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Information ou désinformation sur l'état des eaux (1) : la surveillance des contaminants chimiques et l'évaluation de l'état chimique DCE ne sont que des leurres


Résumé : une analyse détaillée réalisée en février 2008 à partir d’investigations sur le web montre que la surveillance chimique des cours d'eau mise en place par la France dans le cadre de la directive européenne sur l'eau ainsi que la définition du bon état chimique DCE ne répondent absolument pas aux attentes ni aux enjeux liés à la gravité de ce type de contamination. Il est urgent de mettre en place une surveillance et une évaluation chimiques réellement patrimoniales.


La surveillance chimique mise en place par la France dans le cadre de la directive européenne sur l'eau ainsi que la définition du bon état chimique DCE répondent-ils aux attentes et aux enjeux liés à la gravité de ce type de contamination ? C'est l'objet de cette analyse qui concerne les cours d'eau et qui est effectuée à partir des textes de cadrage européen et des premières circulaires françaises. Certains détails du dispositif de surveillance prévu par la France sont encore provisoires et changeront en mieux ou peut être en pire, mais les grandes bases de la surveillance sont posées et méritent d'ores et déjà toute notre attention.
Les principaux textes européens et français (téléchargeables sur Europa et sur Legifrance) analysés sont les suivants :
Directives européennes
-Réf. 1 : Directive 76/464/CEE du Conseil du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté.
-Réf. 2 : Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
-Réf. 3 : Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil du 17 juillet 2006 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l'eau et modifiant la directive 2000/60/CE.
Circulaires Françaises
-Réf. 4 : Circulaire DCE 2005-12 du 28 juillet 2005 relative à la définition du "bon état" et à la constitution des référentiels pour les eaux douces de surface (cours d’eau, plans d’eau), en application de la directive européenne 2000/60/DCE du 23 octobre 2000, ainsi qu’à la démarche à adopter pendant la phase transitoire (2005-2007).
-Réf. 5 : Circulaire DCE 2006/16 du 13 juillet 2006 relative à la constitution et la mise en œuvre du programme de surveillance (contrôle de surveillance, contrôles opérationnels, contrôles d’enquête et contrôles additionnels) pour les eaux douces de surface (cours d’eau, canaux et plans d’eau) en application de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 du Parlement et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.
-Réf. 6 : Circulaire DE n° 11 et DCE n° 2007/24 du 31 juillet 2007 relative à la constitution et à la mise en œuvre du programme de surveillance (contrôles opérationnels) pour les eaux douces de surface (cours d’eau, canaux et plans d’eau).
-Réf. 7 : Circulaire du 7 mai 2007 définissant les "normes de qualité environnementale provisoires (NQEp)" des 41 substances impliquées dans l’évaluation de l’état chimique des masses d’eau ainsi que des substances pertinentes du programme national de réduction des substances dangereuses dans l’eau. Cette circulaire fixe également les objectifs nationaux de réduction des émissions de ces substances et modifie la circulaire DCE 2005/12 du 28 juillet 2005 relative à la définition du "bon état".

N.B. : L'objectif de Eau-Evolution n'est pas de dénigrer ni de polémiquer, mais de contribuer le plus largement possible au développement et au partage d'un esprit critique et participatif dans le domaine de l'information technique environnementale. Synthétiser des circulaires souvent assez confuses et évasives est un travail délicat, avec des erreurs possibles, mais ce n'est pas une raison pour ne pas le faire. Le lecteur est vivement engagé à exercer lui aussi son esprit critique. Les éventuelles corrections, mises à jour ou précisions sont les bienvenues.

L'essentiel des pollutions chimiques des eaux douces arrivant par la surface et pour ne pas alourdir l'exposé, cet article ne s'intéresse qu'à la surveillance chimique des cours d'eau ; et parce qu'elle ressemble beaucoup à celle des cours d'eau, nous ne commentons pas la surveillance des lacs et plans d'eau. Pour les eaux souterraines, on ne s'intéresse qu'à la définition de l'état chimique réglementaire. Ci-dessous le plan synthétique suivi :
Le cadrage DCE et les circulaires françaises
Les deux modes d'évaluation de la qualité chimique
Le cadrage DCE sur la surveillance, l'opérationnel et le bon état chimique
Le cadrage DCE et la marge d'action des états membres
Ce que prévoient les circulaires françaises sur la stratégie de surveillance des pollutions chimiques et sur le mode d'évaluation du bon état chimique
La surveillance française est une surveillance plutôt opérationnelle et fondée sur des NQE mouvantes, empiriques et souvent très élevées
Tout le système de surveillance à la française repose in fine sur les NQE
Or ces NQE ont un caractère hautement empirique et évolutif
L'élasticité des évaluations de la qualité de l'eau basées sur des normes ou des seuils réglementaires
Quelles substances surveille-t-on en France ?
La DCE et les recommandations des experts
Les listes de surveillance "peaux de chagrin" de la France
Quels protocoles de mesure pour la surveillance française ?
La DCE et les recommandations des experts : si on le voulait, on a tous les éléments pour faire bien
Le protocole d'acquisition prévu étant tout à fait inadapté et insuffisant, la France balayerait-elle la spécificité des données et les recommandations ?
Où surveille-t-on les polluants chimiques en France ?
Le cadrage DCE
La surveillance française
Le bon état chimique et la réalité de la qualité des eaux en France
L'état chimique ne prend en compte que 41 substances
L'état chimique ferme les yeux sur le cumul de substances toxiques
L'état chimique n'évalue pas le degré des contaminations
Quels enjeux pour la surveillance française ?
Vous avez dit enjeux ? Le bon état écologique et les pollutions toxiques
L'état chimique des eaux souterraines
Une surveillance chimique française biaisée, tronquée et inadaptée aux problématiques actuelles de l'eau
Un état chimique bidon et une surveillance dégradée
Quelques commentaires d’organismes de recherche et d’expertise sur la prise en compte des micropolluants et sur la surveillance chimique française
Un problème de gros sous ou un choix délibéré ?
Copie à revoir : la surveillance chimique française n'est pas patrimoniale

_______________ LE CADRAGE DCE ET LES CIRCULAIRES FRANÇAISES _______________

"La pollution chimique des eaux de surface constitue une menace tant pour le milieu aquatique, avec des effets tels que la toxicité aiguë et chronique pour les organismes aquatiques, l'accumulation dans les écosystèmes et la disparition d'habitats et d'espèces, que pour la santé humaine" (3). C'est pour lutter de façon efficace contre ce type de pollution que la directive cadre a imposé le cadre général d'une stratégie de réduction des émissions, de surveillance et d'évaluation de l'état chimique des eaux. Le volet chimique de la surveillance mise en place par la France dans ce contexte a-t-il réellement pris la mesure de cette menace ?

LES DEUX MODES D'EVALUATION DE LA QUALITE CHIMIQUE

Une évaluation patrimoniale est une évaluation qui permet d'apprécier le niveau de dégradation de la ressource indépendamment de toute référence à un quelconque usage. Elle respecte un minimum le principe de précaution et s'oppose à une évaluation anthropocentrique à court terme de son aptitude à différents usages.
La réglementation fixe des seuils à ne pas dépasser. Ils correspondent le plus souvent à des usages mais peuvent être ou du moins paraître patrimoniaux. Ces derniers doivent prendre en compte tous les aspects de la connaissance scientifique des écosystèmes aquatiques, des relations entre l'état des eaux et le maintien de la biodiversité, etc. Ce qui se traduit forcément par des valeurs très basses.

Il y a schématiquement deux types de méthodes complémentaires pour évaluer la qualité chimique à partir des données brutes sur l’eau :
-De façon à être accessibles à tous les gestionnaires, les méthodes utilisées pour les évaluations réglementaires sont généralement des techniques de calculs assez simplistes (moyenne annuelle, percentile 90, etc.) avec des critères de sélection tout aussi simplistes (4 mesures de pesticides par an, etc.). Pour pouvoir évaluer des tendances, il est souvent fait appel à une gradation des détériorations selon plusieurs classes de qualité préétablies (5 classes du SEQ, etc.). Mais il ne faut pas confondre les objectifs en terme de dépassement de seuils avec le principe de l'utilisation de classes de qualité qui permettraient éventuellement de calculer des tendances acceptables à condition qu'elles soient bien conçues, qu'elles aient du sens et que les limites de ces classes soient patrimoniales et donc suffisamment basses.
-Les méthodes utilisées pour les évaluations patrimoniales font appel à l'arsenal des méthodes modernes de la statistique et de l'analyse des données multidimensionnelles pour visualiser et analyser les niveaux de contamination et leurs évolutions. Ce qui n’empêche nullement de comparer les niveaux de dégradation ainsi obtenus aux seuils réglementaires.

Les approches de gestionnaire sont orientées vers l'efficacité à court terme. Elles sont faciles à mettre en œuvre et ne demandent pas une surveillance très lourde. Mais en contrepartie, elles restent très peu performantes et pertinentes, particulièrement pour les micropolluants. Elles ne peuvent donc être qu'un complément de l'approche patrimoniale "statistique et analyse des données" qui est la seule approche réellement adaptée à la gestion sur le long terme d’une ressource patrimoniale. Cette approche patrimoniale permet la connaissance approfondie de la ressource et la compréhension du fonctionnement et des évolutions à long terme des écosystèmes. Elle permet de mettre en évidence la dégradation des milieux par rapport à l'état de référence qui est "zéro contamination" pour les polluants chimiques synthétiques, ou d'établir un lien entre les substances chimiques et les phénomènes de toxicité constatés. Elle exige cependant une surveillance extrêmement complète et précautionneuse, avec en particulier l'utilisation de limites analytiques les plus basses possibles, de fréquences de mesures élevées et adaptées à la variabilité des concentrations, etc.
Quel que soit le caractère plus ou moins réducteur des évaluations réglementaires, l'essentiel est donc que le caractère patrimonial de la surveillance chimique soit toujours préservé.

LE CADRAGE DCE SUR LA SURVEILLANCE, L'OPERATIONNEL ET LE BON ETAT CHIMIQUE

Ci-dessous, les grandes lignes du cadrage de la DCE :
Objectif de la surveillance
-"Les États membres veillent à ce que soient établis des programmes de surveillance de l'état des eaux afin de dresser un tableau cohérent et complet de l'état des eaux au sein de chaque district hydrographique" (2).
-"Les États membres établissent des programmes de contrôle de surveillance afin de fournir des informations pour évaluer les changements à long terme des conditions naturelles et les changements à long terme résultant d'une importante activité anthropogénique" (2).
La surveillance chimique prévue est donc clairement une surveillance patrimoniale. Le programme de surveillance prévoit aussi en particulier un contrôle opérationnel complémentaire pour : "établir l'état des masses d'eau identifiées comme risquant de ne pas répondre à leurs objectifs environnementaux, et évaluer les changements de l'état de ces masses suite aux programmes de mesures" (2).

Les normes de qualité environnementale (NQE)
La NQE (Norme de Qualité Environnementale) est "la concentration d'un polluant ou d'un groupe de polluants dans l'eau, les sédiments ou le biote qui ne doit pas être dépassée, afin de protéger la santé humaine et l'environnement" (2).
-"En matière de prévention et de contrôle de la pollution, il convient que la politique communautaire de l'eau soit fondée sur une approche combinée visant la réduction de la pollution à la source par la fixation de valeurs limites d'émission et de normes de qualité environnementale" (2).
-"Les États membres veillent à ce que la composition de leurs eaux de surface soit conforme aux normes de qualité environnementale pour les substances prioritaires, exprimées en moyenne annuelle et en concentration maximale admissible" (3).
Les experts recommandent que les limites de quantifications ne dépassent pas une valeur maximale égale au tiers de la NQE : "La limite de quantification (LQ) doit respecter le critère LQ <= 30% NQE selon la proposition provisoire pour les spécifications techniques de la surveillance chimique" (cf. Les substances dangereuses – écotoxicologie et normes de qualité).

Le très bon état, le bon état et le risque pour les polluants chimiques
-Le très bon état : "Concentrations proches de zéro et au moins inférieures aux limites de détection des techniques d'analyse les plus avancées d'usage général" (2). Ces concentrations doivent tenir compte du niveau du fond géochimique pour les contaminants métalliques qui peuvent se trouver à l'état naturel dans l'eau (cadmium, mercure, plomb et nickel).
-Le bon état : "Concentrations ne dépassant pas les normes fixées" (2).
-Le risque : "Lorsqu'une masse d'eau répond à toutes les normes de qualité environnementale établies à l'annexe IX, à l'article 16 et par d'autres dispositions législatives communautaires fixant des normes de qualité environnementale, elle est enregistrée comme atteignant un bon état chimique. Si tel n'est pas le cas, la masse d'eau est enregistrée comme n'atteignant pas un bon état chimique" (2).

La NQE est donc la limite supérieure du bon état chimique. Le bon état part de la limite de détection la plus basse possible et va jusqu'à la NQE. L'objet de la surveillance est de surveiller l'évolution des concentrations pour vérifier qu'elles restent dans cet intervalle et pour détecter si la tendance pourrait les conduire à dépasser la NQE. L'objet de l'opérationnel est de prendre le relais de la surveillance lorsque la NQE est dépassée (objectifs de réduction, cf. Les substances dangereuses – écotoxicologie et normes de qualité) ou lorsque la NQE pourrait être dépassée compte tenu des tendances (objectifs de non-détérioration). L'opérationnel utilise un suivi plus intensif, en fréquence et en nombre de points, et tous les ans au lieu de tous les 3 ans, de façon à ajuster efficacement les réponses à l'évolution de l'état de la masse d'eau. Il ne dure que le temps nécessaire. Tous ces concepts sont schématisés ci-dessous :




Les substances à surveiller
Le cadrage est le suivant : "-les polluants de la liste de substances prioritaires qui sont rejetés dans le bassin ou le sous-bassin hydrographique et -les autres polluants rejetés en quantités importantes dans le bassin ou le sous-bassin hydrographique" (2).
La liste indicatives des principaux polluants chimiques est la suivante : "1. Composés organohalogénés et substances susceptibles de former des composés de ce type dans le milieu aquatique, 2. Composés organophosphorés, 3. Composés organostanniques, 4. Substances et préparations, ou leurs produits de décomposition, dont le caractère cancérigène ou mutagène ou les propriétés pouvant affecter les fonctions stéroïdogénique, thyroïdienne ou reproductive ou d'autres fonctions endocriniennes dans ou via le milieu aquatique ont été démontrés, 5. Hydrocarbures persistants et substances organiques toxiques persistantes et bio-accumulables, 6. Cyanures, 7. Métaux et leurs composés, 8. Arsenic et ses composés, 9. Produits biocides et phytopharmaceutiques" (2).

Localisation des contrôles
Les critères sont très ouverts sur ce sujet : "Le contrôle de surveillance est effectué sur la base d'un nombre suffisant de masses d'eau de surface pour permettre une évaluation de l'état général des eaux de surface à l'intérieur de chaque captage ou sous-captage du district hydrographique" (2).

Fréquences des contrôles
La DCE impose des fréquences minimum : "Le contrôle de surveillance est effectué, pour chaque site de surveillance, pendant une période d'un an durant la période couverte par le plan de gestion de bassin hydrographique", avec "une mesure tous les mois pour les substances prioritaires" et "une mesure tous les 3 mois pour les autres polluants" (2). Mais elle précise cependant :
-"Les fréquences sont choisies de manière à parvenir à un niveau de confiance et de précision acceptable. L'évaluation de la confiance et de la précision atteintes par le système de contrôle utilisé est indiquée dans le plan de gestion de district hydrographique" (2).
-"Sont choisies des fréquences de contrôle qui tiennent compte de la variabilité des paramètres résultant des conditions à la fois naturelles et anthropogéniques. L'époque à laquelle les contrôles sont effectués est déterminée de manière à réduire au minimum l'effet des variations saisonnières sur les résultats, et donc à assurer que les résultats reflètent les modifications subies par la masse d'eau du fait des variations des pressions anthropogéniques. Pour atteindre cet objectif, des contrôles additionnels seront, le cas échéant, effectués à des saisons différentes de la même année" (2).

LE CADRAGE DCE ET LA MARGE D'ACTION DES ETATS MEMBRES

Si la DCE a fait le choix ambitieux d'une surveillance patrimoniale, elle a malheureusement choisit d'évaluer l'état chimique selon une approche réductrice de "dépassements de seuils réglementaires" (NQE) pour 41 substances. La surveillance nécessaire pour pouvoir évaluer cet état chimique réglementaire est bien évidement beaucoup plus légère qu'une surveillance patrimoniale.
Le choix de la définition du bon état chimique est communautaire et ne fait peut être pas l'unanimité. Mais il faut rappeler que c'est un bon état pragmatique a minima d'urgence qui est sensé s'appliquer à l'ensemble des eaux européennes. L'objectif de la DCE est que tous les districts des États membres atteignent le bon état chimique en 2015, sauf les dérogations. La Directive fixe donc un cadre commun dont le référentiel des masses d'eau et un protocole minimum obligatoire de surveillance qui n'a rien à voir avec une vraie surveillance patrimoniale. Ce cadre doit faciliter l'évaluation du bon état, la fourniture de certaines données et la mise en œuvre de certaines mesures communautaires.
Il y a un décalage certain entre d'une part les objectifs ambitieux de la Directive cadre avec les recommandations de surveillance des experts et d'autre part le cadrage a minima imposé. En effet, dans la mesure où ce cadrage communautaire est respecté, chaque état membre reste libre d'organiser comme il le souhaite la surveillance de sa ressource en eau, même s'il est fortement incité à l'organiser du mieux possible en fonction des problématiques particulières auxquelles il est confronté. Cette délégation de responsabilité est bien explicitée, par exemple :
-pour fixer certaines NQE : "Au regard de l'intérêt communautaire et dans l'optique d'une réglementation plus efficace en matière de protection des eaux de surface, il convient d'établir des NQE pour les polluants classés comme substances prioritaires au niveau communautaire et de laisser aux États membres le soin de définir, le cas échéant, les règles gouvernant les autres polluants au niveau national, sous réserve de l'application des dispositions communautaires en vigueur" (3).
-pour fixer les fréquences de mesure : "An objective of surveillance monitoring is to assess the long term changes in natural conditions and long term changes resulting from widespread anthropogenic activity. The minimum frequencies given in the Directive may not be adequate to achieve an acceptable level of confidence and precision in this assessment. It may therefore be necessary to increase the frequencies of at least some surveillance monitoring parameters" (cf. Framework directive guidance document n° 7) et aussi : "The Directive allows Member States to tailor monitoring frequencies according to the conditions and variability within their own waters. These are likely to differ greatly from determinand to determinand, from water body type to water body type, from area to area and from country to country, recognising that a frequency adequate in one country may not be so in another. However, the key is to ensure that a reliable assessment of the status of all water bodies can be achieved, and the reliability of that assessment in terms of confidence and precision must be provided. Annex V provides tabulated guidelines in terms of the minimum monitoring frequencies for all the quality elements. The suggested minimum frequencies are generally lower than currently applied in some countries. More frequent samples will be necessary to obtain sufficient precision in supplementing and validating Annex II assessments in many cases" (cf. Common implementation strategy for the water framework directive).
A l'instar des autres pays européens, la France doit donc concevoir un programme de surveillance qui prenne en compte d'une part les objectifs, le cadrage et les obligations de rapportage de la Directive, et d'autre part ses problématiques particulières de qualité des eaux.

CE QUE PREVOIENT LES CIRCULAIRES FRANÇAISES SUR LA STRATEGIE DE SURVEILLANCE DES POLLUTIONS CHIMIQUES ET SUR LE MODE D'EVALUATION DU BON ETAT CHIMIQUE

En 2007, la France a démarré sa première campagne de mesures avec le nouveau réseau de surveillance mis en place pour répondre à la Directive 2000/60/CE. Le premier rapportage est attendu pour mars 2008. Voici une présentation synthétique de la stratégie mise en place (Réf. 4 à 7) :
-Le réseau de contrôle de surveillance des cours d'eau mis en place dans le cadre de la DCE comprend environ 1500 stations de mesures représentatives de l'ensemble de ce type de masses d'eau.
-Sur l'ensemble de ces 1500 stations, en vue d'évaluer l'état chimique, on mesure une liste de 41 substances chimiques "prioritaires" dont 13 "prioritaires dangereuses" (Le terme "substance" comprend parfois une famille de substances). La fréquence du suivi est de 12 mesures par an pour les molécules dont le support le plus pertinent est l'eau, 1 mesure par an pour les molécules dont le support le plus pertinent est le sédiment, avec une campagne tous les 3 ans, soit deux campagnes par plan de gestion de six ans.
-Sur 25 % des 1500 stations du réseau de surveillance, on mesure aussi des substances non prioritaires : une liste de 86 substances pertinentes au titre du programme national de réduction des substances dangereuses "PNAR" (114 en tout, mais 86 qui ne figurent pas déjà dans les 41) et sélectionnées en particulier lors de l'inventaire 2005, ainsi qu'une liste de 65 pesticides complémentaires aux deux listes des 41 et des 86 substances "de façon à acquérir de la donnée". D'autres substances spécifiques "peuvent être ajoutées" la première année d'analyse. La fréquence précisée est de 4 mesures par an dans l'eau, 1 mesure par an pour les sédiments, au rythme d'une campagne tous les 3 ans.
-Une NQE (Norme de Qualité Environnementale, encore provisoire) a été affectée à chacune des 41 substances prioritaires (NQE communautaire), ainsi qu'aux 86 autres substances pertinentes du PNAR (NQE française).
-Ces NQE servent à évaluer le bon état chimique de l'eau : on calcule la moyenne arithmétique annuelle des 12 concentrations mesurées pour chacune des 41 molécules prioritaires. Si une seule des 41 molécules dépasse sa NQE, la station n'est pas en bon état chimique. Pour les mesures dans le sédiment, pas de NQE à respecter mais "un suivi" pour vérifier que les concentrations n'augmentent pas.
-Ces NQE servent aussi à appliquer des "règles de désélection". En effet, la première année du suivi, soit 2007 pour les 41 prioritaires et les 86 pertinentes du PNAR, et 2008 pour les pesticides complémentaires, toutes les molécules sont mesurées. Si la moyenne annuelle des 12 mesures pour les 41, ou des 4 mesures pour les 86 est inférieure à la NQE de cette molécule, elle est désélectionnée de la liste des molécules recherchées lors des campagnes suivantes. Il faudra attendre le troisième plan de gestion, soit 2018 pour reprendre les mesures des listes complètes. Pour les 65 pesticides complémentaires et autres substances spécifiques, les règles de désélection sont les mêmes, mais sur le critère "qui posent problème" puisqu'il n'y a pas de NQE.
-Les 86 substances non prioritaires pertinentes au titre du PNAR ne sont pas prises en compte dans l'état chimique. Selon la Directive 2000/60/CE, elles doivent être prises en compte, au moyen de leurs NQE, dans le bon état écologique. "Une circulaire ultérieure" devrait préciser la manière dont elles seront prises en compte.
-Pour les 13 substances prioritaires dangereuses, l'objectif 2015 est de réduire les émissions de 50 % par rapport en 2004. Pour les 28 autres substances prioritaires, l'objectif de réduction est réduit à 30 %. Pour les 86 substances pertinentes du PNAR, il sera probablement réduit à 10 %.

LA SURVEILLANCE FRANÇAISE EST UNE SURVEILLANCE PLUTOT OPERATIONNELLE
______ ET FONDEE SUR DES NQE MOUVANTES, EMPIRIQUES ET SOUVENT TRES ELEVEES ______

TOUT LE SYSTEME DE SURVEILLANCE A LA FRANÇAISE REPOSE IN FINE SUR LES NQE

Si on comprend bien, voici ce que l'on va réellement mesurer dans le cadre du programme de surveillance, comment et où on va le faire :
La surveillance concerne 3 listes de substances "tronc commun" présélectionnées : les 41 de la DCE, les 86 du PNAR et les 65 pesticides complémentaires, plus éventuellement des substances spécifiques. A la fin de la première année de mesure, on élimine de la surveillance toutes les substances dont la moyenne des concentrations est inférieure à leur NQE ou, si elles n'ont pas de NQE, pas jugées à "problème". Donc en réalité, jusqu'en 2018 où on reprendra des listes complètes, on ne surveillera plus que des listes réduites comprenant uniquement les substances à risque : les ex-41 (survivantes des 41 mesurées au-dessus de leur NQE), les ex-86 (survivantes des 86 mesurées au-dessus de leur NQE) et les ex-65 pesticides et autres (survivantes des pesticides et autres "qui posent problème"). Le protocole est le suivant :
-Sur les 1500 stations du réseau, on mesure les ex-41, à raison de 12 mes/an tous les 3 ans.
-Sur seulement 380 d'entre elles, on mesure aussi les ex-86 du PNAR et les ex-65 pesticides, à raison de 4 mes/an tous les 3 ans, sans aucune distinction de protocole selon les paramètres.
Aucun cadrage n'est défini pour les limites de quantification dans la circulaire 2006/16 relative à la surveillance. Mais pour l'inventaire exceptionnel 2005, les limites de quantification maximales étaient calées sur les NQE.

L'évaluation de l'état chimique communautaire est une évaluation du type "dépassements de seuils réglementaires". Ces seuils sont les NQE des 41 prioritaires. Ce mode d'évaluation est très discutable, surtout si en plus, comme on va le voir plus loin, il n'est pas appliqué avec toutes les précautions nécessaires. Mais le problème le plus grave, c'est que la surveillance elle-même a été asservie et à l'emporte pièce à ces seuils, si bien qu'elle n'est plus tout à fait patrimoniale et qu'elle ne permettra en tous cas pas d'évaluation patrimoniale de l'état chimique réel.
Il y a ainsi, pour les 41 prioritaires et 86 du PNAR, une espèce de confusion entre surveillance et opérationnel : les deux réseaux ne surveillent finalement la plupart du temps dans ces listes que les mêmes substances, celles qui dépassent leur NQE. Pour les autres substances aussi, pesticides et autres ajoutées, la surveillance ne mesure que les substances dépassant une limite à "problème" qui pourra être la NQE lorsqu'une NQE leur sera affectée. Toutes les substances qui ne dépasseront pas un seuil de risque réglementaire ou autre seuil arbitraire lors de la première année de mesure se retrouvent donc éliminées de la surveillance jusqu'en 2018.

La circulaire du 28 juillet 2005 relative à la définition du "bon état" résume assez bien cette curieuse approche qui réduit la surveillance à de l'opérationnel : "L'état chimique : Sur le fond, la question est assez simple puisqu’il s’agit de se référer à des valeurs (normes de qualité environnementales) fixées par paramètre dans les directives européennes (directives «usages» non concernées) et de vérifier si elles sont respectées ou non", et un peu plus loin : "Toutes les substances ne sont pas à mesurer mais seulement celles qui sont en concentrations dépassant les normes de qualité environnementale. Ceci dit, lors des premières mesures, il sera nécessaire de procéder à un inventaire exhaustif des 41 substances concernées de façon à justifier le fait que, ultérieurement, le suivi ne porte que sur certaines d’entre elles".
La circulaire du 13 juillet 2006 relative à la constitution et la mise en œuvre du programme de surveillance confirme cette approche et la met en œuvre non seulement pour les 41 prioritaires, mais aussi pour toutes les autres substances chimiques : "L’annexe 5 récapitule la liste des substances pertinentes (substances prioritaires, autres substances, pesticides) qui sont à rechercher. Il s’agit d’une liste nationale «tronc commun» établie notamment à partir des résultats de l’inventaire exceptionnel «2005». Les molécules qui n’ont pas été décelées en 2005 ont été éliminées. Pour la première année d’analyses (2007, ou 2008 pour les pesticides), de façon à pouvoir les désélectionner par la suite lorsqu’elles sont en dessous des normes de qualité environnementale, il est nécessaire de rechercher toutes les molécules de cette liste auxquelles peuvent être ajoutées des molécules spécifiques utilisées sur certains bassins versants".
L'Ineris explique de même : "Une fois les valeurs des seuils de qualité établies, une analyse de conformité (comparaison des NQE et des données de mesures par substance) doit ensuite être engagée pour toutes les substances prioritaires. Les programmes de surveillance et de réduction à mettre en œuvre par la suite reposeront sur cette analyse", et précise aussi : "La mise en place des programmes de surveillance va impliquer des stratégies de contrôle des substances chimiques ciblées sur les effets toxiques, sur les écosystèmes puisque les niveaux de détection ne sont plus imposés par la technologie de mesure mais par des seuils de qualité environnementaux" (cf. La Directive Cadre Eau et l’Ineris).

En France, les NQE des 41 prioritaires ou des 86 du PNAR ne servent donc pas qu'à évaluer les risques, à mettre en place le suivi opérationnel, à donner des repères pour la surveillance et à appliquer certaines mesures communautaires. Ces NQE servent aussi de base pour la stratégie de surveillance, réduisant en quelque sorte celle-ci à une surveillance opérationnelle. Nous allons voir aussi sur des exemples détaillés comment elles sont utilisées de façon abusive, car sans discernement ni précaution, sans jamais tenir compte des cumuls, ni du degré de risque, ni de l'incertitude analytique sur les mesures et sans respecter les prescriptions des experts européens sur le monitoring :
-pour éliminer des substances lors de l'inventaire exceptionnel 2005 en vue de fabriquer la liste de surveillance de base
-pour éliminer les substances de la surveillance dès la première année de mesure et jusqu'en 2018.
-pour asservir les LQ aux NQE au lieu de choisir les plus basses possibles.
Cette surveillance uniquement des substances qui dépassent leur NQE ou à "problème" après la première année de mesure, et en éliminant les autres jusqu'en 2018, est très réducteur par rapport au cadrage de la DCE. Quel est par exemple le sens d'une surveillance sur un réseau représentatif de l'ensemble des masses d'eau où, la plupart du temps, on ne mesurerait rien sur toutes les masses d'eau déclarées sur des critères très réducteurs en bon état ? Dans l'esprit de la DCE, la surveillance chimique ne concerne évidement pas que les masses d'eau à risque, et pour les masses d'eau à risque, que les substances qui sont à l'origine des dépassements de seuils. Elle concerne aussi en particulier les masses d'eau en bon et très bon état : "Monitoring for long-term natural changes is likely to be focused on high and maybe ‘good’ status water bodies. This is because such changes (possibly relatively small and gradual) are more likely to be detectable in the absence of the impact of anthropogenic activities which may mask natural changes. In terms of changes resulting from widespread anthropogenic activity, monitoring will be important to determine or confirm the impact of, for example, long range transport and deposition of pollutants from the atmosphere. If this is likely to lead to a risk of water bodies deteriorating in status (any status level down to poor) then those water bodies or groups of bodies will have to be included in operational monitoring programmes" (cf. Framework directive guidance document n° 7).
A cause de la haute variabilité des conditions environnementales des mesures (pluviométrie, etc.) et des niveaux des rejets de substances (rejets saisonniers, etc.), évaluer les changements à long-terme, quelle que soit leur origine, ne peut en aucun cas se faire au moyen d’une surveillance "complète" réalisée seulement en pointillés très espacés. Sans compter que les campagnes de mesures "complètes" prévues, en plus d’être trop espacées, sont insuffisantes à beaucoup de points de vue, en particulier parce qu’aucune stratégie n’est imposée pour réduire au maximum les LQ.

Les NQE définies pour le support eau sont parfois basses, pour les 41 prioritaires ou pour les 86 pertinentes, mais elles sont le plus souvent assez élevées. Les trois quart des NQE sont supérieures à 0,1 µg/l, et la moitié sont supérieures à 1µg/l, ce qui rend d'autant plus inquiétant le fait de ne mesurer que les substances en concentrations dépassant les NQE. On n'est pas à l'abri de découvrir un jour qu'elles étaient bien plus toxiques que ce qu'on estimait, l'exemple du réajustement des NQE du cadmium, du lindane et d'autres à venir (nickel, etc.) le montre. De plus, ces valeurs élevées en-dessous desquelles on ne surveille pas ou que très épisodiquement soulèvent le problème de la cohérence entre tous ces seuils : on ne surveille pas les concentrations d'un pesticide comme par exemple la bentazone parce qu'inférieures à sa NQE de 70 µg/l, alors que ces concentrations sont supérieures à la norme de potabilisation de l'eau qui est à 0,1 µg/l ! Et de toute façon, trop peu de substances ont des normes et encore moins leurs métabolites.
Voici les valeurs de ces NQE provisoires (de la plus petite à la plus grande) pour les substances synthétiques mesurées dans l'eau (Réf. 7) :
-Pour les substances prioritaires :
0,0002µg/l - 0,0005µg/l - 0,002µg/l - 0,005µg/l - 0,005µg/l - 0,005µg/l - 0,007µg/l - 0,01µg/l - 0,01µg/l - 0,025µg/l - 0,03µg/l - 0,03µg/l - 0,03µg/l - 0,03µg/l - 0,05µg/l - 0,1µg/l - 0,1µg/l - 0,1µg/l - 0,1µg/l - 0,1µg/l - 0,1µg/l - 0,2µg/l - 0,3µg/l - 0,3µg/l - 0,3µg/l - 0,4µg/l - 0,4µg/l - 0,6µg/l - 1µg/l - 1,3µg/l - 2µg/l - 2,4µg/l - 10µg/l - 10µg/l - 10µg/l - 10µg/l - 12µg/l - 12µg/l - 20µg/l.
-Pour les substances pertinentes :
0,00006µg/l - 0,0005µg/l - 0,001µg/l - 0,001µg/l - 0,005µg/l - 0,006µg/l - 0,01µg/l - 0,01µg/l - 0,01µg/l - 0,01µg/l - 0,01µg/l - 0,019µg/l - 0,024µg/l - 0,1µg/l - 0,11µg/l - 0,17µg/l - 0,2µg/l - 0,3µg/l - 0,32µg/l - 0,34µg/l - 0,4µg/l - 0,5µg/l - 0,5µg/l - 0,58µg/l - 0,6µg/l - 0,64µg/l - 0,7µg/l - 0,9µg/l - 1µg/l - 1µg/l - 1µg/l - 1,3µg/l - 1,3µg/l - 1,5µg/l - 1,6µg/l - 1,7µg/l - 2µg/l - 3,2µg/l - 4µg/l - 4µg/l - 4,1µg/l - 6µg/l - 9,2µg/l - 10µg/l - 10µg/l - 10µg/l - 10µg/l - 10µg/l - 11,6µg/l - 14µg/l - 14µg/l - 20µg/l - 20µg/l - 20µg/l - 22µg/l - 22µg/l - 26µg/l - 26µg/l - 27µg/l - 32µg/l - 32µg/l - 32µg/l - 40µg/l - 70µg/l - 74µg/l - 82µg/l - 92µg/l - 140µg/l - 300µg/l - 1100µg/l.

OR CES NQE ONT UN CARACTERE HAUTEMENT EMPIRIQUE ET EVOLUTIF

On ne connaît en réalité pas grand chose en écotoxicologie des milieux aquatiques. A l'heure actuelle encore, on constate que "l'évaluation technique de la toxicité et de la biodisponibilité des micropolluants pose de nombreuses difficultés" et que "leur comportement dans l'eau et leur écotoxicité sont très mal connus" (cf. "L'environnement en France-Edition 2006"). L’écotoxicologie doit appréhender les effets à court et à long terme de la contamination des milieux naturels sur les écosystèmes. Et en admettant que l'on ait tout pris en compte pour définir un seuil de toxicité, le changement climatique avec en particulier les changements des températures et des débits remettra tout en question. La toxicité sera forcément plus importante à température de l'eau plus élevée, avec automatiquement moins d'oxygène dissous dans l'eau. La température influencera aussi la biodisponibilité.
Ces NQE sont souvent extrapolées à partir des quelques maigres données existantes sur un nombre très limité d'organismes aquatiques, avec un facteur de sécurité tout aussi arbitraire pour prendre en compte les impacts possibles sur les autres organismes. Chaque fois que les scientifiques font une nouvelle étude, elles devraient être réajustées. De plus, ces données résultent d'essais in vitro, avec de l'eau filtrée. La réalité de la toxicité in situ peut être très différente. Et enfin, elles ne tiennent pas compte des effets synergiques dus à la présence de plusieurs toxiques dans l'eau, ou à des facteurs climatiques particuliers.
Une étude officielle récente de l'Agence de l'Eau RMC précise : "Quelque soit la méthode mise en œuvre pour classer les substances et évaluer leur dangerosité, la qualité des informations écotoxicologiques est un point clé de l'évaluation du risque. A ce jour ce sont essentiellement des données issues de biotests réalisés sur un petit nombre d'organismes aisément accessibles aux expérimentations qui sont utilisées. Ces données à la base du calcul de la PNEC sont ensuite corrigées d'un facteur de sécurité (entre 10 et 1000) pour tenir compte de la faible représentativité des données biologiques disponibles. En effet, par exemple, pour les substances existantes et largement présentes dans l'environnement on ne dispose encore trop souvent que de rares informations sur leur écotoxicité et le plus souvent sur des effets létaux. Une récente étude de l'agence de protection de l'environnement américaine a ainsi conclu que pour près de 3000 substances organiques produites ou importées aux Etats Unis en grande quantité, les données de bases nécessaires à une évaluation du risque (santé humaine ou écotoxicité) étaient disponibles pour seulement 7% d'entre elles. Les données qui concernent les effets sur la reproduction, le développement ou la génotoxicité des substances sont encore très rares au regard du nombre de molécules chimiques existantes, alors que ce type de perturbation biologique est susceptible d'affecter à terme le développement des populations et leur sélection" (cf. L'apport des approches écotoxicologiques à la problématique de gestion des cours d'eau). N.B. : la PNEC, previsible non effect concentration, sert au calcul de la NQE.

Jusqu'à présent, tous les seuils NQE sont en fait des seuils provisoires. La France a choisi pour ses simulations actuelles de l'état chimique ainsi que pour l'inventaire exceptionnel 2005 des NQEp (NQE provisoire) qui sont, pour certaines substances, nettement plus élevées que celles proposées par le projet de directive européenne. Par exemple, pour le cadmium, la France retient apparemment 5 µg/l contre 0,08 à 0,25µg/l maximum selon la classe de dureté pour l'Europe (la norme eau potable actuelle est bien supérieure à la nouvelle NQE proposée par l'Europe). Autre exemple, pour le lindane, la France retient apparemment une NQEp de 0,1 µg/l contre 0,02 µg/l pour l'Europe. Or les normes proposées dans le projet de directive sont simplement des mises à jour des NQE adoptées dans les années 80 à partir des connaissances d'écotoxicité actuelles. Elles ont été adoptées par d'autre Etats membres (Allemagne par exemple) pour leurs calculs. Les seuils définitifs seront définis après un arbitrage certainement très politique.
Pour les sédiments, il n'y a pas de NQE, Il y a écrit simplement "suivi". Il faut surveiller que les concentrations n'augmentent pas…

L'asservissement de la surveillance et des LQ aux NQE aurait pu être un progrès si les NQE étaient très basses et si elles étaient réellement fiables. Mais seules 13 substances sur les 41+86 ont des NQE inférieures à 0,01 µg/l ! On lit aussi, dans le rapport de l'Ineris, "la liste des substances pour lesquelles les laboratoires ne parviennent pas à atteindre au minimum la NQ (c’est-à-dire LQmax > NQ) pour les matrices Eau Douce et Eau Marine" (cf. Rapport d'Etude Ineris du 12/06/2006) concerne 32 substances sur les 194 recherchées au départ, dont une dizaine de pesticides. Pour presque tous les pesticides et presque toutes les substances, il y a donc perte d'information en se basant sur les NQE puisque les laboratoires peuvent atteindre des limites inférieures.
La prudence minimum, compte tenu de nos connaissances actuelles en écotoxicité et sachant qu'il y a déjà des effets toxiques avérés que l'on est incapable d'expliquer, aurait voulu que l'on n'asservisse la surveillance et les LQ aux NQE que lorsque ces NQE ont des valeurs très basses, au moins inférieures à 0,01 µg/l pour les pesticides.

L'ELASTICITE DES EVALUATIONS DE LA QUALITE DE L'EAU BASEES SUR DES NORMES OU DES SEUILS REGLEMENTAIRES

Toutes les évaluations basées sur des seuils NQE ou SEQ, souvent choisis in fine après simulation des efforts financiers qu'ils entraîneraient et élastiques dans le temps, peuvent très vite conduire à une évaluation tout à fait erronée de l'état des eaux. Ces évaluations ne correspondent pas par construction à la réalité de la contamination chimique. Elles ne présentent que des points de vue réducteurs, biaisés et liés à la conjoncture politico-financière.

La Diren des Pays-de-Loire écrit par exemple en 2006 (Qualité des eaux superficielles des pays de la Loire, année 2006, Réseau National de Bassin) :
"Pour ce qui concerne les produits phytosanitaires, évalués avec le SEQ-Eau v2, la situation est très dégradée. Elle reflète une contamination générale des eaux qu’aurait tendance à occulter l’application de la version 1 du SEQ-Eau. La détérioration de la qualité des eaux par ces molécules s’exprime principalement par la présence sur chaque station de plusieurs pesticides et leurs résidus".
La méthode SEQ-Eau v2 est certes moins archaïque que la version v1, mais elle reste encore très insuffisante pour décrire la réalité de la contamination des eaux par les pesticides.

Le Cemagref écrit par exemple en 2001 : "L'alignement du SEQ-eau sur la directive impliquera une dégradation générale de la classification des cours d'eau. De plus les travaux de dépollution et de restauration seraient plus ambitieux et plus coûteux" (cf. Complément au SEQ-eau – Seuils d'aptitude à la vie aquatique pour différentes substances prioritaires au titre de la Directive Cadre pour la gestion des eaux).
Et si tous ces seuils qui améliorent ou dégradent de façon artefactuelle l'état réel de la ressource étaient établis, non pas par des considérations patrimoniales, mais après simulations des pourcentages de masses d'eau en mauvais état et/ou du montant des travaux à faire pour être respectés ?

Autre exemple extrait d'un document d'évaluation du bon état chimique dans le district de l'Escaut du 19/03/2007 dont la conclusion dit : "La DCE exige le suivi de 41 substances dont bon nombre n’étaient jusqu‘alors soit pas recherchées soit recherchées dans les sédiments uniquement. De fait, les simulations ont une portée limitée. Quelques molécules ont des NQEs parfois très différentes selon le projet de directive ou la Circulaire de la Direction de l’Eau. Ces différences conduisent sur les quelques stations renseignées à un déclassement systématique si le seuil le plus bas est retenu (cas des métaux (Cd, Pb, Ni))..... En ce qui concerne les hypothèses H2 et H3, aucune station ne peut actuellement atteindre le bon état chimique en raison de quelques molécules pour lesquelles la NQE est inférieure à la LQ. La question est de savoir si pour ces molécules, il faut rechercher une LQ plus basse, ou s’il faut remonter les NQEs. Un arrêté est en préparation et fixera les NQEs définitives" (cf. Evaluation du bon état chimique dans la partie française du district de l’Escaut- Simulations pour la période 2003-2005 sur la base des valeurs provisoires françaises et du projet de directive du parlement européen et du conseil). Les hypothèses H2 et H3 étant précisées dans l'introduction par :
"L’objectif de ce travail est d’évaluer sur la base des données existantes, l’état chimique du réseau de surveillance pour le District International Escaut (DIE) en testant 4 hypothèses : - hypothèse H1 définie par la Direction de l’Eau du Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable (MEDD) dans la circulaire de juillet 2005, - hypothèse H2 définie par la Commission des Communautés Européennes dans sa proposition de directive de juillet 2006, - hypothèse H3 : combinaison des deux précédentes consistant à prendre les propositions de la Commission avec les seuils proposés par la circulaire quand ces derniers sont plus élevés,- hypothèse H4 définie par la Direction de l’Eau du Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable (MEDD) dans la circulaire de juillet 2005 : ne sont prises en compte que les moyennes dont un des résultats d’analyse est supérieur à la limite de détection…".
Le seul fait d'envisager de "remonter les NQE" en dit long sur la signification de ces seuils. Il est singulièrement étonnant de perdre de l'énergie à tester des hypothèses qui traduisent des espèces d'errements statistiques d'un autre temps, au lieu de se tourner vers l'avenir en acceptant d'emblée, comme l'Allemagne par exemple, les nouvelles valeurs de NQE proposées par la commission européenne. Que fait-on du principe de précaution ?

Autre exemple extrait d'un document de simulation d'évaluation de l'état chimique dans les bocages normands (cf. Les substances toxiques dans l’eau et les milieux aquatiques État du milieu sur le secteur des Bocages Normands – 07/11/06) : l'état chimique est calculé à partir des "moyennes avec tous les résultats disponibles sur la période 2001-2004. Les résultats inférieurs à la limite de quantification (LQ) sont remplacés par la LQ/2 sauf si ce calcul implique le non respect de l’état chimique (on considère alors la substance comme non suivie)".
Ce genre de bidouillage va-il continuer pour les évaluations définitives ?

Signalons en passant que les eaux souterraines ne sont pas en reste (plus de détails dans § la qualité chimique des eaux souterraines) :
Dans l'évaluation de leur contamination par les pesticides, les références de bonne qualité passent -pour le total des pesticides, d'une concentration maximale qui doit rester inférieure à 0,05 µg/l (SEQ patrimonial eaux souterraines publié en 2003) à une concentration moyenne qui doit rester inférieure à 0,5 µg/l (état chimique DCE), -et par substance, d'une concentration maximale qui doit rester inférieure à 0,05 µg/l (SEQ patrimonial eaux souterraines ) à une concentration moyenne qui doit rester inférieure à 0,1 µg/l (état chimique DCE).
Dans l'évaluation de leur pollution par les nitrates, les références de bonne qualité passent d'une concentration maximale qui doit rester inférieure à 20 mg/l (SEQ patrimonial eaux souterraines de 2003) à une concentration moyenne qui doit rester inférieure à 50 mg/l (état chimique DCE).
Notons que le SEQ patrimonial eaux souterraines de 2003 définit les seuils de 0,5 µg/L pour la somme maximale des pesticides et de 50 mg/l pour la concentration maximale des nitrates comme la limite supérieure pour ces paramètres d'une quatrième classe de qualité de couleur traditionnellement orange et qualifiée de "Dégradation importante par rapport à l'état naturel". Si bien que le bon état chimique correspondrait en réalité, avec ses concentrations moyennes au lieu des maximums, à une dégradation plus qu'importante par rapport au milieu naturel…

L’espèce d’imposture que constituent toutes les évaluations basées sur des méthodes simplistes et sur des seuils réglementaires élastiques ne serait pas grave si on préservait la surveillance patrimoniale de la ressource, car il serait encore possible de revenir rétrospectivement à des évaluations patrimoniales élaborées à partir de bilans statistiques rigoureux et représentatifs des concentrations mesurées dans l'eau.

___________________ QUELLES SUBSTANCES SURVEILLE-T-ON EN FRANCE ? ___________________

LA DCE ET LES RECOMMANDATIONS DES EXPERTS

Selon la Directive cadre, la surveillance doit surveiller d'une part les 41 substances prioritaires et d'autre part tous les autres polluants dont les rejets sont significatifs et/ou susceptibles d'avoir un impact :
-"les polluants de la liste de substances prioritaires qui sont rejetés dans le bassin ou le sous-bassin hydrographique, les autres polluants rejetés en quantités importantes dans le bassin ou le sous-bassin hydrographique" (2).
-"Those priority list substances discharged into the river basin or sub-basins must be monitored. Other pollutants also need to be monitored if they are discharged in significant quantities in the river basin or sub-basin. No definition of ‘significance’ is given but quantities that could compromise the achievement of one of the Directive’s objectives are clearly significant, and as examples, one might assume that a discharge that impacted a Protected Area, or caused exceedence of any national standard set under Annex V 1.2.6 of the Directive or caused a biological or ecotoxicological effect in a water body would be expected to be significant" (cf. Framework directive guidance document n° 7).
-"In order to assess the magnitude of the chemical pressure to which bodies of surface water are subjected, Member States shall monitor for all priority substances and other pollutants discharged in significant amounts. In addition, physico-chemical parameters relevant for reliable interpretation of the results of chemical measurements (e.g. DOC, Ca, SPM content) should be measured" (cf. Framework directive chemical monitoring technical).
-"For the purpose of surveillance monitoring priority substances discharged into river basins or sub-basins must be analysed. Other pollutants defined as any substance liable to cause pollution in particular those listed in Annex VIII also need to be monitored if they are discharged in significant quantities in the river basin or sub-basin. In addition, relevant physico-chemical parameters should be measured" (cf. Framework directive chemical monitoring technical).
La commission reconnaît aussi le caractère très fluctuant de l'émission dans l'eau de certaines substances comme les pesticides et propose d'allonger la durée de référence pour la réalisation du futur inventaire des rejets et émissions polluants : "Afin de mieux répondre aux besoins des États membres, il convient de les autoriser à choisir une période de référence appropriée d'une durée d'un an pour mesurer les données de base de l'inventaire. Il faudrait cependant tenir compte du fait que les pertes liées à l'application de pesticides peuvent varier considérablement d'une année à l'autre en raison des variations de la dose d'application, elles-mêmes dues à des conditions climatiques différentes. Ainsi, pour certaines substances couvertes par la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, les États membres devraient pouvoir opter pour une période de référence de trois ans" (3).

L'idée de la DCE est que chacun des états membres dispose, pour chacune des substances, d'une solide base de données sur laquelle appuyer sa sélection ou sa désélection dans la surveillance :
-"It is especially important to ensure that an adequate amount of data has been collected to characterise the ‘before’ or baseline conditions, as any shortcomings at this stage clearly cannot be corrected retrospectively. Nor can they be compensated for simply by increasing the ‘after’ frequency. For example, a comparison based on 12 samples in each of two time periods has a greater power to detect a change in mean than does a comparison with 6 samples before and 100 afterwards. It should be noted that the greater the analytical error in relation to environmental variability, the poorer the precision will be for a given number of samples and confidence level"
-"in addition, Member States may suitably decide to monitor for all priority substances and other relevant pollutants during the first year of surveillance, especially in the case of transboundary water bodies or pollutants with long-range mobility"
-"Member States may also wish or have the need to (depending on the amount of existing information and the confidence in the first Annex II risk assessments) undertake surveillance monitoring each year, at least during the first three years (2006-2008)" (cf. Framework directive guidance document n° 7)
Il y a aussi des recommandations pour réduire ou arrêter le suivi d'une substance. Ces arrêts nécessitent aussi d'avoir une solide base de suivi à laquelle se référer, et ces recommandations confirment bien a contrario les critères pour prendre en compte cette substance dans le suivi :
-"As already described, lower monitoring frequencies and on some occasions even no monitoring may be justified when previous monitoring reveals/has revealed that concentrations of substances are below detection limits, declining or stable and there is no obvious risk of increase. An increase will not be likely for instance when the substance is not used in catchment and there is no atmospheric deposition" (cf. Framework directive guidance document n° 7)
-"Reduced monitoring frequencies and under certain circumstances, even no monitoring may be justified when monitoring reveals/has revealed that concentrations of substances are far below the EQS (NQE), declining or stable and there is no obvious risk of increase" (cf. Framework directive chemical monitoring technical).

La première condition, c'est que les limites de quantification soient suffisamment basses et en tous cas, bien inférieures aux NQE. Ensuite, pour toute substance qui est quantifiée, donc au-dessus de sa limite de quantification, il faut évaluer si les concentrations sont stables ou si elles augmentent : si elles sont stables, qu'il n'y a pas de raison que les émissions augmentent, et qu'elles sont bien inférieures à sa NQE, alors on peut ne pas l'intégrer dans la surveillance. Si elles sont stables, mais proche de sa NQE, il faut l'intégrer. Si elles augmentent, même si elles sont bien en-dessous de sa NQE, il faut l'intégrer dans la surveillance.

LES LISTES DE SURVEILLANCE "PEAUX DE CHAGRIN" DE LA FRANCE

L'inventaire de base des substances à surveiller
En 2003, la France a été condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) pour n'avoir pas adopté les mesures prévues par la directive 76/464/CEE sur les substances dangereuses. Le PNAR a été préparé pour exécuter l'arrêt de la CJCE. L'une des principales tâches du PNAR, l'inventaire exceptionnel de la contamination des milieux aquatiques réalisé en 2005 (cf. Rapport d'Etude Ineris du 12/06/2006), était d'identifier et de sélectionner les substances pertinentes du programme de surveillance.
La liste initiale du PNAR se trouve actuellement réduite à 114 substances dont 86 non communes à la liste des 41 : "La liste des substances et familles de substances pertinentes au titre du programme d’action national est définie selon la méthodologie décrite au point 3.1 de l’annexe de l’arrêté du 30 juin 2005. Ces substances et familles de substances ont été sélectionnées sur la base des résultats obtenus lors de l’inventaire exceptionnel des milieux aquatiques réalisé en 2005 et lors de l’opération de recherche des substances dangereuses dans les rejets industriels et urbains menée depuis 2003. Au total, le nombre de substances et familles de substances pertinentes atteint 114 substances (les 18 substances de la liste I et 96 substances et familles de substances de la liste II). Parmi ces 114 substances et familles de substances pertinentes, seules 86 ne font pas également partie des 41 substances et familles de substances impliquées dans l’évaluation de l’état chimique au titre de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (DCE)" (7).

L'inventaire 2005 a éliminé, au moyen d'un protocole plutôt pragmatique, une grande partie des substances de la liste établie à partir des 157 (149+8) substances de la Directive 76/464 et des 33 substances prioritaires de la DCE.
Les critères de présence étaient la quantification dans l'eau de ces substances au-dessus de leur NQEp, à partir d'un échantillon de 2 prélèvements effectués respectivement "en hautes et basses eaux" en 2005 dans les 155 points de mesure. Chaque substance devait avoir pour limite de quantification maximale le tiers de sa NQE.
Cet inventaire ayant été fait dans la précipitation, toutes les substances n'ont pas été forcément recherchées là où cela était prévu, et les LQ maximales ont été remontées à la NQE :
-"Certaines substances n’ont pas été analysées dans certains bassins. Les raisons invoquées sont liées principalement à la difficulté de sélectionner un prestataire pouvant analyser l’ensemble des substances demandées avec des performances analytiques satisfaisantes, dans un délai très court".
-"Les prescriptions nationales indiquaient que les laboratoires devaient atteindre une limite de quantification égale au tiers de la norme de qualité (NQ) afin de pouvoir comparer les concentrations sans ambiguïté, valeur reprenant les préconisations européennes en cours d’élaboration. Toutefois, lors de la réunion de lancement de l’inventaire du 26 janvier 2005, de manière à sélectionner plus facilement des prestataires et afin de respecter au mieux les délais imposés il a été décidé que les laboratoires devaient atteindre à minima une limite de quantification (LQ) égale à la Norme de Qualité (NQ)" (cf. Rapport d'Etude Ineris du 12/06/2006).

L'échantillon de points a été choisi non pas parce que l'on avait plus de chances d'y trouver facilement les substances recherchées d'origine en particulier urbaine, industrielle ou agricole, mais sur des critères de représentativité globale : "l’ensemble des stations de mesures a été choisi parmi celles qui seraient susceptibles d’être retenues dans le cadre du programme de surveillance au titre de la mise en œuvre de la DCE". L'échantillon des 155 stations comprenait en particulier : "environ 1/4 de stations de mesures appartenant à une zone de référence ou à une zone amont susceptible d’être peu influencée par la pollution et les activités humaines appelées communément «stations de référence»". Cette espèce de représentativité géographique nationale n'est a priori pas pertinente pour la détection rapide de micropolluants, surtout pour les 37 stations "peu influencées par la pollution" où l'on ne risque pas d'en trouver beaucoup... Les cartes des points de mesure (cf. Rapport d'Etude Ineris du 12/06/2006) ne paraissent d'ailleurs pas très représentatives des zones d'agriculture intensive ou des zones urbaines et industrielles. En résumé, on sélectionne les substances sur un échantillon de points pas représentatif, si bien qu'on risque de ne pas les mesurer sur les stations de l'échantillon des 25 % de points choisi pour la mesure des micropolluants non prioritaires.
Le bon sens aurait voulu que l’on sélectionne un échantillon de points représentatif des zones les plus anthropisées, en prenant en compte les secteurs polluants les plus concernés : zones d’agriculture intensive, zones industrielles et zones urbaines.

Pour résumer brièvement le protocole : si la substance n'était pas quantifiée au-dessus de sa NQE en 2005, on a calculé la moyenne des concentrations trouvées dans l'historique 2002-2004 des mesures effectuées sur cette substance dans le RNB (réseau national de bassin). Si cette moyenne était inférieure à la NQE, la substance était éliminée du suivi. Aucune précision n'est donnée sur la façon dont on compte les concentrations non quantifiées dans ces moyennes, ni si on vérifie que les mesures existantes sont suffisantes, représentatives de toutes les périodes de l'année et de toutes les années et permettent d'établir des tendances fiables. L'historique du RNB étant particulièrement vide et disparate sur les micropolluants dans l'eau : "la France manque de données sur les micropolluants, en nombre de points représentatifs, en fréquence et avec des limites de détection connues et adaptées, pour l'ensemble des compartiments du cycle de l'eau. C'est aussi le cas pour les substance inscrites dans la liste des substances prioritaires de la DCE" (cf. "L'environnement en France-Edition 2006"), on peut imaginer la pertinence d'une telle moyenne. Le sérieux de ce critère paraît au moins aussi douteux que le critère de 2 mesures prises sur un échantillon de points réduit et pas forcément représentatif, lors d'une année 2005 encore moins représentative puisque c'était une année de sècheresse !
Donc on n’aurait apparemment pas tant cherché à détecter systématiquement et rigoureusement la présence des substances, qu'à repérer celle qui avaient des concentrations élevées sur un nombre d'analyses et de points pas représentatifs.

Le respect de la NQE-CMA n'est apparemment pas du tout évoqué. Comme on ne se donne pas les moyens, avec des fréquences de mesure aussi faibles de cerner la position et le niveau des pics de concentration, beaucoup de substances éliminées sur des moyennes peu représentatives ou sur 2 mesures en 2005 auraient bien pu être sélectionnées parce qu'elles ne respectaient pas le critère des concentrations maximales admissibles.

On n'a pas accès à l'ensemble des résultats de cet inventaire, en particulier "pour chaque point de mesures a) le nombre total de mesures, b) le nombre et le taux de mesures inférieures à la LQ, c) le nombre et le taux de mesures comprises entre la LD et la LQ, d) la concentration minimale, moyenne (arithmétique) et maximale" (cf. Rapport d'Etude Ineris du 12/06/2006). On n'a en réalité accès qu'aux résultats quantifiés des mesures effectuées en 2005. Rien que pour les substances quantifiées, donc présentées dans le tableau des résultats, on constate que les LQ peuvent être jusqu'à 20 fois supérieures aux NQE.
Toujours à partir des résultats présentés, on peut vérifier que l'année 2005 n'avait rien de représentatif. C'est par exemple le cas sur l'une des stations de l'inventaire, "la Vilaine à Rieux" : l'inventaire 2005 n'a enregistré aucune valeur de diuron ou d'isoproturon au-dessus de leur NQE respectivement de 0,2 µg/l et de 0,3 µg/l. Or l'année d'après, en 2006, sur cette même station, le diuron et l'isoproturon atteignent des concentrations respectives de 0,21 µg/l et 0,54 µg/l (cf. Données Agence de l'Eau Loire-Bretagne) donc au-dessus de leur NQE, presque d'un facteur 2 pour l'isoproturon !
Autre exemple sur les problèmes liés à l'impermanence des NQE : pour le lindane, la NQE de l'inventaire 2005 a été fixée à 0,1 µg/l. Aucune quantification en 2005 ne dépassait cette valeur. Cependant, certaines stations avaient des mesures quantifiées inférieures à 0,1 µg/l, mais qui dépassaient les 0,02 µg/l, nouvelle NQE proposée pour le lindane par le projet de directive européenne de 2006 (3). Cet exemple montre combien il est dangereux d'asservir la surveillance à des normes qui sont par nature même toujours provisoires. L'historique des contaminations sera irréversiblement perdu, tant pour les personnes qui auront été intoxiquées par cette substance que pour calculer l'état chimique selon l'approche patrimoniale, sans se baser sur les NQE, ce que propose par exemple déjà la Suède pour les eaux littorales et marines.

Le dépassement des valeurs des NQE a apparemment été calculé de façon très simpliste : il n'a pas été tenu compte de la variabilité analytique, a priori de 30 % à 40 %, pour évaluer le dépassement de la NQE. Par exemple, une mesure de diuron quantifiée à 0,18 µg/l a été considérée comme inférieure à sa NQE égale à 0,2 µg/l, de l'isoproturon quantifié à 0,27 µg/l est considéré comme inférieur à sa NQE égale à 0,3 µg/l. Du trichlorobenzène quantifié à 0,35 µg/l a été considéré comme inférieur à sa NQE égale à 0,4 µg/l. Du titane quantifié à 1,9 µg/l a été considéré comme inférieur à sa NQE égale à NQE de 2 µg/l. Du cuivre quantifié à 1,3 µg/l a été considéré comme inférieur à sa NQE égale à 1,4 µg/l, etc. Cela signifierait que l'on ose envisager d'exclure de la surveillance une substance mesurée juste en-dessous de sa NQE, alors que si on prenait en compte, ne serait-ce que la variabilité analytique, la valeur vraie pourrait être au-dessus de cette NQE. Cela ne correspond pas à la philosophie de la surveillance DCE qui demande de prendre les précautions de bon sens élémentaires et aussi de disposer d'une base de données suffisante pour établir des tendances pour vérifier au moins que la substance n'est pas en train d'augmenter !
Si la circulaire sur la surveillance des eaux de surface n'en parle pas, la circulaire sur la surveillance des eaux souterraines (4) évoque très clairement le problème de l'incertitude analytique qui complique le travail de comparaison avec des NQE : "Sans un échantillonnage et une analyse réalisés de manière rigoureuse, les incertitudes analytiques peuvent être très importantes, en particulier pour les micro-polluants. L’exploitation de telles données (agrégations, comparaison à des seuils de bon état,...) peut conduire à des erreurs d’interprétation". Or l'incertitude analytique est encore plus élevée en surface à cause des matières en suspension !
Ce protocole ne correspond aussi que de loin à la prescription suivante de l'arrêté : "Le respect des normes de qualité s'apprécie au moyen de prélèvements et d'analyses qui satisfont les conditions suivantes : les échantillons prélevés dans les eaux de surface, les eaux de transition ou les eaux marines intérieures et territoriales, doivent être représentatifs et avoir une fréquence suffisante pour mettre en évidence des modifications éventuelles du milieu aquatique, compte tenu notamment des variations naturelles du régime hydrologique" (cf. Arrêté du 30 juin 2005 relatif au PNAR).

Sans entrer plus avant dans les détails très alambiqués de ce protocole, ses fondements mêmes sont très incertains et discutables pour plusieurs raisons :
-Les NQE ne sont pas celles proposées par la commission. Elles sont provisoires.
-Certaines substances ont des LQ supérieures aux NQE
-Certaines substances ne sont pas mesurées sur l'ensemble de l'échantillon.
-L'échantillon n'est pas représentatif des stations susceptibles d'être contaminées.
-La désélection des substances se fait apparemment sans aucune marge de précaution pour tenir compte de l'incertitude analytique, de la non-représentativité des mesures (pour l'inventaire 2005 comme pour les meures extraites de l'historique du RNB à cause de leur rareté et de leur mauvaise qualité) en fréquences et périodes.
-L'année de mesure était une année non-représentative, car sèche. Les paramètres saisonniers comme les pesticides sont particulièrement mal appréhendés.
-Le respect des NQE-CMA n'a apparemment pas été vérifié.
-La barre de sélection des substances a été placée au niveau du risque avéré, puisque par définition la NQE est une concentration "à ne pas dépasser". A ce niveau, on est déjà dans l'opérationnel et non plus dans la surveillance.
-On s'est apparemment basé uniquement sur la position des concentrations par rapport aux NQE, alors qu'il fallait aussi tenir compte de tous les autres critères de tendances fiables à justifier. On exclu d'emblée les substances qui inférieures à leur NQE, mais en concentrations croissantes et donc susceptibles d'atteindre leur NQE avant 2018.
Il est regrettable que cet inventaire présenté comme "l'une des actions phare du MEDD pour la connaissance des substances présentes dans les milieux aquatiques dans le cadre des politiques européennes sur la protection des eaux" (cf. Rapport d'Etude Ineris du 12/06/2006) ne soit finalement principalement basé que sur le dépassement de valeurs de NQE et en plus avec un protocole très discutable, sans que rien ne soit représentatif. Où est la base de donnée et où sont les études qui ont montré que les substances éliminées vérifiaient bien les conditions préconisés par la commission : plusieurs années de mesure pour les paramètres à variabilité saisonnière ou annuelle, s'assurer que les substances sont en-dessous des limites de détection et/ou bien en-dessous des NQE, et avec des tendances décroissantes ou stables, etc. ? Dans la pratique, la plupart des états membres ne disposant pas de base de données suffisamment étayées, ont apparemment décidé d'utiliser des fréquence de mesure plus importantes et de faire des mesures tous les ans les premières années des suivis de façon à construire cette base qui leur servira pour établir les tendances et les données de précision demandées. La France non plus ne dispose pas de base solide pour les micropolluants dans l'eau si bien qu'elle ne peut pas fournir de tendances sérieusement étayées (cf. "L'environnement en France-Edition 2006"). Mais il n'y a apparemment pas pour autant d'intensification des mesures prévue pour les premiers suivis. Ne s'inquièterait-on donc pas d'éliminer les substances qui frôlent le risque, sans les avoir forcément cherchées là où elles pouvaient être, sans vraiment connaitre leur tendance avec une base de 2 mesures sur une année sèche plus un historique douteux ?
L'Ifremer, commentant les résultats de cet inventaire, déplore d'ailleurs "la très grande variabilité des LQ" et que "les LQ sont calées sur les NQE (ou à 0,1 µg/l) et non sur les niveaux de contamination probable dans l'eau". Il signale dans son bilan que cet inventaire donne une image de la contamination chimique du littoral confuse :
-"image de la contamination chimique du littoral confuse.
-Villerville, probablement l’un des sites les plus contaminés du littoral n’est pas identifié par l’inventaire (HAP, métaux, pesticides,…).
-remarque identique pour la zone du delta du Rhône.
-absence de pesticides, PCB et autres contaminants
" (cf. Séminaire AQUAREF – 31 mai 2007).
Il est possible que l'image de la contamination chimique des eaux continentales le soit aussi... à l'image de cet inventaire expéditif.

Les règles complémentaires de désélection pour la première année de mesure
La France a prévu des règles de désélection en vue de choisir, parmi les substances pertinentes, celles qui seront effectivement suivies tous les 3 ans jusqu'en 2018. Ces règles de désélection des substances concernent donc les 41 substances prioritaires, les 86 substances pertinentes, les 65 pesticides et d'autres ajoutées éventuellement la première année. La France dit : "L’annexe 5 récapitule la liste des substances pertinentes (substances prioritaires, autres substances, pesticides) qui sont à rechercher. Il s’agit d’une liste nationale «tronc commun» établie notamment à partir des résultats de l’inventaire exceptionnel «2005». Les molécules qui n’ont pas été décelées en 2005 ont été éliminées. Pour la première année d’analyses (2007, ou 2008 pour les pesticides), de façon à pouvoir les désélectionner par la suite lorsqu’elles sont en dessous des normes de qualité environnementale, il est nécessaire de rechercher toutes les molécules de cette liste auxquelles peuvent être ajoutées des molécules spécifiques utilisées sur certains bassins versants". Puis elle précise les années de mesures : "2007 – 2009 – 2012 -2015, - pour les pesticides: 2008 – 2011 – 2014 (1ère année, analyser toutes les substances de l’annexe 5, puis, analyser celles qui posent problème). - puis 2018, idem 1ère année)" (5).
Pour les pesticides, on ne sait pas ce que signifie "qui posent problème" puisqu'il n'y a pas de NQE.
Ensuite, si on suit l'esprit de la directive cadre, comme les apports spécifiques sur les bassins versants ne sont pas pris en compte dans cette liste "tronc commun", il faudrait plutôt écrire "auxquelles doivent être ajoutées" que "auxquelles peuvent être ajoutées des molécules spécifiques utilisées sur certains bassins versants". Cela concerne en particulier les bassins versants à agriculture intensive pour les pesticides et les bassins versants urbains et industriels pour autres familles de polluants chimiques. Ceci précisé, même si des substances étaient ajoutées la première année, leur surveillance serait inappropriée puisque seules celles "qui posent problème" continueraient à être suivies.
On doit mesurer toutes les substances la première année des mesures, puis seulement celles qui posent problème, c'est-à-dire dont la moyenne dépasse la NQE lorsqu'il y a une NQE. Le protocole d'élimination ressemble fortement à celui de l'inventaire, sauf que l'on fait une moyenne et que l'on se limite aux mesures de l'année. Et les critiques sont essentiellement les mêmes : si on trouve une substance, de la liste des 41, des 86 ou des pesticides, dont la moyenne est juste en-dessous de sa NQE en 2007 (2008 pour les pesticides) on l'élimine du suivi jusqu'en 2018 sans aucune marge pour tenir compte : -de la variabilité analytique, -de la pertinence à évaluer les pics et les moyennes et donc de la représentativité des 12 mesures pour les 41 et surtout des 4 mesures pour les 86, les pesticides et autres substances, -de la représentativité de l'année de mesure dans les grands cycles pluviométriques pluriannuels, -de l'absence d'information solides sur les tendances.
La Directive cadre prévoit-elle d'arrêter la surveillance la première année pour les substances en-dessous des NQE ? Non. La Directive prévoit de sélectionner les substances à suivre à partir d'une base de données sur les substances, base que l'on a déjà ou que l'on doit sinon constituer lors des premières années de mesures. Cette base permet d'établir des niveaux et des tendances fiables.

De plus, la France ne prend apparemment en compte aucun degré de risque par rapport aux seuils NQE à ne pas dépasser, si bien que la surveillance devient plutôt opérationnelle, et même du mauvais opérationnel puisque l'opérationnel devrait comprendre aussi l'aspect de non-détérioration lorsque la substance est en dessous de sa NQE, mais en train d'augmenter. L'Allemagne par exemple a décidé de considérer comme significatives au sens DCE toutes les substances dont les concentrations étaient au-dessus de la moitié de leur NQE. Ce qui ne l'empêche pas de surveiller aussi sans contraintes de NQE, et avec des protocoles plus intensifs jusqu'à obtenir les tendances : "In Germany other significant pollutants are defined when the substance concentration is >0.5 times the EQS (NQE) value" et aussi : "Surveillance monitoring frequencies are greater than required by the WFD (13 times a year for physicochemical parameters compared to 4 per annum in the WFD). This will continues every year for trend detection" (cf. Surface water monitoring networks).

En fait les substances pertinentes seraient, si l'on en croit l'inventaire 2005, des substances dont la présence dans l'eau a été avérée, de façon représentative pour la toute France, et au-dessus de leur NQE, si bien que leur suivi était justifié. Alors pourquoi prévoit-on de les éliminer encore une fois, sur des critères tout aussi légers, station par station, accroissant ainsi le risque d'éliminer des substances que l'on aurait dû surveiller ? Ne ferait-on pas mieux de définir un protocole pour ajouter des substances indûment éliminées ?
Dans ces circulaires, La France ne donne apparemment aucune consigne sur le respect des NQE-CMA par les mesures ponctuelles et prévoit de désélectionner des paramètres saisonniers sur une seule année de mesure ou sur une base de données insuffisante pour détecter les tendances, de calculer des moyennes avec 4 mesures qui n'ont aucune pertinence (cf. § suivant), et de comparer sans précaution cette moyenne empirique calculée en 2007 à une NQE tout aussi empirique ; si bien que beaucoup de substances peuvent être à tort éliminées du suivi jusqu'en 2018 ! Cela parait surréaliste de décider de quelles substances seront suivies jusqu'en 2018 sur des critères aussi légers. C'est surtout contraire au principe de précaution et de gestion d'une ressource patrimoniale. Et pour les pesticides, cette élimination se fera sur les mesures de l'année 2008, sans que l'on ait prévu de vérifier que ce ne sera pas, comme 2005, une année qui s'insère de façon particulière dans le contexte pluviométrique pluriannuel !
Il y a aussi un manque de cohérence total entre les différents domaines d'action du MEDAD. Par exemple, on élimine de l'inventaire 2005 des pesticides absents ou trop faiblement présents peut être simplement parce que -l'année n'était pas propice à leur utilisation ou à leur transfert dans l'eau, -ce sont des futures substances de remplacement encore peu utilisées, -on ne les cherche pas là où ils devraient être, etc. Entre-temps on interdit une substance ou un OGM, ce qui va justement provoquer l'utilisation accrue de ces pesticides qu'on ne va plus mesurer jusqu'en 2018... Et n'est-ce pas ouvrir la porte à la réutilisation frauduleuse de pesticides interdits depuis longtemps et dont les concentrations trop faibles les auraient désélectionnés du suivi ?

Pour la France, une substance phytosanitaire ne constituerait pas un "apport significatif" si elle n'a pas dépassé sa NQE. On l'élimine alors du suivi sans jamais avoir pris en compte le risque toxique global de l'ensemble des pesticides présents en même temps dans l'eau. Or la tendance est justement d'utiliser plus de molécules, chacune étant moins dosée : "augmentation du nombre de molécules trouvées", ou aussi : "diversité importante et croissante des molécules détectées dans l’eau des rivières" (cf. Qualité des eaux en Bretagne), ou encore : "En 2005, malgré un printemps sec et une hydrologie peu favorable aux transferts, la contamination des eaux de rivières par les pesticides reste globalement préoccupante comme le montre les résultats enregistrés sur le réseau CORPEP. L’année 2005 confirme le nombre important de molécules retrouvées dans les eaux : sur 149 molécules recherchées, 55 ont été quantifiées (49 sur 133 en 2004). La diversité des résidus mise en évidence sur chacune des 8 rivières du réseau est élevée, ainsi jusqu’à 27 molécules ont été quantifiées dans un même échantillon et en moyenne nous observons au moins six molécules par échantillon. 9,1 % des prélèvements ont révélé des contaminations dépassant les limites réglementaires de 2µg/l pour une substance ou 5µg/l pour la somme des concentrations des substances (6,2 % en 2004). Le maximum de concentration (7,59 µg/) est relevé dans un prélèvement du Gouessant en Juin 2005" (cf. Diren Bretagne). Au fait, le Gouessant ne faisait apparemment pas partie des stations de l'inventaire 2005...
L'élimination substance par substance de la surveillance est donc tout à fait inappropriée pour cerner le risque toxique par les pesticides.

Ces système d'élimination de molécules du suivi, que ce soit l'inventaire 2005 ou la première année de mesures, sont donc bâtis sur des protocoles qui manquent pour le moins d'envergure, de sérieux et de cohérence, et qui en outre ne tiennent jamais compte ni du degré du risque, ni du cumul des substances présentes en même temps dans l'eau. Tout cela paraît bien loin des recommandations et de l'esprit de la DCE, et va conduire la France à ne surveiller qu'un minimum de substances, à ne pas conserver une mémoire fiable des contaminants chimiques et à être ainsi incapable d'expliquer une éventuelle baisse de biodiversité et d'y remédier. En particulier, aucun suivi systématique et adapté n'est d'ores et déjà prévu pour les : "Substances et préparations, ou leurs produits de décomposition, dont le caractère cancérigène ou mutagène ou les propriétés pouvant affecter les fonctions stéroïdogénique, thyroïdienne ou reproductive ou d'autres fonctions endocriniennes dans ou via le milieu aquatique ont été démontrés" ni pour les "Produits biocides et phytopharmaceutiques" (2), alors que c'est une problématique qui ne concerne pas que les autres pays européens et qui aurait mérité d'être traitée rapidement.

_______ QUELS PROTOCOLES DE MESURE POUR LA SURVEILLANCE FRANÇAISE ? ______

Les micropolluants se présentent sous forme dissoute dans l'eau ou liés aux particules qui se trouvent en suspension dans l'eau (MES) ou déposées au fond (sédiments). Ils ne sont pas faciles à mesurer parce qu'ils sont très nombreux et variés, et présents dans l'eau ou les sédiments à des concentrations très faibles. Leurs mesures présentent une grande incertitude analytique à laquelle s'ajoute la variabilité des conditions environnementales de prélèvements (pluviométrie annuelle mais aussi pluriannuelle, morphologie, etc.) ainsi que la variabilité due aux usages saisonniers (pesticides, etc.). Les limites de détection et de quantification sont souvent inadaptées à la surveillance et à la protection d'une ressource déclarée patrimoniale depuis 1992.

LA DCE ET LES RECOMMANDATIONS DES EXPERTS : SI ON LE VOULAIT, ON A TOUS LES ELEMENTS POUR FAIRE BIEN

Les principaux problèmes liés à l'acquisition des données sur les micropolluants chimiques dans l'eau sont connus des experts en France et en Europe depuis longtemps. Les experts français et européens font des recommandations qui vont toutes dans le même sens. Et l'état disposait de toutes ces informations bien avant de plancher sur son programme de surveillance. Il savait déjà depuis longtemps comment améliorer significativement les données de façon à ce qu'elles soient exploitables.
Il n'est qu'à lire les rapports de l'Institut français de l'environnement (Ifen) sur les pesticides qui signalent régulièrement la mauvaise qualité des données sur les pesticides dans les eaux. On lit encore par exemple dans le dernier rapport de décembre 2007 de l'Ifen "Les limites analytiques déclarées par les laboratoires d’analyse peuvent aller de 0,00001 µg/l à plus de 50 µg/l suivant les substances, les stations, les années. Elles peuvent varier sur l’année de mesure pour une même molécule et sur une même station". L'Ifen signale la nécessité de "limites de quantification maximales, fréquences de mesure minimales avec des périodes obligatoires de prélèvements" (cf. "Les pesticides dans les eaux-Données 2005" Décembre 2007).
L'Etat dispose aussi des nombreuses recommandations de la commission et des experts européens qui travaillent sur le "monitoring" pour la directive cadre :
-La commission dit : "Les fréquences sont choisies de manière à parvenir à un niveau de confiance et de précision acceptable" et "les estimations du niveau de confiance et de précision des résultats fournis par les programmes de surveillance sont indiquées dans le plan" (2).
-Les principes de bases énoncés sur les experts sur le monitoring sont que : -les protocoles de mesures doivent être ajustés en fonction des niveaux réels de précision et de confiance -les premières campagnes doivent comporter beaucoup de mesures de façon à pouvoir estimer ces précisions -il faut cibler les protocoles sur les saisons -les Etats membres devront calculer et donner ces niveaux à chaque plan de gestion de façon à ce que les autres états puissent les critiquer : "The actual precision and confidence levels achieved should enable meaningful assessments of status in time and space to be made. Member States will have to quote these levels in RBMPs (plans de gestions) and will thus be open to scrutiny and comment by others. This should serve to highlight any obvious deficiencies or inadequacies in the future" (cf. Introduction – Nixon WRC du 28/04/2006).
-Ces experts conseillent, pour toutes les substances, d'augmenter les fréquences minima de la Directive pour pouvoir détecter les changements à long terme, estimer les flux de polluants et obtenir des niveaux de confiance et de précision acceptables : "The monitoring frequencies given in WFD, Annex V 1.3.4 of once-a-month for priority substances or once-per-three-months for other pollutants will result in a certain confidence and precision. More frequent sampling may be necessary e.g. to detect long-term changes, to estimate pollution load and to achieve acceptable levels of confidence and precision in assessing the status of water bodies. In general, it is advisable to take samples in equidistant time intervals over a year, e.g. every four weeks resulting in 13 samples to compensate for missing data due to laboratory problems, drought, flood etc.." (cf. Guidance on surface water chemical monitoring under the water framework directive).
-Les experts européens signalent que les substances chimiques à utilisation saisonnière nécessitent d'être plus fréquemment mesurées, avec plusieurs mesures par mois si nécessaire, quitte à pondérer la moyenne par le temps pour améliorer sa représentativité : "In case of pesticides and other seasonally variable substances, which show peak concentrations within short time periods enhanced sampling frequency compared to that specified in the WFD may be necessary in these periods. For example, the best sampling time for detecting concentration peaks of pesticides due to inappropriate application is after heavy rainfall within or just after the application period. Moreover, failure to comply with good agricultural practice, e.g. inappropriate cleaning of equipment during or at the end of the season before winter can also cause pesticide peak concentrations. Other reasons for enhanced sampling frequency include touristic pressures, seasonal industrial activities, which are common practice for example in pesticide production etc.. The results of those measurements should be compared with the MAC-EQS (NQE-CMA). For the calculation of the annual average concentrations results have to be weighted according to the associated time interval (time weighted average). For example, 12 equidistant values per year with two additional values in November could be accounted for with reduced weights for the three November values. Collecting composite samples (24h to week) might be another option to detect peak concentrations of seasonally variable compounds" (cf. Guidance on surface water chemical monitoring under the water framework directive).

La France, comme chacun des états membres, doit user de sa liberté pour mettre en place une surveillance pertinente "The Directive allows Member States to tailor monitoring frequencies according to the conditions and variability within their own waters. These are likely to differ greatly from determinand to determinand, from water body type to water body type, from area to area and from country to country, recognising that a frequency adequate in one country may not be so in another. However, the key is to ensure that a reliable assessment of the status of all water bodies can be achieved, and the reliability of that assessment in terms of confidence and precision must be provided. Annex V provides tabulated guidelines in terms of the minimum monitoring frequencies for all the quality elements. The suggested minimum frequencies are generally lower than currently applied in some countries. More frequent samples will be necessary to obtain sufficient precision in supplementing and validating Annex II assessments in many cases" (cf. Common implementation strategy for the water framework directive).

Les recommandations des experts sont unanimes sur l'insuffisance des fréquences minima obligatoires et sur leur nécessaire adaptation aux paramètres mesurés. Mais les avis scientifiques restent insuffisamment pris en compte lors de la mise en œuvre, et même sur le choix fondamental de l'eau totale (fraction dissoute + matières en suspension) comme support des mesures. L'Ifremer signale par exemple (cf. Les contaminants chimiques dans la Directive Cadre sur l'eau – Septembre 2004) :
-"l’impossibilité du groupe à définir de manière unanime les compartiments et les types d’échantillon (eau totale, fraction dissoute…) qui sont à la base même de toute surveillance. Les travaux du groupe AMPS montrent bien les difficultés liées à la prise en compte des avis scientifiques lors de la mise en œuvre de la DCE".
-"le choix de l’"eau totale" comme matrice de référence ébranle les bases scientifiques et les démarches sur lesquelles repose la construction de la surveillance dans le cadre de la DCE des substances organiques prioritaires dans les masses d’eau".
-"Le choix de l’«eau totale» en tant que matrice de référence pour la surveillance (contrôle de conformité) des substances prioritaires organiques pose le problème de l’interprétation fondée des résultats de cette surveillance.... Les problèmes suivants ont été évoqués : - la biodisponibilité des contaminants dans l’eau dépend de leur état dissous ou particulaire (lié à la matière en suspension, MES). L’analyse de l’eau totale conduit à une description erronée de l’exposition et ne devrait pas être utilisée pour le contrôle de conformité avec les normes de qualités environnementales (NQE) établies pour de l’eau filtrée ; l’argument selon lequel l’analyse de l’eau totale exprime une concentration totale est aussi incorrect : l’analyse de l’eau totale peut conduire à des biais analytiques si elle n’est pas précédée d’une séparation de phase. En effet, la somme des concentrations déterminées pour la phase dissoute et pour la phase adsorbée sur MES n’est pas égale à la concentration déterminée dans l’eau totale. Ce résultat peut s’expliquer par une mauvaise extraction des composés liés à MES et par l’influence de MES sur l’extraction des composés dissous (formation d’émulsion avec des solvants organiques). L’analyse de l’eau totale ne doit donc pas être envisagée sans séparation de phase".
-"Il est important de noter que le système de classification de la DCE à partir des éléments chimiques repose uniquement sur un contrôle de conformité avec les NQE. Or le lien entre la contamination chimique et l’apparition d’un effet biologique est difficile à établir. Ce point a également été soulevé par l’agence suédoise pour la protection de l’environnement (S-EPA) qui propose l’utilisation d’une classification alternative de l’état de la contamination chimique de l’environnement côtier et marin (S-EPA, 2000). Cette classification est basée sur la distribution statistique des données de la surveillance et permet de définir la qualité chimique des masses d’eau".
-"Il est à noter que la valeur scientifique ajoutée de la surveillance chimique dans le cadre de la DCE est faible : il s’agit uniquement d’un contrôle réglementaire" (cf. Les contaminants chimiques dans la Directive Cadre sur l'eau – Septembre 2004).
Et ces questions basiques se posent autant pour les eaux douces continentales que pour les eaux littorales et marines.

LE PROTOCOLE D'ACQUISITION PREVU ETANT TOUT A FAIT INADAPTE ET INSUFFISANT, LA FRANCE BALAYERAIT-ELLE LA SPECIFICITE DES DONNEES ET LES RECOMMANDATIONS ?

A la lumière de toutes ces recommandations et remarques, on découvre avec atterrement l'énorme indigence du protocole de la surveillance française dans les cours d'eau. Ce protocole aurait mérité d'être le plus rigoureux et solide possible : car il doit rendre pertinente l'évaluation des pics de concentrations et des calculs de moyenne qui servent, après comparaison aux NQE, à piloter la recherche des substances chimiques.

Les fréquences et les périodes de mesure
Excepté pour les 41 prioritaires qui bénéficient de 12 mesures par an, les micropolluants sont mesurés : - avec des fréquences tellement insuffisantes (4 mes/an) que les résultats ne serviront qu'à constater des évidences triviales au bout de plusieurs plans de gestion (par ex. la baisse des concentrations d'une substance interdite), -les mêmes fréquences pour tous les micropolluants sans aucune distinction suivant la molécule, le lieu, le contexte pluviométrique, etc., -sans périodes de mesure obligatoires précises (sauf pour le prélèvement annuel en sédiment "en-dehors des hautes eaux", et il faudrait être plus qu'incompétent pour aller prélever du sédiment au fond d'une rivière pendant ces périodes), -sans aucun cadrage sérieux sur les limites analytiques, et -avec des listes de substances figées ou du moins très peu réactives et réduites à leur plus simple expression.
Même avec les 12 mesures/an préconisées pour le suivi des 41 substances de l'état chimique réglementaire DCE, on peut douter de la pertinence de l’évaluation de la concentration maximale atteinte et du calcul de moyenne réalisés pour évaluer cet état. Et que dire lorsque les campagnes de mesures ne sont programmées que tous les 3 ans, voire tous les 10 ans ? Alors qu'attendre de 4 mesures de pesticides par an aussi bien pour évaluer un pic qu'une moyenne ?
La France ne suit apparemment que les fréquences minimales imposées par la DCE. Les recommandations des experts ne paraissent pas prises en compte, en particulier pour les substances à usage saisonnier. Avec une telle surveillance, se donne-t-on vraiment les moyens d'appréhender la contamination de l'eau par la plupart des toxiques. Comment la France va-t-elle calculer les intervalles de confiance et la précision si elle ne dispose dés le premier plan de gestion que d'un échantillon tronqué de mesures qui ne fera même pas apparaître l'évolution saisonnière des paramètres ?
On va donc continuer à engranger, en toute conscience, des données qui ne pourront à l'évidence servir à rien d'autre qu'au rapportage obligatoire. Depuis 1997, l'Ifen a accumulé environ 10 millions d'analyses de pesticides, et il signale encore dans son dernier rapport de 2007, "qu'il n’est pas possible à ce jour de dégager des tendances d’évolution de la qualité des eaux vis-à-vis des pesticides". N'est-ce pas un aveu d'incompétence, qu'il se situe au niveau des personnes chargées d'exploiter ces données, ou au niveau des gestionnaires qui seraient incapables d'organiser la production de données correctes, ou les deux ? Et on dirait bien que cela continue.
Le consortium référence Aquaref est donc créé en toutes pompes en justifiant : "les nouvelles directives européennes, en particulier la Directive Cadre sur l'Eau, imposent la mise en place d'une surveillance fiable des milieux aquatiques" (cf. Site du Medad, lancement d'Aquaref). Sauf que, même si des progrès réels doivent enfin être faits dans le domaine de la métrologie sur l'eau, en particulier pour diminuer l'incertitude analytique, il n'était pas besoin d'Aquaref pour concevoir un programme de surveillance fiable, efficace et pertinent avec les exigences de qualité déjà connues par tous les experts.
Tout ceci ressemblerait plus à un alibi pour justifier une surveillance dégradée qui empêchera toute velléité d'évaluer l'état chimique réel des eaux avec des mesures dérangeantes à la clé pour les pollueurs. En effet, devra-t-on attendre encore 20 ans pour qu'Aquaref nous dise ce que tous les experts savent depuis au moins 10 ans ? 20 ans pendant lesquels on dira que l'état chimique, grâce à des mauvaises mesures, à des mauvais seuils et à des mauvais calculs, est bon ? 20 ans pendant lesquels la connaissance des pollutions aura été occultée par des programmes de surveillance inadaptés, alors que l'on pouvait démarrer dès 2007 des programmes de surveillance pertinents. Cela fait 10 ans que l'on accumule des analyses de pesticides coûteuses avec une insuffisance reconnue au niveau des fréquences, des limites analytiques, des périodes, etc. Et on se retrouve à nouveau avec un programme de surveillance des pesticides indigent, pour "acquérir de la donnée" ! C’est de la provocation, surtout pour les victimes de ces toxiques (cf. aussi l’affaire des PCBs). Et la biodiversité ?

La possibilité d'évaluer les effets cocktails liés aux cumuls de substances
La nécessité d'évaluer le cumul de substances présentes simultanément dans les eaux ("mixture of contaminants" cf. Guidance on surface water chemical monitoring under the water framework directive), en masse, en nombre ou en toxicité est tout à fait occultée de la surveillance française. C'est pourtant une problématique qui concerne particulièrement la France qui est le premier utilisateur de pesticides en Europe et qui n'est pas en reste pour tous les autres polluants chimiques. Rien que pour les pesticides, la Diren de Bretagne signalait d'ailleurs en 2006 : "La diversité des résidus mise en évidence sur chacune des 8 rivières du réseau est élevée, ainsi jusqu’à 27 molécules ont été quantifiées dans un même échantillon et en moyenne nous observons au moins six molécules par échantillon" (cf. Situation des eaux superficielles en Bretagne - Point presse 14 avril 2006).
Cette omission se traduit directement dans les protocoles mis en place, par exemple :
-Pour l'inventaire 2005 en éliminant à l'emporte pièce de beaucoup de substances qui entrent certainement en nombre dans des cumuls que nous ne pourrons jamais connaitre même s'ils ont eu des effets nocifs bien réels.
-En dissociant systématiquement dans le temps (1 an de décalage prévu) la mesure des micropolluants (liste des 41 et des 86) de celle des pesticides, il deviendra impossible de connaître le niveau exact du cumul entre les pesticides et les autres familles de toxiques.
-En désélectionnant les substances suivant leurs niveaux de concentration après la première année de mesure, il sera impossible d'évaluer le cumul exact de ces substances.
-En ne réduisant pas systématiquement les valeurs des NQE dans les zones particulièrement exposées aux multi-contaminations. Ce serait une précaution élémentaire puisque l'on ne se donne pas les moyens de connaitre les impacts réels des cocktails de toutes les substances dont le déversement est autorisé.
-En ne posant pas la nécessité d'effectuer les analyses partout avec les LQ les plus basses possibles comme l'une des bases fondamentales de la surveillance chimique. On ne peut pas prétendre évaluer un cumul de substances si les trois quarts d'entre elles sont mesurées avec des LQ qui ne correspondent pas à leurs teneurs réelles dans les écosystèmes aquatiques.

Le calcul de la concentration moyenne à comparer avec la NQE
Tous les 3 ans, on dispose donc de 12 mesures par an pour les 41 prioritaires et de 4 mesures par an pour tous les autres polluants chimiques. On doit comparer la moyenne de ces mesures à la NQE-MA de chacune de ces substances. 12 mesures par an, compte tenu de la variabilité des conditions de prélèvement et de l'incertitude analytique, ce n'est pas suffisant pour les polluants saisonniers, mais c'est acceptable comme base de fréquence minimum. Avec 4 mesures par an, les moyennes deviennent extrêmement douteuses :
-Un petit exemple calculé (calculs Eau-Evolution) à partir des données téléchargées sur le site de l'Agence de l'eau Seine-Normandie : 31 mesures d'atrazine ont été effectuées en 2000 en aval de la Seine à la station 03174000. En extrayant 1 mesure parmi celles de chaque trimestre, on simule (bootstrap) un échantillonnage réel de 4 mesures effectuées au rythme de 1 mesure/trimestre, fait en 2000, selon le protocole de surveillance prévu. Les moyennes obtenues pour ces 4 mesures varient entre 0,05 et 0,18 µg/l ! Pire, sur 1000 simulations de 4 mesures, on s'aperçoit que 64 % des moyennes s'écartent de plus de 20 % de part et d'autre de la moyenne calculée à partir des 31 mesures !
-Et cela serait pire sur des cours d'eau plus petits où les variations des concentrations sont beaucoup plus contrastées. Un exemple calculé à partir des données téléchargées sur le site de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne : 12 mesures de diuron ont été effectuées en 2007 en aval du Gouessant à la station 04168140. En extrayant 1 mesure parmi celles de chaque trimestre, on simule (bootstrap) un échantillonnage réel de 4 mesures effectuées au rythme de 1 mesure/trimestre, fait en 2007, selon le protocole de surveillance prévu. Les moyennes obtenues pour ces 4 mesures varient entre 0,02 et 0,175 µg/l ! Pire, sur 1000 simulations de 4 mesures, on s'aperçoit que toutes les moyennes s'écartent de plus de 40 % de part et d'autre de la moyenne calculée à partir des 12 mesures ! La moyenne des concentrations du premier trimestre est égale à la NQE de 0,2 µg/l. La moyenne annuelle est inférieure à cette NQE. La concentration maximale mesurée en 2007 sur les 12 valeurs est de 0,55 µg/l. Mais, compte tenu de la forme de la courbe et de l'insuffisance de mesure pendant les mois où devrait se situer ce pic, rien ne prouve que ce soit ce pic. La NQE-CMA du diuron a été fixée à 1,8 µg/l (3). Il n'est donc pas impossible qu'elle ait été atteinte.
Et si on prenait en compte la variabilité analytique, ces écarts seraient encore plus importants. La France n'indique pas encore comment la variabilité analytique est prise en compte pour la comparaison des moyennes avec les NQE. Le problème des substances qui ont des limites de quantification supérieures à leur NQE n'est pas réglé non plus, sauf si on remontait leur NQE (cf. Evaluation du bon état chimique dans la partie française du district de l’Escaut- Simulations pour la période 2003-2005 sur la base des valeurs provisoires françaises et du projet de directive du parlement européen et du conseil) ? Les circulaires françaises ne précisent pas non plus comment prendre en compte dans la moyenne les mesures qui ne sont pas quantifiées.
Bien entendu, toutes ces questions seront réglées par la suite et donc sans doute par les règles d'épicier que l'on peut imaginer "si le paramètre… alors… sinon…" et dont bien peu de personnes ne pourront contrôler la façon réelle dont elles seront appliquées au cas par cas. Mais si les circulaires françaises avaient dés le départ examiné la question de façon approfondie et sérieuse et en tenant compte des avis des scientifiques, elles auraient surement prévu un protocole de mesure des micropolluants beaucoup moins inadapté au calcul de moyennes, beaucoup moins ridicule et beaucoup respectueux des deniers publics et de l'intérêt général !
Comment pourra-t-on justifier d'un quelconque niveau de confiance sur le suivi des pesticides et comment pourra-t-on évaluer les tendances ? La méthode de calcul du bon état semble donc tout aussi fumeuse que les NQE sur lesquelles il s'appuie !

Le respect des NQE-CMA par les concentrations ponctuelles
La Directive Cadre définit pour 41 les substances prioritaires deux sortes de normes de qualité : les NQE-MA (Moyenne Annuelle) et les NQE-CMA (Concentrations Maximales Admissibles) un peu plus élevées que les NQE-MA : "Il a été défini une norme de qualité environnementale basée sur la concentration maximale admissible, qui vise à éviter les conséquences irréversibles graves de l'exposition aiguë à court terme pour les écosystèmes, ainsi qu'une norme de qualité basée sur la moyenne annuelle, qui vise à éviter les conséquences irréversibles à long terme. Le SCTEE (Scientific Committee on Toxicity, Ecotoxicity and the Environment) a cependant souligné que l'exposition aiguë pouvait elle aussi avoir des conséquences à long terme" (3).
La circulaire du 7 mai 2007 sur les normes de qualité explique qu'il faut comparer la moyenne des mesures à la NQE, qui est en fait la NQE-MA. Mais elle n'évoque apparemment pas le contrôle du respect des NQE-CMA par les concentrations ponctuelles.
On peut déjà remarquer, concernant la comparaison des moyennes à la NQE-MA, que faire 4 mesures par an, c'est, sans le dire, considérer qu'une mesure est statistiquement représentative de la concentration trouvée dans l'eau pendant 3 mois. Ainsi, la concentration mesurée au printemps représenterait toutes les concentrations pendant les 3 mois du printemps. On devrait donc comparer cette concentration ponctuelle, et non pas la moyenne annuelle, à la NQE-MA, car on est déjà dans la toxicité chronique, beaucoup d'espèces ayant un cycle de vie dans l'eau inférieur à 3 mois. Sans compter que la sensibilité des juvéniles au printemps (avec des impacts délétères à long terme que l'on ne connait même pas) n'est pas la même que celle des adultes tout au long de l'année, etc.
Faire 4 mesures par an, c'est aussi ne pas se donner les moyens de cerner les pics de concentration et d'avoir une idée de la concentration maximale ponctuelle atteinte par la substance à cette occasion. Alors que compare-t-on exactement avec la NQE-CMA ? Cela n'a aucun sens.
Par ailleurs il est important de pouvoir connaître les pics de concentration en amplitude et position, pour observer s'ils se déplacent avec le changement climatique, et pour comparer leurs dates d'occurrence avec les périodes d'alevinage par exemple.

__________ OU SURVEILLE-T-ON LES POLLUANTS CHIMIQUES EN FRANCE ? ____________

LE CADRAGE DCE

Le réseau de surveillance doit comprendre "un nombre suffisant de masses d'eau de surface pour permettre une évaluation de l'état général des eaux de surface à l'intérieur de chaque captage ou sous-captage du district hydrographique" (2).
Là aussi, ce sont d'abord les notions de niveau de confiance et de précision qui doivent guider chaque pays dans la définition de son protocole de surveillance.

LA SURVEILLANCE FRANÇAISE

Le choix des points de mesure est aussi important que celui des substances mesurées et des protocoles de mesure. Les trois sont normalement liés.
La France prévoit donc de surveiller "les substances prioritaires (les 41 substances de la circulaire «bon état» du 28 juillet 2005 utilisées pour l’évaluation de l’état chimique)… sur tous les sites du réseau de contrôle de surveillance", "les autres substances concernées par la directive 76/464/CE (liste figurant dans le tableau 2 de l’annexe 5 du présent document de cadrage)… sur 25 % des sites du contrôle de surveillance… de façon à acquérir de la donnée" et "les pesticides (liste figurant dans le tableau 3 de l’annexe 5 du présent document de cadrage)… sur 25 % des sites du contrôle de surveillance… de façon à acquérir de la donnée" (5).

Pourquoi 25 % de points? Pourquoi pas 50 % ou 100 % ? Où seront placés exactement ces 25 % soit 380 points sur lesquels on mesurera les micropolluants non prioritaires, c'est-à-dire presque tous les micropolluants ? Quels sont les critères de représentativité choisis ? Est-ce une espèce de représentativité globale (qui reste d'ailleurs aussi à vérifier) par rapport à l'ensemble du territoire comme le rapport de l'Ineris sur l'inventaire 2005 le laisse entendre ?
Au moins 50 % de la surface de la France est anthropisée. Combien de stations de mesures restera-t-il pour surveiller cette zone qui draine des contaminations de toutes sortes (zones agricoles, urbaines et industrielles). Est-ce que ces 380 points auront une quelconque pertinence pour faire avancer la connaissance des pollutions par les pesticides ou par les micropolluants émergents ?
Les rapports du MEDAD montrent que la majorité des stations de mesures en cours d'eau sont contaminées par les pesticides. Rien que pour cette famille de micropolluants et compte tenu de la grande variabilité géographique des pratiques culturales, des sols, des reliefs, des climats, etc., la surveillance de 25 % des stations, dont une faible part seulement doit se trouver en zone d'agriculture intensive, paraît dérisoire.

En plus de toutes les limites dues à l'inadaptation générale des protocoles de mesure et à l'espacement énorme des campagnes de mesure, on ne pourra donc pas évaluer, même mal, les cocktails de micropolluants sur les 3/4 du réseau de surveillance ! Faudra-t-il attendre 20 ou 30 ans pour que ces substances soient mesurées sur d'autres stations parmi les 75 % restantes, écartées dés le départ de la surveillance au vu de raisons statistiques ou financières qui n'ont certainement pas bien compris les enjeux de la surveillance chimique ?
Le manque de justifications et de transparence sur l'ensemble des critères de choix de ces 380 points n'est donc pas acceptable.

_______ LE BON ETAT CHIMIQUE ET LA REALITE DE LA QUALITE DES EAUX EN FRANCE _______

L'état chimique ne tient pas compte des cumuls de contaminations et il ne prend en compte qu'un très petit nombre de substances avec en plus une méthode d'évaluation simpliste et inadaptée basée sur des dépassements de seuils arbitraires par des moyennes annuelles ou des concentrations maximales souvent calculées avec des données inadaptées (fréquence, LQ, etc.). Il ne tient pas compte du niveau de dépassement de ces seuils. Un simple suivi pour les sédiments ? En d'autres termes, ce n'est pas parce que l'état chimique des rivières sera "bon" que les espèces aquatiques ne continueront pas à se féminiser ni que les sédiments ne seront plus contaminés ! Cet état chimique n'est qu'un leurre et nivelle gravement par le bas toute la problématique de la toxicité réelle des eaux et des sédiments.

L'ETAT CHIMIQUE NE PREND EN COMPTE ET MAL QUE 41 SUBSTANCES

Seulement 41 substances dans l'état chimique réglementaire ! Rien que pour les pesticides, 233 substances différentes ont été quantifiées dans les cours d'eau en 2005, année sèche (cf. "Les pesticides dans les eaux-Données 2005" Décembre 2007). Et si l'on abaissait les limites de quantifications, on en quantifierait beaucoup plus.
Quelle est la pertinence et la représentativité de ces 41 substances par rapport à l'ensemble des contaminants chimiques présents et mal, voire pas, mesurés ? Elles n'ont pas le monopole des NQE basses. Un certain nombre sont déjà interdites, et d'autres font déjà l'objet de réduction d'utilisation, donc vont très vite disparaître du suivi. Certaines, justement les plus dangereuses, ont des limites de quantifications supérieures à leur NQE, si bien qu'elles ne sont pas en réalité prises en compte. Et même si une trentaine de substances supplémentaires seront ajoutés à la liste des 41 dans un futur proche ou lointain, on sera loin du compte. Le rajout de substances n'est qu'un leurre si le décalage temporel entre ce que l'on rajoute et ce que l'on devrait rajouter perdure.
Des fréquences de 1 mesure par mois sont-elles pertinentes et adaptées à l'évaluation des concentrations maximales et des moyennes pour les substances saisonnières dans les cours d'eau petits et moyens où les variations des concentrations sont très brutales ? Et que dire de l'évaluation de l'état chimique avec seulement 1 mesure tous les 3 mois pour les micropolluants non prioritaires saisonniers et même non saisonniers qui participent à l'état écologique ?

Par ailleurs, les quelques cadrages évoqués des LQ les asservissent aux NQE ("LQ <= 30% NQE") et ne sont même pas assez exigeants en particulier en vue de l'évaluation rétrospective des cumuls de toxicité. Il n'y a aucune allusion et encore moins obligation d'effectuer les analyses avec les LQ patrimoniales, c'est-à-dire les plus basses possibles compte tenu des avancées technologiques. Si bien que même si les fréquences, les périodes des mesures et les panels de molécules suivies étaient suffisants, même si tous les micropolluants étaient mesurés sur les 1500 stations du réseau de surveillance, la qualité de la surveillance resterait mauvaise à cause du maillon faible de LQ inadaptées aux concentrations réelles et l'état chimique n'aurait aucune pertinence.

L'ETAT CHIMIQUE FERME LES YEUX SUR LE CUMUL DE SUBSTANCES TOXIQUES

On sait depuis un moment que les substances toxiques agissent en général de façon synergique sur les organismes vivants (la trithérapie pour le SIDA a été mise en place en 1996..). C'est-à-dire que de faibles concentrations simultanées de plusieurs molécules peuvent produire un effet toxique supérieur à celui d'une seule substance administrée à forte dose. Une substance testée isolément in vitro peut n'avoir aucun effet toxique apparent sur un organisme vivant particulier, mais se révéler très toxique in situ en présence d'une autre substance et éventuellement aussi sur d'autres organismes, etc. Les toxiques se relayent dans les eaux : même si chaque substance n'était présente que quelques jours ou quelques mois dans l'année, avec une moyenne par conséquence toujours faible et en dessous des seuils, la pression toxique peut rester élevée tout au long de l'année. Etc.
Pourtant l'état chimique réglementaire DCE ignore la nécessité d'évaluer le cumul de substances présentes simultanément dans les eaux. Cela signifie qu'avec les valeurs de NQE proposées par la DCE (3) pour les 41 prioritaires, une rivière serait en bon état chimique alors que ses eaux contiendraient par exemple l'agréable cocktail de (concentrations annuelles moyennes en eau brute sauf pour les métaux en eau filtrée) :
Nickel 20 µg/l ; Plomb 7,2 µg/l ; Cadmium 0,08 µg/l ; Mercure 0,05 µg/l ; Dichlorométhane 20 µg/l ; Tétrachlorure de carbone 12 µg/l ; Benzène 10 µg/l ; Dichloroéthane-1,2 10 µg/l ; Tétrachloréthène 10 µg/l ; Trichloroéthylène 10 µg/l ; Chloroforme 2,5 µg/l ; Naphtalène 2,4 µg/l ; DEHPhtalate 1,3 µg/l ; Simazine 1 µg/l ; Atrazine 0,6 µg/l ; C10C13Chloroalcanes 0,4 µg/l ; Trichlorobenzène 0,4 µg/l ; Pentachlorophénol 0,4 µg/l ; Nonylphénols 0,3 µg/l ; Alachlore 0,3 µg/l ; Isoproturon 0,3 µg/l ; Diuron 0,2 µg/l ; Hexachlorobutadiène 0,1 µg/l ; Octylphénol 0,1 µg/l ; Anthracène 0,1 µg/l ; Fluoranthène 0,1 µg/l ; Chlorfenvinphos 0,1 µg/l ; Benzo(a)pyrène 0,05 µg/l ; Trifluraline 0,03 µg/l ; Chlorpyriphos-éthyl 0,03 µg/l ; DDT 0,025 µg/l ; Lindane 0,02 µg/l ; Hexachlorobenzène 0,01 µg/l ; Aldrine 0,01 µg/l ; Pentachlorobenzène 0,007 µg/l ; Endosulfan 0,005 µg/l ; Pentabromodiphényléther 0,0005 µg/l, soit en tout 27 µg/l de métaux prioritaires et 83 µg/l de substances synthétiques prioritaires ! Sans compter que s'invitent aussi dans ce charmant cocktail toutes les autres substances, soit la majorité silencieuse des toxiques (PCBs, etc.), dont la voix compte actuellement pour du beurre dans l'état chimique réglementaire.
Ces mêmes NQE, et en considérant les débits moyens annuels (source : banque HYDRO) par exemple du Rhône (1700 m3/s à Arles), de la Seine (538 m3/s à Amfreville) et de la Loire (848 m3/s à Montjean), ont pour conséquence directe qu'un objectif de bon état chimique revient à tolérer les déversements de toxiques dans nos eaux côtières assez impressionnants suivants (calculs Eau-Evolution) :
-pour un bon état chimique relatif au Mercure, on est satisfait d'un flux de ce métal (rien qu'en eau filtrée) qui peut atteindre 0,8 t/an pour la Seine, 2,7 t/an pour le Rhône et 1,3 t/an pour la Loire.
-pour un bon état chimique relatif au Nickel, on est satisfait d'un flux de ce métal (rien qu'en eau filtrée) qui peut atteindre 339 t/an pour la Seine, 1072 t/an pour le Rhône et 535 t/an pour la Loire.
-pour un bon état chimique relatif aux 4 métaux prioritaires Nickel, Plomb, Cadmium et Mercure, on est satisfait d'un flux de ces métaux (rien qu'en eau filtrée) qui peut atteindre 458 t/an pour la Seine, 1448 t/an pour le Rhône et 722 t/an pour la Loire.
-pour un bon état chimique relatif au Trichloréthylène, on est satisfait d'un flux de ce toxique synthétique (en eau brute) qui peut atteindre 170 t/an pour la Seine, 536 t/an pour le Rhône et 267 t/an pour la Loire.
-pour un bon état chimique relatif au Diuron, on est satisfait d'un flux de ce toxique synthétique (en eau brute) qui peut atteindre 3,4 t/an pour la Seine, 10,7 t/an pour le Rhône et 5,3 t/an pour la Loire.
-pour un bon état chimique relatif aux substances synthétiques prioritaires, on est satisfait d'un flux de ces toxiques (en eau brute) qui peut atteindre 1408 t/an pour la Seine, 4450 t/an pour le Rhône et 2220 t/an pour la Loire.

Ces chiffres ne sont que des ordres de grandeur mais font craindre que les quantités rejetées actuellement de ces substances de façon isolée et encore plus en synergie ne soient pas ou peu inquiétées par les NQE actuelles. Le calcul approfondi des implications des NQE en termes de flux pour chacun des micropolluants prioritaires ou non, et une comparaison avec ses rejets effectifs dans les cours d'eau (industriels, etc.) déboucherait sans doute sur des conclusions attristantes. C'est très surprenant que les seuils du bon état chimique ne correspondent pas au moins à des flux faibles dans les eaux côtières !
Il est bien évidement impossible d'envisager de calculer des cumuls de substances si elles ne sont pas mesurées avec les LQ les plus basses possibles. Mais ces exemples montrent aussi que l'asservissement des LQ aux NQE peut compromettre, tout autant que les fréquences de mesures complètement inadaptées, toute velléité scientifique de calculer les flux exacts de toxiques aux exutoires des différents bassins versants petits ou grands ainsi que leurs tendances. Il est prévu "des stations destinées à évaluer les flux qui rejoignent les eaux littorales et de transition…" (5) sans plus de précision, mais il est peu probable que les LQ seront spécialement les plus basses possibles sur ces rares stations et si c'était le cas, ce serait inacceptable que les LQ n'aient pas ce niveau patrimonial sur toutes les autres stations...

L'ETAT CHIMIQUE N'EVALUE PAS LE DEGRE DES CONTAMINATIONS

L'état chimique est bon ou n'est pas bon. Mais il n'y a pas de degré. Pourtant cette notion de degré est prise en compte dans le bon état écologique qui en comporte cinq.
Si on nous informe qu'une masse d'eau est classée en bon état chimique, on ne peut donc pas savoir si toutes les substances prioritaires sont très proches ou non du seuil.
Et pour une masse d'eau classée en risque, on ne sait pas si la ou les substances incriminées dépassent d'un facteur 1,5 ou 100 leur NQE !
Cela signifierait-il par exemple qu'un organisme aquatique qui vit (ou plutôt survit) dans des concentrations moyennes de 2,6 µg/l ou de 100 µg/l de Chloroforme, ou dans des concentrations totales de 100 µg/l ou de 800 µg/l de substances prioritaires ne ferait pas la différence ?

__________________ QUELS ENJEUX POUR LA SURVEILLANCE FRANÇAISE ? __________________

VOUS AVEZ DIT ENJEUX ?

La préservation de la qualité chimique des eaux de surface est essentielle pour la préservation de la qualité chimique des eaux souterraines et des eaux marines, car pratiquement toutes les pollutions non repérées et non traitées en surface finissent tôt ou tard par se retrouver dans les nappes et/ou dans la mer. Le grand enjeu de la surveillance est bien évidemment le maintien de la santé des écosystèmes aquatiques, le maintien de la biodiversité et la santé humaine. Or la surveillance française ne propose aucune stratégie ni aucune prise en compte des problématiques émergences de notre époque, en particulier le changement climatique et les micropolluants émergents.
Le changement climatique va forcément modifier le fonctionnement des écosystèmes. Est-ce que la France prétend surveiller sérieusement ce qui va se passer dans les prochaines années pendant les étiages avec seulement 1 mesure tous les 2 mois au niveau des paramètres physico-chimiques (température, concentrations des polluants organiques émis par les stations d'épuration, nitrates, etc.) ? ou avec seulement une mesure tous les 3 mois et une année sur trois de polluants chimiques qui risquent de se concentrer et d'être plus toxiques durant les étiages ? Comment va-t-on suivre les décalages et les niveaux maximum des pics de température et de toutes les pollutions et contaminations ?
Il y a aussi tous les micropolluants émergents. Ces molécules que l'on déverse depuis parfois longtemps mais que l'on découvre seulement maintenant dans l'eau. Il s'agit par exemple des substances pharmaceutiques, des molécules de dégradation ou de réaction chimique des pesticides, des molécules de substitution des substances interdites, etc. Il y a aussi des microorganismes pathogènes (virus, cyanobactéries, etc.) et autres substances biochimiques (prions, toxines, etc.). Il y a des milliers de molécules toxiques dans les eaux de surface. Dont plusieurs centaines connues qu'il faudrait déjà mesurer sérieusement parce qu'elles ont des effets avérés. La surveillance de ces polluants n'a pas été posée comme l'une des bases de toute surveillance pertinente.
La surveillance est aveugle vis-à-vis de toutes ces problématiques qu'il faudrait en outre considérer tout particulièrement pendant les périodes de reproduction et de croissance des jeunes. De façon générale, la surveillance est aveugle à tous les micropolluants qui ne sont pas recherchés, mais, plus insidieux, qui sont mal recherchés.

Les limites de quantifications actuelles des substances sont souvent bien au-dessus de leurs teneurs réelles dans les eaux et les sédiments et de leur NQE, lorsque ces NQE sont basses. Si bien que dans la pratique, ces substances ne sont simplement pas prises en compte, ni dans la surveillance, ni dans l'état chimique, ni dans l'état écologique. Cette question des LQ est pratiquement occultée dans les circulaires françaises, alors que c'est l'une des grandes problématiques à venir pour les micropolluants et qu'elle aurait dû en constituer la problématique de base : les substances nouvelles sont de plus en plus toxiques à faible dose et sans doute de plus en plus nombreuses en même temps. L'interdiction de substances largement dosées et facilement décelables dans l'eau comme l'atrazine a pour conséquence indirecte que l'on n'est plus en mesure, sauf coûts d'analyses prohibitifs, de détecter les substances de substitution modernes. Ce qui va provoquer l'amélioration artefactuelle d'un état chimique simpliste et déjà archaïque avant même d’être utilisé, tel que celui définit par la directive... Il y a aussi la mesure problématique des perturbateurs endocriniens qui agissent à des concentrations extrêmement faibles. Au regard du peu de considération de ce problème par la surveillance chimique mise en place et du peu de substances que l'on va effectivement mesurer dans l'eau, il aurait fallu, par précaution élémentaire, prévoir la constitution d'une banque d'échantillons d'eau.

LE BON ETAT ECOLOGIQUE ET LES POLLUTIONS TOXIQUES

Selon le cadrage européen, la France doit prendre en compte les 86 substances pertinentes dans le bon état écologique. Mais une "circulaire ultérieure" (7) précisera comment... Pourquoi on ne parle pas d'ores et déjà de prendre en compte dans le bon état écologique les pesticides complémentaires ?
Un passage de la circulaire du 7 mai 2007 concernant la "Prise en compte des objectifs nationaux de réduction dans les SDAGE et les programmes de mesure" ne laisse pas d'illusions sur la réalité des objectifs : "Compte-tenu de l’importance de l’état chimique dans l’évaluation du bon état des masses d’eau, il est nécessaire de centrer l’essentiel des actions du SDAGE et de son programme de mesures dans le domaine de la réduction des émissions des substances dangereuses sur la réalisation des objectifs concernant les 41 substances et familles de substances impliquées dans l’évaluation de cet état. Pour les autres substances et familles de substances pertinentes, ce n’est que dans le cas où les teneurs de masses d’eau à l’intérieur du bassin pour certaines de ces substances et familles de substances se révéleront être notablement différentes des NQEp proposées qu’un objectif de réduction devra être affiché par le SDAGE" (7). La messe est dite. On apprécie le "notablement différentes"...

Concernant les indicateurs biologiques et les macropolluants pris en compte pour évaluer le bon état écologique, la définition des seuils revient aux états membres : "La nature et les valeurs-seuils de ces paramètres ne sont pas précisément définies par la DCE : chaque Etat membre a donc la possibilité de proposer des méthodologies et des outils dans la mesure où ils répondent aux exigences de la DCE" (4)
Les seuils de l'indicateur poissons sont toujours provisoires. Les deux autres indicateurs (invertébrés et diatomées) sont en train d'être revus pour satisfaire à la philosophie de la DCE qui demande de caler les dégradations par rapport à un état de référence.
Mais quelle référence ? Nos poissons, invertébrés et diatomées sont depuis longtemps, et en tous cas depuis qu'on les mesure, imbibés de pesticides, de HAP, de métaux, de PCB, etc. Les états de "référence" n'existent plus, en particulier pour les cours d'eau de tailles moyenne et grandes, mais même pour les petits. La pluie par exemple (la commission demande que les "atmospheric deposition", cf. Framework directive guidance document n° 7, soient pris en compte dans les sources de pollution) apporte des pesticides, HAP et autres toxiques partout, en provenance de France mais aussi de tous les pays du monde. L'intoxication des organismes vivants aquatiques mais aussi terrestres est effective depuis longtemps. Elle est silencieuce car la plupart de ses effets ne se manifestent qu'à long terme dans la santé, la capacité d'adaptation au changement climatique et la survie des espèces mais c'est une véritable bombe à retardement pour le maintien de la biodiversité et pour l'espèce humaine. Donc la référence elle-même étant déjà dégradée, le bon état écologique ne peut qu'être un état médiocre voire mauvais. Par ailleurs, la présence d'une espèce bioindicatrice n'implique pas forcément qu'elle n'ait pas subi des modifications comportementales ou des effets endocrines (changement de sexe), etc.
Ces indicateurs ne sont donc largement pas suffisants pour appréhender l'état des écosystèmes aquatiques. Est-ce que les moyens consacrés à la recherche en écotoxicologie sont adaptés aux enjeux à venir ? Et qui dit moyens en écotoxicologie, dit d'abord moyens en surveillance des substances chimiques dans l'eau. Citons par exemple les propos récents dans le journal du CNRS du responsable du groupe "Physico- et toxico-chimie de l'environnement" à l'Institut des Sciences Moléculaires : "Les fleuves et les rivières contiennent des millions de tonnes de polluants formés des rejets chimiques de nos industries, de notre agriculture et de nos activités quotidiennes. Ce qui signifie que l'on y trouve de tout : des solvants, des nitrates, des phosphates, des détergents, des produits cosmétiques, des PCB, notamment dans le Rhône, des nanoparticules de carbone qui pourraient jouer le rôle de surfaces absorbantes et de «pièges» pour d'autres contaminants… la liste comprend aussi des substances pharmaceutiques : paracétamol, ibuprofène, anticancéreux, anti-cholestérol, anti-inflammatoires, pilule contraceptive…" et aussi : "Nos connaissances sur ces polluants émergents sont encore lacunaires. Nous sommes donc aujourd'hui dans l'impossibilité d'établir un lien direct entre telle classe de molécules pharmaceutiques et tel problème précis de santé. Il n'en reste pas moins que nous voyons apparaître, dans de nombreux cours d'eau français, des phénomènes de féminisation des mâles chez certaines espèces de poissons (truite arc-en-ciel, gardon…), de gastéropodes, de grenouilles…, ainsi que des phénomènes d'immunotoxicité qui se traduisent par une diminution de l'efficacité du système immunitaire entraînant une sensibilité accrue aux agents infectieux". Et ces lacunes concernent aussi l'eau potabilisable et potable : "aucun plan de surveillance ne prévoit la détection systématique des molécules médicamenteuses ou des produits de chloration, potentiellement cancérigènes. Nous manquons de données sur ces nouveaux types de composés pour réellement faire une bonne évaluation de leur présence dans l'eau du robinet. Il serait souhaitable de disposer des moyens nécessaires pour s'en assurer, avant qu'une «grosse crise» n'éclate" (cf. Cote d'alerte sur la pollution des eaux – Novembre 2007).

Les paramètres de qualité de l'eau supportant la vie biologique (température, nutriments, matières organiques, matières en suspension, etc.) seront mesurés chaque année, sur l'ensemble des stations du réseau de surveillance. Mais la fréquence indiquée est de seulement 6 mesures par an. Pour les paramètres à caractère saisonnier, comme les nitrates, le constat est le même, en moins pire cependant qu'avec les pesticides. On ne se donne clairement pas les moyens d'évaluer correctement l'ampleur et l'évolution des pollutions. Non seulement 6 mesures par an sont insuffisantes pour appréhender correctement ce type de pollution, mais encore, on prévoit d'utiliser la méthode du "percentile 90", qui consiste à retirer les plus mauvaises concentrations mesurées, pour ne laisser que 90% des mesures. Alors que l'on explique en même temps que "Pour l’évaluation de l’état, la méthode de calcul du percentile 90 % doit être utilisée : essentiellement en raison du fait que la méthode des moyennes est moins pertinente car les organismes biologiques sont affectés par une concentration maximale, même si son occurrence est faible. De plus, cette méthode est en continuité avec les pratiques actuelles" (4) ! Même si les fréquences de mesure permettaient d'obtenir avec une faible marge d'erreur les valeurs réelles des concentrations maximales, il paraitrait incohérent d'éliminer toutes les valeurs élevées par le percentile 90 alors qu'on nous explique que ce sont justement celles qui ont le plus d'impact (et plus on fait de mesures dans l'année, plus le percentile 90 éliminera de valeurs élevées) ! On pourrait tout au plus retirer la concentration maximale si c'était vraiment le sommet d'un pic à caractère exceptionnel. Et comme en plus les fréquences conseillées ne permettent à l'évidence pas de mesurer même approximativement les concentrations maximales, l'incohérence devient totale.
Il y a régression par rapport à l'ancienne surveillance dans les endroits où ce type de paramètres était mesuré12 fois par an, voire plus, tout simplement parce qu'on s'était aperçu que c'était nécessaire ?
Par ailleurs, on continue à appréhender chaque type de pollution à part, la plus mauvaise donnant schématiquement l'état. Il n'y a aucune prise en compte de l'ensemble des pollutions, alors qu'on sait qu'elles agissent en synergie sur les organismes vivants. Par exemple, une pollution organique a un impact toxique d'autant plus important qu'elle est accompagnée d'une forte température et d'une contamination chimique.
L'évaluation est faite, comme pour les micropolluants, à partir de seuils. Ces seuils sont toujours discutables. Mais heureusement pour les macropolluants, on ne commence pas à les mesurer quand ils sont au-dessus des seuils. Pourquoi, dans la logique des mesures pour les micropolluants, ne mesurerait-t-on pas aussi les nitrates que quand ils dépasseraient 50 mg/l sur 4 mesures en 2007, ou la température que quand elle dépasserait 28°C sur 4 mesures prises en 2007, etc. ?
Tout cela parait vraiment ridicule, dérisoire, irresponsable et grave.

L'ETAT CHIMIQUE DES EAUX SOUTERRAINES

Comme pour les eaux de surface, la directive cadre demande à la surveillance des niveaux de confiance et de précision rigoureux : "L'évaluation du niveau de confiance et de précision des résultats fournis par les programmes de contrôles est indiquée dans le plan" et aussi "Les États membres utilisent les données de la surveillance et des contrôles opérationnels pour identifier les tendances à la hausse à long terme des concentrations de polluants induites par l'activité anthropogénique ainsi que les renversements de ces tendances" et encore "Les renversements de tendances doivent être démontrés par des données statistiques et leur niveau de confiance doit être associé à l'identification" (2).
Là-aussi, l'état chimique est bon lorsque des valeurs seuils et normes de qualité par substance pour certaines substances ne sont pas dépassées.
Sans surprise malheureusement, pour les pesticides, ce sont les limites de 0,1 µg/l par substance (NQ) et 0,5 µg/l pour la somme des pesticides de la norme "eau potable" qui ont été choisies (cf. Directive 2006/118/CE du parlement européen et du conseil du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration).
Ah si ! Il y a quand même une surprise : ces seuils de 0,1 et 0,5 µg/l sont comparés, non pas aux valeurs maximales des concentrations comme pour la norme "eau-potable" mais à leurs moyennes arithmétiques. Une valeur moyenne étant toujours inférieure à la valeur maximale, le choix de la DCE n'est donc qu'une véritable dégradation de la norme "eau-potable" (bien qu'elle doive la prendre en compte sur les zones de protection des forages destinés à l'alimentation en eau potable) qui n'avait déjà rien d'un seuil patrimonial. A titre d'exemple, le seuil de bonne qualité ("Eau de composition proche de l'état naturel, mais détection d'une contamination d'origine anthropique") prévu par le SEQ patrimonial eaux souterraines publié en 2003 pour les pesticides était de 0,05 µg/L par substance et aussi pour la somme des pesticides (la très bonne qualité, couleur bleue, correspondant à une "Eau dont la composition est naturelle ou «sub-naturelle»"). Tandis que le seuil de 0,5 µg/L pour la somme des pesticides correspondait lui à la quatrième classe de qualité, couleur orange, et était qualifié de "Dégradation importante par rapport à l'état naturel". Et tous ces seuils étaient à considérer pour le SEQ en valeurs maximales et non pas en valeurs moyennes. Les références de bonne qualité passent donc : -pour le total des pesticides, d'une concentration maximale qui doit rester inférieure à 0,05 µg/l (SEQ patrimonial eaux souterraines ) à une concentration moyenne qui doit rester inférieure à 0,5 µg/l (état chimique DCE), -et par substance, d'une concentration maximale qui doit rester inférieure à 0,05 µg/l (SEQ eaux souterraines ) à une concentration moyenne qui doit rester inférieure à 0,1 µg/l (état chimique DCE). Il est clair que beaucoup plus de masses d'eau souterraines n'auraient pas été en bon état chimique avec ces seuils patrimoniaux. Peut être même que des simulations ont été effectuées…

Il n'y a apparemment pas encore de consignes sur le niveau des limites de quantification alors que c'est un des points les plus cruciaux pour la surveillance de cette ressource mais aussi pour l'évaluation de son état chimique : quel est le sens d'un total des concentrations des pesticides présents dans un échantillon d'eau si leurs LQ ne sont pas les plus basses possibles ? Les LQ dans les eaux souterraines risquent donc fort de ne pas être systématiquement plus basses que pour les eaux de surface et du moins au maximum de 0,01 µg/L comme prévu pourtant par le SEQ patrimonial eaux souterraines de 2003 qui fixait le premier seuil de contamination à 0,01 µg/L par substance (0,001 µg/L pour certaines substances) : "L'état patrimonial du SEQ Eaux souterraines fournit une échelle d'appréciation de l'atteinte des nappes par la pollution et permet de donner une indication sur le niveau de pression anthropique s'exerçant sur elles sans faire référence à un usage quelconque". On peut lire aussi "Pour les eaux souterraines, le système d’évaluation de la qualité introduit la notion d’état patrimonial pour exprimer le degré de dégradation d’une eau du fait de la pression exercée par les activités socio-économiques sur les nappes. Ceci se traduit par un premier seuil, particulièrement bas, au-dessus duquel a été identifié un premier niveau de dégradation de ces eaux. Ce seuil correspond au seuil de détection des analyses chimiques du produit concerné, soit, par exemple pour l’atrazine, 0,01 µg/l" (cf. "Les pesticides dans les eaux-Données 2001" Juillet 2003).

Le seuil réglementaire DCE du bon état pour les nitrates vis-à-vis des eaux souterraines est de 50 mg/l et il doit être comparé non pas à la concentration maximale mais à la moyenne des concentrations. Comme pour les pesticides dans les eaux souterraines, la réglementation DCE relative aux nitrates est donc plus laxiste que la réglementation "eau potable" qui n'avait déjà elle-même rien à voir avec l'état patrimonial.
Les références de bonne qualité passent ainsi pour les nitrates, d'une concentration maximale qui doit rester inférieure à 20 mg/l (SEQ patrimonial eaux souterraines de 2003) à une concentration moyenne qui doit rester inférieure à 50 mg/l (état chimique DCE). Le seuil de 50 mg/l correspondait à la quatrième classe de qualité du SEQ patrimonial eaux souterraines de 2003 et était qualifié de "Dégradation importante par rapport à l'état naturel". Et ce seuil était à considérer pour le SEQ en valeurs maximales et non pas en valeurs moyennes.
Avec ses 50 mg/l en concentrations moyennes, le bon état chimique nitrates dans les eaux souterraines serait même moins exigeant que pour la plupart des eaux de surface où il serait au maximum de 50 mg/l après comparaison au "percentile 90" des concentrations. C'est consternant.

On nous explique pourtant que "le bon état des eaux souterraines suppose, notamment, des actions précoces…" (2), que "Les eaux souterraines constituent les réserves d'eau douce les plus sensibles et les plus importantes pour l'Union européenne" (cf. Directive 2006/118/CE du parlement européen et du conseil du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration) et que "Plusieurs raisons font de la protection des eaux souterraines une priorité dans le cadre de la politique environnementale de l'UE : -une fois contaminées, les eaux souterraines sont plus difficiles à nettoyer que les eaux superficielles et les conséquences peuvent se prolonger pendant des décennies…" (cf. Protection des eaux souterraines contre la pollution). Paroles et paroles et paroles…

La DCE n'impose pas de fréquence minimale mais donne seulement des recommandations (2 mesures par an en général).
Comme pour les cours d'eau, on prévoit de positionner une concentration moyenne par rapport à la NQ, ce qui là encore, avec peu de mesures et beaucoup de valeurs non quantifiées ne veut pas dire grand chose. Les polluants comme les nitrates et les pesticides ont a priori des fluctuations saisonnières importantes dans les nappes superficielles et il est difficile de concevoir qu'une fréquence de mesure faible puisse permettre de mettre en évidence des tendances et encore moins des renversements de tendances.
Ces seules remarques sur la pertinence de l'état chimique laissent deviner qu'il n'a pas un caractère plus patrimonial que pour les cours d'eau. Quant à la surveillance française des eaux souterraines, si elle est conçue peu ou prou uniquement pour renseigner un état chimique réglementaire aussi light…

UNE SURVEILLANCE CHIMIQUE FRANÇAISE BIAISEE, TRONQUEE
_______________ ET INADAPTEE AUX PROBLEMATIQUES ACTUELLES DE L'EAU_______________

La surveillance chimique française permettra-t-elle :
-d'évaluer correctement la contamination chimique réelle des eaux ainsi que sa tendance ? Non.
-d'appréhender la connaissance et les conséquences du changement climatique ? Non.
-de protéger efficacement les milieux aquatiques ? Non.
-Cette surveillance est-elle un progrès pour la connaissance de la contamination des eaux ? Non.
-Révèle-t-elle une prise de conscience de la gravité de la situation et une volonté de faire réellement avancer les choses dans le domaine de l'eau ? Non.
-Le bon état chimique traduit-il une faible toxicité chimique réelle de l'eau ? Non.

Ne serait-il pas grand temps "d’acquérir de la donnée" réellement utilisable et de mesurer pour de bon ?

UN ETAT CHIMIQUE BIDON ET UNE SURVEILLANCE DEGRADEE

Tous ces exemples et ces remarques montrent que l'évaluation de l'état chimique des eaux, dans ses bases (les NQE) et dans sa méthode de calcul (moyenne ou maximum de données non représentatives des contaminations réelles) relève bien plus d'errements arithmétiques que de l'intérêt général. L'état chimique ne prend en compte, et mal, qu'une infime partie de la pollution toxique dans l'eau et occulte la réalité de la contamination multipolluants des eaux françaises.

Mais beaucoup plus grave, la surveillance mise en place ne permettra pas de connaître correctement la réalité de cette pollution. Non seulement le fait de ne surveiller majoritairement que les substances "qui posent problème" (au-dessus de leur NQE ou autre) est incompatible avec la notion même de surveillance patrimoniale, mais le protocole qui permet d'inventorier et de repérer ces substances est aussi très discutable. La surveillance ressemble plus à une surveillance opérationnelle, "un contrôle réglementaire" comme le signale l'Ifremer, et avec des choix tous sujets à caution, que ce soit pour les substances mesurées, leurs LQ, les supports (eau brute, eau filtrée, etc.), les valeurs des NQE, les fréquences et les périodes des mesures, les façons de calculer si une substance dépasse sa NQE et les 380 stations suivies pour les micropolluants autres que les 41 substances prioritaires. On ne va plus connaître la contamination chimique réelle qu'au travers de certaines normes de toxicité empiriques et conjoncturelles qui biaisent tout le système d'acquisition des données, au détriment de la connaissance patrimoniale.
On a donc apparemment choisi de piloter la surveillance de la ressource par les NQE avec un nombre très limité de substances et avec des protocoles de mesure très discutables et très insuffisants eu égard aux enjeux en cours et sans aucune prise en compte de la spécificité de certains polluants. Ce choix permet de satisfaire a minima les obligations nationales et européennes mais il ne respecte le cadrage de la Directive que dans ses aspects obligatoires. Car il n'en respecte apparemment ni l'esprit, ni les recommandations, que ce soit au niveau du choix des substances suivies, des fréquences de suivi, de l'adaptation des protocoles aux problématiques des substances et de la conception même de la surveillance qui rejoint l'opérationnel. On aurait dû mettre en place une vraie surveillance patrimoniale dont on aurait pu extraire, en fonction des réglementations qui ne peuvent viser qu'un minimum européen indispensable à l'urgence de protection des milieux aquatiques, les éléments de connaissance nécessaires au rapportage communautaire. On aurait plutôt fait l'inverse, en subissant les obligations de surveillance qui seront toujours décalées par rapport aux besoins, au lieu de les devancer.
Il parait finalement assez irresponsable de la part de l’Europe d’avoir réduit l’état chimique obligatoire à cette notion complètement insuffisante de "bon état chimique" tel que défini, et surtout, de ne pas avoir imposé une surveillance de type patrimoniale obligatoire à chacun des états membres. Et il parait encore plus irresponsable, de la part de la France, de ne pas s’aligner au niveau des pays qui profitent de leur niveau de développement avancé pour donner l’exemple, au lieu de faire le minimum pour ne pas se faire sanctionner.

QUELQUES COMMENTAIRES D’ORGANISMES DE RECHERCHE ET D’EXPERTISE SUR LA PRISE EN COMPTE DES MICROPOLLUANTS ET SUR LA SURVEILLANCE CHIMIQUE FRANÇAISE

Le MNHN (Muséum National d'Histoire Naturelle) signale "l'insuffisante prise en compte des micropolluants émergents et des polluants d’origine microbiologique" dans les états des lieux pour la DCE. "On peut dès lors en déduire que le bilan de la qualité de l’eau tel qu’il ressort des états des lieux, aussi inquiétant soit-il, est pourtant en deçà de la réalité. Il exclut, en effet, deux causes importantes de pollution de l’eau dont les impacts sur la santé humaine, les populations animales et les écosystèmes sont avérés", et aussi "Il faut également noter que ces micropolluants ne figurent que de façon très minoritaire dans la liste des polluants identifiés par la Directive Cadre sur l'eau". Ce rapport dresse "une liste de propositions pour répondre aux exigences de la Directive Cadre sur l'eau, au nombre desquelles figure un suivi rigoureux des micropolluants" (cf. La qualité de l’eau en France, J.-C. LEFEUVRE, MNHN, juin 2005-Synthèse du rapport).

Le Cemagref vient de proposer un stage gratifié à 376,29 €/mois intitulé "L'analyse des données relatives aux produits phytosanitaires issues des réseaux de surveillance". Lorsqu'on lit : "une des difficultés majeures pour l'interprétation des données ainsi acquises tient, pour les produits phytosanitaires, dont les concentrations dans les eaux de surface sont très variables, à la faible fréquence de prélèvements aux points de suivi : 4 à 12 par an au mieux pour les points classiques en eaux superficielles, un par an pour les sédiments. Le suivi n'a de surcroît pas à être réalisé tous les ans, ce qui rend a priori difficile la détection d'éventuelles évolutions" (cf. L'analyse des données relatives aux produits phytosanitaires issues des réseaux de surveillance des eaux – janvier 2008), s'agirait-il d'essayer de trouver un tour de passe-passe statistique qui permettrait de tirer quelque chose des données manifestement inadaptées issues du réseau de surveillance ? Le Cemagref n'aurait-il pas aussi dû évoquer la grosse difficulté liée aux LQ inadaptées et aux panels de substances mesuré ?
Déciderait-on de la façon d'acquérir les données sans vérifier auparavant que l'on puisse réellement en faire quelque chose ? A moins que les mesures des pesticides ne soient effectivement prévues que pour "acquérir de la donnée" ? Doit-on tolérer plus longtemps que les pesticides soient toujours mesurés dans les eaux selon des protocoles largement inadaptés avec à la clé des bilans de contamination annuels creux qui ne présenteront jamais que des tendances triviales sur les quelques substances interdites et 20 ans après leur interdiction ?

L'Ifremer précise en conclusion de sa présentation de l'inventaire exceptionnel, après avoir signalé que cet inventaire de 2005 donnait une "image de la contamination chimique du littoral confuse" : -"l'exigence de qualité ne doit pas être considérée comme une dépense excessive", -et aussi : "l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques nécessite une information environnementale de qualité et digne de confiance" (cf. Séminaire AQUAREF – 31 mai 2007).
Il semble que cette dernière remarque mette en évidence ce qui est peut être le problème de fond. A-t-on vraiment envie que l'on puisse évaluer les politiques publiques dans l'eau ? Au vu de la surveillance dégradée mise en place par la France, il semblerait que non.

UN PROBLEME DE GROS SOUS OU UN CHOIX DELIBERE ?

La surveillance française telle qu'elle apparait au vu des textes analysés ici est une surveillance dégradée, au rabais. La raison n'en est pas technique puisqu'on disposait de toutes les informations techniques nécessaires pour mettre d'ores et déjà en place un protocole de surveillance cohérent et efficace. Cette surveillance au rabais serait-elle alors justifiée par des raisons financières ? Compte tenu du nombre impressionnant d'analyses qui seront faites partout pour rien à cause de protocoles inadaptés, c'est difficile à croire.
On trouve un élément de réponse dans le cahier des charges établi pour "l'évolution des réseaux de suivi de la qualité des eaux de surface continentale" : "L’importance du coût des mesures de micropolluants apparaît nettement. Leur mise en œuvre conduira à augmenter le nombre de sites contaminés identifiés. Il est donc nécessaire que cet effort de mesure soit effectif dans les différents Etats européens, pour garantir une équité dans l’identification des risques de non atteinte du bon état du fait des micropolluants" (cf. Cahier des charges pour l'évolution des réseaux de suivi de la qualité des eaux de surface continentales en France – 13 décembre 2001). Le problème a le mérite d'être bien posé : plus la surveillance est mauvaise (limites de détection élevées, etc.), moins elle pourra détecter de pollutions et moins il y aura de mesures dérangeantes à prendre pour les enrayer. Il y a effectivement un problème de gros sous, mais il n'est sans doute pas tant dans le coût de la surveillance en elle-même, et le gâchis par exemple des analyses coûteuses de pesticides le confirme, que dans le coût des mesures à mettre en œuvre, avec des taxes pollueurs-payeurs à augmenter de façon certainement drastique, pour réparer tous les dégâts que ces pollutions chimiques ont déjà fait et vont continuer à faire pendant des décennies et pour en arrêter les rejets. Le problème de l'homogénéisation de l'effort de mesure des différents états membres se pose aussi à l'intérieur de la France pour l'homogénéisation de l'effort de mesure des différentes agences de l'eau. Certaines auront sans doute des programmes de surveillances plus consistants que le minimum prévu par les circulaires officielles. Mais il ne sera pas possible d'exploiter ces données de meilleure qualité dans le cadre d'études au niveau national.
Par ailleurs, si vraiment c'était un problème financier, l'expérience montre que des économies à court terme sur la surveillance se traduisent par des grosses dépenses à venir pour la santé (pollution radioactive et cancers de la thyroïde, chlordécone et cancers, PCB et intoxications, etc.). De plus, il y a toujours la possibilité de réévaluer la taxe pollueur-payeur afin que le coût des analyses soit mieux pris en compte. Pour les pesticides par exemple, en créant une taxe moyenne de seulement 1 euro/kg de pesticides, les agriculteurs en achetant environ 80 000 tonnes par an, on récolterait 80 millions d'euros de plus par an. Ce qui couvre certainement une grande partie des analyses de pesticides dans les eaux. On peut même trouver une bonne utilisation des NQE en rendant la taxe inversement proportionnelle à la NQE de la substance. En effet, les substances les plus toxiques sont a priori moins dosées et donc plus difficiles et plus coûteuses à analyser dans l'eau.

____ COPIE A REVOIR : LA SURVEILLANCE CHIMIQUE FRANÇAISE N'EST PAS PATRIMONIALE ! ____

Il était prévisible qu'en imposant une surveillance obligatoire qui n'a à peu près rien à voir avec la vraie surveillance patrimoniale attendue, la DCE affichait les ambitions nécessaires pour enrayer une contamination délétère pour la biodiversité et la santé humaine tout en donnant en même temps aux états membres qui le souhaitaient la possibilité de se contenter concrètement d'un ersatz de surveillance qui ne risque pas de déboucher sur des changements drastiques de pratiques ni sur des mesures coûteuses à mettre en place. La montagne d'ambition a accouché d'une souris d'obligations. On l'aura compris, la France aurait beaucoup simplifié l'esprit de la DCE et n'aurait fait manifestement que le minimum obligatoire pour ne pas se faire sanctionner. Et de ce point de vue, la DCE fait rater le coche à l'Europe pour plusieurs décennies, au détriment de la nature.
Au vu des premières circulaires, la surveillance française ne peut que déboucher sur une sous-évaluation programmée des contaminations chimiques. Il est inacceptable que l'on ne puisse toujours pas évaluer dans les années qui viennent l'état chimique réel des eaux.
Les citoyens en ont assez d'être menés en bateau sur la surveillance et l'information environnementale. Comme par exemple sur les contaminations radioactives après l'accident de Tchernobyl, lorsque le flux radioactif en 137Cs transporté par le Rhône est passé d'environ 50 Gbecquerels en 1985 à 2000 Gbecquerels en 1986 (cf. "L'environnement en France-Edition 2006"). Comme aussi sur les pesticides dans les eaux avec les rapports creux de l'Ifen depuis 10 ans (cf. La curieuse méthodologie du rapport de l’Ifen - 2006). Comme encore sur beaucoup de micropolluants et sur les micropolluants émergents. Ce qui se passe sur les PCB est la conséquence directe d'une surveillance et d'une information déficientes, alors même que les experts dénoncent depuis longtemps le manque de mesure de ces micropolluants. Les HAP prendront sans doute le relais des PCB, etc.
Et bientôt, on va nous donner du : "L'état chimique est bon, les 41 substances sont toutes inférieures à leur NQE", alors que les grenouilles changent de sexe sous nos yeux ! Ce risque-là n'aurait d'ailleurs pas échappé à ce document de l'Ineris : "La qualité «métrologique» et la pertinence des données n’est pas un moindre enjeu. En effet, comment pourrait-on comprendre la mise en cause de la qualité écologique (impact sur les populations, par exemple) sans qu’aucune «donnée» mesurée ne soit supérieure aux seuils relatifs à la qualité environnementale" (cf. La Directive Cadre Eau et l’Ineris). Pas de quoi s'inquiéter pourtant, il suffira d'interdire aux grenouilles de changer de sexe et aux consommateurs de manger des poissons dans toutes les masses d'eau en "bon état chimique DCE" !
C'est incroyable que l'on arrive en 2008 sans connaître exactement tous les flux toxiques déversés dans les cours d'eau et a fortiori dans la mer et sans avoir mis au point des méthodes analytiques performantes pour mesurer ces substances !
Le principe de précaution est bafoué. Avec le risque que les substances interdites et non surveillées parce que ne dépassant pas leur NQE ou n’étant pas considérées à "problème" soient à nouveau utilisées parce qu’elles ne bénéficient plus d’aucun suivi jusqu’à la prochaine campagne plus complète de mesures. La ressource paraît gérée comme on gérerait un bien marchand, contrairement au principe de base de la Directive Cadre et du Code de l’environnement. La surveillance de l'état chimique de l'eau ne devrait pas être pilotée par des obligations de rapportage ni par des normes de qualité empiriques. Elle devrait être pilotée par les grands problèmes environnementaux de notre époque et de notre continent (changement climatique, pollution chimique et biochimique par les systèmes d'assainissement et les industries, pollution diffuse par les pesticides, pollution radioactive, produits de dégradations, perturbateurs endocriniens, nanoparticules, etc.). La surveillance devrait couvrir les besoins de rapportages pour la commission européenne et non l'inverse.
Il faut pour la surveillance une approche patrimoniale qui consiste à mesurer, au plus prés possible de la réalité, toutes les substances qui circulent dans les milieux aquatiques, indépendamment des connaissances si limitées sur leur écotoxicité dont on dispose aujourd'hui et "avec les limites de détection des techniques d'analyse les plus avancées d'usage général" (2). Tout ceci est l'esprit de la directive Cadre sur l'eau.

Alors bien entendu, on nous dira que toutes les circulaires françaises compilées dans cet article sont provisoires ou ne sont qu'un premier pas, que l'on améliore constamment le dispositif, que l'on va mettre à jour les listes de substances, etc. Et que donc le contenu de cet article n'est plus à jour… C'est surement exact dans les détails et n'importe quel article plus récent sur le sujet sera vite périmé dans ses détails lui-aussi. Mais ce sont les bases de cette surveillance qui sont dénoncées ici et rien n'indique qu'elles ne soient pas durables.
Si la France ne fait pas sa révolution chimique verte, si les bases en matière de surveillance continuent à traduire un objectif prioritaire qui serait apparemment de répondre aux obligations réglementaires fixées par la DCE et de prévoir d'agir en priorité là où des mesures fortes sont nécessaires pour atteindre le bon état tout en réduisant la surveillance là où le bon état est respecté, il n'y a rien à espérer. On pourra bien ajouter quelques substances à la surveillance, tout en veillant à en éliminer d'autres en passant, on pourra bien abaisser quelques LQ, on pourra bien faire un peu évoluer les listes d'épicier des polluants pris en compte dans l’état chimique, toutes les petites "améliorations" que l'on peut imaginer resteront dérisoire par rapport à la gravité de cette pollution chimique généralisée des eaux douces et des eaux marines. Au lieu de se demander combien coûte la surveillance des micropolluants pour tenter de la rationaliser c'est-à-dire quelque part d'en réduire les coûts, il faudrait d'abord mettre en place une vraie surveillance patrimoniale et ensuite faire payer les pollueurs en conséquence. Et on en savait assez dès l'année 2000 pour établir les bases solides d'une vraie surveillance patrimoniale qui permettrait d'acquérir des données de qualité (on va sur la lune depuis 1969...). Le déni et le retard de prise en compte des conseils scientifiques dans les réglementations prétendument destinées à protéger l'environnement, ça commence à bien faire !
On a fini par arrêter de prendre les cours d'eau pour des égouts organiques. Alors, même si de puissants lobbies industriels sont derrière la pollution chimique, même si elle est plus complexe à comprendre et à médiatiser, moins visible à court terme et plus perverse dans ses impacts environnementaux que la pollution organique, l'objectif prioritaire est désormais d'arrêter aussi de prendre les cours d'eau pour des égouts chimiques, et non pas seulement de répondre aux obligations réglementaires minimales fixées par la DCE.
Ceux qui prennent la nature pour une poubelle et déversent directement ou indirectement (rejets industriels et domestiques, agriculture intensive, etc.) des toxiques dans la nature, toxiques qui finissent tôt ou tard par se retrouver sous une forme ou une autre dans les cours d'eau, les lacs, les mers et les nappes souterraines, ne doivent-ils pas assumer financièrement une surveillance adaptée et la réduction de la biodiversité qui s'en suit, quel qu'en soit le prix ? N'est-ce pas le principe pollueur-payeur ? Un Etat qui autorise ces déversements via des réglementations d'un autre temps qui ont manifestement prouvé leur inefficacité puisqu'elles ont abouti sur une contamination chimique actuelle généralisée, un Etat qui n'impose pas aux pollueurs une surveillance et des taxes adaptées n'est-il pas tout simplement complice en prenant tout autant que les pollueurs la nature pour une poubelle ?
Interdire urgemment tous les rejets chimiques et revoir en conséquence toutes les réglementations et tous les paradigmes (agriculture intensive, rejets d'eaux usées domestiques, rejets industriels, etc.) aurait du être une des grandes priorités d'un Grenelle de l'environnement sérieux. Et que l'on arrête de nous mener en bateau avec une surveillance bling-bling dont l'embrouillamini n'a d'égal que la vacuité.

Lors d'un entretien public du 23/11/05, le Directeur de l'eau explique : "Les pesticides, c’est un risque de pollution majeur dans l’eau, avec des molécules de plus en plus puissantes qu’on a du mal à suivre parce qu’elles mutent" (cf. L'eau, ressource épuisable ? Catherine Chabaud et Pascal Berteaud ont dialogué en direct avec les internautes). Puisqu’on connait apparemment bien la situation et le risque, a-t-on fait le nécessaire pour les prendre en compte en conséquence dans une surveillance où l'on découvre des listes très restreintes, peu réactives et rigides de molécules recherchées, des fréquences et des périodes de mesures inadaptées et des limites de détection pas cadrées ? La France est le pays européen qui consomme le plus de pesticides, elle se doit donc pour le moins de concevoir une surveillance particulière adaptée à cette problématique. Est-ce que 80 000 tonnes de pesticides par an déversés en quelques mois sur les terres agricoles ne sont pas une émission suffisamment significative, à prendre en compte de façon globale et adaptée ?
L'Espagne par exemple a mis en place (cf. Design of monitoring networks in Spain in compliance with the WFD – Chemical status) dans le cadre de sa surveillance un "Pesticides subnetwork" avec deux types de suivis, "a routine campaign" et "a intensive campaign". Elle prévoit de façon générale, pour constituer une base solide, des mesures chaque année pour les 6 premières années du premier plan de gestion, avec des fréquences plus élevées et des périodes adaptées aux polluants, et pas que pour les pesticides : "Spain intends to use a higher monitoring frequency than the WFD minima for the 1st RBMPs and will undertake surveillance monitoring every year. They have also defined optimal sampling periods for each QE (Quality element)" (cf. Surface water monitoring networks).

Les micropolluants émergents aussi sont "un risque de pollution majeur". Il faut donc absolument que le système de surveillance chimique soit complètement reconsidéré jusque dans sa stratégie de base, et non pas complété avec des petits plans par-ci par-là. Cette espèce de déni de surveillance de la ressource patrimoniale peut compromette de façon irréversible la survie de certaines espèces aquatiques et la santé des générations futures. On n'a manifestement pas pris les mesures de surveillance qui correspondent aux enjeux énoncés par la Directive européenne sur l'eau.

Il est urgent de mettre en place une surveillance et une évaluation chimiques réellement patrimoniales, modernes, pertinentes et adaptées aux changements climatiques futurs, avec des sous-réseaux de surveillance et des protocoles adaptés, en particulier :
-Les cours d'eau qui drainent les régions agricoles doivent faire l'objet de surveillances intensives et adaptées aux pesticides. Même chose pour les cours d'eau qui drainent les grandes villes et les grandes zones industrielles avec les micropolluants chimiques, microbiologiques, radiologiques, biochimiques et nanoparticules.
-Les listes de pesticides ou des micropolluants urbains et industriels doivent comprendre toutes les substances utilisées après enquêtes poussées sur les rejets réels sans aucun seuil de déclaration et sur tous les apports par toutes les voies possibles. Ces listes doivent être réactives et évolutives, donc mises à jour tous les ans avec les nouvelles substances utilisées ou découvertes dans l'eau et les nouveaux produits de dégradations et métabolites connus.
-Les fréquences de suivis dans l'eau doivent être d'au moins 1 mesure par mois et systématiquement plus fréquentes pendant les périodes de fortes utilisations ou transferts dans l'eau.
-Les LQ doivent être imposées et les plus basses possibles. Elles doivent être abaissées tous les ans en fonction des progrès techniques et imposées à tous les laboratoires. Même si ce n'est que tous les 2 ans, chaque année de suivi doit l'être parfaitement, dans l'optique de pouvoir chiffrer les cumuls et sans éliminer de substances avant qu'elles n'aient réellement complètement disparu et de façon durable. Ils doivent être aussi beaucoup plus conséquents pour l'ensemble des paramètres physico-chimiques. Les suivis doivent porter une attention toute particulière sur les périodes de reproduction et sur les étiages, ainsi que sur tous les paramètres qui risquent de changer avec l'évolution du climat (température, oxygène dissous, transports de matières en suspension, etc.).

Et ne faudrait-il pas aussi appliquer ces bases de suivi aux matières en suspensions, aux sédiments, aux organismes aquatiques, ainsi qu'aux eaux souterraines, stagnantes et littorales ?
On sera alors capable de réaliser, à partir des données de la surveillance, des études poussées sur les évolutions à long terme des contaminations par les micropolluants et sur leur écotoxicité réelle. Des études qui éviteront peut-être aussi à l'être humain de changer de sexe. Quoique la nature ne s'en plaindrait certainement pas…

Par ailleurs, les citoyens devraient pouvoir télécharger les données de qualité des milieux aquatiques dans leur intégralité (y compris les jeux de données des organismes de recherche et des autocontrôles des ICPE), ainsi que les données détaillées sur la météorologie et les débits, et sans que l’on exige de code d’accès. Ces données sur l’eau devraient aussi êtres présentées de façon homogène, quelle que soit la localisation du point de mesure. Et on devrait pouvoir télécharger en une seule fois toutes les données concernant par exemple le "Bisphénol A" dans les eaux brutes, recherche et quantifications, sur l’ensemble des eaux superficielles ou souterraines françaises, etc. Ce qui, à l'heure où est réalisé cet article, n'est toujours pas le cas…


Création : 2 février 2008
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Commentaires (fermés depuis mars 2014)

CyrilleWWF, le 2011-03-10 11:36:45

Cette synthèse est remarquable et permet de bien comprendre que finalement la DCE avec la liberté qu'elle accorde aux états membres de l'EU ne permettra pas d'atteindre les bons états chimiques de nos eaux souterraines et de surface, ni même d'atteindre le bon état écologique ni en 2015, ni en 2021 ou même en 2027.
L’eau qualifiée de patrimoine commun n’est pas traitée de façon patrimoniale et le plus grave, c’est que l’on ne se donne pas les moyens en France d’avoir de bons états des lieux et un bon suivi des pollutions des eaux de surface ou souterraines. Je suis sûr comme avec un certain nombre d’ouvrages comme "Printemps silencieux" de Rachel Carson (1962) traitant de la contamination des pesticides et leurs impacts sur la biodiversité, ou "L’homme en voie de disparition de Théo Colborn" (1991) traitant des micropolluants à effets perturbateurs endocriniens, que malgré les alertes successives, les années se suivent et se ressemblent, les problèmes perdurent, les contaminations s’accroissent, la biodiversité est impactée, sans que l’on se donne réellement les moyens d’apprécier l’ampleur de cette contamination et son évolution. Et l’homme dans tout cela… (épidémie de cancers, nouvelles pathologies,… Il paraît que la dégradation de notre environnement, contaminations chimiques, n’a rien à voir). Business as usual… Quand on peut encore faire du fric sur un modèle économique qui s’essouffle, vaille que vaille et au diable nos ambitions environnementales, on affiche que l’on est vertueux sur la base du bidouillage des données publiques pour dire que tout va bien et que l’on fait des progrès.
Qui est aujourd’hui en capacité de comprendre les propos tenus par l’auteur dans cet article ou les autres sur ce site, certainement pas les politiques en place. Les responsables : probablement "quelques grands corps malades ou élites" qui restent au grès des changements de gouvernements et qui font la pluie et le beau temps.
La crise de l’eau est réelle en France et j’espère que ce dossier fera date et permettra de sortir de l’ornière et impasse dans laquelle s’engouffre notre pays. J’espère que ce dossier permettra une prise de conscience et amorcera une réelle crise pour amorcer de réels changements.
Bravo pour ce formidable travail !

Webmaster, le 2011-10-27 18:10:27

Pour info, l'information publiée le 14/10/2011 "PESTICIDES, BPA, PHTALATES: Nos fleuves européens en regorgent" (http://www.santelog.com/modules/connaissances/actualite-sante-pesticides-bpa-phtalates-nos-fleuves-europeacuteens-en-regorgent_6551_lirelasuite.htm#lirelasuite) à partir de l'article "A new risk assessment approach for the prioritization of 500 classical and emerging organic microcontaminants as potential river basin specific pollutants under the European Water Framework Directive" (Sci. Total Environ. Vol 409, Issue 11, 1 May 2011, p 2064-2077) :

"La liste des produits chimiques présents dans les eaux européennes doit être immédiatement être remise à jour, alertent ces scientifiques qui constatent, après analyse des niveaux de 500 substances chimiques présentes dans les bassins des quatre principaux fleuves européens, une pollution par les pesticides bien plus importante qu’on ne le supposait. Un état des lieux alarmant publié dans la revue Science of The Total Environment.
Ces scientifiques ont analysé les niveaux de 500 substances organiques dans les bassins des 4 principaux fleuves européens. Ils révèlent que 38% de ces produits chimiques sont présents à des concentrations qui pourraient avoir un effet sur les organismes. La contamination par des produits chimiques organiques est un problème maintenant présent partout en Europe. La plupart des substances classées comme à risque étaient des pesticides, dont la majorité ne figure pas sur la liste européenne des substances prioritaires qui doivent être contrôlées régulièrement, expliquent ces chercheurs. Ils appellent donc à une révision urgente de la liste des produits chimiques sous surveillance visés par la directive européenne.
L'objectif de la directive européenne sur l'eau (EU Water Framework Directive) est que l'eau de surface et souterraine atteigne un niveau correct de qualité « écologique et chimique » en 2015, l'état chimique étant évalué en fonction d'une liste de 33 polluants dits prioritaires. Les auteurs estiment que plus de 14 millions de produits chimiques sont sur le marché et plus de 100.000 d'entre eux sont produits à l’échelle industrielle, en conséquence, les autorités ont du réduire leur surveillance à un nombre beaucoup plus limité de polluants.
La première étude à classer les polluants organiques sur le critère de nécessité d'une action. Les scientifiques du Centre Helmholtz de recherche environnementale (UFZ) en collaboration avec des collègues en France, en Slovaquie, en Belgique et en Espagne ont analysé une base de données compilées comportant 5 millions d'enregistrements sur les données physico-chimiques. Leur étude a porté sur les polluants organiques identifiés dans plus de 750.000 analyses de l'eau des bassins de l'Elbe (République Tchèque / Allemagne), du Danube (qui traverse 10 pays européens voisins), de l'Escaut (Belgique) et des rivières de Llobregat (Espagne). Selon la Commission européenne, cette étude est la première à développer un classement des polluants organiques sur le critère de nécessité d'une action.
Les substances les plus couramment identifiées: L'un des composés les plus fréquemment rencontré est le diéthylhexyl phtalate (DEHP), un phtalate très toxique, perturbateur endocrinien, utilisé comme adoucisseur, qui sera interdit dans l'UE à partir de 2015. Vient ensuite le bisphénol A (BPA), un autre fameux perturbateur endocrinien puis le diclofénac et l'ibuprofène, deux substances pharmaceutiques utilisées couramment dans les analgésiques. Au total, ce sont 73 composés identifiés par ces scientifiques comme polluants à surveiller en priorité. Deux tiers d'entre eux sont des pesticides, provenant de l’agriculture. Parmi les pesticides identifiés les plus problématiques, le diazinon, déjà interdit en Allemagne et en Autriche, l'azoxystrobine et la terbuthylazine, toujours autorisés en Europe centrale.
"Aucun de ces pesticides n’est sur la liste des 33 polluants prioritaires, qui doivent être surveillés par les autorités dans toute l'UE", explique le Dr Peter von der Ohe, chercheur à l’UFZ. "La terbuthylazine est un composé structurellement lié aux polluants simazine et atrazine, dont l’usage est interdit. C'est un exemple de la manière dont de petites modifications structurelles peuvent apparemment améliorer l'état chimique, sans atténuer pour autant les risques pour les écosystèmes aquatiques". Aujourd'hui, la majorité des substances présentes n’est pas répertoriée, alors que de produits chimiques ont été interdits et ne sont plus utilisés. "La Directive Cadre européenne sur l'Eau devrait s'assurer à l'avenir, non seulement de répertorier les substances chimiques présentes, mais aussi de surveiller leurs effets".
Les autorités européennes portent trop peu d'attention aux pesticides et la liste des polluants prioritaires doit être révisée, concluent ces scientifiques."

Webmaster, le 2013-01-15 10:30:47

Un article intéressant sur le coût de l'inaction environnementale sur le réchauffement : "Des dizaines de millions de personnes pourraient échapper à des inondations ou à la sécheresse d'ici à 2050 si les émissions de gaz à effet de serre, à l'origine du changement climatique, étaient plus fortement et plus rapidement limitées" (http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/01/15/climat-le-cout-humain-de-l-inaction-en-detail_1816802_3244.html).
A quand la même chose sur la contamination chimique des eaux et des milieux aquatiques ?

Webmaster, le 2013-01-17 06:52:47

Autre article intéressant qui montrent que la faillite de l'évaluation de la toxicité réelle des micropolluants chimiques dans les eaux, ainsi que le déni du principe de précaution, ne sont pas un phénomène isolé : "La faillite de l'évaluation des pesticides sur les abeilles" (http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/07/09/abeilles-la-faillite-de-l-evaluation-des-pesticides_1731092_3244.html). Quelques extraits :

"Le coupable est-il plutôt l'incompétence ou l'accumulation de conflits d'intérêts ? Impossible de trancher. Mais la question est désormais posée : comment des tests d'évaluation des risques pour l'abeille, notoirement déficients, ont-ils pu être utilisés pendant près de vingt ans pour homologuer les dernières générations d'insecticides ? Après avoir été autorisés depuis le début des années 1990, tous (Gaucho, Régent...) ont été au centre d'intenses polémiques avant d'être retirés, au moins partiellement, du marché..."

"De manière générale, explique le rapport, "les expositions prolongées et intermittentes ne sont pas évaluées en laboratoire", pas plus que "l'exposition par inhalation et l'exposition des larves". Les calculs d'exposition des insectes sont systématiquement biaisés : ils ne tiennent pas compte de l'eau exsudée par les plantes traitées, avec laquelle les insectes sont en contact. Ils ne considèrent pas non plus les poussières produites par les semences enrobées au cours de la période des semis..."

"De même, ajoute le rapport, les effets des doses sublétales ne sont pas pleinement pris en compte par les tests standard conventionnels." Ces faibles doses ne tuent pas directement les abeilles, mais peuvent par exemple altérer leur capacité à retrouver le chemin de leur ruche, comme l'a récemment montré une étude conduite par Mickaël Henry (INRA) et publiée le 30 mars dans la revue Science."

"Les tests standard réalisés en champ sont eux aussi critiqués. Colonies trop petites, durée d'exposition trop courte... Des effets délétères, mêmes détectés, s'avèrent souvent non significatifs en raison du trop faible nombre d'abeilles utilisées."

"Ce n'est pas tout. Des "faiblesses majeures" sont pointées par les rapporteurs, comme la taille des champs traités aux insecticides testés. Les ruches enrôlées sont en effet placées devant une surface test de 2 500 m2 à un hectare en fonction de la plante. Or, explique le rapport, ces superficies ne représentent que 0,01 % à 0,05 % de la surface visitée par une butineuse autour de sa ruche... Dès lors, l'exposition au produit est potentiellement plusieurs milliers de fois inférieure à la réalité, notamment dans le cas où les abeilles seraient situées dans des zones de monoculture intensive recourant à ce même produit."

"En outre, poursuit le rapport, les abeilles devraient être testées pour déterminer si de faibles doses du produit ont déclenché des maladies dues à des virus ou des parasites... De récents travaux, conduits par Cyril Vidau (INRA) et publiés en juin 2011 dans la revue PLoS One, ont en effet montré des synergies entre le fipronil (Régent), le thiaclopride (un néo-nicotinoïde) et la nosémose, une maladie commune de l'abeille..."

"Ces manquements sont, selon l'expression d'un apidologue français qui a requis l'anonymat, chercheur dans un organisme public, "un secret de polichinelle". De longue date en effet, le renforcement de ces "lignes directrices" et autres protocoles standardisés est demandé par des apiculteurs et les associations de défense de l'environnement. En vain. Et ce, malgré un nombre toujours plus grand d'études publiées dans les revues scientifiques depuis le milieu des années 2000, qui mettent en évidence leurs lacunes."

"Les trois apiculteurs assistent tout de même au compte rendu des groupes de travail sur la mise à jour des tests standardisés. "Nous étions dans une ambiance très cordiale, avec des gens très avenants qui proposaient des choses radicalement inacceptables, estime Mme Kievits. Pour ne donner qu'un exemple, l'un des calculs de risque présenté revenait à définir un produit comme 'à bas risque' dès lors que l'abeille n'est pas exposée à la "dose létale 50" chronique [qui tue 50 % d'une population exposée sur une longue période]. Donc le produit est 'à bas risque' s'il ne tue que 49 % des abeilles ! Pour nous, c'était simplement incroyable. C'était à tomber mort !""

"Le jugement des experts mandatés par les Etats membres de l'EPPO pose quelques questions. Dans le cas de la Suède, l'expert représentant ce pays, issu du ministère de l'agriculture, a approuvé les nouveaux standards alors que deux de ses pairs de l'Agence suédoise des produits chimiques venaient, par lettre, d'apporter leur soutien aux commentaires critiques de la Coordination apicole européenne. Le jugement des experts varie donc largement selon leur employeur..."

"Et la France ? L'approbation des nouveaux standards de 2010 s'est faite sous la supervision d'une écotoxicologue de la Direction générale de l'alimentation (ministère de l'agriculture) – qui représente la France à l'EPPO. Or, cette scientifique participait aux travaux de l'ICPBR et n'est autre que la principale auteure des recommandations soumises... Elle a donc expertisé et approuvé son propre travail. Ancienne employée de Syngenta (ex-Novartis), elle est ensuite passée par différents organismes publics (INRA, Afssa, ministère de l'agriculture). Elle est, aujourd'hui, employée par l'agrochimiste Dow Agrosciences."

Webmaster, le 2013-01-28 14:03:33

Trois articles de plus sur la légèreté des évaluations des impacts ou des risques des micropolluants toxiques sur la santé des écosystèmes ou des hommes :

1-"Amphibiens : la mort par les pesticides" (http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actualite-amphibiens-la-mort-par-les-pesticides-31011.php), résumé : "Selon une étude germano-suisse, l'impact des pesticides sur les grenouilles et autres amphibiens est alarmant et sous-estimé". Extraits :
"Jusqu'à présent, les tests de toxicité préalables à une commercialisation des pesticides ne prenaient pas en compte les amphibiens. Heureusement pour les fabricants...
Les amphibiens (grenouilles, crapauds, tritons, salamandres, etc.) subissent depuis bon nombre d'années un rapide déclin à l'échelle du monde entier. Les scientifiques débattent encore des facteurs de ce déclin et de leurs poids respectifs : maladies, changement climatique, pollution, disparition des habitats, etc. Des chercheurs allemands et suisses viennent d'apporter un élément important à ce débat. Ils ont montré sur de jeunes grenouilles rousses (Rana temporaria, une espèce européenne commune) que l'exposition à des pesticides conduit à une forte mortalité des batraciens, allant de 40 pour cent après sept jours à 100 pour cent après une heure, selon le produit testé.
Carsten Brühl et Annika Alscher, de l'Université de Coblence-Landau, en Allemagne, avec Thomas Schmidt, des Laboratoires Harlan en Suisse, et Silvia Pepper, de l'Agence fédérale suisse de l'environnement, ont étudié en laboratoire l'effet de sept produits pesticides (quatre fongicides, deux herbicides et un insecticide) sur des grenouilles rousses juvéniles (150 individus au total). Ils ont appliqué au sol humide de la cage de chaque grenouille une dose (quantité par unité de surface) de pesticide correspondant à 0,1, 1 ou 10 fois la dose maximale recommandée en contexte agricole.
Pour les fongicides Headline et Captan Omya administrés à la dose recommandée, la mortalité résultante des grenouilles était de 100 pour cent. Des niveaux importants de mortalité, allant de 40 à 60 pour cent, ont été obtenus avec les autres produits commerciaux testés à la même dose. C. Brühl et ses collègues ont aussi montré que les additifs contenus dans le produit peuvent changer la donne : le Headline, à base de pyraclostrobine et qui contient 67 pour cent de naphta (un solvant), est bien plus toxique qu'une formulation de pyraclostrobine où la proportion de naphta est inférieure à 25 pour cent. À cette formulation est en effet associée une mortalité de 20 pour cent seulement, tant pour la dose nominale que pour la dose dix fois supérieure.
La mise en évidence de mortalités aussi importantes dans un groupe d'animaux vertébrés, dues à des pesticides disponibles dans le commerce, étonne : on aurait pu penser que l'amélioration des tests de toxicité et des procédures d'autorisation de mise sur le marché avait fini par écarter le risque de commercialiser des produits ayant de tels effets délétères. Mais contrairement aux oiseaux et aux mammifères, les amphibiens ne font pas partie des tests imposés pour l'homologation d'un produit pesticide. Or les amphibiens ont une peau très perméable, qui les rend beaucoup plus vulnérables aux polluants.
Si l'impact de la pollution des milieux aquatiques sur les stades larvaires de ces animaux a déjà fait l'objet d'évaluations scientifiques, l'étude de C. Brühl et ses collègues est l'une des premières concernant l'impact de la pollution terrestre sur des amphibiens juvéniles ou adultes. Or de nombreuses espèces d'amphibiens passent une partie de leur vie terrestre dans des milieux agricoles, où l'usage des pesticides est répandu. Cette étude commence donc à combler une grosse lacune dans les connaissances, reconnue dans un rapport récent de l'EFSA, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, et pourrait orienter les efforts de préservation de ce groupe animal menacé. Plus largement, les amphibiens étant souvent considérés comme des espèces sentinelles pour la santé humaine et l'environnement, les travaux de l'équipe germano-suisse pourraient concerner d'autres groupes d'espèces, voire des écosystèmes entiers."


2-"L'évaluation des pesticides est à revoir" (http://www.lefigaro.fr/environnement/2012/12/26/01029-20121226ARTFIG00440-l-evaluation-des-pesticides-est-a-revoir.php), résumé : "Les vers de terre utilisés pour tester leur toxicité ne vivent pas dans les sols cultivés". Extraits :
"Évaluer les risques liés aux pesticides, notamment sur la biodiversité, c'est bien. Le faire avec les espèces concernées, c'est mieux. Dans une étude publiée par la revue Chemosphere, Céline Pelosi, chercheuse au laboratoire d'écotoxicologie du sol de l'Inra, montre que l'espèce de vers de terre Eisenia fetida, qui sert de cobaye pour les tests d'homologation des pesticides, est plus résistante aux pesticides que deux autres espèces qui se trouvent pourtant communément dans les sols cultivés: Aporrectodea caliginsa et Lumbricus terrestris. L'espèce actuellement utilisée pour les tests d'homologation n'est en fait pas présente dans ces sols. «On les trouve plutôt dans des matières organiques telles que le fumier ou le compost», poursuit la chercheuse.
Dans les procédures d'agrément de mise sur le marché d'une molécule active, il faut notamment analyser sa toxicité sur une dizaine d'organismes vivants: mammifères, oiseaux, poissons, invertébrés aquatiques, algues, abeilles, plantes… Mais aussi des vers de terre. «Pour ces derniers, les normes utilisées ont été mises en place dans les années 1980», rappelle Céline Pelosi. À l'époque, il est vraisemblable que les vers de terre ont été choisis parce qu'il était aisé de les élever en laboratoire et qu'ils ont un temps de reproduction très court.
Pour effectuer leur travail, les chercheurs de l'Inra ont épluché 1800 publications scientifiques et en ont retenu 15: «Celles que l'on pouvait scientifiquement comparer en raison de leur similitude quant à la façon de travailler (durée de l'étude, sol utilisé, type de boîte…)». C'est ainsi, grâce à ces méta-analyses, qu'ils ont pu mettre en évidence le fait que deux espèces de vers de terre présentes dans les sols étaient en fait beaucoup plus sensibles que celle servant pour les tests de laboratoire. «On s'est ainsi rendu compte que Aporrectodea caliginosa était 3,5 fois plus sensible aux pesticides que ­Eisenia fetida, et que Lumbricus terrestris l'était 2,5 fois plus», raconte encore Céline Pelosi. Autrement dit, il faut une dose beaucoup plus faible de pesticide pour éliminer autant d'individus de ces deux espèces.
Études en plein champ: «À la lumière de ces résultats, il faudrait peut-être reconsidérer le choix d'E. fetida pour la réalisation des tests d'homologation», suggère l'Inra. «On sait que E. fetida n'est pas le plus sensible, reconnaît Véronique Poulsen, en charge de l'unité d'évaluation écotoxicologique à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation et environnementale (Anses), qui délivre des avis au ministère de l'Agriculture les autorisations pour la France. Mais on apporte des correctifs pour prendre en compte le fait que ce n'est pas l'espèce la plus sensible, en l'occurrence un facteur de 10 pour les vers de terre.» Les critères qui permettent de retenir une espèce plutôt qu'une autre sont également liés au fait que les résultats obtenus par plusieurs laboratoires dans différents pays doivent aboutir à des résultats identiques: «On pourrait travailler sur des espèces prélevées sur le terrain, ajoute la scientifique, mais on serait alors confronté aux différences inhérentes entre les régions mais aussi à des différences génétiques.»
En cas de problème, toutefois, les études de laboratoire peuvent être complétées par d'autres sur d'autres espèces et par des études conduites en plein champ. Il n'empêche, rappelle Céline Pelosi, «il serait plus pertinent d'utiliser A. caliginosa, dont l'élevage est par ailleurs relativement facile», sans oublier que ce travail mené par l'Inra pourrait être appliqué aux autres organismes testés pour l'homologation des pesticides. On ne serait pas forcément à l'abri de surprises !"


3-"Pesticides : vers le risque zéro" (http://www.senat.fr/rap/r12-042-1/r12-042-1.html), quelques extraits de ce rapport de 348 pages du 10 octobre 2012 :
"UN POINT NÉVRALGIQUE : L’ÉVALUATION DU RISQUE"
"L’exigence d’évaluations dépassant les capacités techniques des outils disponibles
Pour mesurer l'impact des pesticides sur la santé humaine la première connaissance nécessaire est celle des dangers des substances composant un produit. Cette évaluation s'opère généralement substance par substance, c'est-à-dire molécule par molécule, mais doit être complétée pour apprécier le danger du produit, c'est-à-dire celui de l'ensemble chimique constituant le produit, par l'évaluation du mélange de substances, des coformulants, des adjuvants et des solvants. Il convient ensuite d’évaluer le risque encouru par les personnes du fait de ce produit dangereux dans ses conditions réelles d'utilisation pour en apprécier vraiment l'impact sur la santé, c'est-à-dire, par exemple, l'emploi du produit en plein air ou en milieu confiné (par exemple, dans des serres), selon des conditions météorologiques données (vent, chaleur, hygrométrie, brouillard…), avec ou sans bruit, avec ou sans équipements de protection collective ou individuelle adaptés, en état de transpiration de l'utilisateur ou non etc., au cours de séquences plus ou moins longues et sur la durée d’une vie, professionnelle et extra-professionnelle. En outre, il faut garder à l'esprit que, au cours d'une même journée et, plus encore, au cours d’une vie, l’exposition d’un individu à un produit pesticide dans ses conditions réelles d'utilisation n'exclue en rien des expositions connexes, simultanées ou non, à d'autres produits pesticides et à toutes sortes de polluants, c'est-à-dire à des mélanges de fait de produits nullement conçus pour une telle utilisation. En fin de compte, il s'agit d'apprécier un risque sanitaire cumulatif à long terme lié à des expositions environnementales multiples. Cette évaluation peut être effectuée à partir de l'addition de plusieurs risques, dite évaluation du risque agrégé, ou de l'évaluation de l'exposition combinée, dite évaluation des risques cumulatifs ou intégrés. Une fois énoncée cette nécessité de retenir ces exigences élevées d’évaluation, il apparaît aussitôt que l'évaluation des expositions combinées est entravée par l'absence de méthodes d’investigation adaptées et de connaissances scientifiques suffisantes pour les apprécier. Cependant, cette évaluation demeure indispensable. Elle a été tentée seulement dans une période récente et souvent pour constater que les outils appropriés n’existent pas encore pour une telle évaluation."

"LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DU SUIVI DES AUTORISATIONS DE MISE SUR LE MARCHÉ DES PESTICIDES"
"Connaître les effets des produits pesticides autorisés en situation réelle : une exigence absolue
L’évaluation des produits a priori ne suffit pas. L’évaluation des risques liés aux produits pesticides est toujours effectuée ex-ante, c'est-à-dire avant la décision d’autorisation de mise sur le marché, sur la base de tests et d’expérimentations censés donner une vision très précise des effets futurs des produits sur la santé comme sur l’environnement, dans la mesure où une méthodologie stricte est observée. Mais, quelle que soit la qualité de cette évaluation des risques exante, elle ne suffit pas. Un dispositif de surveillance des effets des produits, une fois ceux-ci largement diffusés sur le marché, en situation réelle, est indispensable pour au moins deux raisons. D’abord, les connaissances scientifiques évoluent : un risque nouveau, inconnu ou sous-évalué lors de l’octroi de l’autorisation initiale, peut conduire à retirer celle-ci. Ensuite, les effets à long terme des produits pesticides sont mal connus. Certains effets apparaissent longtemps après le début de l’utilisation des produits, notamment en raison de leur accumulation dans les graisses : ce sont les effets retardés, pas toujours identifiables à l’avance car les résultats issus des études in vivo ne sont pas toujours transposables à l’homme, et ces études sont effectuées sur des animaux de laboratoire qui ont généralement une courte durée de vie. Enfin, selon certains scientifiques, les modèles toxicologiques in vitro ne peuvent intégrer la complexité des mécanismes de régulation des organismes pluricellulaires."

"Mettre en place un système d’information de grande qualité permettant d’exploiter à des fins d’information et d’alerte les données des réseaux de surveillance spécifiques mis en place par d’autres ministères ou opérateurs publics ; cette obligation d’information et d’alerte s’étendant à tout agent public en charge de la santé, de l’alimentation et de l’environnement."

"Mettre en place une veille scientifique, technique et médiatique spécialisée concernant les produits phytopharmaceutiques, leurs usages et leurs impacts."

Ajoutons que "Le Sénat a organisé le mercredi 22 janvier un débat en séance plénière sur l'impact des pesticides sur la santé, en présence des ministres chargés de la santé, Marisol Touraine, et de l'agriculture, Stéphane Le Foll. Il fait suite au rapport de la mission commune d'information sur les pesticides rendu public en octobre dernier, qui dénonçait une sous-évaluation des risques liés à ces produits" (http://www.actu-environnement.com/ae/news/pesticides-risques-sante-debat-Senat-17614.php4). Extraits :
"Au moment de la demande d'autorisation de mise sur le marché, la méthodologie révèle son insuffisance puisqu'elle se fonde sur la notion de dose journalière admissible, dite DJA, qui ne couvre pas les doses infimes responsables de perturbations endocriniennes ainsi que l'effet cocktail."

"Les études qui sont consacrées aux effets sanitaires des pesticides "ne portent pas sur la durée de vie des animaux de laboratoire, moins encore sur la succession des générations", souligne Nicole Bonnefoy (Soc. – Charente), rapporteur de la mission. De plus, ajoute-t-elle, "au moment de la demande d'autorisation de mise sur le marché, la méthodologie révèle son insuffisance puisqu'elle se fonde sur la notion de dose journalière admissible, dite DJA, qui ne couvre pas les doses infimes responsables de perturbations endocriniennes ainsi que l'effet cocktail"."

Webmaster, le 2013-02-01 09:01:14

La "circulaire du 31 décembre 2012 relative à l'organisation et aux missions des laboratoires d'hydrobiologie en DREAL" (http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/01/cir_36402.pdf) apporte encore une preuve des manquements de l'Etat (évaluations de l'état des eaux erronées et incapacité à réagir aux crises sanitaires) ainsi que de la nécessité d'avoir une vraie surveillance patrimoniale des eaux en particulier pour les contaminations chimiques :
Cette circulaire reconnait, presque 13 ans après la mise en place de la DCE, que la compétence centrale pour la politique de l'eau, à savoir l'expertise sur l'état biologique des eaux est encore en construction (et donc les données brutes d'hydrobiologie qui vont avec…).
L'article Eau-Evolution ci-dessus montre que l'Etat ne pouvait pas ne pas le savoir depuis le début. Alors tel est pris qui croyait prendre ? En effet, si une mauvaise surveillance des contaminants chimiques (limites analytiques trop élevées, nombre de substances surveillées, fréquences des mesures et périodes mesurées insuffisantes ou inadaptées, etc.), conduit à embellir l'état chimique des eaux "tout va bien, dormez bien", une mauvaise surveillance biologique conduit au contraire à dégrader l'état biologique, avec les conséquences financières et de sanction que l'on sait : schématiquement, quand, à cause d'une recherche mal faite, il manque une substance chimique et surtout une substance toxique d'autant plus difficile à mesurer qu'elle est peu concentrée, l'état chimique est surévalué ; mais quand il manque une espèce biologique et surtout une espèce polluo-sensible, l'état biologique est dégradé, ou alors il faut surévaluer un peu plus les notes attribuées par les indices biologiques…

Quelques extraits :
"Compte tenu des engagements européens d’appliquer la directive cadre sur l’eau (DCE), l'État a besoin de disposer d'une compétence propre dans ce domaine pour poursuivre et améliorer son action. La perte de cette capacité aurait en effet comme corollaire un risque important de dégradation de la qualité de la donnée produite, et un risque d'augmentation en conséquence du coût des programmes de mesures DCE et du risque de contentieux."

"La directive-cadre européenne sur l'eau (DCE) impose aux États membres des exigences radicalement nouvelles dans le domaine de la biologie des milieux aquatiques, sur les plans scientifiques et de la fiabilité des informations à fournir. Assise sur des objectifs de résultats, la politique de l'eau a désormais comme indicateur central l'état biologique des eaux qui nécessite une expertise spécifique, par ailleurs indispensable pour réagir aux crises, sanitaires ou biologiques, affectant les cours d'eau et les plans d'eau."

"Ce domaine de compétence, relativement récent, est cependant encore en construction puisqu'il nécessite le développement de méthodes et d'indicateurs permettant d'analyser de manière fiable et routinière à très grande échelle l'état biologique des masses d'eau sur différents compartiments (invertébrés, poissons, phytoplancton et autres flore aquatique) et de manière adaptée aux différents types de milieux comme demandé par la directive."

"De cette compétence dépend largement la capacité de la France à répondre aux exigences communautaires en matière de mise en œuvre de la DCE et à se défendre en cas de contentieux. Elle est également garante de l'allocation efficace des moyens du programme de mesures pour la détermination du juste niveau d'effort pour atteindre le bon état, et éviter ainsi le surinvestissement dans des actions inutiles, mal ciblées ou trop intenses. Ainsi, compte tenu des méthodes utilisées, une évaluation de l'état biologique réalisée de manière insuffisamment approfondie risque fort de conduire à attribuer à la masse d'eau un état plus dégradé qu'il n'est en réalité (diminution du nombre d'espèces identifiées, absence d'espèces polluo-sensibles) et d'engager des actions correctives inutiles, voire de devoir se justifier auprès de la Commission de non-atteinte des objectifs de bon état ou de non-dégradation."

"Cette compétence est également indispensable pour réagir aux crises, sanitaires ou biologiques, pouvant affecter les cours d'eau et les plans d'eau."

"Cette évolution nécessitera un effort de formation significatif, en particulier pour développer les compétences du laboratoire sur de nouveaux compartiments biologiques non couverts actuellement, pour les renouveler en cas de départ d'un agent, et pour la démarche qualité en vue de l'agrément."

MOMO, le 2013-02-01 12:33:37

C'est énorme !! Sans doute que le capitaine Haddock aurait traité la fine équipe qui gère notre ressource en eau "patrimoniale" de : "Bachi-bouzouks, Bougres de faux jetons à la sauce tartare, Coloquintes à la graisse de hérisson, Mérinos mal peignés, Cyranos à quatre pattes, Zouaves interplanétaires, Ectoplasmes à roulettes, Bougres d’extrait de cornichon, Jus de poubelle, Porc-épic mal embouchés, Patagons de zoulous, Loups-garou à la graisse de renoncule, Bayadères de carnaval, Bougres d’extraits de crétins des Alpes, Chouette mal empaillées, Macchabées d’eau de vaisselle, Astronautes d’eau douce, Simili-martiens à la graisse de cabestan, Concentrés de moules à gaufres, Mitrailleurs à bavette, Tchouck-tchouck-nougats, Garde-côtes à la mie de pain, Papous des Carpates ou Sombres oryctéropes"… et son chef d'"Amiral de bateau-lavoir" ?

Cyrille WWF, le 2013-02-04 15:53:28

Comme pour la question du bon état chimique des eaux, qu’il s’agisse des eaux souterraines et des eaux de surface, et la batterie d’indicateurs, qui qualifie le soit disant bon état chimique (cf. la démonstration de Anne, sur ce site même) ; il y a tout lieu de penser que pour le bon état écologique qualifié par une batterie d’indicateurs (hydromorphologie, continuité écologique, indices d’abondance,…), ne soit un leurre au bon état patrimonial ; et que ces mêmes indicateurs ne servent finalement qu’à masquer une réalité bien plus sombre pour éviter les contentieux communautaires ! D’ailleurs avis aux amateurs d’une telle démonstration, je suis preneur !

Webmaster, le 2013-02-05 13:20:00

Sur les systèmes d'observation de la qualité de l'eau, ce passage inquiétant de la déclaration finale de la "10ème Conférence européenne sur l’application de la directive cadre européenne sur l’eau" EURO-RIOB à d'Istanbul en octobre 2012 (http://www.riob.org/IMG/pdf/EURO_-_RIOB_2012_-_Declaration_Europe_INBO_d_Istanbul_-_V_FINALE_-_FRA.pdf) :

"Bien que les Etats membres de l’UE aient renforcé leurs réseaux de surveillance depuis 2007, il n’est toujours pas évident, six ans après, que ces réseaux apportent la connaissance nécessaire au pilotage des Plans de Gestion, pour la conception des Programmes de Mesures ou pour l’évaluation de leurs effets sur l’état des eaux, notamment sur le plan biologique et hydro morphologique. Il convient de s’interroger sur le rapport coût-efficacité de ces systèmes d’information et sur les moyens de les optimiser.
Ainsi, les systèmes de monitoring et d’information doivent être améliorés, adaptés aux objectifs à atteindre et faire l’objet d’analyses comparatives entre les pays-membres, mais la question de leurs coûts d’investissement et de fonctionnement se pose dans beaucoup de situations."

Webmaster, le 2013-02-26 10:03:13

Il ne s'agit pas du domaine de la vie aquatique, mais les mécanismes biologiques étant les mêmes, un exemple du décalage entre la soi-disant protection par des normes de qualité quelles qu'elles soient et la réalité toxicologique avec "Le scandale alimentaire qui s'annonce" (http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/02/25/le-scandale-alimentaire-qui-s-annonce_1838402_3232.html). Extraits :

"Que se passe-t-il vraiment dans l'univers de la viande industrielle ? Et que nous fait-on manger, de gré ou de force ? Avant d'essayer de répondre, il est bon d'avoir en tête deux études récentes. La première, publiée en 2011, montre la présence dans le lait - de vache, de chèvre ou d'humain - d'anti-inflammatoires, de bêtabloquants, d'hormones et bien sûr d'antibiotiques. Le lait de vache contient le plus grand nombre de molécules. La seconde, qui date de 2012, est encore plus saisissante. Une équipe de chercheurs a mis au point une technique de détection des résidus dans l'alimentation, en s'appuyant sur la chromatographie et la spectrométrie de masse. Analysant des petits pots pour bébés contenant de la viande, ils y ont découvert des antibiotiques destinés aux animaux, comme la tilmicosine ou la spiramycine, mais aussi des antiparasitaires, comme le levamisole, ou encore des fongicides. Certes à des doses très faibles – en général –, mais, comme on le verra, la question se pose aujourd'hui dans des termes neufs."

"Nul besoin d'une vaste enquête pour avoir une idée de l'incroyable pharmacopée destinée aux animaux d'élevage. La liste des produits autorisés contient de nombreux douvicides (contre des vers parasites), anticoccidiens (parasites de l'intestin), anthelminthiques (vermifuges), hormones, vaccins, neuroleptiques et antibiotiques. Sait-on comment l'oxytétracycline se mélange avec la gonadolibérine chez un poulet ? Comment le flubendazole se marie avec l'azapérone et les prostaglandines PGF2 dans la chair d'un porc ? Le thiabendazole avec le diazinon ou le décoquinate dans le sang d'une bonne vache charolaise ? Aucune étude sur les effets de synergie de ces produits n'est menée. Il n'est pas dit qu'elles seraient possibles. Lorsque c'est le cas, on découvre en tout cas un nouveau monde. Le 3 août 2012, la revue PloS One publiait un travail sur les effets combinés de trois fongicides très employés dans l'agriculture. Leur association provoque des effets inattendus sur les cellules de notre système nerveux central.
Commentaire de l'un des auteurs, Claude Reiss : "Des substances réputées sans effet pour la reproduction humaine, non neurotoxiques et non cancérigènes ont, en combinaison, des effets insoupçonnés." Effets insoupçonnés, éventuellement cancérigènes, ouvrant la voie –peut-être – à des maladies neurodégénératives comme Parkinson, la sclérose en plaques ou Alzheimer.
Cette découverte est cohérente avec les grands changements en cours dans la toxicologie, qui étudie les substances toxiques."

"Aujourd'hui encore, le principe de base de cette discipline est le Noael (No observed adverse effect level), ou dose sans effet toxique observable. Longtemps avant Noael, son précurseur Paracelse – un magnifique alchimiste du XVIe siècle – résumait à sa façon le paradigme actuel de la toxicologie : "Toutes les choses sont poison, et rien n'est sans poison ; seule la dose fait qu'une chose n'est pas un poison." Phrase-clé que des générations de toxicologues ont résumée dans cette formule : "La dose fait le poison."
Mais la connaissance bouscule les idées en apparence les plus solides. Le lourd dossier des perturbateurs endocriniens vient rebattre les cartes de manière spectaculaire. En deux mots, ces substances chimiques imitent les hormones naturelles et désorientent des fonctions essentielles du corps humain, comme la reproduction ou la différenciation sexuelle.
Or les perturbateurs agissent à des doses si faibles que l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a pu conclure, dans un rapport de 2011, que les effets de l'un d'eux, le bisphénol A, étaient avérés à "des doses notablement inférieures aux doses de référence utilisées à des fins réglementaires". Il est certain que ce seul propos marque un tournant. Car du même coup, la dose journalière admissible (DJA) du bisphénol A - sa limite légale - pourrait être divisée par... 2 millions, selon le toxicologue André Cicolella.
Le bisphénol A pourrait même "avoir des effets plus importants à très faible niveau d'exposition qu'à haut niveau", ce qui mettrait à bas tout l'édifice."

"D'un côté, des promesses, et, de l'autre, l'inaction. Il lance fin 2011 un plan de réduction "de 25 % en cinq ans de la consommation des antibiotiques destinés aux animaux", mais que n'a-t-il œuvré auparavant ? Entre 1999 et 2009, l'exposition du bétail à ces médicaments a augmenté de 12,5 %.
Certes, le volume global a baissé entre ces deux dates, mais les nouveaux produits sont actifs à des doses plus faibles."

Webmaster, le 2013-03-03 08:58:38

Ce message tout à fait révélateur posté par "Yvon 2013-03-2@19:41" sur le blog de Marc Laimé (http://www.eauxglacees.com/Scandale-a-l-Onema-16-l#c2775) :
"Bien que certains le répète à l’envie, les réalités réglementaires, européennes et nationales - arrêté du 25-01-2010 - sont là : il n’y a pas, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais 72 paramètres exigibles sur chacune des 11 000 masses d’eau françaises. Dans leur grandes sagesse, et avec la prise en compte de 2 grands principes de réalité qui s’appellent :
-Les moyens financiers
-Les moyens techniques
les décideurs européens et français se sont accordés sur le principe de la mise en place de réseaux de surveillance "à étages" sur la base de stations représentatives de l’état des eaux selon un principe d’un échantillonage statistique selon des critères aussi variés que les hydroécorégions, les pressions de pollutions, la taille et le débit des cours d’eau...et une fréquence d’échantillonage obligatoire qui s’approche plus du 1 fois par cycle de la DCE ,tous les 6 ans, et cette année là...1 fois tous les 2 mois.
Et que pour les autres, la simulation à partir des pressions de pollution répertoriées pouvait suffire.
On peut le regretter, trouver que le doublement des moyens financiers avec près de 50 M d’euros consacrés à suivre des cours d’eau dont la qualité varient assez peu est insuffisant et qu’y consacrer plus de 150 millions pour le faire tous les mois serait absolument vital, ce n’est pas le choix des décideurs européens ni des français et pas dans la loi et donc tout à fait normal et pas scandaleux du tout de ne pas retrouver des données sur chaque masse d’eau de cours d’eau ou côtière ou de lac ou de nappe souterraine... même si pour les données existantes, de gros efforts de mise à disposition restent à faire (et taper sur celles d’Adour Garonne c’est pas sympa pour ceux qui ont fait un gros effort d’explication et quant à leur reprocher les seuils officiels de NQE qui sont européens c’est franchement taper sur des lampistes)"


Quelques précisions de Eau-Evolution :
La qualité de la surveillance n'est pas liée à la quantité de masses d'eau mal surveillées et d'analyses mal faites et qui donc ne servent à rien, avec en plus gaspillage de l'argent public (cf. l'exemple des millions d'analyses de pesticides à jeter) : on peut faire mieux à dépense égale.

Les recommandations des experts pour la DCE étaient très différentes de ce qui a été décidé.

Le principe "pollueur-payeur" est aussi un grand principe de réalité.

Les 60000 t/an de pesticides synthétiques achetés pour être répandus dans la nature, les nitrates agricoles, les rejets industriels de métaux lourds, de solvants, etc. etc., c'est aussi un principe de réalité.

Croit-on nous impressionner avec ces 50 M d'euros pour la surveillance ? Même si on ne comptait que 50000 t de pesticides synthétiques (hors cuivre et soufre donc), cela fait exactement 50 M de kg de ces substances, et donc rien qu'en augmentant de 1 euro chaque kilo acheté de ces poisons, on couvrirait déjà le coût de cette surveillance. Et il n'y a pas que les pesticides... Si ces "50 M d’euros consacrés à suivre des cours d’eau" qui ne sont pas grand-chose par rapport à ce que les pollueurs pourraient payer, représentent un "doublement des moyens financiers", cela prouve bien qu'avant, c'étaient laxismes et mensonges majeurs !

Essaye-t-on de nous faire croire que c'est la surveillance qui coûte cher, alors que ce sont les mesures qu'il faudrait mettre en place pour enrayer les dégradations révélées par une surveillance bien faite qui coûtent cher ?

Et les espèces aquatiques qui se féminisent, les poissons plein de PCB, les algues toxiques, les nappes dont le niveau menace les écosystèmes de surface ou l'alimentation en eau potable d'un département entier, etc. etc. : cela n'est-il ni anormal, ni scandaleux ni regrettable ?

Le grand principe de réalité qui se dégage de cette surveillance, c'est le principe de sous-évaluation de la contamination chimique généralisée réelle des eaux et des sédiments et d'incapacité criminelle à évaluer la toxicité réelle qui en résulte pour toutes les espèces vivantes et encore moins ses tendances ; c'est donc le principe d'une surveillance simulée, alors que les rejets chimiques ponctuels et diffus, eux, n'ont pas été et ne sont pas simulés !

Et ce n'est pas parce tous font des efforts maintenant, que l'on devrait oublier qu'ils auraient dû les faire depuis longtemps en utilisant mieux le principe pollueur/préleveur=payeur et que ces efforts restent tout à fait insuffisants !

Webmaster, le 2013-06-30 11:34:12

Un article intéressant qui souligne de façon étayée les ambiguïtés croissantes en matière d'échanges de données sur l'eau à l'échelle internationale : "Greater exchange, greater ambiguity: Water resources data and information exchange in transboundary water treaties" (http://www.globalwaterforum.org/wp-content/uploads/2013/02/Greater-exchange-greater-ambiguity-Water-resources-data-and-information-exchange-in-transboundary-water-treaties-GWF-1308.pdf?69a6c4). "Effective management of the world’s water resources is widely considered to require credible and reliable data and information regarding the state of the resource"… c'est aussi une nécessité au niveau national ! Extraits :

"Effective management of the world’s water resources is widely considered to require credible and reliable data and information regarding the state of the resource, and how it changes as a result of resource use and development, land use practices, and climate change. The issue of access to water resources data and information is particularly important in transboundary waters, or basins and aquifers shared by two or more states, given their perceived conflict potential. Despite the international calls for data and information exchange in transboundary waters and basin-specific evidence of its importance to cooperative management, no systematic research has been undertaken to understand where, how frequently, and which water resources data and information are exchanged."

"Although states are engaging in greater data and information exchange in transboundary water agreements, we uncover reluctance on the part of many states to legalize formal, all encompassing schedules for exchange. The ambiguity we uncover in terms of frequency of exchange is consistent with earlier research on international waters that suggests that states may intentionally design vague mechanisms related to data exchange in order to allow for greater flexibility in the face of resource uncertainty or to serve domestic political purposes. But this ambiguity may also trigger questions about the meaningfulness of data and information exchange and require closer examination from both academics and water policy decision-makers."

Webmaster, le 2013-07-01 11:55:33

Ce document édifiant du 25 octobre 2011 "La fiabilité des données de surveillance : de nouveaux défis ?" (http://www.reseau.eaufrance.fr/webfm_send/2238). Extraits :

"Etat chimique des eaux de surface : Suite au 1er rapportage européen de 2010… En France (données 2007), 45% des masses d’eau en bon état (et 34% en état inconnu…)"

"Des stations supposées « polluées » apparaissent en bon état chimique et écologique"

"Suivi des substances DCE = Approche réglementaire basée sur un nombre limité de molécules, et visant à évaluer avant tout un niveau de contamination"

"Suivi des substances hydrophobes non pertinent sur le support eau ; Métaux, HAP, PBDE,… => sous-estimation de ces composés"

"Impact des fréquences analytiques sur l’évaluation de l’état pour l’isoproturon (herbicide) :
2007 : mesure tous les mois ; Nb stations où NQE dépassée : 10
2008 : mesure tous les 2 mois ; Nb stations où NQE dépassée : 1
2009 : mesure tous les 2 mois ; Nb stations où NQE dépassée : 0
2010 : mesure tous les 2 mois ; Nb stations où NQE dépassée : 0
=> Surveillance à organiser en conséquence"

"Absence de méthodes d’analyse pour certains composés"

"Nécessité de disposer de méthodes d’analyse performantes
Exemple du TBT : l’objectif de limite de quantification (LQ) est passé de 0,020 µg/L à 0,0002 µg/L (valeur de la NQE) puis à 30% de la NQE soit 0,00006 µg/L !!"

"14 substances où LQ > 30% NQE"

"Pour certains composés, les techniques mises en œuvre ne permettent pas de conclure sur le bon état ou non du milieu"

"Effets laboratoires "

"Prescriptions techniques sur les prélèvements et les analyses à retranscrire dans les cahiers des charges des marchés" et "Suivi des prestations"

"Non prise en compte de toutes les substances pouvant être présentes dans le milieu ni de leurs interactions"
-Exemple : PCB
-Substances émergentes : Il s’agit notamment de substances chimiques type : hormones, perturbateurs endocriniens, nouveaux pesticides, composés pharmaceutiques, produits de beauté,…
=> Candidates pour des futures réglementations"

"Effets à long terme d’un cocktail de substances présentes en faibles concentrations ?"

Webmaster, le 2013-07-01 12:09:16

"L'approche actuelle d'évaluation du risque environnemental de l'écosystème des rivières et autres cours d'eau revient à conduire sur l'autoroute avec un bandeau sur les yeux"… A lire dans "Les pesticides réduisent fortement la biodiversité aquatique" (http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/06/18/les-pesticides-reduisent-fortement-la-biodiversite-aquatique_3431797_3244.html). Extraits :

"Les pesticides, dont un grand nombre sont utilisés en Europe et en Australie, réduisent jusqu'à 42 % des populations d'insectes et autres formes de vie des rivières et ruisseaux en Allemagne, en France et en Australie, selon une recherche publiée lundi 17 juin aux Etats-Unis.
Les pesticides, utilisés par exemple dans l'agriculture, sont parmi les polluants les plus surveillés et réglementés. Mais malgré cela, on ignorait jusqu'alors l'ampleur de leur impact sur la biodiversité dans les environnements aquatiques, soulignent ces chercheurs, dont Mikhail Beketov du Helmholtz Centre for Environmental Research à Leipzig en Allemagne et Ben Kefford de la University of Technology à Sydney.

Ces scientifiques ont démontré une forte disparition des insectes des rivières et cours d'eau et d'autres invertébrés d'eau douce. En Europe, ils ont constaté que ces insectes étaient 42 % moins fréquents dans les zones fortement contaminées par ces pesticides que dans des rivières et cours d'eau non-contaminées. En Australie, cette différence était de 27 %.

Les auteurs de cette recherche, parue dans les Comptes-rendus de l'Académie nationale américaine des sciences (PNAS), ont découvert que la diminution de la biodiversité aquatique résultait surtout de la disparition de plusieurs groupes d'espèces particulièrement vulnérables aux pesticides. Il s'agit notamment des libellules et des mouches éphémères, des insectes importants dans la chaîne alimentaire, aussi bien pour les poissons que les oiseaux.

Plus inquiétant, l'impact sur ces minuscules insectes est observé à des concentrations de pesticides qui sont déjà considérées comme sûres par les réglementations européennes actuelles, soulignent ces scientifiques. Selon eux, de nouveaux concepts d'évaluation liant l'écologie à l'éco-toxicologie sont maintenant nécessaires de façon urgente. "L'approche actuelle d'évaluation du risque environnemental de l'écosystème des rivières et autres cours d'eau revient à conduire sur l'autoroute avec un bandeau sur les yeux", ironise l'écotoxicologiste Matthias Liess, un autre auteur de cette recherche. Jusqu'à présent, les pesticides sont autorisés principalement sur la base d'une recherche expérimentale menée dans des laboratoires et dans des écosystèmes artificiels, souligne-t-il."

Webmaster, le 2013-07-02 08:28:41

Pour info,"Environmental concentrations of antibiotics are potentially damaging to aquatic life" (http://ec.europa.eu/environment/integration/research/newsalert/pdf/333na6rss.pdf). Extraits :

"Antibiotics are in widespread use, not only for human medical conditions, but also for increasing growth rates in livestock, in the feed of farmed fish and to prevent bacterial crop damage. As a result, contamination of natural environments is common in Europe, and antibiotics have been found in groundwater, drinking water and soils. Although much of current concern regarding antibiotics is focused on bacterial resistance and the consequences for human health, the presence of antibiotics in the environment can also have damaging effects on ecosystems.

In this study, researchers examined the effects of antibiotics on a cyanobacterium and a green alga, key organisms which supply the nutrients needed for aquatic ecosystems. Five different types of antibiotics (amoxicillin, erythromycin, levofloxacin, norfloxacin and tetracycline) were chosen because they had been previously detected in aquatic environments.

In natural environments, it is likely that organisms will be exposed to mixtures of different antibiotics arising from different sources, it is therefore important that the combined effects of such compounds are studied. Researchers tested the toxicity of these antibiotics, both in isolation and in different combinations, up to all five at once. To assess toxicity, concentrations similar to those that had been measured in the environment were added to solutions containing the cyanobacterium or the alga.

The results suggest that erythromycin in particular was highly toxic to both cyanobacteria and algae, to such an extent that researchers warn that it could be classified as ‘very toxic to aquatic life’ under the EU regulation on classification, labelling and packaging of substances and mixtures. In general, the toxicity of all antibiotics was higher for the cyanobacterium than for the alga. This was to be expected, since antibiotics are designed to target bacteria. However, erythromycin and tetracycline were both highly toxic to the alga, demonstrating that antibiotics can be toxic even to non-target organisms, such as plants.

In order to assess the effects of interactions between antibiotics the researchers used a ‘Combination Index’. This showed that, in most cases, the toxic effects of antibiotics were increased when they were in combination with other antibiotics. The researchers stress that this result shows that even if compounds are in low concentrations in the environment, they may still have a toxic effect on ecosystems when mixed with other substances.

Finally, researchers calculated ‘risk quotients’: the ratio of observed concentration in the environment to no-effect concentration (i.e. the level at which the compound is expected to have no harmful impact). A ratio of greater than 1 was found for erythromycin and tetracycline individually in surface waters in relation to the cyanobacterium and the alga, respectively, and for a mixture of the two antibiotics in wastewater effluent in relation to both organisms. The results demonstrate that antibiotics, and in particular certain combinations, may pose a potential ecological risk for aquatic ecosystems."

Webmaster, le 2013-12-09 10:36:21

Comme pour l'air, on verra bientôt pour l'eau des titres du genre "Même respectant le bon état chimique européen et ses normes, la pollution par les micropolluants reste néfaste", et on s'apercevra alors que l'on a encore perdu de nombreuses espèces vivantes, et de très nombreuses précieuses années, alors que l'on en savait suffisamment pour agir vraiment. Cf. "Même sous la norme européenne, la pollution aux particules fines reste néfaste" (http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/12/09/la-pollution-aux-particules-fines-reste-nefaste-meme-sous-la-norme-europeenne_3527607_3244.html). Extraits :

"Une exposition prolongée aux particules fines en suspension dans l'air (PM) a « des effets néfastes importants sur la santé », même lorsque les concentrations ne dépassent pas la norme européenne. C'est le résultat d'une étude financée par l'UE et publiée, lundi 9 décembre, par la revue médicale britannique The Lancet, qui se base sur vingt-deux enquêtes dans treize pays sur plus de 360 000 personnes suivies pendant près de quatorze ans en moyenne. La directive européenne sur l'air de 2008 a imposé aux Etats membres un plafond moyen annuel de 25 microgrammes/m3 de particules en suspension, tandis que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise comme valeur limite 10 microgrammes/m3. « L'association entre exposition prolongée aux PM2,5 et décès prématurés demeure significative, même après ajustement pour tenir compte de facteurs tels que tabagisme, statut socio-économique , activité physique, niveau d'éducation, et indice de masse corporelle » explique The Lancet. Les PM 2,5 sont les plus fines des microparticules, avec un diamètre inférieur à 2,5 microns – soit la taille d'une bactérie. Ce sont celles qui génèrent le plus d'inquiétudes pour la santé car leur taille leur permet de pénétrer plus facilement et profondément dans les poumons.

De petites variations de pollution qui changent beaucoup
Il ressort de cette analyse qu'une petite variation de la pollution par PM 2,5 entraîne un risque nettement accru pour la santé de ceux qui y sont exposés. « L'étude évalue que pour chaque hausse de 5 microgrammes par mètre cube de la concentration en PM 2,5 sur l'année, le risque de mourir d'une cause naturelle s'accroit de 7 % », explique The Lancet. Les décès par « cause naturelle » excluent les morts par accidents ou suicides, pour lesquels la pollution ne peut être mise en cause. Cette différence de pollution de 5 microgrammes/m3 est celle qui existe entre un axe urbain très fréquenté par les voitures et un endroit situé à l'écart du trafic, précise l'auteur principal de cette étude, le néerlandais Rob Beelen. La pollution de l'air extérieur a été classé en octobre comme facteur cancérigène certain pour l'homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l'OMS. Outre le cancer, une exposition aux particules peut entraîner de l'asthme, des allergies, des maladies respiratoires ou cardio-vasculaires. Une étude parue récemment indique qu'une exposition même faible augmente les risques d'un faible poids des enfants à la naissance."

Webmaster, le 2013-12-11 15:16:38

La "Campagne exceptionnelle d’analyse des substances présentes dans les eaux souterraines de métropole, rapport final Brgm/RP-61853-Fr" (http://www.eaufrance.fr/IMG/pdf/campexESO_2011_201306.pdf) montre que les choses bougent toujours de façon bien trop timide par rapport aux enjeux. On y découvre une fois de plus l'étendue de notre ignorance et l'ampleur du retard pris et du laisser faire en matière de pollution par les substances chimiques de toutes sortes et de toutes origines. Le niveau élevé et variable de beaucoup des limites de quantification utilisées pour cette campagne parait inadapté aux objectifs poursuivis. La question des limites de détection n'est, sauf erreur, pas traitée. Quelques extraits pour engager le lecteur à lire ce document de 193 pages :
"Deux résultats majeurs ont été calculés à partir de la base de données unique ainsi créée : (i) l’occurrence des substances de la campagne exceptionnelle dans les eaux souterraines à l’échelle nationale et (ii) le niveau de contamination des eaux souterraines de métropole par ces substances. La première information permet de rendre compte de la présence ou non des substances dans les eaux souterraines de métropole. Elle est calculée à partir des fréquences de quantification de chaque substance sur l’ensemble des analyses réalisées. Elle dépend ainsi fortement des limites de quantification atteintes par les laboratoires lors de l’analyse des substances. La deuxième information précise les concentrations retrouvées dans les eaux souterraines. C’est une donnée complémentaire à la première qui devrait normalement être comparée à des valeurs seuils. Ces valeurs peuvent indiquer des niveaux de concentrations au-dessus desquels la substance est toxique ou écotoxique par exemple. Toutefois, le caractère émergent des substances recherchées lors de la campagne exceptionnelle induit un manque généralisé de valeurs seuils auxquelles il serait pertinent de comparer les concentrations retrouvées dans les eaux souterraines. En l’absence de données réglementaires, l’interprétation des niveaux de contamination prend un sens dans la comparaison, pour une même substance, des concentrations dans des contextes différents ou durant des périodes hydrologiques différentes. D’une manière globale et sans information sur les valeurs seuils de concentrations à ne pas dépasser, les substances les plus problématiques vis-à-vis des potentialités de transfert vers les eaux souterraines sont celles montrant les fréquences de quantification les plus fortes couplées à des concentrations absolues élevées dans les eaux souterraines."

"174 substances ont été quantifiées au moins une fois lors de la campagne exceptionnelle, soit 42 % des substances recherchées. Parmi ces substances, certaines attirent plus particulièrement l’attention en raison d’une présence généralisée à l’échelle nationale dans les eaux souterraines et/ou de concentrations particulièrement élevées ponctuellement, couplées à un manque d’information sur leur potentialité de transfert vers les eaux souterraines et/ou un manque de connaissance de leurs propriétés toxiques et écotoxiques. Dans le détail et par grande famille d’usage, les substances suivantes sont à considérer plus particulièrement :
-Substances phytosanitaires : acétaldéhyde, déséthyldéisopropylatrazine (DEDIA), metsulfuron-méthyle, 2,6-dichlorobenzamide et chloropicrine.
-Substances pharmaceutiques : paracétamol, metformine, érythromicine, métronidazole, carbamazépine, tramadol, acide salicylique, codéine, acide fénofibrique, oxazepam, sulfamethoxazole, sotalol, furosémide, acide clofibrique, o-déméthyltramadol et trimétazidine.
-Substances d’usage industriel : dibromochlorométhane, dibutylétain, monobutylétain, tolyltriazole, dichloronitrobenzène et formaldéhyde.
-Plastifiants : diethylhexyl phtalate (DEHP) et N-butylbenzenesulfonamide (NBBS).
-Substances d’usage courant : acrylonitrile, galaxolide, isoquinoline et propylparaben."

"La France est le 4ème consommateur mondial de médicaments. Plus de 3 000 médicaments à usage humain et 300 médicaments vétérinaires sont actuellement disponibles sur le marché français. Les substances biologiquement actives contenues dans chaque spécialité pharmaceutique se caractérisent par une grande diversité de structure chimique. Les résidus de médicaments sont excrétés essentiellement dans les selles et les urines sous leur forme initiale ou sous la forme d’un ou plusieurs métabolites actifs ou non puis relargués dans les réseaux d’assainissement, les eaux usées et sur les sols en ce qui concerne la plupart des médicaments vétérinaires."

"Les réglementations, européenne et française, relatives à la qualité des eaux ne prévoient actuellement pas de surveiller la présence des résidus de médicaments dans les différents compartiments aquatiques ou de fixer des normes de qualité pour ces substances, bien que la présence de certains micropolluants soit réglementée par la fixation de limites de qualité dans les milieux aquatiques ou de valeurs guide dans l’eau potable."

"La campagne exceptionnelle d’analyse des substances présentes dans les eaux souterraines réalisée en 2011 ne concerne ainsi que des substances organiques (à l’exception des cyanures libres, des bromates et des organoétains). La recherche des composés inorganiques aurait en effet alourdi de manière déraisonnable, à la fois les procédures de prélèvement, les coûts d’analyse ainsi que l’exercice d’interprétation des résultats."

"La liste de substances phytosanitaires peu ou pas recherchées mais potentiellement présentes dans les eaux souterraines de métropole aurait pu être affinée en considérant la toxicité et l’écotoxicité de chacune des molécules sélectionnées. Cependant, dans l’état actuel de la réglementation française et européenne (directive fille eaux souterraines 2006/118/CE) qui fixe une norme unique de 0,1µg/L à tous les pesticides individuels, quel que soit leur degré de toxicité, ce critère n’entre pas en compte pour la sélection des substances. Ce postulat sous-entend en effet une égale toxicité pour toutes les substances phytosanitaires."

"La campagne exceptionnelle d’analyse des substances présentes dans les eaux souterraines de métropole organisée en 2011 représente 393 191 analyses au total. Toutefois, l’exploitation de ces résultats bruts a été fortement contrainte par l’hétérogénéité des informations transférées. Ainsi, plusieurs hypothèses ont dû être émises pour en réaliser l’analyse : dans les bases de données au format SANDRE, le champ « code remarque » a été utilisé afin de distinguer les analyses quantifiées (code remarque = 1) des analyses non quantifiées (code remarque = 10), le champ « limite de quantification » étant trop peu ou mal renseigné. De la même manière, il a été nécessaire d’émettre l’hypothèse que la limite de quantification correspondait à la valeur inscrite dans le champ « résultat » lorsque le « code remarque » était à la valeur 10 (analyse non quantifiée). De façon surprenante sous cette hypothèse, plusieurs substances apparaissent avec des limites de quantification différentes alors qu’elles ont été analysées au sein d’une même campagne par un laboratoire unique et avec des types d’eau (eaux souterraines) qui n’induisent pas – à de rares exceptions près – d’effet matriciel."

"231 substances n’ont jamais été quantifiées lors de la campagne exceptionnelle soit 56 % des 411 paramètres recherchés [ … ] Pourtant, ce n’est pas nécessairement parce qu’une substance n’a pas été quantifiée lors de la campagne exceptionnelle qu’elle est réellement absente des eaux souterraines. La quantification dépend en effet de la limite de quantification (LQ) avec laquelle la substance a été analysée et donc de la capacité analytique du laboratoire. L’analyse des LQ est réalisée lors du bilan de l’exploitation des résultats (§ 3.3) afin de statuer de l’intérêt ou non de mener des actions de développement analytique pour la recherche de certaines substances non quantifiées."

"La valeur 0,1 µg/L représente une valeur réglementaire pour les substances phytosanitaires uniquement. Toutefois, comme mentionné par la suite, en l’absence de valeurs seuils réglementaires de concentration dans les eaux souterraines pour la majorité des substances émergentes recherchées lors de la campagne exceptionnelle, la valeur 0,1 µg/L est utilisée par défaut. Ainsi, même si elle ne permet pas de décrire la capacité qu’a une eau souterraine de satisfaire ou non tel ou tel usage, cette valeur permet une comparaison normalisée des niveaux de concentration atteints par des substances différentes en des points de prélèvements différents. En première approximation, à l’échelle nationale et bien que la valeur seuil 0,1 µg/L soit déterminée de façon arbitraire, les substances dont la fréquence de quantification est supérieure à 1 % sur l’ensemble des analyses et dont la concentration maximale dépasse 0,1 µg/L peuvent apparaitre plus problématiques."

"Dans le détail, 41 substances phytosanitaires ont été quantifiées au moins une fois lors de la campagne exceptionnelle, soit 40 % environ des phytosanitaires recherchés au total. 14 ont été quantifiés à une fréquence supérieure à 1 % et 31 ont dépassé au moins une fois la valeur de concentration seuil 0,1 µg/L. Les 14 substances phytosanitaires quantifiées sur plus de 1 % des analyses réalisées lors de la campagne exceptionnelle ont dépassé au moins une fois la valeur 0,1 µg/L.
61 substances pharmaceutiques différentes ont été quantifiées au moins une fois dans les eaux souterraines de métropole lors de la campagne exceptionnelle, soit environ 46 % des pharmaceutiques recherchés au total. 14 montrent des fréquences de quantifications cumulées supérieures à 1 % et 20 ont égalé ou dépassé la valeur de concentration 0,1 µg/L. 7 substances pharmaceutiques cumulent une fréquence de quantification supérieure à 1 % et une concentration maximale égale ou supérieure à 0,1 µg/L.
12 substances d’usage domestique ont été quantifiées au moins une fois lors des campagnes de prélèvements de la campagne exceptionnelle, soit 50 % des substances domestiques recherchées. Parmi ces 12 substances quantifiées, 3 l’ont été à une fréquence supérieure à 1 %. 8 substances domestiques ont égalé ou dépassé au moins une fois la valeur de concentration 0,1 µg/L.
Parmi les 26 autres substances émergentes recherchées lors de la campagne exceptionnelle, 18 ont été quantifiées au moins une fois dans les eaux souterraines de métropole, soit une proportion d’environ 70 %. 17 de ces substances appartiennent à la famille des substances dangereuses au titre de l’arrêté du 17 juillet 2009 (Lot 3). 8 montrent une fréquence de quantification supérieure à 1 % et 2 seulement ont des teneurs maximales supérieures à 0,1 µg/L.
Enfin, 48 substances industrielles ont été quantifiées au moins une fois dans les eaux souterraines de métropole lors de la campagne exceptionnelle, soit 38 % environ des substances industrielles recherchées. 28 de ces substances sont référencées dans la liste des substances dangereuses de l’arrêté du 17 juillet 2009. 16 substances industrielles ont été quantifiées avec une fréquence égale ou supérieure à 1 % alors que 27 sur les 48 quantifiées ont dépassé au moins une fois la concentration 0,1 µg/L. 7 substances industrielles cumulent une fréquence de quantification supérieure à 1 % et une concentration maximale égale ou supérieure à 0,1 µg/L."

"La déisopropyl-déséthyl-atrazine (DEDIA) est la molécule dérivée de pesticide la plus quantifiée (41,4 %) alors qu’elle n’est pas inclue dans les programmes de surveillance DCE de suivi de la qualité des eaux souterraines."

"5 autres substances d’usage industriel attirent l’attention en raison d’une fréquence de quantification proche ou supérieure de 1 % lors de la campagne exceptionnelle (Illustration 23). Il s’agit en premier lieu des cyanures libres dont la fréquence de quantification dépasse 30 % sur les 952 analyses totales. Ces anions sont largement utilisés dans l’industrie et notamment dans les procédés d’électrodéposition. Les cyanures sont réputés toxiques.
Le tolyltriazole est une substance utilisée comme inhibiteur de corrosion dans les systèmes de refroidissement industriels principalement. Elle a été quantifiée sur 17,4 % des analyses réalisées en eaux souterraines lors de la campagne exceptionnelle. Toutefois, malgré sa forte occurrence, les potentiels effets toxiques ou écotoxiques du tolyltriazole sont aujourd’hui inconnus.
Les 3 autres substances d’usage industriel présentées sur l’Illustration 23 appartiennent à la liste des substances dangereuses de l’arrêté du 17 juillet 2009. Elles présentent donc une toxicité connue. Le dibromomonochlorométhane, quantifié sur près de 5 % des analyses de la campagne exceptionnelle, est un trihalométhane (THM) produit lors de la chloration d’eau contenant des substances organiques naturelles. L’action du chlore sur la matière organique produit en effet des THM dont la toxicité aigüe et chronique a été montrée à plusieurs reprises. Le dibromomonochlorométhane est généralement considéré comme absent des eaux souterraines car facilement dégradable. Or les résultats de la campagne exceptionnelle semblent indiqués le contraire, avec sa quantification sur près de 50 analyses.
Enfin, deux aldéhydes, l’acétaldéhyde (éthanal, LQ = 10 à 15 µg/L) et le formaldéhyde (méthanal, LQ = 5 µg/L) ont été quantifiées dans les eaux souterraines de métropole à des fréquences proches de 1 % malgré des limites analytiques de quantification relativement élevées. Ces molécules présentent sur la liste des substances dangereuses de l’arrêté du 17 juillet 2009 sont connues pour être toxiques à des niveaux divers. De plus, contrairement à ce qu’il est mentionné dans la littérature, l’acétaldéhyde ne semble pas se dégrader si systématiquement dans les eaux lorsqu’il y est émis."

"L’occurrence des substances à usage domestique quantifiées dans les eaux souterraines de métropole lors de la campagne exceptionnelle sont présentées dans l’Illustration 24. La caféine et son métabolite principal 1,7-diméthylxanthine ainsi que la cotinine (métabolite de la nicotine) ont été quantifiées sur plus de 1 % des analyses réalisées. 8 autres substances d’usage domestique ont été quantifiées à des fréquences inférieures : 4 fragrances (galaxodine, musc xylène, musc kétone et musc ambrette), 1 composant de crème solaire (octocrylène), 1 parabène (propylparabène), 1 composé alimentaire (succralose), 1 répulsif contre les insectes (N,N-Diethyl-m-toluamide = DEET3)."

"L’Illustration 25 montre les fréquences de quantification des dioxines et furannes recherchées dans les eaux souterraines de métropole lors de la campagne exceptionnelle 2011. Ces composés sont des polluants chimiques organiques générés à l'état de traces au cours de différents processus thermiques, industriels ou naturels. Ils sont listés dans l’arrêté du 17 juillet 2009 en raison de seuils d’activité toxique particulièrement bas et d’une grande persistance dans l’environnement. La recherche des dioxines et furanes est réalisée à des limites de quantifications très basses, les plus faibles de la campagne exceptionnelle, de l’ordre du picogramme par litre. Ce sont aussi les substances qui montrent les fréquences de quantification les plus élevées, supérieures à 60 % des analyses réalisées pour la 1,2,3,4,6,7,8-heptachlorodibenzodioxine par exemple. Si les faibles limites de quantifications atteintes par les laboratoires pour ces molécules peuvent expliquer en partie leurs fortes occurrences, il n’en demeure pas moins que leur présence dans de nombreuses eaux souterraines de métropole est une réalité démontrée ici."

"Les dernières substances fréquemment quantifiées dans les eaux souterraines de métropole appartiennent à la famille chimique des organoétains. Ces composés sont listés dans l’arrêté du 17 juillet 2009 comme « substances dangereuses ». Les limites analytiques de quantification de ces substances sont comprises entre 0,001 et 0,002 µg/L. Le tributylétain (TBT), agent biocide présent dans les peintures antisalissure, n’a jamais été retrouvé dans les eaux souterraines à l’inverse de ses métabolites dibutylétain et monobutylétain (DBT et MBT, Illustration 26). Or, si les toxicités aiguë et chronique du TBT sont connues et avérées, il n’existe aucune donnée sur celle du MBT et qu’une seule étude sur la toxicité du DBT. Etant donné que seules ces deux formes sont retrouvées dans les eaux souterraines, il apparaitrait pertinent d’engager des études de toxicité, chronique notamment, spécifiques aux métabolites des organoétains."

"A l’échelle nationale, le niveau de contamination des eaux souterraines par les substances recherchées lors de la campagne exceptionnelle est caractérisé de différentes manières :
- Cmax (µg/L) : Concentration maximale de chaque substance qui correspond à la concentration la plus élevée relevée lors de la campagne Ce calcul considère les analyses faites sur l’ensemble du territoire métropolitain et durant les deux campagnes de prélèvements ;
- Cmoy (µg/L) : Concentration moyenne de chaque substance calculée sur l’ensemble des analyses en appliquant la substitution des données inférieures à la LQ par la valeur LQ/2 (recommandation DCE) ;
- MEC 95 (µg/L) : 95ème percentile des concentrations maximales relevées sur chaque point de mesure ;
- FDs (%) : Fréquence de dépassement de seuils réglementaires ou arbitraires. Actuellement, parmi les substances recherchées lors de la campagne exceptionnelle, seules les concentrations en substances phytosanitaires dans les eaux souterraines sont réglementées et ne doivent pas dépasser 0,1 µg/L.
En première approximation et afin de qualifier le « chimisme » des eaux souterraines, cette valeur seuil peut être utilisée pour comparer, par rapport à une valeur normalisée, les teneurs en différentes substances. La fréquence de dépassement du seuil 0,1 µg/L est alors notée FD0,1µg/L. La valeur 0,1 µg/L a été appliquée ici comme valeur assimilable à un « seuil de préoccupation ». Cependant il faut rappeler que la valeur 0,1 µg/L est une valeur arbitraire. Elle rappelle la valeur réglementaire appliquée pour les pesticides dans les eaux souterraines au titre de la protection de la ressource en en eau (Directive 2006/118/CE), mais elle n’a aucune valeur d’un point de vue toxicologique. Mons et al. (2013) ciblent aussi la valeur 0,1 µg/L pour les contaminants organiques non réglementés à l’heure actuelle dans les eaux de boissons. Cette valeur correspond bien à la majorité des standards actuellement utilisés. Les auteurs concluent de la possibilité d’utiliser la concentration cible 0,1 µg/L aussi bien dans les procédures d’évaluation de la qualité des eaux, que pour élaborer les futurs plans d’actions dans le domaine des eaux de boissons ou bien encore dans les projets de recherche sur la thématique."

"Trente substances phytosanitaires, sur les 40 quantifiées au moins une fois sur l’ensemble des analyses, ont dépassé ou égalé au moins une fois la valeur seuil de 0,1 µg/L (directive 2006/118/CE)."

"Les concentrations maximales en substances phytosanitaires s’étendent de 0,02 µg/L à 2,4 µg/L, respectivement mesurées pour le 2,4-D-ester (ou acide 2,4-dichlorophénoxyacétique) et la déisopropyl-déséthyl-atrazine (DEDIA). Les concentrations moyennes sont calculées selon les recommandations de la DCE, c’est-à-dire que les données inférieures à la LQ sont substituées par la valeur LQ/2. Les fréquences de quantification étant globalement faibles, les concentrations moyennes sont ainsi fortement influencées par le nombre d’analyses reportées inférieures à la LQ. Les concentrations moyennes ne sont donc pas significatives des analyses quantifiées, sauf pour deux substances fréquemment quantifiées : la déséthyl-atrazine et la déisopropyl-désétyhl-atrazine (DEDIA) qui ont des concentrations moyennes respectivement de 0,039 et 0,076 µg/L. Ces concentrations sont supérieures à la limite de quantification, contrairement à toutes les autres substances quantifiées.
De la même manière, l’analyse de la valeur de la MEC 95 n’est pertinente que pour les substances qui montrent une fréquence de quantification significative (> 1 % en première approximation). Ainsi, les 14 substances dont la fréquence de quantification est supérieure à 1 % (Illustration 19) possèdent une MEC 95 supérieure à 0,1 µg/L.
La déséthyl-atrazine et la déisopropyl-désétyhl-atrazine (DEDIA) sont des métabolites de l’atrazine, ayant une forte occurrence et un niveau de contamination important dans les eaux souterraines. Le déisopropyl-désétyhl-atrazine (DEDIA) n’appartient pas de surcroît aux programmes réglementaires de surveillance DCE pour le suivi de la qualité des eaux souterraines.
A l’inverse, la dichloroaniline-3,4 et l’éthylènethiourée (ou imidazolidine-2-thione) ont été peu quantifiées (FQ < 1%) mais leurs concentrations maximales dans les eaux souterraines relevées lors de la campagne exceptionnelle sont élevées (> 2 µg/L). Etant donnée leur limite de quantification respective élevée (0,1 et 0,5 µg/L) par rapport au seuil 0,1 µg/L, il apparait pertinent d’augmenter la sensibilité des filières analytiques pour leur recherche dans les eaux souterraines et ainsi vérifier leurs occurrences."

"Les concentrations moyennes en substances pharmaceutiques s’échelonnent de 0,0016 µg/L à 0,093 µg/L, respectivement pour la codéine (LQ = 0,002 µg/L) et l’acide salicylique (LQ = 0,2 µg/L). L’hydrochlorothiazide est la substance pharmaceutique dont les concentrations maximales et MEC 95 sont les plus élevées (respectivement 2,46 et 1,73 µg/L sur 7 quantifications). Il s’agit d’une substance utilisée contre l’hypertension référencée dans NORMAN, listée par l’IRSTEA (ex CEMAGREF) comme pharmaceutique prioritaire mais jamais recherchée à grande échelle dans les eaux souterraines en France ou à l’étranger. Les fortes concentrations retrouvées sur un point en RM&C posent ainsi questions. L’érythromicine, la metformine4 et l’acide salicylique (métabolite de l’aspirine), montrent aussi des concentrations maximales élevées supérieures ou égales à 1 µg/L.
L’érythromicine, composé antibiotique, a déjà été recherché dans l’étude menée par l’ANSES (2011). Il n’a pas été quantifié lors de cette étude (LQ = 0,05 µg/) mais détecté dans les eaux brutes avec une fréquence de détection de 1,7 %.
Les substances, metformine et métronidazole, sont respectivement un antidiabétique et un antibiotique (aussi antiparasitaire). Ces substances sont inscrites sur la liste des substances prioritaires de l’IRSTEA.
L’acide salicylique est un métabolite de l’aspirine (ou acide acétylsalicylique). Il peut également être naturellement synthétisé. L’acide salicylique n’apparaît pas dans l’Illustration 20, en effet la FQ est de 0,74 %. Il serait intéressant de développer la méthode analytique afin d’améliorer la LQ, actuellement de 0,2 µg/L.
Le paracétamol, composé analgésique, a été recherché dans plusieurs études, notamment celle de l’ANSES 2011, mais est également nommé dans le rapport de Duchemin&Tracol, 2009. Ces études mettent en évidence la présence du paracétamol dans les eaux souterraines. La campagne exceptionnelle révèle une valeur de FQ supérieure à celle des autres études, 26,4 % contre 13,5 % dans l’étude de l’ANSES et une teneur maximale de 0,481 µg/L et 0,443 µg/L également retenue dans l’étude de l’ANSES.
Le tramadol (et son métabolite O-déméthyltramadol ; Illustration 32) est quantifié sur 5,6 % des analyses avec une concentration maximale relevée de 0,176 µg/L. Le tramadol est un analgésique et fait partie des opiacés. Il est parfois consommé pour ses effets euphorisants, et même stimulants. Peu d’informations sont disponibles sur cette substance et son métabolite."

"La représentation des niveaux de contamination des eaux souterraines par les substances dangereuses au titre de l’arrêté du 17 juillet 2009 est divisée en deux groupes distincts, celui des dioxines et furanes (Illustration 35 et Illustration 36) et les autres substances dangereuses (Illustration 33 et Illustration 34).
Au sein du premier groupe, les substances fréquemment quantifiées ne sont pas nécessairement celles qui montrent les concentrations les plus élevées. L’acétaldéhyde montre par exemple une FQ faible de 1,2 %, mais une teneur maximale élevée de 5,02 mg/L, mesurée en Picardie et une concentration moyenne (calculée à partir des valeurs LQ/2 quand le résultat était inférieur à la LQ) dans les eaux souterraines en métropole de 6,7 µg/L. La limite de quantification est élevée puisque égale à 10 µg/L en hautes eaux et 15 µg/L en basses eaux. Or, la fiche de données toxicologiques et environnementales de l’INERIS (2011) indique que l’acétaldéhyde est un composé facilement biodégradable et donc non persistant. L'acétaldéhyde peut être entraîné dans les eaux souterraines par lixiviation à travers les sols. Il ne s’adsorbe pas particulièrement sur les matières en suspension et dans les sédiments. Il est également mentionné dans cette fiche qu’une étude de « Santé Canada (2000) [a relevé] les données de contrôle des eaux souterraines provenant de la source industrielle d’émission d’acétaldéhyde la plus importante au Canada. Neuf échantillons contenaient des teneurs inférieures à 50 µg d’acétaldéhyde/L et 4 échantillons en contenaient 140, 370, 1 200, et 1 300 µg/L. », soit des valeurs toujours inférieures au maximum relevé lors de la campagne exceptionnelle.
Le dibromochlorométhane se retrouve également dans les eaux souterraines à de fortes concentrations. La teneur maximale est de 66 µg/L, mesurée en Lorraine. Le dibromochlorométhane appartient à la famille des THM (trihalométhane), pour lesquelles il existe une réglementation pour les eaux de boisson (Directive 2006/118/CE). En effet le dibromochlorométhane est utilisé dans le traitement des eaux destinées à la consommation humaine. La somme des THM ne doit pas dépasser 100 µg/L dans les eaux destinées à la consommation humaine. Les composés spécifiés sont : le chloroforme, le bromoforme, le dibromochlorométhane et le bromodichlorométhane.
Quatre isomères du dichloronitrobenzène sur cinq, ont été quantifiés dans les eaux souterraines. Les concentrations maximales varient entre 0,50 et 38,46 µg/L, sachant que les LQ sont de 0,05 µg/L ou 0,1 µg/L. Les plus fortes concentrations ont été mesurées dans le Vaucluse. Les FQ sont comprises entre 0,12 et 0,36 %. Très peu d’informations sont disponibles sur ces composés.
L’acrylonitrile (ou nitrile acrylique) a été mis en évidence dans les eaux souterraines avec une teneur maximale de 12,3 µg/L (mesurée en Champagne-Ardenne) et une FQ de 0,11 %. Le développement de la méthode analytique pour cette substance est primordiale, puisque la LQ est de 2 µg/L et surtout parce que ce composé, selon la fiche toxicologique de l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité), est mutagène, génotoxique, cancérigène.
Globalement, la mise en évidence de substances dangereuses dans les eaux souterraines, inscrites dans l’arrêté du 17 juillet 2009 ne fait qu’encourager le développement des méthodes analytiques, mais aussi la recherche sur leur impact environnemental et leur toxicité. En effet parmi les composés quantifiés, plusieurs substances ne sont encore que très peu renseignées."

"Il est important de noter que la molécule 1,2,3,4,6,7,8,9-OCDD n’est pas inscrite dans la liste des substances dangereuses de l’arrêté du 17 juillet 2009. C’est pourtant c’est la dioxine qui montre la plus forte teneur maximale mesurée et une FQ élevée supérieure à 30 %."

"Ainsi, au vu de la présence des perfluorés dans les eaux souterraines et de leurs potentiels effets toxiques, des analyses plus fréquentes de ces composés pourraient être envisagées."

"Au vu de leurs fortes occurrences dans le milieu et de leurs effets suspectés sur l’humain, des analyses plus régulières des substances utilisées comme plastifiant devraient être mises en place ainsi que des études toxicologiques."

"De façon surprenante, la chloropicrine a été quantifiée une fois en Lorraine, à une concentration de 1,4 µg/L. Cette molécule retient particulièrement l’attention, puisque c’est une substance qui a été utilisée comme arme chimique durant la première guerre mondiale. C’est aussi un produit phytosanitaire. Les analyses de chloropicrine ont été réalisées à une LQ de 1 µg/L. Dans ce cas présent, une amélioration de la méthode analytique est préconisée."

"La liste des substances d’intérêt élaborée à partir des résultats de la campagne exceptionnelle constituera une des bases de travail pour la révision des listes de substances constitutives des programmes de surveillance DCE. L’intégration de ces substances dans les programmes réglementaires ne pourra néanmoins n’être effective que pour celles dont on sait que leur présence dégrade l’état des masses d’eau au sens de la DCE. En effet, très peu de valeurs seuils existent à l’heure actuelle pour ces substances spécifiques de sorte qu’un travail amont de recherche avancée de données sur les propriétés de ces substances devra être engagé."

Webmaster, le 2013-12-21 11:43:11

Un exemple de rapport technique récent (mai 2013) sur l'état des eaux pour l'un des districts hydrographiques français. Il s'agit de la "Notice sur l'évaluation de l'état des eaux (mis à jour : 18/06/2013)" comportant la "Notice_etat_des_eaux_2011_V1-01" et la "Notice_etat_chimique_eaux_surf_2011_V1" (http://www.eau-loire-bretagne.fr/informations_et_donnees/outils_de_consultation/masses_d_eau). Quelques extraits concernant essentiellement les cours d'eau :

Etat chimique :
"Du point de vue pratique, son évaluation soulève encore d’importantes difficultés : les évaluations n’ont donc pas été validées pour les eaux continentales quelle que soit la période (même si des progrès ont été faits depuis l’évaluation initiale avec les données 2007-2008), sauf pour les eaux marines qui ont fait l’objet de mesures des teneurs dans la chair des crustacés confirmant ou infirmant les résultats antérieurs. Néanmoins, des calculs avec les règles de l’arrêté ont pu être effectués et sont présentés ici pour information."

"-Les substances prises en compte sont au nombre de 41 (substances de l’annexe X de la directive cadre sur l’eau) - substances prioritaires et substances de la liste I).
-La mesure des substances de l’état chimique à de très faibles concentrations soulève encore d’importantes difficultés techniques. Il arrive que la limite de quantification par les laboratoires dépasse largement la norme. En outre les résultats varient encore fortement selon les laboratoires, bien qu’ils soient tous agréés. Ainsi le niveau de confiance reste dans l’ensemble assez faible. Les campagnes d’analyses en cours et à venir devraient permettre d’affiner ces premières évaluations de l’état chimique.
-De plus l’absence de normes de qualité environnementales pour certains paramètres sur les supports les plus adaptés comme les sédiments ou le biote (invertébrés aquatiques) ne permet pas une évaluation complète.
-Les résultats sont à prendre avec grande précaution pour ces substances."

"L’évaluation de l’état chimique des cours d’eau n’a pas été actualisée car l’agence a décidé en accord avec la direction de l’eau de ne pas acquérir des données complémentaires en 2011 en raison des difficultés techniques à mesurer valablement ces substances dans l’eau à de très faibles concentrations. Des mesures avaient été faites en 2007 et 2009 mais ces mesures n’avaient pas été validées pour ces mêmes raisons. Néanmoins des calculs pour évaluer l’état des cours d’eaux avaient été effectués avec ces mesures. Ces résultats pouvant apporter quelques informations et par soucis de transparence, les calculs réalisés sont présentés ci-après."

"Les résultats illustrent les difficultés d’interprétation et de validation des résultats présentées en introduction du chapitre état chimique et les différences de résultats entre les laboratoires. Pour l’état 2009, deux laboratoires ont effectué les analyses sur le bassin, l’un sur l’amont du bassin et l’autre sur la partie centrale et ouest de bassin. Le premier laboratoire ayant une limite de quantification plus basse a pu mettre en évidence des déclassements ce que n’a pu faire le deuxième laboratoire."

"Sur l’ensemble des 1940 masses d’eau cours d’eau, seulement 1540 masses d’eau ont fait l’objet d’une évaluation soit environ 80 % des cours d’eau, mais seules 383 masses d’eau ont été évaluées avec des résultats de mesures du programme de surveillance et ces mesures sont effectuées sur l’eau et pas sur les autres supports (sédiments ou biote (invertébrés aquatiques)). Les autres ont été évaluées par simulation.
Sur les masses d’eau évaluées, 22% des masses d’eau seraient en état chimique mauvais. Toutefois il faut rester très prudent car en plus des problèmes liées aux limites de quantification, beaucoup des substances de l’état chimique sont des molécules hydrophobes qui en théorie ne devraient pas se trouver dans l’eau. A terme, il est prévu de faire évoluer les modalités de prélèvement avec la prise en compte des supports intégrateurs des polluants hydrophobes, comme le sédiment ou le biote (invertébrés aquatiques).
L’état chimique ne concerne que très peu de substances (41), Il faut également tenir compte du statut des substances qui pour la plupart sont interdites ou d’émissions non intentionnelles."

"D’une manière générale et en raison de leur caractère très incertain, tous ces résultats ne peuvent être utilisés tels quels. Ils ne devraient donner lieu à aucune incidence opérationnelle à l’échelle Données non validées, fournies à titre d’information locale, à moins qu’ils ne soient confortés par d’autres éléments. Ainsi, ils ne peuvent justifier à eux seuls le dimensionnement de l’autosurveillance industrielle.
De ce fait, il n’y a pas lieu de prendre de mesures spécifiques pour ces paramètres à l’échelle locale. Toutefois ces résultats justifient a minima de la vigilance, donc une surveillance régulière dans le cadre du contrôle opérationnel. Vraisemblablement, ils justifient d’ores et déjà de prendre des mesures correctrices pour limiter l’usage des pesticides."

"- La famille de paramètres déclassants qui vient en tête des déclassements est constituée d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), produit de combustion des énergies fossiles et de la biomasse végétale (bois). Les mesures correctives qu’ils appellent relèvent principalement de plans nationaux ou européens.
- Puis ce sont les pesticides qui apparaissent déclassants mais avec des occurrences bien plus faibles et qui décroissent entre 2007 et 2009. Seul l’isoproturon encore autorisé à ce jour est réellement signifiant avec 13 masses d’eau déclassées. Pour les pesticides, le déclassement est surtout dû à des dépassements ponctuels des concentrations maximales autorisées.
- Pour les métaux lourds, mercure (Hg) et cadnium(Cd), des investigations plus fines sont souhaitables (analyses isotopiques) afin de confirmer les résultats obtenus, mais surtout pour déterminer les sources de pollution. En effet pour le mercure des apports atmosphériques à longue distance sont suspectés d’impacter les eaux de surface.
- Le trichorobenzène déclasse 4 masses d’eau. C’est un composant de nombreux produits : solvant dans les peintures, teintures, adhésifs, produits pharmaceutiques, intermédiaire dans la synthèse de pesticides, d'herbicides, et de pigments, fluides diéléctriques, caloporteur inhibiteur de corrosion dans les sprays, et les peintures de maintenance spécifiques. Absent en 2007, il apparaît en 2009 suspectant un « effet laboratoire », sans que l’on soit en mesure de le déterminer.
- Les autres polluants (DDT total, para-para-DDT, pesticides cyclodiènes, térachloroéthylène, tétrachlorure de carbone) n’entraînent pas de déclassement.
- Toutefois les difficultés de réalisation des analyses rencontrées pour une grande partie des paramètres mesurés au regard des seuils des normes de qualité environnementale font que les résultats sont fragiles. Ceux-ci seront donc à confirmer lors des prochaines campagnes d’analyses. De plus, 74 % des substances sont des molécules hydrophobes, ce qui explique les très faibles valeurs de contamination des eaux des mesures réalisées. L’évolution des réseaux de surveillance ou des normes de qualité environnementales avec la prise en compte des supports intégrateurs des polluants hydrophobes, comme le sédiment ou le biote (invertébrés aquatiques) permettra de conforter ce diagnostic. Nous savons déjà qu’une dizaine de substances5 est présent dans 100% des prélèvements de sédiment. A ce jour, il nous manque les seuils d’interprétation de ces contaminations qui sont à l’étude au niveau européen.
- Il est à noter également que les PCB se retrouvent dans les sédiments pour au moins 60% des échantillons analysés à ce jour."

"On a vu que l’évaluation de l’état prend en compte les pesticides de façon partielle. Pour les eaux souterraines, les pesticides sont bien pris en compte et déclassants pour 33 % des masses d'eau. En revanche, pour les eaux de surface, la prise en compte des pesticides dans l’état écologique et chimique des eaux de surface ne porte actuellement que sur 18 molécules, et ce au travers de seuils qui ne les rendent que rarement déclassantes, ces seuils étant supérieurs aux normes applicables pour l’eau potable.
Donc si les pesticides déclassent l’état écologique, ou l’état chimique d’un cours d’eau, il faut intervenir. Mais s’ils ne les déclassent pas, il convient d’examiner la situation vis-à-vis des normes applicables aux eaux brutes destinées à l’eau potable."

"Du point de vue réglementaire, l’état chimique des eaux superficielles est bien défini par l’arrêté du 25 janvier 2010. Du point de vue pratique, son évaluation soulève encore d’importante difficultés : les évaluations n’ont donc pas été validées pour les eaux de surface quelque soit la période, sauf pour les eaux marines qui ont fait l’objet de mesures des teneurs dans la chair des crustacés confirmant ou infirmant les résultats antérieurs. Néanmoins, les calculs avec les règles de l’arrêté ont aussi été effectués pour les eaux de surface continentales et sont présentés ici pour information.
L’état chimique des eaux de surface concerne 41 substances prioritaires ou prioritaires dangereuses qui sont des micropolluants très spécifiques. Sur les 41 substances, 21 sont interdit d’usage, 4 n’ont plus d’usage en France, 6 sont en restriction d’usage et 5 sont issues d’émissions non intentionnelles. A noter de plus que la plupart des substances sont hydrophobes et que les normes actuelles sont disponibles pour le support eau et non le support biote ou support sédiments sauf exception.
Les mesures des substances de l’état chimique montrent peu de dépassements des normes à l’exception de quelques pesticides et des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques).
La fiabilité des résultats pour plusieurs substances est encore très faible, et de nombreux résultats sont incertains. Ainsi, pour la campagne de mesures 2007 la fiabilité des résultats de mesures publiés en 2009 sur deux substances (phatalate et tributylétain) a été jugée a posteriori incertaine et les résultats précédents ont été invalidés. De même il convient de prendre avec précautions les résultats de l’évaluation de l’état chimique des eaux 2009 non validée officiellement.
De plus les listes de molécules et normes européennes correspondantes devraient évoluer – décision attendue courant 2013. La mesure plus complète de l’état chimique est programmée pour 2014 ou 2015.
D’ici là, les données sont donc réservées à l’usage des professionnels et à manipuler avec de grandes précautions. Elles ne doivent donner lieu, sauf exception, à aucune incidence opérationnelle, même à l’échelle locale, à moins qu’elles ne soient confortées par d’autres éléments. Ainsi, par exemple, elles ne peuvent justifier à elles seules le dimensionnement de l’autosurveillance industrielle, ou d’action de réduction des rejets."

"La mesure à de très faibles concentrations, de certaines substances des familles de polluants généralement qualifiés d’industriels ou autres polluants, soulève encore d’importantes difficultés techniques. Les résultats varient encore fortement selon les laboratoires, qui sont tous agréés. Les résultats sont à prendre avec grande précaution pour ces substances. D’importants progrès sont annoncés pour les années à venir."

"En effet, il ne faut pas s’étonner des faibles valeurs de contamination des eaux, car 74 % des substances sont des molécules hydrophobes qui en théorie ne devraient pas être retrouvées dans l’eau."

"Si on s’intéresse à la connaissance des risques sur la qualité chimique du milieu aquatique il est nécessaire d’aller au delà des préconisations actuelles de la DCE pour « l’état des eaux » qui ne prend en compte que les analyses dans l’eau, même pour des substances hydrophobes."


Etat écologique :
"Les premiers chiffres présentés ci-après concernent les seules masses d’eau avec un niveau de confiance moyen à élevé. Ces masses d’eau représentent pour l’état 2011 62% des masses d’eau."

"Les principaux éléments de qualité biologiques déclassants pour les masses d’eau évaluées avec des mesures, pour lesquelles l’évaluation est faite avec les résultats à la station de mesure représentative avec tous les indicateurs présents ou non, sont l’indice diatomées* (44 %), l’indice poisson (38%) et l’indice invertébrés - IBGN - (21 %). Pour la physicochimie, les principaux paramètres déclassants sont : le carbone organique dissous – COD – (39 %), le phosphore (Phosphore total (30%) et PO4 3- pour 18%), le taux de saturation en oxygène (26 %) et l’oxygène dissous (17%),. Les nitrates interviennent dans 9% des masses d’eau, contre 6% pour l’état 2009.
Inversement, selon les indicateurs actuels, les polluants spécifiques de l’état écologique (substances micropolluantes de l’état écologique et non de l’état chimique) ne déclassent aucune masse d’eau."

"Pour les éléments biologiques fondant l’état écologique, les éléments de qualité pris en compte sont les invertébrés (IBGN), diatomées (IBD), poissons (IPR). L’élément macrophytes n’est pas pris en compte à ce stade par manque de données et de grille de référence."

"La salinité (conductivité, chlorures et sulfates) n’est pas prise en compte."

"De même, certains micropolluants spécifiques (autres que les 41 substances constituant l’état chimique) sont pris en compte dans l’état écologique, mais seulement lorsqu’ils ont été mesurés sur le support requis (eau filtrée ou eau brute). Les données utilisées sont très peu nombreuses."

"La règle de l’élément le plus déclassant a une exception : ce sont les règles d’assouplissement au niveau de la physicochimie lorsque la biologie est en bon état. Ces assouplissements décrits dans le guide technique ont été systématiquement mis en œuvre. A noter également que la règle d’assouplissement pour le bon état ne s’applique pas au paramètre nitrate."

"Sur chaque masse d’eau on privilégie le site représentatif de la masse d’eau, lorsque celui-ci est défini et qu’il est effectivement mesuré. A défaut on retient d’autres données présentes sur la masse d’eau après examen sommaire de leur pertinence."

Webmaster, le 2013-12-21 16:30:49

"Le bon état écologique entérine des situations déjà anthropisées et n’obéit pas à une logique dure de conservation de la nature"... (cf. http://www.irstea.fr/sites/default/files/ckfinder/userfiles/files/Impacts%20des%20barrages-1.pdf).

Les exemples concrets suivants illustrent que le "bon état" DCE entérine en réalité, non pas des situations peu dégradées et donc acceptables, comme le sens habituel de la terminologie "bon état" pourrait le laisser penser, mais des situations déjà très dégradées, inacceptables pour les écosystèmes aquatiques et la biodiversité, et liées à plusieurs décennies de pressions décomplexées sur la ressource en eau :

EXEMPLE DES NITRATES DANS LES COURS D'EAU :
On lit sur le site du SOeS qu'en 2011 "En France métropolitaine, près de 5 % des points de mesure en cours d’eau ne respectent pas la norme fixée sur les nitrates pour le bon état écologique" (http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/2000/0/respect-normes-qualite-dce-nitrates-cours-deau.html).

La définition du bon état DCE : "Le bon état est défini comme le percentile 90 inférieur à 50 mg/l".

Seulement 5 % des points hors norme ???? Pour se faire une petite idée de l'ampleur des dégradations dans le temps et dans l'espace que cette définition du bon état occulte (90 % des teneurs en nitrates des cours d'eau étaient inférieures à 13 mg/L selon la campagne de mesure la plus ancienne de 1971) :
http://eau-evolution.fr/doc/articles.php?lien=eau_nitrates_concentration_riviere_vilaine_rieux
http://eau-evolution.fr/doc/articles.php?lien=eau_carte_qualite_france_riviere_nitrate_evolution_eutrophisation
http://eau-evolution.fr/doc/articles.php?lien=eau_carte_qualite_france_riviere_nitrate_eutrophisation


EXEMPLE DES NITRATES DANS LES NAPPES SOUTERRAINES :
On lit sur le site du SOeS qu'en 2011 "En France métropolitaine, près de 10 % des points d’eau souterraine présents sur la quasi totalité des régions ne respectent pas la norme DCE pour les nitrates" (http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/2000/0/respect-normes-qualite-dce-nitrates-eaux-souterraines.html).

La définition du bon état DCE : "La norme de qualité DCE pour les nitrates dans les eaux souterraines est de 50 mg/l. Elle s’applique à la moyenne annuelle des concentrations par point de mesure".

Seulement 10 % des points hors norme ???? Pour se faire une petite idée de l'ampleur des dégradations dans le temps et dans l'espace que cette définition du bon état occulte (les teneurs naturelles en nitrates dépassent rarement 10 mg/L pour les nappes souterraines) :
http://eau-evolution.fr/doc/articles.php?lien=eau_nitrate_pesticide_chlorure_nappe_beauce_nottonville
http://eau-evolution.fr/doc/articles.php?lien=eau_carte_qualite_france_souter_nappe_nitrate


EXEMPLE DES PESTICIDES DANS LES COURS D'EAU :
On lit sur le site du SOeS "En métropole, près de 4 % des points suivis dans les cours d’eau en 2011 font état d’un dépassement avéré de norme" (http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/246/0/respect-normes-pesticides-cours-deau.html).

La définition du bon état DCE : "Les normes de qualité environnementales ont été définies comme des seuils que la concentration moyenne annuelle et, dans certains cas, que la concentration maximale relevée ne doivent pas dépasser. Ces normes, définies dans le cadre de la mise en œuvre de la Directive Cadre sur l'eau, portent sur 18 substances ou groupes de substances dans les cours d’eau en métropole".

Seulement 4 % des points hors norme ???? Pour se faire une petite idée de l'ampleur des dégradations dans le temps et dans l'espace que cette définition du bon état occulte (il y a normalement zéro pesticide de synthèse dans les cours d'eau) :
http://eau-evolution.fr/doc/articles.php?lien=eau_carte_qualite_france_riviere_pesticide_micropolluant


EXEMPLE DES PESTICIDES DANS LES NAPPES SOUTERRAINES :
On lit sur le site du SOeS "En 2011, 348 des 1922 points de suivi, soit 18 %, ne respectent pas les normes de qualité DCE pour les pesticide" (http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/246/1108/respect-normes-pesticides-eaux-souterraines.html).

La définition du bon état DCE : "Les pesticides doivent répondre à deux conditions pour être conformes aux normes DCE, dans les eaux souterraines :-la moyenne annuelle de la concentration totale en pesticides doit être inférieure à 0,5 µg/l. -la concentration moyenne annuelle de chaque substance pesticide analysée, doit être inférieure à 0,1 µg/l, sauf pour 4 substances, aldrine, dieldrine, heptachlore et heptachlore époxyde, pour lesquelles, elle doit être inférieure à 0,03 µg/l".

Seulement 18 % des points hors norme ???? Pour se faire une petite idée de l'ampleur des dégradations dans le temps et dans l'espace que cette définition du bon état occulte (il y a normalement zéro pesticide de synthèse dans les nappes souterraines) :
http://eau-evolution.fr/doc/articles.php?lien=eau_carte_qualite_france_souter_nappe_pesticide_micropol

Webmaster, le 2014-01-13 14:02:59

L'étendue abyssale de notre ignorance en matière d'écotoxicologie n'a d'égal que notre laxisme en matière d'autorisation des rejets chimiques diffus et ponctuels et en matière d'évaluation du "bon état" de la DCE. Cf. "Des crustacés standardisés comme indicateurs de la qualité des rivières" (http://www.actu-environnement.com/ae/news/crustaces-standardises-indicateurs-qualite-rivieres-20362.php4). Extraits :
"Une équipe de l'Irstea a développé une nouvelle méthode de détection de la contamination chimique dans les cours d'eau. Sa particularité ? Elle repose sur un bio-indicateur, un crustacé, standardisé."

"Vers de nouveaux indicateurs
Ce nouvel outil de diagnostic s'inscrit dans la continuité du virage européen amorcé cet été sur la question de l'évaluation de l'état chimique des eaux. La directive européenne adoptée, ajoute 12 produits chimiques à la liste des substances prioritaires et établit leurs normes de qualité environnementale (NQE). Elle révise également certaines NQE existantes. "Certaines molécules n'ont pas été détectées car elles n'étaient pas cherchées au bon endroit : très hydrophobes, elles ne se retrouvent donc dans les graisses et peu dans l'eau, explique Arnaud Chaumot, la nouvelle directive préconise donc de s'intéresser au biote, c'est à dire l'accumulation dans les êtres vivants pour surveiller ces substances dans nos milieux aquatiques". La directive ouvre ainsi la possibilité d'utiliser pour la surveillance notamment les crustacés, les poissons, la classe des céphalopodes ou encore la classe des bivalves (moules et coques). Dans cette optique, les Etats membres devront présenter à la Commission des programmes de surveillance et de mesures d'ici 2018."

L'évaluation des niveaux seuils à revoir ?
Les travaux des scientifiques sur les bio-indicateurs les ont également amenés à un constat : certaines populations pourraient acquérir une résistance à une pollution du milieu dans lequel elles évoluent. "Nous avons isolé une population résistante au cadmium de façon naturelle nous nous sommes rendus compte en réalisant des croisements que ce n'était pas un effet génétique fixé mais une conséquence de leur exposition environnementale, développe Arnaud Chaumot, cela paraît très science fondamentale mais cela a de grosses répercussions potentielle sur l'évaluation du risque". Ce point interroge notamment sur la manière de tenir compte de cette possibilité d'acquisition de résistance acquise et sur le fait que les seuils définis en laboratoire ne sont peut-être, de ce fait, pas réalistes vis-à-vis des populations naturelles. Cette adaptation représenterait également un coût pour la diversité génétique. "S'adapter à une pression peut rendre très vulnérable à d'autres facteurs de stress environnemental, rappelle Arnaud Chaumot, ceci n'est pas pris en compte aujourd'hui les démarches d'évaluation du risque écologique régulant l'utilisation des produits chimiques". Des réflexions seraient en cours pour évaluer l'importance de ce phénomène. Des tests pourraient être introduits pour déterminer si un contaminant dans le milieu induit une pression évolutive sur les populations."

MOMO, le 2014-01-14 14:26:48

Espèce de Crustacé standardisé !! Cela peut au moins compléter la liste des jurons du Capitaine Haddock...

Webmaster, le 2014-01-24 07:58:48

"Un tiers des contaminants présents dans l'environnement présenterait un caractère génotoxique", sans compter tous les autres effets toxiques possibles. Pourtant, leurs rejets dans la nature sont toujours, ou ont été par le passé, directement ou indirectement tolérés, voire même autorisés. Comme si la nature était une poubelle. Au mépris le plus complet d'un minimum de précaution… Cf. "Génotoxicité des polluants : la survie des espèces est menacée" (http://www.actu-environnement.com/ae/news/polluants-genotoxiques-survie-especes-20467.php4). Extraits :

"En étudiant le mécanisme d'action des polluants génotoxiques sur les poissons, l'Ineris a confirmé la relation entre endommagement de l'ADN chez les parents et survie des descendants. Un lien qui reste à confirmer en milieu naturel."

"Dans le cadre de ses travaux dans le domaine de la surveillance environnementale, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) s'est intéressé aux substances chimiques pouvant avoir un impact sur la reproduction des poissons. Outre les perturbateurs endocriniens, qui comme leur nom l'indique perturbent le système hormonal et par conséquent la reproduction, d'autres molécules chimiques ont des modes d'actions différents. C'est le cas des polluants génotoxiques qui altèrent la structure ou les fonctions de l'ADN des cellules. S'ils s'en prennent aux cellules somatiques, cela se traduit par l'apparition de cancers. Mais s'ils touchent les cellules en charge de la reproduction (cellules germinales), c'est tout le mécanisme de reproduction qui en pâtit, menaçant la survie de l'espèce. Or, un tiers des contaminants présents dans l'environnement présenterait un caractère génotoxique : hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), médicaments (notamment les anticancéreux), pesticides…"

Webmaster, le 2014-01-24 08:00:21

Sur l'élasticité des seuils de toxicité, ici les DJA du Bisphénol A… Cf. "L'agence européenne de sécurité des aliments réévalue la toxicité du bisphénol A" (http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/01/20/l-agence-europeenne-de-securite-des-aliments-reevalue-la-toxicite-du-bisphenol-a_4351002_3244.html). Extraits :

"La dose journalière admissible de ce perturbateur endocrinien a été provisoirement divisée par dix, mais reste entre 1 000 et 2 000 fois supérieure à celle qui peut être dérivée des travaux de l'agence sanitaire française."

"L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu public, vendredi 17 janvier, un avis provisoire sur le bisphénol A (BPA) – une molécule utilisée dans de nombreux contenants alimentaires, de plastiques et de produits d'usage courant. Dans ce texte d'étape, l'agence européenne basée à Parme (Italie) dit s'être penchée sur « plus de 450 études portant sur les dangers potentiels pour la santé associés au BPA » et a identifié « des effets indésirables probables sur le foie et les reins, ainsi que des effets sur la glande mammaire, liés à l'exposition à cette substance chimique ». L'EFSA recommande ainsi de diviser par dix la dose journalière admissible (DJA), celle-ci devant passer de 50 microgrammes par jour et par kilo de poids corporel (µg/j/kg) à 5 µg/j/kg."

"En dépit de la révision à la baisse de la dose-limite, des critiques commencent à se faire jour sur certains choix opérés par l'EFSA dans son passage en revue de la littérature scientifique. « L’EFSA continue de s’appuyer sur les deux mêmes études que dans son précédent rapport, assure le Réseau environnement santé (RES), dans un communiqué du 18 janvier. Ces études datant de 2002 et 2008 ont été faites par la même auteure, travaillant dans un laboratoire dépendant de l’industrie chimique. Ces études ont fait l’objet de critiques répétées publiées dans la presse scientifique mettant en évidence le caractère frauduleux de leur conception. » Un article collectif co-signé par une trentaine de chercheurs, publié en mars 2009 dans la revue Environmental Health Perspectives, avait en effet soulevé d'importants biais expérimentaux dans les études en question.
Pour le Réseau environnement santé, « l'EFSA continue de nier 95 % des données scientifiques publiées ». En particulier, l'association attire l'attention sur le fait que l'étude-pivot sélectionnée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a été écartée par les experts de l'EFSA. Dans son dernier avis sur le BPA, publié en mars 2013, l'Anses établissait des valeurs de référence équivalant à une DJA entre 1 000 et 2 000 fois inférieure à celle provisoirement proposée par l'EFSA. Selon l'Anses, cette valeur de référence est supposée protéger l'enfant à naître de tout risque ultérieur de cancer de la glande mammaire, lors d'une exposition de la mère."

Webmaster, le 2014-01-28 07:30:26

"Moderate to high doses of the insecticides had a more toxic effect in nutrient-enriched than in oligotrophic waters, reducing the numbers and diversity of macroinvertebrates", notre ignorance en matière d'écotoxicologie dont les effets des cumuls des pollutions n'en finit plus de se confirmer. Cf. "Nutrients in streams can mask toxic effects of pesticides on aquatic life" (http://ec.europa.eu/environment/integration/research/newsalert/pdf/358na4.pdf). Extraits :
"Moderate levels of nitrogen in streams and rivers can make it difficult to assess the effects of pesticides on aquatic wildlife, because nutrients mask the pesticides' impacts, according to recent research. This highlights the importance of considering nutrient levels when developing measures to protect aquatic ecosystems."

"Freshwater organisms are exposed to a number of natural and non-natural stressors, including agricultural pollution. Pesticides, for example, have been found to be highly toxic to aquatic species that are not the target of the applications, and more than one pesticide is typically found in monitored waters.
Although previous research has shown that pesticides and nutrients can affect the structure and function of aquatic communities, the combined effects of these inputs are not well known. This study examined how the presence of added nutrients in streams could modify the effects of a mixture of three insecticides used to protect food crops: chlorpyrifos, dimethoate and imidacloprid. All are toxic to non-target species.
The researchers evaluated the responses of bottom-dwelling macroinvertebrate communities, including e.g. non-biting midges (Chironomus species), to exposure from the insecticide mixture in oligotrophic water (containing low nutrient levels) and mesotrophic water (containing moderate amounts of nutrients).
Over 20 days, the creatures, collected from a river in Canada, were exposed to a range of insecticide mixture doses in 80 outdoor artificial streams. The streams mimicked the invertebrates’ natural habitats with beds of stone and gravel coated in an algae film and were fed with natural groundwater from the area. Two natural predator species, dragonflies (Gomphus species) and stoneflies (Agnetina species) were also added to the artificial streams to act as additional stressors for the invertebrates.
The researchers tested the effects of different doses of the insecticides in water enriched with nitrate (representing mesotrophic conditions) and unenriched water (representing oligotrophic conditions).
When the insecticide mixture was absent or at low (sublethal) levels, moderate levels of added nitrate in the artificial streams increased macroinvertebrate numbers compared with those in the unenriched streams. This suggests that the added nutrients promoted algal growth which increased the supply of food at the bottom of the food webs within the macrobenthic communities. This masked the impact of the sublethal doses of the insecticide mixture on species in the macroinvertebrate community.
However, moderate to high doses of the insecticides had a more toxic effect in nutrient-enriched than in oligotrophic waters, reducing the numbers and diversity of macroinvertebrates. Furthermore, the effects on different species varied according to the dose of insecticides. The impact of the dragonfly and stonefly predators was significant only in the oligotrophic waters.
These results suggest that it is difficult to predict the effects on aquatic organisms of complex mixtures of pesticides, commonly used in agriculture, particularly when streams and rivers are moderately enriched with nutrient inputs from the surrounding landscape."

Webmaster, le 2014-02-10 11:05:22

Les produits pesticides commercialisés plus toxiques que leur matière active seule, c'est d'abord un problème pour la surveillance et l'évaluation environnementale. Cf. (http://www.actu-environnement.com/ae/news/etude-pesticides-commercialises-toxicite-molecules-actives-20592.php4). Extraits :
""Une nouvelle étude scientifique montre que les produits pesticides commercialisés sont des centaines de fois plus toxiques pour des cellules humaines que leur matière active seule" annonce l'association Générations futures qui relaye une étude réalisée par une équipe conduite par Robin Mesnage et Gilles Eric Séralini, de l'Université de Caen.

"Les adjuvants employés dans les formulations de pesticides ne peuvent également pas être considérés comme des composants inertes mais ont souvent une toxicité propre et accroissent celle des matières actives", estime l'association. Selon elle, l'étude remet en cause le mode de calcul des doses journalières admissibles (DJA) à partir de la toxicité de la substance active seule, ainsi que la procédure d'évaluation du risque des pesticides qui ne prévoit pas l'obligation de tests pour la toxicité chronique des pesticides en formulation. L'association demande donc "des tests de toxicité chronique systématiques pour les formulations complètes de produits pesticides commercialisés".

De 2 à 3 fois et jusqu'à 1.056 fois plus toxiques
L'association rapporte que les scientifiques ont montré que sur les neuf pesticides formulés étudiés (trois herbicides, trois fongicides et trois insecticides), "huit d'entre eux montrent clairement des effets toxiques sur des cellules humaines en moyenne des centaines de fois plus importants que ceux causés par leur matière active". En l'occurrence les résultats montrent des effets toxiques de 2 à 3 fois plus importants pour le pesticide à base de pirimicarb et jusqu'à 1.056 fois plus forts pour celui à base de tebuconazole. Seul un pesticide à base d'isoproturon fait exception à cette règle, mais il n'a pas d'adjuvant déclaré."

Webmaster, le 2014-02-10 11:06:30

Et toujours notre ignorance réelle en matière d'écotoxicologie... Cf. "Insecticides : les bourdons perdent le nord, même à très faible dose" (http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/01/30/insecticides-les-bourdons-perdent-le-nord-meme-a-tres-faible-dose_4356584_3244.html). Extraits :
"L’étau scientifique se resserre autour des néonicotinoïdes, cette famille d’insecticides commercialisée depuis le milieu des années 1990 et suspectée depuis d’être l’une des causes majeures du déclin des insectes pollinisateurs, abeilles domestiques et insectes sauvages. Dans la dernière édition de la revue Ecotoxicology, des chercheurs britanniques montrent que des doses infinitésimales d’imidaclopride, l’un des principaux représentants de cette famille chimique, sont susceptibles de perturber le comportement de bourdons communs (Bombus terrestris) et d’affaiblir ainsi de manière durable et significative le fonctionnement de la colonie. Les auteurs, conduits par le biologiste Dave Goulson (université du Sussex), ont utilisé six colonies de bourdons de taille identique. Pendant deux semaines, ces colonies ont été nourries en laboratoire, avec une solution sucrée et du pollen. Pour trois d’entre elles, la nourriture était exempte d’imidaclopride. Pour les trois autres, le produit était présent à des concentrations de 6 parties par milliard (ppb) dans le pollen et de 0,7 ppb dans la solution sucrée. Ces taux sont comparables à ce que les pollinisateurs rencontrent dans la nature, lorsque les semences ont été traitées par l’insecticide."

"«La capacité des bourdons traités avec l’imidaclopride à butiner du nectar n’a pas été significativement différente des bourdons témoins, écrivent les chercheurs. Mais les insectes traités ont rapporté du pollen au terme de 40 % de leurs voyages, alors que les bourdons témoins en ont rapporté dans 63 % des cas.» Et lorsque du pollen était effectivement collecté par les butineurs, ceux qui avaient été exposés à l’insecticide en ont ramené avec une efficacité horaire diminuée d’un tiers environ (31 %), par rapport aux insectes témoins."

"Au total, expliquent les auteurs dans un communiqué, la quantité de pollen effectivement collectée a été réduite de 57 % à la suite de l'exposition au néonicotinoïde. L’un des effets surprenants notés par les chercheurs est que l’exposition à l’imidaclopride produit sur Bombus terrestris des effets durables, mesurables un mois après l’exposition au produit."

"Plusieurs travaux précédents ont montré des effets délétères de néonicotinoïdes sur le bourdon. En particulier, des travaux britanniques conduits par Penelope Whitehorn (université de Stirling, Ecosse) et publiés en 2012 dans la revue Science ont déjà montré que les colonies exposées à des doses très faibles d’imidaclopride produisaient en moyenne 85 % de reines en moins que les autres. Cependant, le mécanisme sous-jacent – la raison pour laquelle les colonies s’affaiblissent sans que la mortalité directe des individus n’augmente – demeurait inconnu. Ces nouveaux travaux apportent au moins un élément de réponse."


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