Voir l'état des eaux et son évolution - rivières et aquifères

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Carte de qualité des rivières : les pesticides cumulés dans l’eau en 2007


L'objectif des cartes présentées dans cet article est de montrer, à partir des données brutes disponibles, tout ce qu'il y a comme pesticides de synthèse dans l'eau. Nous essayons d'évaluer la contamination, non pas substance par substance, mais par l'ensemble des pesticides présents simultanément dans un même prélèvement d'eau. Des cartes de qualité substance par substance sont élaborées dans d'autres articles pour zoomer sur certains pesticides (voir par exemple Carte de qualité des rivières : l’atrazine en 2007).

Les mesures des micropolluants en général et des pesticides en particulier sont extrêmement hétérogènes selon les endroits pour une même année de mesure. Cela concerne les périodes et les fréquences des mesures, mais aussi la nature et les nombres de substances recherchées ainsi que les limites analytiques pratiquées. Si bien qu'à une échelle nationale, la recherche de ces substances s'apparente plus à une pêche aléatoire qu'à une recherche systématique efficace.
A ce sujet, le lecteur pourra utilement consulter les articles de la rubrique Micropolluants chimiques, la note méthodologique Comment Eau-Evolution évalue les contaminations chimiques et la toxicité ainsi que l'index des substances chimiques.

Dans ce contexte, la réalisation d'une carte de qualité est assez périlleuse et ne peut donner qu'une image sous-évaluée et peu cohérente des contaminations réelles.
Eau-Evolution essaye néanmoins d'élaborer une indication des contaminations qui traduise le moins mal possible la réalité, tout en restant pragmatique face à la mauvaise qualité générale de ces données. L'objectif est que chacun puisse se faire au moins une idée de la réalité de la présence des pesticides dans nos cours d'eau.

Trois points de vue distincts et complémentaires sont possibles pour décrire de façon globale la contamination par les pesticides d'un échantillon d'eau prélevé dans une rivière, et pour évaluer son impact possible sur la vie aquatique :
-le nombre de substances qui sont présentes simultanément dans un même prélèvement.
-la concentration totale de ces substances dans un même prélèvement.
-la toxicité totale de ces substances dans un même prélèvement.

Ces trois points de vue ne sont pas identiques :
Le nombre de pesticides quantifiés dans un même prélèvement n'est pas forcément lié à la concentration totale mesurée dans ce prélèvement. En effet, c'est la toxicité qui est le but recherché lors des épandages de pesticides. Or cette toxicité dépend bien entendu de la nature des substances, mais aussi de la stratégie de leur utilisation. La toxicité peut être plus élevée avec un cocktail de substances très peu dosées et fréquemment appliquées qu'avec une seule substance fortement dosée et moins fréquemment appliquée. De plus, compte tenu de la rareté des données de toxicité, la toxicité mesurée ne correspond parfois pas du tout à la toxicité réelle attendue. Si bien que la toxicité totale d'un prélèvement n'est pas forcément reliée à la masse ou au nombre de pesticides quantifiés dans ce même prélèvement. Etc.

Pour Eau-Evolution, la catégorie des pesticides regroupe toutes les substances chimiques synthétiques utilisées ou ayant été utilisées autrefois pour leur pouvoir biocide par les secteurs agricole, mais aussi industriel et domestique (si la plupart des substances chimiques de synthèse utilisées dans les secteurs domestiques et industriels ont un effet biocide plus ou moins marqué, toutes ne sont pas utilisées pour cet effet biocide), ainsi que leurs produits de dégradation.
Cette catégorie des pesticides selon Eau-Evolution est composée en écrasante majorité de ce que l'on appelle "les phytosanitaires" de synthèse. Sachant qu'il est souvent difficile de trier selon les usages : par exemple certains herbicides classés dans les phytosanitaires sont largement utilisés aussi dans les secteurs domestiques, etc.
S'ajoutent à ces phytosanitaires quelques substances utilisées pour leur pouvoir biocide à la fois par les secteurs agricoles et industriel et domestique, ou parfois exclusivement par les secteurs industriel et domestique. Ces substances non autorisées aujourd'hui pour l'usage phytosanitaire ont pu l'être par le passé et se retrouver dans les milieux à cause de cet usage. Nous ne pouvons donc pas les exclure de la catégorie des pesticides si on veut donner une image cohérente de ce type de pollution. Il ne doit sans doute pas exister de substances reconnues pour leur pouvoir biocide qui n'aient pas, à un moment ou un autre, été utilisée par l'agriculture intensive. Les peintures anti-salissures au TBT par exemple ont aussi été utilisées en pisciculture et pour tous les appareillages immergés.
Les points de vue "nombre de pesticides cumulés par prélèvement" ou "masse des pesticides cumulée par prélèvement " ne sont que peu influencés par la prise en compte de ces quelques substances biocides pas uniquement utilisées directement sur les surfaces agricoles. Par contre le point de vue "toxicité cumulée par prélèvement" peut l'être : cet indicateur est beaucoup plus incertain que ne le sont les deux premiers. Il souffre particulièrement de l'hétérogénéité des protocoles de mesures et du manque de données de toxicité. Qu'une substance très toxique ne soit pas recherchée, ou recherchée avec une LQ relativement plus élevée qu'ailleurs, dans un grand bassin, et la toxicité sur ce bassin s'en trouvera grandement sous-évaluée. La comparaison des toxicités cumulées est donc particulièrement délicate à l'échelle de la France.

Le cuivre n'est pas pris en compte ici. Il entre par contre dans l'évaluation des contaminations par l'ensemble des micropolluants ou par les métaux qui s'adsorbent volontiers sur les sédiments et matières en suspension des rivières.


Méthodologie

Voir la méthodologie générale de réalisation des cartes dans Comment sont réalisées les cartes de qualité des rivières.

Pour les mêmes raisons que celles indiquées dans les articles de la rubrique Micropolluants chimiques, on peut légitimement considérer que, malgré les distinctions des codes remarques, toutes les limites analytiques présentées sont des LQ (limites de quantification).

Les calculs de qualité sont effectués avec Excel 2007. Les cartes de qualité sont réalisées en langage PHP.

Par souci de transparence, les points les plus pollués sont placés au-dessus et, s'ils occultaient ainsi les points les moins contaminés, avec une taille réduite par rapport à ces derniers. Le lecteur est invité à utiliser l'outil LES CARTES INTERACTIVES pour fabriquer des cartes plus personnalisées (sélection des seuils, des couleurs, des tailles, des stations à afficher, etc.).

Particularités des données pesticides

Les pesticides sont mesurés dans l'eau brute.

Sur la question des doublons, à savoir une même substance chimique recherchée deux fois ou plus à la même date sur la même station, notre stratégie est, sauf cas particuliers, la suivante : privilégiant le point de vue patrimonial et non réglementaire sur l'état des eaux, il nous importe finalement peu que ces doublons soient liés à tel ou tel producteur ou réseau de données. Donc tant mieux si la même substance est recherchée deux fois à la même date. Il faut juste s'assurer que l'on ne la compte pas deux fois dans les nombres de substances quantifiées ou les nombres de substances recherchées. Pour cela, on élimine les doublons en conservant en priorité la valeur quantifiée maximale s'il y a des valeurs quantifiées, et on rassemble toutes les mesures effectuées à la même date comme faisant partie du même prélèvement sur la station concernée.

Calculs par station et sélection des points

Pour chaque station de mesure de la qualité de l'eau, on a calculé les valeurs maximales rencontrées en 2007 des trois variables associées aux trois points de vue énoncés plus haut. La valeur la plus élevée rencontrée dans l'année sur une station de mesure laisse augurer de l'ampleur des contaminations et de la gamme des autres valeurs susceptibles d'être mesurées tout au long de l'année sur cette même station.

Plus encore que pour les macropolluants, les mesures disponibles sur l'ensemble du territoire ne permettent pas de calculer des moyennes annuelles pertinentes de façon à compléter le point de vue donné par les valeurs élevées ce ces variables.

Nous présentons aussi quelques statistiques décrivant les substances quantifiées en 2007 :
-Les minimum, médiane, moyenne et maximum.
-Les nombres de quantifications totaux ainsi que ceux associés à des valeurs de concentration et de toxicité plus ou moins élevées.

Les pesticides non quantifiés sont assimilés à 0 (nq=0) dans le total des concentrations ou des doses toxiques, ce qui sous-évalue d'autant plus l'évaluation des contaminations que les LQ sont élevées.

Les limites analytiques de l'ensemble des mesures disponibles pour l'année 2007 varient entre 0,00003 µg/L et 50 µg/L. Elles peuvent beaucoup varier même pour une seule substance selon les endroits ou les dates (voir aussi La qualité de la recherche récente des substances chimiques dans l'eau des rivières (3) : les valeurs minimum et maximum des LQ pour une sélection de 252 substances sur la période 1998 à 2008 [Annexe]).
La fréquence des prélèvements aussi est très variable. Elle varie de 1 à 25 prélèvements sur l'ensemble des stations mesurées en 2007.
Les nombres de pesticides recherchés dans un même prélèvement varient de 1 à 388. Les nombres de prélèvements avec plus de 40 substances recherchées simultanément vont de 0 à 25 prélèvements pour l'année 2007 selon les endroits.
On ne peut pas juger de la pertinence de la recherche en se limitant à une seule des conditions : LQ basses, fréquences des mesures élevées ou nombre de substances recherchées par prélèvement élevé. Il faut que ces trois conditions soient réunies. Qu'une seule d'entre elles ne soit pas respectée, et la recherche n'est pas pertinente. Les stations de mesures qui réuniraient toutes ces conditions sont très rares, voire inexistantes. C'est la raison pour laquelle il est impossible, à partir des données disponibles actuellement, de dresser une carte des contaminations vraiment pertinente à l'échelle nationale.

Compte tenu des disparités des protocoles de recherche des pesticides, la sélection des stations ne peut donc se faire que de façon pragmatique en trouvant un compromis entre le nombre de stations sélectionnées et la pertinence la moins mauvaise de l'indicateur correspondant :
Pour chaque station, il s'agit de s'assurer qu'un effort de recherche minimum a bien été réalisé afin de ne pas lui attribuer une contamination faible purement artefactuelle.
Ceci a conduit Eau-Evolution à ne retenir que celles sur lesquelles il y a eu au moins un prélèvement de plus de 40 substances entre les mois de mai et d'août pendant lesquels on trouve généralement les plus fortes concentrations de pesticides.
A cette sélection s'ajoutent bien entendu les stations significativement contaminées, même si l'effort de recherche n'a pas été suffisant, c'est-à-dire sur lesquelles on a, malgré la mauvaise qualité de la recherche, trouvé au moins 5 pesticides différents ou au moins 2 µg/L de pesticides dans un même prélèvement.


Les cartes de qualité

Le fond explicatif Eau-Evolution qui souligne les grandes zones agricoles nous paraît le mieux adapté pour les pesticides :

________Zones agricoles_________________Sol_____________________________Occupation du sol________________________Habitat____
Alpes et Juracalcaire (et silice)forêt et élevage extensiffaible
Alsacesilicevignobles et grandes culturesdense
Bretagnesiliceélevage intensifmoyen
Charentecalcairevignobles, grandes cultures et polyculturemoyen
Corsesiliceélevage extensif, vergers et mixtefaible
Coteaux Sud-ouestcalcairegrandes cultures, élevage intensif et mixtemoyen
Girondecalcairevignobles moyen
Landessiliceforêt et grandes culturesfaible
Lorrainecalcairemixte et grandes culturesdense
Massif centralsiliceforêts et élevage extensiffaible
Bordure méditerranéennecalcairevergers, vignobles et mixtedense
Nordsilicegrandes cultures et mixtedense
Normandiesilice (et calcaire)élevage intensifmoyen
Pays nantaissilice (et calcaire)mixte, polyculture et élevage intensifdense
Plaines céréalièrescalcairegrandes cultures et maraichagedense
Pyrénéessiliceforêt et élevage extensiffaible
Saône et Rhônecalcairevergers, vignobles, grandes cultures, polyculture et mixtedense
Vosgessiliceforêt, élevage extensif et mixtefaible


Toutes les concentrations sont exprimées en µg/L.

Rappelons que ces cartes traduisent les méthodes d'évaluations patrimoniales indépendantes et affranchies de tout aspect réglementaire propres à Eau-Evolution, et que chacun est invité à apporter sa critique et sa contribution pour les améliorer.

Les nombre de pesticides présents simultanément dans un même prélèvement

De façon à pouvoir estimer au mieux le nombre de pesticides présents simultanément, voici 3 cartes réalisées avec les mêmes valeurs par station, mais présentées avec des seuils (couleur noire) croissants égaux respectivement à 5, 10 et 15 pesticides différents quantifiés dans un même prélèvement d'eau :









Le nombre de pesticides présents dans un même prélèvement en 2007 atteint la valeur maximale de 28 substances.

Les niveaux des concentrations quantifiées pour chaque substance sont détaillés dans un tableau présenté plus bas.


Les concentrations totales de pesticides dans un même prélèvement

De façon à pouvoir estimer au mieux la masse totale de pesticides présents simultanément, voici 3 cartes réalisées avec les mêmes valeurs par station, mais présentées avec des seuils (couleur noire) croissants égaux respectivement à des totaux de 0,5 µg/L, 2 µg/L et 5 µg/L de pesticides dans un même prélèvement d'eau :









La concentration totale de pesticides mesurée dans un même prélèvement en 2007 atteint la valeur maximale de 653,01 µg/L (pour un cocktail de Métolachlore et de Diuron).

La toxicité totale des pesticides dans un même prélèvement

Nous présentons ici la toxicité potentielle de type chronique (LTC) des substances. Comme pour les concentrations, la valeur la plus élevée rencontrée dans l'année laisse augurer de la gamme des autres valeurs susceptibles d'être mesurées tout au long de l'année. La "dose toxique" correspondant à une substance LTC dans un prélèvement donné est très logiquement le nombre de fois que sa concentration mesurée y dépasse sa LTC. Le "bon état toxique" est alors défini par : la moyenne des cumuls des doses toxiques de toutes les substances LTC mesurées à différentes périodes de l'année doit rester inférieure à 1. La toxicité cumulée maximale par prélèvement présentée sur les cartes laisse augurer de ce que pourrait être cette toxicité cumulée moyenne si la qualité des mesures (fréquence, LQ, etc.) en permettait le calcul. Par ailleurs, une des cartes de toxicité présentée ci-dessous est réalisée à partir du seuil de "4 doses toxiques" qui correspond à l'ordre de grandeur d'une toxicité potentielle aigue (LTA) pour les espèces aquatiques (voir Comment Eau-Evolution évalue les contaminations chimiques et la toxicité).
Ci-dessous un petit rappel terminologique :



De façon à pouvoir estimer au mieux la toxicité totale des pesticides présents simultanément, voici 3 cartes réalisées avec les mêmes valeurs par station, mais présentées avec des seuils (couleur noire) croissants égaux respectivement à 4, 8 et 12 doses toxiques cumulées dans un même prélèvement d'eau :









La toxicité totale des pesticides présents dans un même prélèvement en 2007 atteint la valeur maximale de 1950 doses toxiques (Tributylétain quantifié à 0,39 µg/L). Les autres substances présentes avec des concentrations très toxiques sont le plus souvent des insecticides, et en particulier le Phoxime qui atteint jusqu'à 980 doses toxiques (quantification à 0,49 µg/L).

Les zones les plus concernées par les pesticides en 2007

Ci-dessous, les zones qui sont, toujours bien entendu à partir des données brutes disponibles et des méthodes d'évaluation Eau-Evolution, les plus concernées par les pesticides en 2007.

Le point de vue du nombre de pesticides cumulés traduit le mieux selon nous, compte tenu de la qualité des données et des stratégies modernes d'utilisation de cocktails de substances moins dosées, la contamination et le potentiel de toxicité réels des eaux :



La taille des points est proportionnelle aux valeurs de façon à ce que l'on distingue plus nettement les zones concernées.

Mais voici aussi le point de vue complémentaire de la masse des pesticides cumulés :



Dans l'ensemble, on retrouve à peu près la même répartition géographique des contaminations. On distingue cependant des zones concernées plutôt par des concentrations élevées tandis que d'autres le sont plutôt par des cocktails de plusieurs substances élevés. Mais il ne faut pas oublier que la disparité géographique des protocoles de mesure rend toute comparaison sujette à caution.

On trouvera une tentative de présentation simultanée des deux points de vue dans l'article Carte de qualité des rivières et aquifères : une vision globale pour les pesticides cumulés dans l’eau en 2007.

La carte ci-dessous montre un autre point de vue sur l'effet cocktail. Elle présente en effet, pour chaque station de mesure, non pas le nombre de pesticides différents quantifiés simultanément dans un même prélèvement, mais le nombre de pesticides différents quantifiés tout au long de l'année :


Le nombre de pesticides différents quantifiés dans une même station au cours de l'année 2007 atteint la valeur maximale de 44 pesticides.

Un petit aperçu de la qualité de la recherche des pesticides en 2007

La qualité de la recherche a une grande influence sur le résultat obtenu. Voici par exemple l'ampleur de l'éventail de tous les pesticides qui ont été recherchés, non pas simultanément dans un même prélèvement, mais tout au long de l'année :


Le nombre de substances différentes recherchées dans une même station au cours de l'année 2007 atteint la valeur maximale de 391 substances.

Ci-dessous, une carte présentant les fréquences des prélèvements de pesticides avec au moins 40 substances recherchées par prélèvement, ce qui fait le double du nombre des pesticides recherchés pour l'état chimique de la DCE, mais très peu au regard des 237 pesticides qui ont été quantifiés en 2007 (voir paragraphe suivant) et au regard du nombre de pesticides que l'on aurait pu quantifier en les recherchant mieux :


La fréquence des prélèvements recherchant au moins 40 pesticides simultanément dans l'eau au cours de l'année 2007 atteint la valeur maximale de 25 (environ 2 par mois). Lorsque cette fréquence est faible, on peut s'attendre à ce que les périodes critiques pour la vie aquatique, qui correspondent d'ailleurs souvent aux pics des présences des pesticides, soient très mal voire pas mesurées.

Comme toutes les cartes qui présentent la qualité de la recherche, on distingue malheureusement assez nettement les contours des grands bassins versants des agences de l'eau.

Les graphiques ci-dessous présentent la disparité de l'effort de recherche du point de vue de la quantité globale d'analyses réalisées pour l'année selon ces grands bassins versants (les quantités sont ramenées à l'unité de surface ou au nombre de stations et on ne pourrait les comparer sérieusement qu'en prenant en compte les disparités des conditions géographiques ou des substances recherchées) :




Bien entendu, il ne suffit pas de faire beaucoup d'analyses pour que la recherche soit pertinente : il vaut mieux une analyse avec une limite de quantification suffisamment basse que 100 avec des LQ trop élevées pour quantifier quoi que ce soit !
Le graphique ci-dessous présente la disparité de l'effort de recherche en 2007 du point de vue de la bassesse des LQ des analyses réalisées selon ces grands bassins versants, toutes substances confondues (les LQ des analyses quantifiées ne sont malheureusement pas disponibles) :



Le graphique ci-dessous présente la disparité de l'effort de recherche du point de vue de la bassesse des LQ des analyses réalisées pour l'année pour les 30 substances les plus quantifiées (les LQ des analyses quantifiées ne sont malheureusement pas disponibles) :


Il faut savoir que pour les pesticides, dans le Système d'évaluation de la qualité des eaux souterraines publié en 2003, le premier seuil de contamination est de 0,01 µg/L par substance (0,001 µg/L même pour certaines substances) : "L'état patrimonial du SEQ Eaux souterraines fournit une échelle d'appréciation de l'atteinte des nappes par la pollution et permet de donner une indication sur le niveau de pression anthropique s'exerçant sur elles sans faire référence à un usage quelconque". Les LQ ne devraient donc pas excéder 0,01 µg/L, même pour les eaux superficielles pour le même motif "donner une indication sur le niveau de pression anthropique s'exerçant sur elles sans faire référence à un usage quelconque", et parce qu’on sait le faire sur le plan analytique. Cette valeur ne représente en outre que le dixième de la norme eau potable par pesticide et il est nécessaire que les LQ ne la dépassent pas si on prétend évaluer correctement l'évolution ainsi que la somme des concentrations des pesticides.
On constate que pour pratiquement chacune de ces 30 substances choisies en exemple, une partie des analyses est effectuée avec des LQ qui ne dépassent pas la valeur de 0,01 µg/L. Pourquoi donc toutes les autres analyses ne le seraient-elles pas aussi ? Pourquoi autorise-t-on l'épandage de molécules dans la nature sans savoir si on pourra ou non les mesurer dans l'eau, elles et tous leurs produits de dégradation, avec des LQ ne dépassant pas 0,01 µg/L ?

Les trois graphiques précédents proposent une approche très globale sur la quantité et la qualité des données. Les deux cartes suivantes proposent une approche plus détaillée, sur les exemples de l'AMPA et du diuron.
La carte ci-dessous aborde, sur l'exemple de la recherche de l'AMPA, l'ampleur des problèmes concernant la représentativité hydro-spatiale des données brutes. Elle montre la localisation des stations concernées ainsi que le nombre des analyses disponibles pour chacune :


La fréquence des analyses d'AMPA dans l'eau au cours de l'année 2007 atteint la valeur maximale de 25 (environ 2 par mois).
On remarque que la recherche d'une molécule comme l'AMPA, pourtant pas si récente ni si anodine, omet une grande partie du territoire et qu'elle est très irrégulière sur le reste.

Et même quand les stations mesurées sont nombreuses, ce qui est le cas pour le diuron en 2007, en plus de l'irrégularité et de l'insuffisance chronique des fréquences de mesures, se pose le gros problème de l'irrégularité et de l'insuffisance des limites analytiques :


Les LQ maximum observées par station en 2007 pour le diuron vont de 0,01 à 0,1 µg/L.

La qualité de la recherche est abordée de façon plus détaillée et avec d'autres exemples dans plusieurs autres articles et cartes de la rubrique Micropolluants chimiques.

Des statistiques sur les substances quantifiées en 2007

Ci-dessous, quelques chiffres pour caractériser les concentrations rencontrées des pesticides qui ont été quantifiés au moins 5 fois en 2007. Cela représente 148 des 237 pesticides qui ont pu être quantifiés.

Ces statistiques sont données uniquement à titre indicatif car elles n'ont pas beaucoup de sens à ce niveau si global où rien n'est vraiment représentatif de rien (représentativité hydro-spatiale de l'échantillon des stations, irrégularité et insuffisance chronique des fréquences de mesures, des limites analytiques, etc.). Elles doivent encore être réalisées, et de façon représentative à tous points de vue, sur chacun des groupes de stations agricoles et/ou urbaines et industrielles identifiés dans les zonages Eau-Evolution pour prendre tout leur sens et permettre de déceler des évolutions éventuelles.

Les substances sont présentées par ordre alphabétique pour les retrouver plus facilement. Au lecteur le choix de les classer comme il le souhaite : parmi les plus quantifiées, avec les concentrations quantifiées les plus élevées, ou enfin avec des valeurs toxiques quantifiées les plus élevées.

Les concentrations sont exprimées en µg/L.

Pour chaque substance, on a calculé les minimum, médiane, moyenne et maximum des concentrations quantifiées. On a aussi calculé le nombre de mesures quantifiées, en précisant combien parmi ces mesures sont élevées en concentration ou en valeurs toxiques. Ces proportions sont exprimées en % du nombre total de mesures quantifiées :

___________Nom____________Min q__Méd q__Moy q__Max q__Nb q__dont>=0,1 µg/L_dont>=0,5 µg/L_dont>=0,3 dos. tox_dont>=1 dos. tox
1-(3,4-dichlorophényl)-3-méthylurée0,020,020,0280,09390%0%0%0%
2,4-D0,00010,00710,032,027895,3%0,6%0%0%
2,4-MCPA0,010,030,0812,131120,6%2,3%60,8%20,6%
2,6-Dichlorobenzamide0,020,050,0640,132025%0%0%0%
2-hydroxy atrazine0,020,050,0690,927619,2%0,4%0%0%
Acétochlore0,010,060,1813,3274632,7%6,8%29,4%8,3%
Aclonifène0,020,110,211,374957,1%12,2%10,2%0%
Alachlore0,010,040,122,241123,1%4,9%26,3%7,3%
Aldicarbe0,050,110,160,441163,6%0%0%0%
Aldrine0,0010,0030,00690,0380%0%50%25%
Aminotriazole0,020,1250,313,5115268,4%17,8%0%0%
AMPA0,040,30,5616,599399,1%30,1%0%0%
Anthraquinone0,020,0550,0720,4910617%0%0%0%
Atrazine0,0050,030,0442,6122836,8%0,4%2,5%0,3%
Atrazine déisopropyl0,020,10,0840,169669,8%0%0%0%
Atrazine déséthyl0,010,050,0570,36174312,6%0%0%0%
Azinphos méthyl0,010,010,0170,05110%0%0%0%
Azoxystrobine0,010,060,0970,5310038%1%1%0%
Benalaxyl0,020,070,314,61931,6%5,3%5,3%5,3%
Bentazone0,010,030,0732,856216,4%1,6%0%0%
Biphényle0,020,1250,434,673271,9%12,5%12,5%6,3%
Bromacil0,020,060,0990,291637,5%0%0%0%
Bromoxynil0,020,0450,060,24205%0%0%0%
Carbaryl0,010,040,0530,171323,1%0%0%0%
Carbendazime0,0050,010,0520,8831313,4%2,2%21,4%8,3%
Carbétamide0,020,050,0640,214216,7%0%0%0%
Carbofuran0,0050,060,171,815839,2%9,5%0%0%
Carbosulfan0,110,290,391,29100%22,2%0%0%
Chlorfenvinphos0,010,030,0570,271618,8%0%68,8%18,8%
Chloridazone0,090,131,14,7580%20%20%20%
Chlorothalonil0,0020,0040,0580,481216,7%0%16,7%8,3%
Chloroxuron0,030,0350,0560,13812,5%0%0%0%
Chlorprophame0,020,070,140,846538,5%3,1%0%0%
Chlorpyriphos-éthyl0,010,040,0960,883818,4%5,3%100%65,8%
Chlorpyriphos-méthyl0,020,030,0340,0570%0%0%0%
Chlorsulfuron0,010,130,160,46650%0%0%0%
Chlortoluron0,010,070,28,51100139,9%9,5%6,1%0,5%
Chlorure de choline0,50,661,12,78100%100%0%0%
Clomazone0,010,040,0930,31233,3%0%0%0%
Clopyralide0,020,040,0750,2633,3%0%0%0%
Cyproconazole0,020,0850,21,881838,9%5,6%5,6%0%
Cyprodinil0,010,050,0620,29258%0%0%0%
DDD 24'0,0010,0060,0470,26616,7%0%66,7%33,3%
DDD 44'0,0010,0030,00650,03190%0%52,6%26,3%
DDE 24'0,0010,0020,00310,0180%0%37,5%12,5%
DDT 24'0,0010,0020,0060,04250%0%48%16%
DDT 44'0,0010,0020,00570,07430%0%34,9%9,3%
Deltaméthrine0,00020,000250,00090,004160%0%16,7%0%
Desméthylisoproturon0,020,030,0340,11175,9%0%0%0%
Desméthylnorflurazon0,050,080,271,42948,3%27,6%0%0%
Diazinon0,020,040,110,731118,2%9,1%0%0%
Dicamba0,010,070,141,75836,2%3,4%0%0%
Dichlobenil0,050,070,110,321428,6%0%0%0%
Dichlorprop0,020,030,0650,969015,6%1,1%1,1%0%
Dichlorprop-P0,050,0850,080,11825%0%0%0%
Dieldrine0,0010,0020,00620,03100%0%40%30%
Diflufenicanil0,010,030,0380,254075,4%0%100%60,4%
Dimétachlore0,020,060,110,722339,1%4,3%0%0%
Dimethenamide0,0050,050,131,530631%6,2%0%0%
Diméthoate0,020,0950,342,51050%10%0%0%
Diméthomorphe0,020,10,245,55352,8%5,7%0%0%
Dinitrocrésol0,050,070,0760,111225%0%0%0%
Diphenyltin0,0050,0070,0090,02140%0%0%0%
Diuron0,010,040,1434,2438726,3%4,1%41%12,9%
Endosulfan0,010,0952,18,2650%33,3%100%100%
Endosulfan alpha0,0010,0060,0210,13911,1%0%88,9%55,6%
Endosulfan bêta0,0010,0030,0120,07150%0%93,3%33,3%
Endrine0,0010,0020,00480,05480%0%39,6%10,4%
Epichlorohydrine111162100%100%100%0%
Epoxiconazole0,010,030,0450,28894,5%0%0%0%
Ethofumésate0,020,190,55,29172,5%23,1%0%0%
Fénitrothion0,020,020,140,57520%20%100%100%
Fenpropidine0,0070,0090,010,0260%0%0%0%
Fénuron0,030,070,140,872927,6%10,3%0%0%
Fipronil0,010,030,0360,0650%0%100%100%
Fludioxonil0,040,080,0980,31030%0%0%0%
Fluquinconazole0,010,030,0440,1520%0%0%0%
Fluroxypyr0,010,0350,0760,552020%5%0%0%
Flusilazole0,020,040,0941,173215,6%3,1%6,3%3,1%
Glufosinate0,020,120,220,981457,1%14,3%0%0%
Glyphosate0,020,20,442846797,4%17,6%0,2%0%
Heptachlore0,000030,000110,00140,01290%0%0%0%
Heptachlore époxyde endo trans0,0010,0010,00240,0170%0%0%0%
Hexachlorocyclohexane alpha0,0010,0020,00810,06680%0%27,9%19,1%
Hexachlorocyclohexane bêta0,0010,0020,0070,04790%0%31,6%15,2%
Hexachlorocyclohexane delta0,0010,0020,00510,03690%0%33,3%5,8%
Hexachlorocyclohexane gamma0,0010,0050,0120,553961,3%0,3%48%15,9%
Hexaconazole0,020,0650,313,381637,5%6,3%0%0%
Hexazinone0,020,070,110,412142,9%0%0%0%
Hydroxyterbuthylazine0,010,10,110,322176,2%0%0%0%
Imazaméthabenz0,020,070,0640,1520%0%0%0%
Imazaméthabenz-méthyl0,0060,030,0822,29512,6%3,2%0%0%
Imidaclopride0,020,060,2166328,6%6,3%1,6%1,6%
Ioxynil0,010,020,0340,0890%0%0%0%
Iprodione0,010,050,132,719832,7%3,1%1%0%
Isoproturon0,010,070,2120195538,9%8%42,3%14,4%
Isoxaben0,020,060,0920,261330,8%0%0%0%
Isoxaflutole0,050,280,9162596%32%96%48%
Kresoxim-méthyl0,00670,0150,0270,0860%0%0%0%
Linuron0,010,040,0621,9539916,5%0,5%1,3%0,3%
Mécoprop0,010,030,0812,239716,4%2%0%0%
Mésotrione0,020,0450,0540,161811,1%0%0%0%
Métalaxyl0,020,040,112,18514,1%3,5%0%0%
Métaldéhyde0,020,110,171,214357,3%6,3%0%0%
Métamitrone0,020,090,221,653046,7%10%0%0%
Métazachlore0,010,040,0661,445615,1%1,1%8,8%1,3%
Méthabenzthiazuron0,010,060,110,915521,8%5,5%0%0%
Méthomyl0,020,0950,371,41050%30%0%0%
Méthoxychlore0,010,010,0230,0570%0%0%0%
Métobromuron0,020,080,150,551136,4%9,1%0%0%
Métolachlore0,010,050,74653161530%8,5%0%0%
Naphtalène0,010,020,0331,9112915%0,4%0,1%0%
Napropamide0,020,060,171,12128,6%4,8%0%0%
Nicosulfuron0,020,060,10,759733%1%50,5%16,5%
Norflurazone0,020,070,0790,262725,9%0%0%0%
Ofurace0,020,040,110,52714,3%14,3%0%0%
Oryzalin0,020,040,0470,19147,1%0%0%0%
Oxadiazon0,010,030,0842,828217,7%1,8%6%0,7%
Oxadixyl0,010,050,070,4511021,8%0%0%0%
Parathion éthyl0,000030,000040,00110,02200%0%0%0%
Pendiméthaline0,010,040,0630,847017,1%1,4%7,1%1,4%
Pentachlorophénol0,010,020,4321,83663,8%2,7%3,6%2,7%
Perméthrine0,020,060,080,24922,2%0%0%0%
Phoxime0,00050,080,0890,497735,1%0%100%100%
Piperonyl butoxyde0,040,070,0960,346031,7%0%0%0%
Prochloraz0,020,060,060,111315,4%0%0%0%
Procymidone0,010,030,0812,319917,6%2%0%0%
Propiconazole0,020,030,673,1540%20%20%0%
Propoxur0,020,020,0260,05110%0%0%0%
Propyzamide0,010,040,0945,4522516%1,3%0,9%0%
Prosulfocarbe0,020,030,0620,241118,2%0%0%0%
Pyridate0,020,030,0280,06170%0%0%0%
Pyriméthanil0,010,040,142,75918,6%6,8%0%0%
Quinmerac0,020,1650,371,2650%33,3%0%0%
Simazine0,0060,020,0512,393537,9%0,8%1,7%0,3%
Simazine-hydroxy0,10,150,281,816100%6,3%0%0%
Spiroxamine0,050,1750,190,391492,9%0%0%0%
Sulcotrione0,020,070,10,584334,9%2,3%0%0%
Tébuconazole0,010,060,111,922429,5%3,6%7,1%0,9%
Tébutame0,0060,030,0610,86613,6%1,5%0%0%
Terbuméton0,020,020,0320,07170%0%0%0%
Terbuthylazine0,0060,030,0752,717713%1,7%1,1%0%
Terbuthylazine désethyl0,010,030,0380,31154,3%0%0%0%
Terbutryne0,020,060,172,757538,7%8%0%0%
Tetraconazole0,020,090,110,231241,7%0%0%0%
Tributylétain0,00010,0080,0180,391342,2%0%100%98,5%
Triclopyr0,010,040,0781,9923210,8%2,6%1,3%0%
Trifluraline0,0060,020,0932,514712,8%2,1%89,4%42,6%

Ainsi par exemple, 396 analyses de lindane (Hexachlorocyclohexane gamma) ont été quantifiées dans l'eau des rivières mesurées en métropole durant l'année 2007. Les concentrations quantifiées allaient de 0,001 µg/L à 0,55 µg/L (la LTC du lindane est de 0,02 µg/L et sa LTA est de 0,04 µg/L). 16% de ces 396 analyses quantifiées dénotaient une toxicité potentielle d'au moins 1 dose toxique (LTC).

Les graphiques ci-dessous présentent quelques points de vue sur les substances que l'on rencontre le plus souvent dans les eaux des rivières, selon bien entendu le jeu de données et la qualité de la recherche médiocres et peu représentatives disponibles :








Un exemple du manque de représentativité des données brutes disponibles et des difficultés qui s'en suivent pour interpréter les résultats synthétiques : le diuron est recherché sur 1652 stations contre 393 stations pour le glyphosate ou l'AMPA, sans compter le manque de représentativité de leur position géographique ni l'irrégularité des protocoles de mesure (fréquences, saisons, LQ, etc.).
Ces points de vue montrent que les herbicides de la famille des urées substituées (diuron, isoproturon, chlortoluron, etc.) sont les grands gagnants, talonnés de près par la famille des chloroacétamides (métolachlore, acétochlore, etc.), l'atrazine et le couple glyphosate/AMPA. Parmi les insecticides, ce sont les naphtalène, lindane et carbofuran qui l'emportent. Pour les fongicides ce sont les pentachlorophénol, tébuconazole et tributylétain (algicide). Pour les autres usages, on remarque le métaldéhyde (anti-limaces) et l'anthraquinone (corvicide).

Quelques commentaires

Ces cartes décrivent une contamination cumulée par principe sous-évaluée (LQ, fréquences, périodes, nature et nombres de substances recherchées, etc.). Et c'est d'autant plus le cas pour l'évaluation de la toxicité cumulée puisque seules la moitié (plus exactement 123 parmi les 237) des substances quantifiées en 2007 possèdent une donnée de toxicité (NQE, NQEp ou PNEC Agritox).

Il est regrettable que les données ne soient pas homogènes et de qualité suffisante (fréquence et période des mesures, LQ, représentativité géographique, etc.) pour dresser des cartes pertinentes au niveau national. Néanmoins, l'image donnée par les trois points de vue, concentration totale, nombre de substances et toxicité totale, même si elle reste sous-évaluée, semble assez cohérente avec la répartition géographique et la nature des activités agricoles. Le point de vue de la toxicité serait certainement plus cohérent si les données de toxicité étaient plus complètes.

Les pesticides contaminent aussi les exutoires marins des cours d'eau, les sols agricoles et les nappes souterraines présentes sous les sols agricoles. Cette contamination peut être durable pour les substances persistantes, mais même les substances non persistantes ont un impact sur les milieux qu'elles contaminent : par elles-mêmes jusqu'à leur dégradation et ensuite par leur produits de dégradation qui sont parfois plus toxiques et plus durables que les molécules mères.

La contamination de référence pour ces pesticides de synthèse est "zéro contamination". Seuls les zones montagneuses sont restées relativement préservées des pesticides, mais pas complètement. Ces zones sont aussi le lieu d'activités ponctuellement polluantes, et surtout, les pesticides peuvent aussi être apportés par les retombées atmosphériques en provenance des régions voisines et du monde entier.

Encore en 2007, malgré les "bonnes pratiques" agricoles et des stratégies d'épandages qui s'orientent plutôt vers l'utilisation de cocktails de substances moins dosées, ce qui n'est pas forcément mieux du point de vue de la toxicité réelle ni de notre capacité à les quantifier, on découvre des concentrations et/ou des nombres de substances cumulées extrêmement élevés dans l'eau.

Les cartes ci-dessus montrent que les pesticides contribuent forcément à la perte de biodiversité dans les milieux aquatiques mais aussi dans les milieux terrestres anthropisés car toutes les espèces, aquatiques comme terrestres, ont besoin d'eau pour vivre.


Création : 14 décembre 2009
Dernière actualisation :

Commentaires (fermés depuis mars 2014)

benja, le 2011-07-26 11:18:20

Voilà un outil d'analyse remarquable. Il serait souhaitable qu'il soit actualisé.

Anne-Sophie, le 2011-07-26 12:59:25

remarquable ! Est-ce que ce travail est publié dans une revue scientifique?

Webmaster, le 2011-07-27 23:30:01

Rép à benja : Pour le moment, ce n'est qu'une vitrine destinée à faire pression pour que la qualité de l'information officielle s'améliore rapidement. Après, cela dépendra de la mobilisation des uns et des autres...

Webmaster, le 2011-07-27 23:41:28

Rép à Anne-Sophie : non, ce sont des calculs assez basiques et ils montrent surtout que les données brutes devront s'améliorer considérablement avant que l'on puisse les exploiter d'une façon vraiment scientifique. C'est aussi pour cela qu'il faut que ces données brutes soient traitées par de véritables experts de l'eau et de l'analyse des données environnementales ; et que ces experts aient toute liberté et tout pouvoir pour imposer les protocoles de mesure nécessaires à produire des évaluations de qualité.

Ph Namour, le 2011-08-02 07:03:53

Ajoutons que ces mesures sont ponctuelles (mensuelles ou bimensuelles au mieux) et des pics de pollution peuvent passer aisément entre les mailles du protocole d'observation.

Actuellement nous sommes dans la situation d'évaluer une symphonie en écoutant un accord tout les cinq minutes

Il faudrait au moins le suivi en continu d'un ou plusieurs proxies permettant d'asservir un préleveur automatique, dans l'attente d'une instrumentation type capteur capable d'un suivi in situ et en continu de la qualité de l'eau.

mais encore faut-il avoir la volonté politique de développer une instrumentation environnementale adaptée, ce que je ne constate pas vraiment malgré les recommandations de Bercy et le frémissement cette année du côté de l'ANR

Webmaster, le 2011-08-02 16:05:04

Rép à Ph Namour : "nous sommes dans la situation d'évaluer une symphonie en écoutant un accord tout les cinq minutes". OUI !!! C'est tout à fait cela que montrent les données brutes !
Mais si l'on se donnait les moyens d'écouter la cacophonie réelle que font toutes les substances chimiques présentes dans les eaux, les sédiments ou les biotes, il faudrait au moins dix fois ces mêmes moyens pour la réduire. Donc ce n'est pas pour demain...
Sauf que les organismes aquatiques écoutent, souffrent et meurent parfois de cette cacophonie...

Willy, le 2011-11-07 11:20:05

Bonjour, Œuvrant depuis plusieurs décennies en tant que chercheur indépendant sur l'épuration des eaux usées (toutes natures), c'est la première fois que je prends connaissance d'un document aussi complet, aussi fouillé. Merci pour les générations futures....
Conscient que le travail le plus intelligent est la limitation des polluants à la source, j'ajoute, conjointement à mon travail du traitement des eaux usées, information et donc sensibilisation des usagers dans les communes. Ainsi comment pourrais-je avoir des échanges constructifs avec des contacts locaux (pas trop éloignés j'entends) dans le cadre de "Eau-Evolution" ?
Voici mes coordonnées :
Willy Vogt, AA CC EE Sarl,
231, rue des Jardins, 69830 St Georges de Reneins
willy.vogt@wanadoo.fr ; Tel 04 74 67 66 41

Webmaster, le 2011-11-07 14:21:04

Rép à Willy : Il n'y a pas encore, à ma connaissance, de groupes locaux "Eau-Evolution", c'est-à-dire de bénévoles qui s'appliqueraient à produire une information technique indépendante locale sur l'état des eaux (et de l'environnement en général, air, sol, biodiversité, etc.) ou sur la pression sur les eaux (rejets des step collectives et industrielles, aménagements, etc.) en téléchargeant les données brutes publiques et en les traitant eux-mêmes. Peut être pouvez-vous développer ce projet information et sensibilisation avec les associations de protection de l'environnement locales déjà en place dont certaines réfléchissent sans doute déjà à une meilleure gestion de l'eau ?

Julie, le 2011-11-29 17:54:02

Bonjour, J'aimerai connaitre la source de ces données. Vous avez écris agence de l'eau mais je n'arrive pas à retrouver les chiffres sur internet. Merci

Webmaster, le 2011-11-29 20:51:49

Rép à Julie : vous trouverez des exemples d’accès aux données brutes dans la rubrique COIN CALCUL "trouver les données" de ce site. Certains liens peuvent avoir changé, mais vous retrouverez facilement sur internet les liens vers les systèmes d'information sur l'eau des agences de l'eau qui sont aussi disponibles sur Eaufrance au lien http://www.eaufrance.fr/spip.php?rubrique219.

Webmaster, le 2013-07-01 07:59:43

Une synthèse intéressante sur les pesticides : "Pesticides : Effets sur la santé : une expertise collective de l’Inserm" (http://www.inserm.fr/content/download/72647/562921/file/Synth%C3%A8se+pesticides+10+juin+13.pdf) et "Le dossier de presse de l'Inserm" (http://www.inserm.fr/espace-journalistes/pesticides-effets-sur-la-sante-une-expertise-collective-de-l-inserm). Extraits :

EXTRAITS DU DOSSIER DE PRESSE
"Depuis les années 1980, les enquêtes épidémiologiques ont évoqué l’implication des pesticides dans plusieurs pathologies chez des personnes exposées professionnellement à ces substances, en particulier des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction. Ces enquêtes ont également attiré l’attention sur les effets éventuels d’une exposition même à faible intensité lors de périodes sensibles du développement (in utero et pendant l’enfance)."

"Du latin, Pestis (fléau) et Caedere (tuer), le terme pesticide regroupe de nombreuses substances très variées agissant sur des organismes vivants (insectes, vertébrés, vers, plantes, champignons, bactéries) pour les détruire, les contrôler ou les repousser.
Il existe une très grande hétérogénéité de pesticides (environ 1 000 substances actives ont déjà été mises sur le marché, entre hier et aujourd’hui, actuellement 309 substances phytopharmaceutiques sont autorisées en France). Ils divergent selon leurs cibles, leurs modes d’actions, leur classe chimique ou encore leur persistance dans l’environnement.
•Cibles : on distingue les herbicides, les fongicides, les insecticides…
•Il existe près de 100 familles chimiques de pesticides : organophosphorés, organochlorés, carbamates, pyréthrinoïdes, triazines…
•Il existe près de 10 000 formulations commerciales composées de la matière active et d’adjuvants et qui se présentent sous différentes formes (liquides, solides : granulés, poudres,..).
•La rémanence des pesticides dans l’environnement peut varier de quelques heures ou jours à plusieurs années. Ils sont transformés ou dégradés en nombreux métabolites. Certains, comme les organochlorés persistent pendant des années dans l’environnement et se retrouvent dans la chaine alimentaire.
Dans l’expertise, le terme pesticide représente l’ensemble des substances actives, indépendamment des définitions réglementaires."

"La littérature ne permet pas actuellement d’identifier avec précision les mécanismes cellulaires et moléculaires mis en jeu dans les pathologies potentiellement associées à une exposition à certains pesticides. Toutefois, certains modes d’action des substances soutiennent les données épidémiologiques. Le stress oxydant semble par exemple jouer un rôle majeur, comme dans la maladie de Parkinson. Des dommages à l’ADN ou des perturbations de certaines voies de signalisation pouvant conduire à une dérégulation de la prolifération ou de la mort cellulaire, ou des altérations du système immunitaire sont autant de mécanismes susceptibles de sous tendre les effets des pesticides sur la santé."

"Les populations sont exposées de façon permanente et à faible dose aux pesticides et à de nombreuses autres substances contaminant l’environnement. Ces mélanges de pesticides et autres substances pourraient donner lieu à des impacts sanitaires difficilement prévisibles actuellement, ce qui fait de la question des mélanges et des faibles doses un des enjeux importants de la recherche et de l’évaluation des dangers.
Les experts rappellent que "ne pas être en mesure de conclure ne veut pas dire obligatoirement qu’il n’y a pas de risque".
Si certaines substances sont mises en cause, c’est qu’elles ont été plus souvent étudiées que d’autres (en particulier dans le contexte des Etats-Unis) ; de nombreuses substances actives n’ont pas fait l’objet d’études épidémiologiques."

"Les recommandations soulignent la nécessité d’une meilleure connaissance des données d’exposition anciennes et actuelles de la population professionnelle exposée aux pesticides directement ou indirectement.
Les recommandations attirent également l’attention sur des périodes critiques d’exposition (périodes de développement) aussi bien en milieu professionnel qu’en population générale.
Des recherches pluri- et trans-disciplinaire doivent être soutenues pour permettre une caractérisation plus rapide des dangers potentiels des substances actives de pesticides."


EXTRAITS DE LA SYNTHESE
"Au niveau réglementaire, les produits habituellement regroupés sous le terme « pesticides » sont définis selon quatre réglementations européennes distinctes : les produits phytopharmaceutiques, les biocides, les médicaments et produits à usage humain, et ceux à usage vétérinaire. Ces réglementations ont été mises en place afin de se doter d’un cadre juridique harmonisé au sein de l’Union européenne. Une même substance peut être soumise à plusieurs réglementations existantes. Les pesticides tels qu’ils sont considérés dans la présente expertise collective et par la communauté scientifique internationale, s’affranchissent des définitions réglementaires (variables au cours du temps au sein d’un même pays ou selon les pays) ainsi que de leur origine, naturelle ou issue de la transformation de produits ou de la chimie de synthèse."

"En considérant les utilisations passées et actuelles, ils sont représentés par plus d’un millier de substances actives ayant des caractéristiques physico-chimiques très diverses."

"Les produits commerciaux contenant des pesticides sont présentés à l’utilisateur sous différentes formes : liquides, poudres, granulés, gels de contact, fumigènes... et selon différents conditionnements : bidons, sacs, sprays, pièges, plaquettes pour diffuseur… Outre la ou les substances actives ayant une action pesticide, les produits commerciaux contiennent des adjuvants (solvants, tensioactifs, conservateurs), et parfois des impuretés de fabrication. Les métabolites de la substance active, les adjuvants et les impuretés peuvent posséder leur propre toxicité ou interférer avec la substance active. Des informations légales les concernant sont disponibles dans les fiches de données de sécurité, en fonction du degré de toxicité et de la quantité présente dans le produit final. La composition exacte du produit final peut donc ne pas être mentionnée dans son intégralité."

"En tonnages vendus, les herbicides arrivent en deuxième position devant les insecticides. L’évolution la plus marquée concerne les insecticides, la vente de ces derniers ayant diminué de près de 70 % entre les années 1990 et 2000 : 11 000 tonnes ont été vendues en 1990, et moins de 3 000 tonnes par an aujourd’hui. Cette baisse importante s’explique en partie par la mise sur le marché de substances actives utilisées à des quantités plus faibles, de l’ordre de quelques grammes à l’hectare."

"En France, quatre cultures (céréales à paille, maïs, colza et vigne) utilisent près de 80 % des quantités de pesticides pour moins de 40 % de la surface agricole utile. Dans les cultures pérennes, l’utilisation des pesticides est importante alors que la surface totale consacrée à ce type de culture est relativement faible. Ainsi, la vigne, qui représente moins de 3 % de la surface agricole utile, consomme environ 20 % des pesticides. À l’inverse, les grandes cultures ont une pression d’usage des pesticides plus faible alors qu’elles occupent des surfaces beaucoup plus importantes."

"Pour la période 2001-2003, la densité moyenne d’usage de pesticides en France a été de 2,9 kg de substance active à l’hectare de SAU. Cette densité se situe dans la moyenne européenne, elle est supérieure à celle des États-Unis et inférieure à celle du Japon (respectivement 0,8 et 13,7)."

"En France, les données sur les usages actuels ou passés de pesticides en milieu agricole sont parcellaires. Il n’existe pas de bases de données rétrospectives et exhaustives de ces usages, qui puissent être mises à la disposition de la recherche ou du public. Cette absence de données est l’une des difficultés rencontrées dans l’évaluation des expositions qui est pourtant indispensable aux études épidémiologiques."

"En France, il n’existe pas de recueil centralisé ni d’archivage des données d’utilisation des pesticides, et en particulier des matières actives. Actuellement, ne sont disponibles publiquement que des données de vente annuelle agrégées pour l’ensemble des cultures produites par les industriels et communiquées par l’UIPP (Union des industries de la protection des plantes). Avec la mise en place au niveau communautaire d’un système de collecte d’informations sur la distribution et l’utilisation de pesticides, ces données sont accessibles, avec celles des autres pays européens, sur le site de l’office statistique de l’Union européenne (Eurostat). Elles concernent essentiellement les grandes classes d’usages de pesticides (herbicides, fongicides, insecticides), par grand type de culture, mais donnent peu d’information par famille chimique ou par matière active. L’information n’est par ailleurs pas disponible à une échelle géographique fine. Des améliorations du système de recueil des données sont annoncées avec notamment le recueil d’informations sur la quantité de substances actives utilisées et sur la zone traitée, sur une base périodique de 5 années."

"Pour mieux documenter les expositions professionnelles et environnementales, le groupe d’experts insiste sur la nécessité de disposer d’un système de recueil des données d’usage des pesticides. En mettant à profit les dispositifs préconisés par la loi européenne (n°1185/2009), il propose d’étudier la faisabilité de croiser les données de géolocalisation par parcelle (projets en cours) avec les données d’usages de pesticides."

"Actuellement, les informations sur la composition intégrale des produits commerciaux, notamment sur les adjuvants, restent confidentielles car protégées par le secret industriel. Ces adjuvants pourraient participer à la toxicité des substances actives (car constituant une première forme de mélange). Les compositions peuvent cependant être communiquées, à sa demande, au médecin du travail en charge du suivi professionnel ainsi qu’au médecin de centre antipoison. En recherche, ces données se révèlent très importantes lors de la mise au point de protocoles expérimentaux en toxicologie ou encore dans la discussion des effets observés dans le cadre des études épidémiologiques et toxicologiques."

"L’estimation des risques sanitaires des pesticides reste fondée le plus souvent sur le profil toxicologique des produits administrés seuls. Or, que ce soient via les activités professionnelles ou via l’alimentation et l’environnement, les populations sont exposées de façon chronique à ces molécules et sous forme de mélanges, pouvant donner lieu, suivant leurs concentrations, leurs voies de pénétration et de biotransformation, leurs cibles cellulaires et moléculaires respectives, à des interactions toxicologiques et à des impacts sanitaires non prévisibles. L’effet des mélanges suscite un intérêt croissant et de nombreuses études sont réalisées pour améliorer les connaissances en ce domaine. D’une façon générale, il apparaît que l’effet des mélanges peut être différent qualitativement et quantitativement de celui observé après exposition aux substances prises individuellement."

"L’identification des mécanismes d’actions et de biomarqueurs d’effets in vitro ne suffit pas à prédire la survenue de pathologies liées aux pesticides. Il est nécessaire de les confronter aux propriétés de réactivité chimique, de métabolisme, aux données toxicologiques animales, épidémiologiques… Le développement d’outils de traitement de données et de modélisation mathématique est primordial pour le succès d’une approche où les modèles d’exposition, de relations dose-réponse, toxicocinétiques et de biologie systémique intégrant la variabilité de réponse aux toxiques tiennent une place prépondérante. Seule une telle approche intégrative de la réponse physiologique, peut in fine conduire à l’objectif d’une toxicologie prédictive, c’est-à-dire capable d’anticiper les propriétés toxicologiques des pesticides à partir d’expériences in vitro et in silico, ainsi que des données in vivo et épidémiologiques disponibles, permettant de s’affranchir du recours systématique à l’animal."

Webmaster, le 2013-07-01 08:17:40

A propos de la synthèse de l'Inserm sur les pesticides : "Pesticides: «N’avons nous pas atteint un point de non-retour?»" (http://www.journaldelenvironnement.net/article/pesticides-n-avons-nous-pas-atteint-un-point-de-non-retour,35114). Extraits :
"L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a rendu ce 13 juin une méta-analyse de la littérature scientifique internationale sur les effets des pesticides sur la santé, tant dans la population agricole que générale. A cette occasion, Gérard Bapt, député socialiste de la Haute-Garonne, membre de la commission des affaires sociales, président de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le Mediator et la pharmacovigilance et ancien président du groupe d'étude Santé environnementale de l’Assemblée nationale a répondu aux questions du Journal de l'environnement.

JDLE - Que pensez-vous de ce travail?

Gérard Bapt - L’intérêt de cette méta-analyse (dont une synthèse est disponible ici) est de donner corps et substance aux connaissances, mais aussi aux insuffisances de connaissances. Cette analyse exhaustive des expositions fait la démonstration que l’essentiel de la population générale est exposée. C’est aussi ce que montre la cohorte bretonne Pelagie(1), qui a mis en évidence la présence de 44 molécules(2) de pesticides jusqu'à 84% des échantillons prélevés. Et dans 5% des cas, des pesticides interdits depuis plusieurs années, comme l’atrazine (molécule mère et métabolites) interdite depuis 2002, ont été trouvés.

JDLE - Comment qualifieriez-vous cette contamination?

Gérard Bapt - Il était déjà très difficile d’observer les effets sanitaires des pesticides. D’abord parce que plusieurs produits peuvent agir en «cocktail»; ensuite parce que les effets sont retardés dans le temps. En outre, dans la plupart des cas, la traçabilité des substances n’a pas été assurée et l’histoire de l’exposition des individus -y compris via les registres des suivis professionnels- est peu ou mal assurée. Aujourd’hui vient se rajouter une difficulté supplémentaire de taille pour repérer les dégâts sanitaires: si la population générale est exposée, comment mener les études comparatives entre cohortes exposées et cohortes non exposées? Désormais, seule la biosurveillance des populations professionnellement exposées peut permettre de suivre les évolutions, en incluant la sphère familiale, les personnes qui vivent près des zones exposées aux épandages et les travailleurs saisonniers.
Au plan historique, on se demande si on n’a pas atteint un point de non-retour, car il y a des pesticides dont la suppression immédiate n’empêcherait pas les effets de faible dose et sur le long terme. Ces pesticides très persistants, comme les organochlorés, sont accumulés dans les graisses d’animaux que nous consommons: nous continuons à y être exposés des années après leur retrait du marché. Est-ce qu’il n’est pas trop tard pour empêcher ces effets que l’on distingue mieux maintenant?

JDLE - L‘Inserm recommande de réaliser quantité d’études, tant professionnelles que dans la sphère familiale ou à proximité des zones les plus exposées aux polluants, et de quantifier le «bruit de fond» chimique auquel est exposée la population générale. Mais n’a-t-on pas déjà assez d’indices «graves et concordants» de ces pollutions et de leurs effets délétères sur la santé?

Gérard Bapt - Non. Soit les études ne sont pas concordantes, soit elles sont difficilement étudiables par analogie, par manque de concertation ou d’insuffisances lors de leur conception. C’est donc une bonne chose de recommander de mener des études supplémentaires; mais attention! il s’agit d’être rigoureux, d’autant que ce sont des études coûteuses. L’un des objectifs qu’il faut poursuivre, c’est de comprendre les mécanismes d’action et les effets de ces produits en cas de «cocktail», puisque certaines substances sont plus actives en cas de synergie. Il faut également considérer les familles de produits, pas les produits seuls. Car il ne sert à rien de supprimer un produit si son cousin est fabriqué le mois suivant par les firmes!

JDLE – Alors nous nous reverrons lors de votre prochain mandat pour commenter les résultats des études que l’Inserm vient de préconiser et qui risquent de mettre en lumière, comme aujourd’hui, les effets délétères des pesticides?...

Gérard Bapt - L’un des arguments des opposants à une réglementation plus stricte des pesticides, c’est que l’espérance de vie continue à augmenter. Mais elle augmente pour les gens de ma génération. Vous, qui êtes dans votre trentaine, vous êtes déjà en danger! Et qu’est-ce qui va se passer pour les générations suivantes? L’espérance de vie en bonne santé s’est stabilisée, elle n’augmente plus et l’espérance de vie aux Etats-Unis a même commencé à fléchir. Je suis convaincu que c’est de la poursuite d’études comme celles de l’Inserm que dépendent des décisions politiques, qu’il faudrait très rapides et majeures. Car pour prendre des décisions politiques, il faut que les études soient documentées. En face, les puissances économiques et de lobbying sont énormes. Ce n’est donc pas l’application du principe de précaution fondé sur des doutes qui peut amener à des décisions. Pour trois néonicotinoïdes seulement, on a obtenu de haute lutte des mesures transitoires sur deux ans totalement insuffisantes, puisque limitées à certaines productions. La réalité politique, elle est là…
Mais il y a d’ores et déjà des mesures réglementaires et législatives qui peuvent être prises en France et tout de suite. Comme réformer la façon dont la Direction générale de l’alimentation (DGAL) valide des conditions de mise sur le marché de certains pesticides, qui ont été critiquées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses). L’échec du plan Ecophyto, qui est flagrant, doit être mis en face des dégâts sanitaires qui sont de mieux en mieux caractérisés. Il faut effondrer l’utilisation des pesticides et engager la production agricole sur d’autres bases, comme l’agriculture biologique ou la lutte intégrée pour lutter contre les ravageurs. Sur cette question des pesticides, il faut secouer le cocotier, c’est-à-dire faire diffuser dans le public les conclusions de l’Inserm, les faire reconnaître par les politiques, et faire monter la pression publique. C’est ce qu’on a fait avec le BPA dans les biberons.

JDLE - Cette «gourmandise» pour la recherche, les rapports, les populations spécifiques à étudier ou les études de terrain, est-elle en phase avec l’urgence que suggèrent les résultats des études déjà existantes?

Gérard Bapt - L’Inserm semble considérer que ce n’est pas son rôle de faire des propositions. Ses recommandations ne portent que sur l’amélioration de la surveillance et de la recherche, mais ce n’est pas du tout opérationnel en temps que décision politique. Cela veut donc dire que c’est maintenant aux agences de sécurité sanitaire de faire des propositions aux autorités politiques compétentes pour traduire les exigences qu’impliquent les constats scientifiques déjà établis. C’est l’Anses qui doit agir, d’autant plus que l’agence du médicament lui a transféré la compétence pour les biocides. Elle doit émettre des recommandations de réglementation ou de législation vers le gouvernement, pour améliorer les procédures de contrôle, et continuer à agir au plan européen pour que la notion de perturbateurs endocriniens apparaisse et que la notion de famille de substances soit prise en compte.

JDLE - Est-ce que vous croyez à un «usage contrôlé des pesticides» comme il y a eu un «usage contrôlé de l’amiante»?

Gérard Bapt - J’y ai pensé, compte tenu du décalage qui existe entre la constatation des faits et la décision politique, -laquelle est difficile à prendre compte tenu du lobbying, des études scientifiques contradictoires, biaisées ou commandées. On retrouve les mêmes éléments. Mais avec l’amiante, c’était beaucoup plus facile: il y avait une seule substance et un seul effet…

(1) Cette cohorte a pour objectif de mesurer, dans une région très agricole, le niveau d’imprégnation aux pesticides des femmes enceintes et d’étudier leur impact sur le fœtus et son développement.
(2) Les 10 molécules les plus fréquentes sont des métabolites d’insecticides organophosphorés."


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