélique est irresponsable.
Bien sûr, toute méthode a ses défauts, toute approche est plus ou moins biaisée, tout résultat est critiquable. Bien sûr il y a des erreurs commises ou des mauvaises routes suivies. Mais ce que vous dites repose sur des postulats délibérément faux ! Si, Madame Spiteri, il y a de nombreux fonctionnaires du Ministère de l’environnement (du moins parmi ceux que la RGPP et sa suite épargnent encore) qui « se défoncent », beaucoup plus que ce que leurs horaires règlementaires ne devraient permettre, pour que les choses s’améliorent, en se battant contre d’autres services des mêmes ministères ou ceux de l’Europe. Si, les scientifiques font le maximum pour que les méthodes d’évaluation montrent au mieux les problèmes, avec ce dont on dispose. Si, ils disent clairement, lorsqu’ils sont consultés, que les suivis environnementaux ne sont pas suffisants ou adaptés. Travailler sur financements publics (dont ceux de l’Onema, qui sont ceux des Agences de l’eau) laisse encore ce privilège de l’indépendance des résultats et de leur interprétation, contrairement aux travaux sur financement privé.
Même si vous avez des comptes à régler avec l’Irstea (pour y avoir œuvré quelques années, vous n’y avez certes pas laissé que des bons souvenirs…), critiquez objectivement, en faisant vraiment de l’information du « citoyen ». Bref, soyez utile et constructive, sans vous draper dans une toge de « défenseur des libertés de penser et du droit à l’information ». Il est vrai qu’à cause des politiques de désinformation qui ont eu cours et se voient encore, ces étendards sont bien pratiques pour recueillir l’adhésion des « citoyen maintenus dans l’ignorance »… Quitte à prendre des libertés avec l’interprétation des données, exercice qui relève malheureusement parfois dans vos pages du bricolage de coin de table.
Votre rôle est important. Ce n’est pas avec un style « tabloids », méchant et de mauvaise foi partisane, que vous pouvez l’assurer utilement et de façon crédible et constructive. C’est dommage pour tous.
Bien à vous

Webmaster, le 2013-12-06 10:24:10

Rép. à Belzo. Cher Monsieur,
Votre réaction furieuse me désole, et confirme hélas le terrible constat que j'ai été conduite à effectuer, et qui n'a jamais été démenti sur le fond.

Hormis votre attaque "ad feminem", vous n'apportez aucun démenti construit à la démonstration de Eau-Evolution.

Bref, plutôt que de vous égarer en invectives, soyez utile et constructif : si vous avez trouvé une erreur dans nos 50 pages de critiques techniques sur la publication Irstea ou dans nos 25 graphiques illustrant ces critiques, merci de nous la signaler en la motivant.

Webmaster, le 2013-12-09 10:30:05

Tant que la surveillance et les méthodes prétendant évaluer la contamination des eaux par les pesticides, ou leur toxicité, ne prendront pas aussi en compte, entre autres caractéristiques essentielles de ces substances, leur versatilité, ce ne seront que des simulacres de surveillance et de méthode ! Et sans parler de l'abaissement continu nécessaire des limites analytiques d'analyses de ces substances modernes de moins en moins fortement dosées, parce plus efficaces ou utilisées en cocktails, et donc de moins en moins détectables dans l'eau. Un exemple encore récent de cette versatilité, cf. "Restriction de l'usage des néonicotinoïdes : le débat continue" (http://www.actu-environnement.com/ae/news/restriction-usage-neonicotinoides-debat-continue-20162.php4). Extraits :

"Depuis le 1er décembre, l'utilisation de trois néonicotinoïdes (le thiaméthoxame, la clothianidine et l'imidaclopride) est restreinte, et ce, pendant deux ans. Soumise à différents lobbies, cette décision aura nécessité l'arbitrage en mai de la Commission européenne. Les groupes chimiques suisse Syngenta et Bayer (allemand) l'ont contesté, par ailleurs, cet été devant la Cour de justice de l'Union européenne.

"Une semi-suspension en fait puisque ces trois néonicotinoïdes restent autorisés pour le traitement de sol ou de semences des céréales d'automne et betteraves, ainsi que les pulvérisations foliaires après floraison pour la quasi totalité des autres cultures et les usages sous serres", déplore dans un communiqué, la Confédération paysanne.
Pour l'association, cette restriction ne suit que partiellement les conclusions de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa).
Dans une étude en janvier 2013, l'Efsa pointait les impacts potentiels de l'utilisation - en traitement de semences ou en granulés - de ces pesticides sur les abeilles. Ils seraient liés selon les cas, à leur exposition au pollen et au nectar, à l'émission de poussières au moment du semis ou à la guttation de la plante (notamment sur le maïs).

"Non seulement Stéphane Le Foll ne décide pas d'une interdiction totale des 3 néonicotinoïdes, comme le permet la réglementation, mais il donne un avis favorable à l'autorisation européenne d'un nouveau pesticide tout aussi dangereux : le cyantraniliprole, insecticide systémique persistant, hautement toxique pour les abeilles", alerte la Confédération."

Cyrille DESHAYES, le 2013-12-11 11:06:33

Les pesticides dans les eaux, un 2nd Tchernobyl à la française, après les PCBs !!!
Cette synthèse sur les pesticides dans les eaux que fait eau-evolution à l'occasion d'une publication de l'IRSTEA, pourrait donner lieu aux titres suivants : « Le pipeautage des données sur l’eau en France : a qui profite le crime !? » ou « Données sur l’eau : une quinzaine de millions d’analyses de pesticides sans aucun crédit !! », ou « Alerte sur les pesticides dans l’eau : un 2nd Tchernobyl à la française après les PCBs sur le Rhône!? ».

Cette publication de l’IRSTEA ne fait que confirmer ce que l’on savait déjà : la situation catastrophique de la contamination généralisée de nos eaux de surface, et la médiocrité de la qualité des données acquises cette dernière décennie et de l’exploitation qui en est faite pour qualifier la situation. Ce ne serait pas si grave, si une telle publication n’apportait, par une analyse et une exploitation vraiment critiquables, une caution scientifique aux données de la contamination chimique de l’eau par les pesticides. On peut vraiment parler d’affaire des données sur l’eau en France, ou de 2nd Tchernobyl à la française après la pollution du Rhône aux PCBs ! Pour arriver à un tel résultat sur le traitement des données sur l’eau et ainsi masquer la réalité de la situation, on peut se demander si ce type de publication sert à couvrir effectivement une situation calamiteuse, et si ce travail est inscrit dans les accords cadres passés entre l’IRSTEA et les structures de tutelles, (Ministères (MEDDE, MAP), ONEMA,…) impliquant des appuis financiers. On se poserait alors bien volontiers la question de connaître les montants financiers inscrits dans ces accords ?

La rigueur scientifique est un mot probablement inconnu dans cette publication de l'IRSTEA, au regard du travail fourni et argumenté de eau-evolution qui démontre par le menu et avec des exemples concrets fabriqués avec les données publiques sur les pesticides dans l’eau en France, que cette publication ne tient pas la route ! Spécialistes du traitement des données, voilà un métier intéressant, dans le contexte économique morose actuel : cela fait penser à Coluche et son fameux sketch sur la lessive OMO qui lave plus blanc que blanc ! Le traitement des données ou comment blanchir une situation catastrophique, par d’astucieux tours de passe-passe ! Cela s’appelle du blanchiment au service d’une politique, celle de l’eau qui nous conduit dans le mur et tout droit (ce n’est qu’une question de temps) vers le contentieux EU sur la DCE ! La France porteuse du dogme/de son modèle de l’Ecole Française de l’eau, n’est plus à cela près après le contentieux nitrates et celui sur la DERU !

Personne n’est capable aujourd’hui d’évaluer la contribution de ce cocktail chimique que constituent tous les polluants retrouvés dans l’eau dont les pesticides, à la perte de biodiversité inféodée aux milieux aquatiques. On sait que toutes ces molécules présentent à des concentrations (doses) infimes ont un effet chronique et probablement plus important que ne le laisse penser les approches d’éco-toxicologie classique (courbe dose/réponse linéaire dépendante de la concentration). Cette situation est d’autant plus préoccupante que les effets de ces molécules vont être amplifiés, notamment, pour les espèces à sang froid comme les poissons, les batraciens… La physiologie de ces espèces dépend des conditions de température ambiante jusqu’à un certain degré de conditions limitantes. Aussi dans un contexte de changements globaux, dont le changement climatique avec une augmentation de la température moyenne des cours d’eau et une amplitude des extrêmes accrue, les effets délétères des contaminants chimiques sur la biodiversité vont être accentués, à moins que ces polluants ne permettent à terme une dérive génétique et contribuent en quelque sorte à exercer une pression de sélection (en espérant que cette pression ne soit pas trop forte pour faire disparaitre les espèces !?).

A qui la faute, ou à qui profite le crime ? :
- Certainement pas à l’usager domestique qui paye 85% de cette gabegie par le biais de sa facture d’eau !
- Nos politiques ?! Peut être ! Encore faut il qu’ils soient au courant. Ils ont peu ou pas de compétences dans ce domaine. La politique de l’eau et tout ce qui s’y rattache est complexe et affaire de spécialistes. Comme les hommes politiques (élus) changent à chaque élection, (qu’elle soit locale, départementale, régionale, ou nationale), il est difficile d’ancrer une volonté de changement structurel dans la durée à toutes les strates des prises de décisions. Par contre, si les hommes politiques changent « les grands corps restent ». Ces derniers aux manettes ad vitam æternam, font «avaler » n’importe quoi aux hommes politiques nouvellement installés! ». Le problème, c'est qu'aucun homme politique n’est en mesure de décrypter le travail considérable d’alerte réalisé par eau-evolution et ses démonstrations!
Aux fabricants, vendeurs et utilisateurs de pesticides qui vont dire « responsables mais pas coupables ! », je dirai : Comment se fait il que ces formulations avec produits actifs se retrouvent dans les eaux ? Que je sache, ces produits toxiques déversés sciemment dans l’environnement, ne sont pas déversés pour se retrouver dans les eaux (surface ou nappe), il y a donc une vraie responsabilité. Par ailleurs les produits solubles dans l’eau et à la demi-vie importante ne devraient pas être épandus sur certains sols notamment perméables comme les sols karstiques, sédimentaires. De plus, non content de se retrouver dans nos eaux (patrimoine commun de la nation faut il le rappeler), ils sont épandus à faible distance des habitations sans aucune mesure de précautions, même quand ces mêmes habitations hébergent des femmes enceintes ou des enfants de moins de 3 ans. Ce point est particulièrement grave et inquiétant, quand on sait que les délais de retour sur parcelle après épandage, sont jusqu’à 48h pour les produits utilisables en France aujourd’hui ! Sur ce dernier point, dans nos campagnes, bons nombre d’élus responsables qui exercent la profession d’agriculteurs responsables ne sont pas inquiétés par de telles pratiques d’empoisonnement volontaire. Cependant certains se retrouvent parfois pris à leur propre piège, quand leur commune se voit interdire la distribution d’eau du robinet en raison de dépassements des seuils réglementaires autorisés pour les nitrates et pesticides. C’est le principe de l’arroseur arrosé ou effet boomerang, mais pas pollueur payeur. Car dans le cas de l’eau potable, c’est encore l’usager pollué une première fois par ce que certains qualifieront de troubles de voisinage (épandage de pesticides sur des zones riveraines de parcelle agricoles), qui va payer (double peine) pour la fermeture du captage, le raccordement du réseau d’eau potable à une unité de distribution de qualité conforme (parfois ayant un traitement d’eau pour les nitrates et pesticides) ! Tant que ce système est entretenu, les choses ne changeront pas dans les pratiques et les effets (pollutions des eaux).

La France donne l’impression de faire beaucoup (politique de moyens) alors que la DCE est une politique de résultats (il y en a qui n’ont pas encore tout compris !?).
Qui est capable aujourd’hui, à part quelques initiés, de porter un regard critique sur la qualité des protocoles de prélèvements (fréquences bidons,…), des analyses (seuils proposés LD ou LQ sans aucune fiabilité,…), in fine des données obtenues, et du traitement et des publications « scientifiques » qui en sont faites ?! Même les membres du Comité National de l’Eau et des Comités de bassin, à leur grande majorité en sont incapables ! Alors que penser d’un simple citoyen lambda !? On va lui faire « gober » n’importe quoi !!? « Dormez tranquille brave gens on s’occupe de tout et de vous, on vous rackette du fric par le biais de votre facture d’eau, qui doit servir en théorie à rétablir le bon état, mais comme vous êtes des benêts, qui ne comprennent rien et surtout qu’il ne faut pas informer ou former de peur que le système mis en place s’écroule, on continue et c’est une affaire qui marche ! »
La France engage beaucoup de moyens ! Mais que dire des 8 millions d’analyses/données, voire 15 millions d’après l’estimation d'eau-evolution, ces dernières années et des dizaines de millions d’euros dépensés! On dit surtout que l’on a produit 8 ou 15 millions de données, comme cela on peut dire « Houaou ! », impressionnant les efforts réalisés ! On a comme cela un stock de mesures et d’analyses important. En fait c’est un leurre, on donne l’impression que l’on fait ce qu’il faut et donc que l’on attend des résultats (cf. la DCE)! Quand en plus ces données sont triturées pour montrer à Bruxelles et aux instances nationales (CNE, Comités de Bassin,…) que (après retrait des valeurs extrêmes qui indiquent probablement un pic de contamination, alors que les prélèvements (fréquences, représentativités spatiale,…) sont déjà hautement critiquables) la France fait de réels efforts techniques, humains et financiers pour obtenir des données et qu’il est compliqué de les traiter et de rapatrier les bases de données… (rendez vous compte, 15 millions de données!), et qu’en plus on fait des efforts méthodologiques pour tenter d’exploiter au mieux ces données, alors qu’en fait il n’en est rien ! Mais qui est aujourd’hui capable de faire une démonstration comme celle de eau-evolution ? (5, 10 personnes en France ?). Qui est capable de remettre en question un travail « scientifique » comme cette publication de l’IRSTEA !? Qui ira vérifier la pertinence des données et des méthodes d'exploitation de ces données, et comment on édulcore la dégradation continue et alarmante de l’état de nos eaux au regard de cette contamination chimique invisible mais insidieuse que sont les pesticides?

Si les prélèvements, les analyses et les données obtenues sont de médiocre qualité, à quoi bon continuer à dépenser des millions d’euros. A qui profite la contamination chimique ?
A qui profite cette inertie au changement d’approche, et les déversements toujours conséquents de polluants dans notre environnement? Si le constat actuel appelle à une remise en cause des pratiques, cet appel au changement va de pair avec une mutation des équilibres économiques actuels. En théorie il ne faudrait pas attendre pour changer nos pratiques (citoyens, entreprises, et collectivités) car plus on attend, plus on continue de déverser ces tonnes de polluants toxiques dans l’environnement et nos enfants pourront nous remercier ! L’agriculture est souvent citée comme le point focal de la contamination chimique par les pesticides (il n'y a pas que les pesticides…) de nos eaux et comme activité à réformer urgemment quant à ses pratiques Si l’on s’intéresse aux impacts certains du modèle agricole dominant actuel, il faut comprendre pourquoi tant de résistance au changement : je pense qu’il faut s’intéresser aux équilibres économiques en place et notamment à notre balance commerciale (dans un contexte de déficit structurel, le secteur agricole et l’agroalimentaire contribuent aux exportations françaises), au secteur bancaire et des assurances, aux vendeurs de phytos et d’engrais (ce modèle enrichit ces activités). Soyons clair ce modèle agricole sous perfusion (aides PAC, dont l’intérêt est plus que discutable dans un contexte de prix des céréales favorables) est destructeur de biodiversité. S’intéresser aux impacts environnementaux de cette activité, et les réduire rapidement, c’est moins de business pour les vendeurs de machines agricoles, les banques, les assureurs, les producteurs et vendeurs d’engrais, de pesticides et de semences… Sur un autre registre, réduire d’autres polluants rejetés par les STEP (Stations d’Epuration), notamment certains micropolluants comme les médicaments (autres polluants non pris en compte dans la Directive ERU), c’est pousser au déploiement des nouvelles générations de STEP et faire la part belle aux grands groupes du traitement de l’eau (pourtant sur ce dossier particulier, un nouveau paradigme pour l’eau et l’assainissement cf. le propos d'Anne Spiteri sur ce sujet est plus que pertinent et permettrait l’émergence d’un nouveau modèle économique, pertinent, avec une réduction à la source des pollutions).
Les choses bougeront le jour où les usagers domestiques prendront conscience et connaissance du poids que pèse leur facture d’eau potable dans les recettes des agences de l’eau (80-85% en moyenne).

Ce travail et ce constat de eau-evolution appelle une demande de ma part :
-Le changement de paradigme de la contamination chimique : bannir les approches minimalistes molécule à molécule, pour les évaluations de la contamination, et pour les évaluations des effets de la contamination sur les espèces, les écosystèmes. Donner plus de moyens pour y travailler !
-L’octroi de moyens financiers pour traiter en toute indépendance et mettre à disposition des citoyens français une information indépendante sur l’état des eaux (surface, nappes et eaux potables) : ils le méritent d’autant plus que ces usagers domestiques sont contributeurs à 80-85% au budget des Agences de l’eau. Dédier quelques millions d’euros sur les recettes annuelles des agences serait légitime pour satisfaire cette ambition !
-Cette analyse de la publication de l’IRSTEA confère à Anne Spiteri webmaster d'eau-evolution le rôle de lanceuse d’alerte. Bruxelles devrait être informé des dérives constatées, en France sur les données sur l’eau : protocoles des prélèvements, analyses des labos, et traitement des données ! Il est clair que la France développe aujourd’hui une politique de moyens, alors que la DCE est une politique de résultats. Dans la mesure où la France ne met pas en place les programmes d’action nécessaires pour parvenir aux objectifs de la DCE, elle se contorsionne, gagne du temps pour préserver les modèles économiques mortifères pour l’eau et la biodiversité, et trouve l’artifice du traitement de données (le plus simple, car manipulable, pour montrer que l’on fait des efforts, que l’on prend le bon chemin,….) : nul doute qu’à ce petit jeu, c’est reculer l’échéance pour mieux sauter !
-Pour la même raison que l’interdiction de l’atrazine en 2003 (retrait du marché, car pesticide le plus détecté dans nos eaux avec ses métabolites), il serait opportun de cesser la commercialisation du glyphosate et de toutes les formulations commerciales en comportant : Le glyphosate et l’AMPA (molécule de dégradation du glyphosate, mais pas seulement) sont les molécules « pesticides », les plus fréquemment retrouvés dans nos eaux en France !

Belzo, le 2013-12-13 13:15:56

Bonjour,
une polémique sur un aspect annexe au débat n'est pas utile, bien sûr, mais je tiens à préciser que je n'attaquais pas, ou tout du moins ne voulais pas attaquer, la personne, mais la forme. Je persiste à dire que systématiquement tout mitrailler en règle n'est pas constructif, et apporte beaucoup de confusion dans le paysage déjà bien flou de la surveillance environnementale, pour les lecteurs qui n'y trempent pas professionnellement. En l'occurrence, même si la publication d'Irstea est critiquable, attention à ne pas laisser transparaitre les amalgames et les sous-entendus qui désignent les scientifiques (ou les autres intervenants techniques) comme responsables du fait que la surveillance est sans doute mal organisée, non pertinente sur certains points, ou ses résultats utilisés de façon erronée (voire fallacieuses ?) par certains lobbyistes corporatistes, administratifs ou politiques. Nous sommes bien d’accord sur le fond (étant moi-même impliqué, je le sais fort bien aussi), il y a de gros progrès à faire pour avoir une vision réaliste de la situation, et encore plus pour la communiquer. Certains de ces progrès seraient possibles dès maintenant si les verrous sont débloqués (vous vous y attelez, bravo !), d’autres ne le sont pas encore car ils sont techniques (méthodes d’échantillonnage et d’analyse) ou budgétaires (c’est une réalité).
Certes, si on n'aime pas le style, on n'est pas obligé de lire. Mais j’insiste tout de même(c’est sans doute plus une réaction de scientifique que de grand public !) : même s’il fait gagner en audience, un style catastrophiste et décapant tous azimuts nuit à la crédibilité des propos, et c’est dommage. C'est valable pour tous, il faut raison (et modestie) garder…
Bon courage tout de même pour vos actions.

Webmaster, le 2014-02-18 08:09:18

"Plus de cent chercheurs en agronomie ont envoyé une lettre à la direction de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Dans cette lettre, révélée par Reporterre, les chercheurs vilipendent le parti pris non scientifique d’une étude critiquant l’agriculture biologique. Face à cette bronca exceptionnelle, la direction de l’Institut agronomique se réfugie dans le silence". Cf. "Tempête à l’INRA autour d’un rapport sur l’agriculture biologique" (http://www.reporterre.net/spip.php?article5402). Extraits :
"Ils sont agronomes, géographes, économistes, sociologues, généticiens ou encore chercheurs en cancérologie. Ils travaillent dans des écoles d’agronomie, des universités ou des instituts reconnus de la recherche française, tels que le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) et l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
Ce matin, ils sont cent seize chercheurs à avoir signé en leur nom propre une longue lettre adressée au PDG de l’INRA. Reporterre a pu se la procurer : elle demande le retrait de ce qui était présenté comme une grande synthèse scientifique de l’institut sur l’agriculture biologique. Une copie a même été adressée au ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll.
L’étude contestée est le volume 1 du rapport "Vers des agricultures à hautes performances", intitulé "Analyse des performances de l’agriculture biologique". Réalisé sous la direction du directeur scientifique agriculture de l’INRA, Hervé Guyomard, il répond à une commande du Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective (CGSP), institution rattachée au Premier ministre.
Publié en octobre dernier, le document a suscité une série de réactions critiques, de la FNAB (Fédération nationale de l’agriculture biologique) et du syndicat SUD Recherche.
Mais de manière plus inattendue, la critique s’est propagée dans toute la communauté des chercheurs en agronomie et a conduit, en quelques mois, à cette lettre adressée par le collectif de scientifiques à l’INRA vient ajouter une réponse académique. "De nombreux éléments constituant ce rapport le rendent très critiquable", affirme le courrier.
"Ce rapport jouit de la légitimité scientifique de l’INRA, il sera repris et cité dans beaucoup de travaux scientifiques. Ce serait grave qu’il reste comme cela, sans débat au sein de la communauté des chercheurs. C’est pour cela qu’on demande de le retirer", explique sous couvert d’anonymat l’un des rédacteurs de la missive.
Indice que l’affaire est grave, de nombreux chercheurs et ingénieurs employés par l’INRA ont accepté de mettre leur nom en bas de la lettre. "Ce n’est pas évident de remettre en cause une production de son propre institut", remarque un autre signataire.

Un rapport qui s’appuie sur… un climato-sceptique
Point par point, chapitre par chapitre, le groupe de savants a donc entrepris d’identifier les faiblesses scientifiques de ce rapport. Au final, il est décortiqué en dix pages très denses.
"Nous voulions construire une critique argumentée de ce rapport. C’est une note écrite à plusieurs mains. Chaque partie a été relue par plusieurs experts du domaine concerné", explique à Reporterre l’un de ses auteurs. "Il ne s’agit pas de prendre partie en faveur de l’agriculture biologique, mais de plaider pour une analyse rigoureuse de ses forces et de ses faiblesses, ce qui, à nos yeux d’universitaires et de chercheurs. Cette attitude équilibrée n’est pas adoptée dans ce rapport", indique en préambule le courrier.
Première critique, "dès l’introduction, le rapport cite à plusieurs reprises des ouvrages et pamphlets connus pour leur hostilité à l’agriculture biologique", relève la lettre des chercheurs. La première citation du rapport fait référence à un ouvrage de Gil Rivière-Wekstein, clairement opposé au bio, intitulé Bio, fausses promesses et vrai marketing. Journaliste agricole, l’auteur est également directeur de la publication de la lettre d’information Agriculture&Environnement, qui relaye notamment les positions des climatoseptiques.
Rien que la lecture du résumé du rapport (p.6) donne en effet l’impression que l’agriculture biologique manque sérieusement d’avantages : "L’analyse montre que l’agriculture biologique souffre d’un handicap de productivité physique (...) ; les qualités nutritionnelles, sanitaires et organoleptiques des produits issus de l’agriculture biologique ne sont pas sensiblement différentes de celles des produits issus de l’Agriculture Conventionnelle, de sorte qu’il est peu probable que les consommateurs de ces produits en tirent un bénéfice significatif en matière de santé."

Le bio, pas si bon que ça pour la santé et l’environnement
Ensuite, la première partie du rapport propose une revue des précédentes études menées sur les performances de l’agriculture biologique (p.17). Une synthèse faite de descriptions "souvent partielles voire sélectives", écrivent les auteurs de la lettre.
Ainsi, dans la partie sur la qualité sanitaire des aliments issus de l’agriculture bio (p.57), le rapport ne consacre qu’une demi-page (sur 6 pages) à la contamination des aliments par les pesticides et "aucun lien avec les risques pour la santé n’y est mentionné", s’étonnent les rédacteurs du courrier. Le fait que les aliments bios ne contiennent pas de pesticides n’est même pas mentionné parmi les avantages de ce type d’agriculture.
De même, "l’effet positif sur la santé des agriculteurs de la non-utilisation de pesticides de synthèse en Agriculture biologique est minimisé dans le rapport", ajoute la lettre. Là encore, le rapport consacre seulement une demi-page au sujet et le titre elliptique du chapitre (p.139) est évocateur : "Un effet plutôt positif de l’agriculture biologique sur la santé des travailleurs agricoles".
A la lecture du rapport, même les "performances environnementales" de l’agriculture biologique semblent limitées. Il souligne que "le problème de la contamination des sols et des eaux par le cuivre et le soufre [produits utilisés en agriculture bio - NDLR] reste préoccupant" (p.114) mais il n’introduit "aucun élément de comparaison avec l’utilisation de produits phytosanitaires en agriculture conventionnelle", déplorent les scientifiques auteurs de la lettre critique.
"Cette absence totale de relativité dans l’analyse conduit à minimiser complètement l’avantage de l’agriculture biologique en ce qui concerne l’utilisation de pesticides."

Le rapport de l’INRA propose d’autoriser les pesticides chimiques dans l’agriculture bio
La deuxième partie du rapport s’appuie sur des données originales, afin d’analyser la "productivité et la rentabilité" de l’agriculture bio en France. Pour analyser ses rendements, il s’appuie sur une base de données où certaines exploitations bio sont classées comme utilisant des herbicides, pourtant interdits dans le cahier des charges... "Cette interdiction des herbicides n’est visiblement pas connue des auteurs du chapitre", s’inquiète le courrier adressé à l’INRA. Une fois exploitées, ces données visiblement erronées permettent à l’étude de conclure que le rendement en agriculture biologique augmente quand on applique des herbicides.
Une observation utilisée ensuite par le rapport pour proposer l’autorisation de certains pesticides de synthèse en agriculture biologique, afin d’améliorer les performances. Une recommandation "particulièrement problématique", relèvent les rédacteurs de la lettre : "Cela remet en cause la définition même de l’agriculture biologique, qui refuse l’utilisation d’intrants chimiques de synthèse."
Ils relèvent également un problème méthodologique dans le chapitre suivant, qui analyse "la compétitivité de l’agriculture biologique". Il s’appuie sur un questionnaire diffusé via internet : 1632 personnes ont eu la possibilité de le compléter, mais seulement 814 réponses ont été considérées comme exploitables. Une "mobilisation (...) très satisfaisante" (p.256) observe le rapport, qui pourtant nous apprend que "le questionnaire a probablement pâti de l’attitude de la profession des agriculteurs biologiques qui, pour des raisons qui lui sont propres, a déclaré dans ses réseaux ne pas se reconnaître dans cette consultation et par conséquent ne cautionner en aucun point cette enquête."
En fait, les questions ont été considérées comme biaisées par un grand nombre d’agriculteurs biologiques, qui ont refusé de répondre. "Beaucoup de questions ont posé problème, confirme Stéphanie Pageot, Présidente de la FNAB. La compétitivité n’est définie que d’un point de vue économique. La durabilité des fermes et la préservation de l’environnement ne sont absolument pas pris en compte."
"Cela pose un gros problème sur le plan méthodologique. Parmi les personnes qui ont accédé au questionnaire, le taux de non-réponse est énorme, les auteurs de l’étude auraient dû tout de suite s’interroger sur la qualité de leur questionnaire", s’étonne un des scientifiques signataire de la lettre. Les réponses au questionnaire n’auraient donc pas dû servir de base à une analyse scientifique, pas plus qu’à des recommandations.
Mais de façon générale, "dès le départ la démarche est biaisée" reconnaît l’un des scientifiques signataires de la lettre à l’INRA. Ce rapport propose d’aborder l’agriculture bio de la même manière que la conventionnelle, en découpant les performances par domaine (productivité, environnement, social...).
Or l’agriculture bio et l’agriculture conventionnelle n’ont pas du tout les mêmes logiques. C’est comme si vous compariez la performance d’une bicyclette et d’une voiture uniquement du point de vue de la vitesse ! Le but de l’agriculture bio n’est pas de produire autant ou plus que l’agriculture conventionnelle, c’est de produire autrement, en respectant l’environnement écologique et social. Un rapport honnête aurait dû présenter les buts de l’agriculture biologique et sa démarche holistique : on ne peut l’étudier qu’en considérant le système dans son ensemble."
Enfin, le rapport déplore également plusieurs fois le manque de données scientifiques pour évaluer les performances de l’agriculture biologique. Mais il ne cherche pas les raisons de ce manque, remarque la lettre des chercheurs, qui relève "l’absence d’analyse concernant la faiblesse récurrente de l’investissement de la recherche française et tout particulièrement de l’INRA dans le domaine de l’agriculture biologique".
Une faiblesse constatée par la FNAB : "Par exemple, on pousse pour qu’il y ait des recherches sur les alternatives au cuivre en viticulture, mais nous n’arrivons pas à obtenir un engagement de l’INRA sur le sujet", note sa présidente.
Pour combler ce retard de la recherche française en agriculture biologique, le rapport explique que le bio peut profiter des recherches faites sur l’agriculture en général... Un engagement insuffisant regrette encore la FNAB. "Ils nous disent que les recherches de l’INRA sur le sol peuvent nous servir... Mais s’ils font leurs analyses sur des sols pleins de pesticides, cela ne peut pas s’appliquer à l’agriculture biologique", explique Stéphanie Pageot.

Un rapport "idéologique" ?
Alors pourquoi ce rapport est-il aussi biaisé ? C’est avant tout une position "idéologique" explique-t-on chez SUD Recherche : "A la lecture du rapport, on était consternés sans être vraiment surpris. C’est dans la continuité du positionnement de la direction générale de l’INRA sur la question du bio. Ce rapport reflète une certaine idée du progrès, de personnes qui ne croient qu’à la technoscience."
Le malaise provoqué par ce document ajoute à l’embarras permanent de certains chercheurs, qui déplorent la faiblesse des moyens attribués à la recherche en bio. Selon le communiqué du syndicat, "le constat du faible investissement de l’INRA dans ce domaine de recherche (moins de 100 équivalents temps plein sur plus de 7 500 titulaires) avait été posé dans le livre blanc de l’INRA sur l’agriculture biologique en 2000".
Un manque d’investissement que relève aussi le journaliste Vincent Tardieu dans son livre-enquête sur l’agroécologie en France (Vive l’agro-révolution française !, ed. Belin, 2012) : "l’investissement de la recherche française en agriculture biologique ressemble à une mise ’pour voir’ d’un joueur de poker."
"L’INRA est historiquement au service du productivisme agricole, poursuit-on chez SUD Recherche. Mais d’habitude cette opinion est exposée de façon plus subtile, plus nuancée... Là on a un point de vue très orienté."
Cela pourrait s’expliquer par la forme scientifique prise par ce rapport. Il s’agit, dans la classification de l’INRA, d’une "étude". "Elle ne nécessite aucune règle particulière en terme de révision par les pairs ou de discussion collective", déplore l’un des scientifiques ayant signé le courrier à l’INRA.
C’est pourquoi en plus du retrait du rapport, dans leur lettre, les scientifiques demandent également à l’INRA une "expertise scientifique collective", qui garantit que l’analyse est confiée à un "collectif pluridisciplinaire d’experts".
Après l’envoi de cette lettre fin décembre, des discussions ont été entamées entre ce collectif de chercheurs et la direction de l’INRA, qui pour l’instant ne s’est pas engagé à répondre aux demandes des scientifiques. Contactée par Reporterre, elle n’a pour l’instant pas souhaité réagir."

Webmaster, le 2014-02-18 08:10:51

Après celle de l'IRSTEA, une publication environnementale de l'INRA aussi semble inacceptable… Cf. la "note argumentée signée de 63 chercheurs et enseignants-chercheurs issus de diverses disciplines et de différents instituts, universités, centres de recherches en France et hors de France" demandant au PDG de l'INRA "de retirer le rapport d'étude intitulé -Vers des agricultures à haute performance, vol. 1, Analyse des performances de l'agriculture biologique- et sa synthèse, que l'INRA a réalisé pour le Commissariat général à la stratégie et à la prospective" (http://www.reporterre.net/IMG/pdf/inra-demande_de_retrait_du_rapport_inra-lettre_v_0.pdf). Extraits :

"Cette demande fait suite à une lecture attentive du rapport et à une analyse approfondie de ses fortes limites analytiques et méthodologiques. Il ne s'agit certainement pas de prendre parti en faveur de l'agriculture biologique, mais bien en faveur d'une analyse rigoureuse de ses forces et de ses faiblesses, ce qui, à nos yeux d'universitaires et de chercheurs, n'est pas le cas dans ce rapport".

"A partir des exemples développés plus hauts, il apparait très clairement que les recommandations du volume 1 du rapport INRA "vers des agricultures à haute performance" portant sur l'agriculture biologique s'appuient manifestement sur les conclusions de revues de littérature rédigées par des auteurs qui prennent position sur des connaissances incomplètes, et sur des développements méthodologiques particulièrement problématiques et critiquables sur le plan de la démarche scientifique. Ainsi paradoxalement, tout en soulignant la faible quantité de données et de références disponibles sur l'AB, le rapport conclut souvent sur les performances de l'AB de manière beaucoup plus tranchée que ne devraient le permettre la littérature et les études mentionnées.

L'étude INRA CSGP ne satisfait donc pas aux principes fondamentaux de compétence, pluralité et état des points de vue divergents des connaissances conditionnant la qualité de toute expertise. Ces principes s'appliquant formellement pour "l'expertise scientifique collective de l'INRA" mais pas pour ses "études", leur application à ce rapport n'était pas formellement requise. Cela nous semble néanmoins particulièrement regrettable en l'espèce dans la mesure où la caution scientifique de l'INRA est forcément associée au rapport et dans la mesure où, par définition, "à la différence de l'expertise collective, l'étude peut déboucher sur des recommandations endossées par l'institut et faites au commanditaire". Et en effet, ce rapport multiplie les recommandations.

Nous demandons donc un retrait de l'étude INRA "Vers des agricultures à haute performance environnementales, volume 1" et de sa synthèse, et la mise en place d'une expertise scientifique collective menée en accord avec les principes qui la régissent sur l'agriculture biologique et les agricultures à haute performance environnementale et avec toutes les collaborations nécessaires de chercheurs et instituts compétents dans les différentes composantes du champ étudié."


Site créé en décembre 2008. Merci de votre visite. Informations légales et politique éditoriale