Voir l'état des eaux et son évolution - rivières et aquifères

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L’Atrazine et le Déséthylatrazine (1) : les cours d’eau des régions agricoles


Résumé : Suivi et devenir de l’atrazine, pesticide largement utilisé de 1960 à 2003. Pour les cours d’eau, les contaminations proviennent d’eaux souterraines elles-mêmes encore pour longtemps contaminées, mais parfois aussi d’une utilisation suspectée de l’atrazine après 2003. Le couple glyphosate/AMPA prend le relais.


L’Atrazine est un herbicide largement utilisé en France depuis 1960. Son utilisation a été limitée en1997 puis totalement interdite en septembre 2003. Elle fait partie des pesticides les mieux et les plus longtemps mesurés dans les eaux.

Une fois épandue, l’atrazine (A) entame des processus de dégradation de type physico-chimique, par photolyse et hydrolyse, et/ou biologique par les microorganismes du sol et de l’eau. Ces processus produisent essentiellement du déséthylatrazine (DEA), mais aussi du Déisopropylatrazine (DIA), du Déséthyldéisopropylatrazine (DEDIA) et de l’Hydroxyatrazine (HA).
Les temps de dégradation sont très variables selon les supports (air, eau, sédiments, sol, etc.) et les conditions physico-chimiques (lumière, température, pH, etc.), comme le montre cette fiche Atrazine de l’Ineris : "Temps de ½ vie dans l’eau (hydrolyse à pH7) : Stable ; Temps de ½ vie dans l’eau (photolyse) : 335 j. ; Temps de ½ vie dans l’atmosphère (photo-oxydation) : 2,6 h. ; Temps de ½ vie dans les sols : 40 j. ; Temps de ½ vie dans les sédiments aérobies : 28 – 134 j. ; Temps de ½ vie dans les sédiments anaérobies : 608 j.".

L’atrazine et ses métabolites, tous très solubles et mobiles, peuvent être temporairement retenus par adsorption dans les sols et la matière organique. Mais ils finissent tôt ou tard par rejoindre les cours d’eau et les nappes souterraines selon le processus suivant :
Les pluies qui suivent les épandages apportent par ruissellement de l’eau très fortement contaminée en atrazine dans les cours d’eau, en provoquant des pics de concentration marqués du printemps à l’été.
Le restant de ces substances, avec une teneur en atrazine proportionnellement moins élevée, migre par lessivage dans les sols et dans les eaux souterraines dont leurs teneurs peuvent augmenter pendant encore plusieurs années après l’arrêt des apports en surface. Il n’y a en effet que peu, voire pas du tout, de biodégradation, dans les eaux souterraines, et ce d’autant plus qu’elles sont moins oxygénées et se renouvellent moins vite. Si bien que l’atrazine est capable d’y persister pendant plusieurs décennies. Il en est de même pour le DEA qui serait aujourd’hui considéré, selon le rapport La qualité de l'eau et assainissement en France (annexe 47),"comme plus toxique que la molécule mère".

Au vu de toutes ces propriétés de l’atrazine, on s’attend logiquement à l’heure actuelle à des teneurs en augmentation ou au mieux stables pour les nappes contaminées à faible taux de renouvellement, et à la disparition des pics printaniers dans les cours d’eau. Mais qu’en est-il réellement ?

Eau-Evolution essaye, sur plusieurs exemples de rivières et de nappes souterraines situées dans des régions agricoles, de faire parler les données brutes de qualité des eaux. Il s’agit d’évaluer non seulement la contamination réelle des eaux par l’atrazine et ses métabolites, mais aussi la pertinence de la recherche de cette contamination.

Pour les rivières exposées à la contamination, les questions se posent en ces termes :
  • Les protocoles de mesure permettent-ils d’évaluer précisément la contamination par l’atrazine et ses métabolites et son évolution : les LQ sont-elles suffisamment basses d’un point de vue à la fois patrimonial et toxicologique ? Les fréquences de mesure permettent-elles de cerner correctement l’amplitude et la durée réelles des pics de concentration saisonniers ? Tous les métabolites sont-ils recherchés ? Y a-t-il suffisamment de points de mesure en aval des petits bassins agricoles ?
  • Quelles concentrations trouve-t-on actuellement dans les rivières ?
  • Est-ce que les teneurs actuelles sont suffisamment basses pour écarter tout danger, sachant que l’on commence à découvrir que l’atrazine pourrait être bien plus toxique que prévu en raison de ses effets de perturbation endocrinienne à faibles doses et en synergie avec d’autres contaminants (lire par exemple Disséminations de produits chimiques dans l’environnement : les effets des perturbateurs endocriniens) ?
  • En cas de présence significative d’atrazine après 2003, est-ce que les protocoles de mesures permettent de vérifier si elle peut s’expliquer par les sources de pollution que constituent les sols et les eaux souterraines toujours contaminés par les utilisations anciennes ou si l’on doit suspecter une utilisation récente donc interdite de l’atrazine ?
Car l’usage de l’atrazine après 2003 n’est malheureusement pas à écarter :
  • Le document Trafic de pesticides agricoles : un authentique réseau devant la justice signale que des pesticides non-autorisés seraient toujours utilisés : "importation de produits interdits, mise sur le marché de produits reconditionnés sans autorisation, formulations tronquées, …"
  • La fiche Atrazine (2007) de l’Ineris signale que "des importations marginales illégales de cette substance depuis des pays frontaliers où cette substance est autorisée (Espagne, …) sont soupçonnées."
  • La question au Parlement européen sur l’Importation illicite de pesticides dans l'agriculture évoque des importations qui "seraient organisées par des instigateurs ukrainiens achetant des pesticides illicites en Chine pour les revendre, via l'Ukraine, à des agriculteurs au sein de l'UE".
Cet article concerne les cours d’eau. L’article suivant, L’atrazine dans les eaux (2) : les eaux souterraines, concerne les nappes souterraines.

METHODE

Le quotient DEA/A donne une indication précieuse pour faire la différence entre une présence d’atrazine résultant d’un épandage ancien où la dégradation de l’atrazine est avancée, et celle résultant d’un apport récent encore peu dégradé.
On lit par exemple dans La contamination chimique : quel risque en estuaire de Seine : "Les variations saisonnières des concentrations en herbicides se répercutent de façon manifeste dans les rapports inversés entre l’atrazine et la DEA en février 1995 et juin 1996. La DEA stockée dans les sols suite à la dégradation progressive de l’atrazine est remobilisée et transférée vers le milieu aquatique, ce qui provoque l’augmentation des concentrations de DEA en période de fortes précipitations en hiver. Le rapport DEA/atrazine est d’ailleurs utilisé comme indice du temps de résidence de l’atrazine dans les sols avant son arrivée en milieu aquatique. Des valeurs comprises entre 1 et 2 sont caractéristiques des périodes hivernales, éloignées de la période d’épandage des herbicides (avril – septembre), tandis qu’en période d’épandage, les valeurs sont largement inférieures à 1".
De même, le document La qualité de l'eau et assainissement en France (annexe 47) explique: "Le rapport DEA/A permet de mesurer la vitesse des transferts. En cas de pollution rapide (ruissellement en rivière ou une infiltration rapide dans une nappe), le rapport DEA/A est inférieur à 0,4 : l’atrazine n’a pas eu le temps de se transformer. En cas de pollution diffuse dans une nappe souterraine, le rapport DEA/A est voisin ou supérieur 1 : la molécule de base s’est transformée".

Bien entendu, les processus de dégradation et de transfert de l’atrazine et du DEA sont très complexes et pas généralisables, et un rapport DEA/A faible indique une faible dégradation de l’atrazine, mais aussi éventuellement des vitesses de migration ou de dégradation plus élevées pour le DEA. Ce quotient permet néanmoins de déceler des cas suspects, surtout quand il est observé dans une chronologie la plus longue possible sur une même station de mesure.
L’idée est donc de suivre les évolutions de l’atrazine et du DEA en regroupant les cours d’eau d’un même type de région au niveau des sols et des climats.
Plutôt que de faire des moyennes et agrégations de toutes sortes qui n’auraient aucun sens compte tenu de la variabilité des concentrations et des liaisons temporelles et géographiques entre les points de mesure, Eau-Evolution préfère zoomer sur des exemples approfondis.

15 rivières ont été retenues, drainant des zones agricoles du Massif armoricain, des Tables calcaires de la Beauce à la Charente, et des Coteaux aquitains de la Garonne à l’Adour.

Les données de 21 stations de mesure de la qualité ont été téléchargées en juillet 2009 à partir des sites de téléchargement des données des Agences de l’eau Loire-Bretagne et Adour-Garonne toutes deux très concernées par la pollution par l’atrazine. Ces stations, choisies pour leur localisation sur les 15 rivières retenues mais aussi pour leur richesse relative en données sur les pesticides, sont les suivantes (fiches station de qualité Sandre) :

Quelques doublons (11 au total) ont été enlevés en gardant, lorsqu’il y en avait, les valeurs quantifiées les plus élevées.
Le point indiqué comme non quantifié avec une valeur de 0,5 µg/L sur la Garonne le 10 septembre 2001 est hautement suspect.

Calcul et affichage du pourcentage d’atrazine DEA/A sur les graphiques :
  • Si A n’est pas quantifiée et DEA non plus, le rapport n’est pas calculé
  • Si A n’est pas quantifiée et si DEA est q, le rapport réel est supérieur à la valeur indiquée DEA/LQ(A) (flèche vers le haut sur le graphe)
  • Si A est q et DEA aussi, la valeur présentée est la valeur exacte du rapport (à l’incertitude analytique prés bien entendu)
  • Si A est q et si DEA non q, le rapport réel est inférieur à la valeur indiquée LQ(DEA)/A (flèche vers le bas sur le graphe)
  • Si A est q et DEA non recherché, le rapport n’est pas calculé

Les débits pour la Vilaine à Bourgon sont téléchargés à partir de la banque HYDRO, à la station de jaugeage J7000610 qui draine un bassin total de 55,9 km2.

Pour plus de détails sur les données et les méthodes, voir les articles : Voir ou télécharger les données de qualité de l'eau des rivières, Petit lexique pour comprendre les données sur l’eau et Comment Eau-Evolution évalue les contaminations chimiques et la toxicité.

RESULTATS

Les concentrations en atrazine présentent une évolution cyclique. Les concentrations les plus élevées résultent des ruissellements après épandages et sont donc généralement mesurées au printemps et en été.

L’Atrazine est interdite depuis 2003, mais il n’est pas forcément anormal d’en retrouver dans les rivières plusieurs années après cette date, en particulier à cause des apports par les eaux souterraines contaminées. Quelques éléments peuvent cependant indiquer une présence dans l’eau postérieure à 2003 qui est suspecte, c’est-à-dire que l’apport d’atrazine est probablement consécutif à une utilisation interdite :
  • Les pics saisonniers d’atrazine marqués après 2003
  • Les pics qui arrivent à la saison habituelle où on les trouvait dans cette station de mesure lorsqu’elle était autorisée
  • Les pics qui arrivent alors que les débits diluant les concentrations ont déjà beaucoup diminué depuis l’hivers et que les teneurs étaient devenues très basses
  • Les pics qui sont liés à des rapports DEA/A bas ou qui baissent significativement
L’objectif de Eau-Evolution n’est pas uniquement de faire le point sur les teneurs, leurs évolutions et les cas suspects, mais aussi de souligner les données inadaptées : si les données étaient plus régulières, avec des fréquences de mesure plus élevées et des LQ plus basses, on pourrait très certainement repérer les bassins versants où l’atrazine est encore utilisée. Ceci bien entendu à condition de disposer de données sur des bassins versants de taille modeste et a fortiori petite, ce qui est malheureusement très rare :
Eau-Evolution a eu des difficultés pour trouver des stations de mesures correspondant à ces critères un minimum renseignées. Le lecteur est d’ailleurs engagé à consulter les fiches stations Sandre (voir Voir ou télécharger les données de qualité de l'eau des rivières) d’un grand nombre de rivières pour constater par lui-même qu’il n’y a que très peu de données disponibles et/ou exploitables sur l’atrazine comme sur les autres pesticides et même pour les nitrates et autres macropolluants, pour ce type de bassins versants. Ces derniers constituent pourtant l’essentiel du chevelu hydrographique et ils jouent un rôle essentiel pour les écosystèmes aquatiques et la biodiversité.

Les graphiques sont commentés à titre indicatif. Au lecteur de les analyser en fonction de ses propres interrogations Les critiques, commentaires et éléments d’interprétation complémentaires sont toujours les bienvenus sur ce site.

La recherche de l’atrazine et de ses métabolites

Ci-dessous quelques chiffres concernant cet échantillon de 21 stations relativement bien mesurées.

Les limites analytiques

Comme Eau-Evolution l’a déjà signalé dans de nombreux articles sur les micropolluants, il est impossible de faire des statistiques fiables sur les limites analytiques : on ne dispose des données de LQ que pour les analyses non quantifiées et les codes remarques pour ces analyses non quantifiées ne paraissent pas toujours correspondre au bon type de limite (LD ou LQ).
Les limites analytiques, toutes donc assimilées à des LQ, sont très variables, avec des valeurs parfois élevées, même à partir de 2005 :
  • Atrazine : de 0,02 µg/L à 0,05 µg/L, et à partir de 2005 : de 0,02 µg/L à 0,05 µg/L
  • DEA : de 0,02 µg/L à 0,5 µg/L, et à partir de 2005 : de 0,02 µg/L à 0,05 µg/L
  • DIA : de 0,02 µg/L à 0,1 µg/L, et à partir de 2005 : de 0,02 µg/L à 0,1 µg/L
  • DEDIA : 0,02 µg/L
  • HA : de 0,02 µg/L à 0,1 µg/L, et à partir de 2005 : de 0,02 µg/L à 0,1 µg/L
A partir de 1998 : sur l’ensemble des 3136 mesures effectuées pour lesquelles on dispose de la valeur de la limite analytique (analyses non quantifiées), 1330 (42%) ont une limite supérieure ou égale à 0,04 µg/L et 910 (29%) ont une limite supérieure ou égale à 0,1 µg/L. Seules 1569 mesures, soit 50%, sont égales à la valeur minimale pratiquée 0,02 µg/L pour chacune de ces 5 substances.

Si on se limite aux années récentes, soit à partir de 2005 : sur l’ensemble des 1746 mesures effectuées pour lesquelles on dispose de la valeur de la limite analytique (analyses non quantifiées), 492 (28%) ont une limite supérieure ou égale à 0,04 µg/L et 474 (27%) ont une limite supérieure ou égale à 0,1 µg/L. Seules 1087 mesures, soit 62%, sont égales à la valeur minimale pratiquée 0,02 µg/L pour chacune de ces 5 substances.

Les progrès sont faibles et il n’est pas acceptable qu’à partir de 2005, seules 62% des mesures (analyses non quantifiées) de l’atrazine et de ses principaux métabolites aient une limite analytique de 0,02 µg/L. Cela signifie aussi que sur les 2133 mesures effectuées à partir de 2005, on peut en mettre au moins 659, soit presque le tiers, à la poubelle car réalisées avec des limites trop élevées et pas comparables !

L’importance des recherches

Eau-Evolution a tenté d’exploiter les données concernant l’ensemble des métabolites de l’atrazine pour observer l’évolution de la proportion entre l’atrazine et l’ensemble de ses métabolites. Mais finalement, seul le quotient DEA/A a pu être exploité.
Le graphique suivant montre en effet qu’il n’y a que relativement très peu de recherche de métabolites autres que le DEA et le DIA. De plus, le DIA, lorsqu’il est recherché, est relativement très peu quantifié, les LQ n’étant pas assez basses par rapport aux teneurs réelles et souvent de 0,1 µg/L même après 2005 :


Pour ces stations qui sont réparties sur plusieurs régions agricoles, 60% des mesures d’atrazine et 53% des mesures de DEA sont quantifiées.

L’ordre de grandeur du nombre de mesures annuel pour ces 10 dernières années sur ces stations, choisies rappelons-le pour leur richesse en données sur les pesticides, toutes stations confondues, est de 7 mesures par an pour Atrazine, DEA et DIA. Il n’est plus que de 0 à 2 mesures par an pour HA et DEDIA.
Au regard (graphiques ci-dessous) de l’importance de la fluctuation saisonnière des teneurs de ces substances dans les cours d’eau, il aurait fallu des fréquences de mesure d’au moins 2 par mois, soit 24 mesures par an ! Pour l’atrazine, on ne trouve effectivement cette fréquence qu’en 2004 et 2006 sur la Loire à la Possonnière et en 2003, 2004 et 2006 sur la Vilaine à Rieux.

On peut donc se demander si l’évaluation de la contamination des eaux par ces substances ne serait pas un peu "bidon" ? Comment peut-on prétendre estimer les pics des concentrations et leur évolution avec ce nombre parfois ridicule de mesures ? Les analyses coûtent cher ? Il semble qu’il y ait des pollueurs, donc des payeurs…

Les pics d’atrazine, impacts du ruissellement et du lessivage

Les arrivées décalées de l’atrazine et des nitrates

La majeure partie des nitrates sont transférés aux rivières avec les lessivages hivernaux.
Les pics d’Atrazine correspondent aux ruissellements suite aux précipitations post-épandages et ont lieu principalement du printemps au début de l’été.
Des exemples de ces mécanismes sont présentés sur les graphiques suivants :





Ces présentations de l’évolution chronologique de plusieurs types de polluants dans l’eau permettent de comprendre l’une des raisons pour lesquelles les évaluations simplistes de la qualité de l’eau, comme le SEQ-Eau ou le "bon état chimique" DCE, ne permettent pas, de restituer la pression toxique réelle qui s’exerce sur les organismes aquatiques : ces méthodes écartent la notion de cumul (le SEQ pesticides la prend en compte, mais de façon extrêmement grossière et réductrice) et, pour chaque type de polluant, lissent la contamination en se basant sur des moyennes et/ou en éliminant les pics. Or dans la réalité, les pics peuvent se cumuler ou alterner en permanence tout au long de l’année : quand les pics de nitrates, disparaissent, les organismes sont confrontés à des pics de pesticides, et ainsi de suite avec tous les autres macro- et micro-polluants.

L’impact des nappes souterraines sur la contamination des cours d’eau

Les apports par des nappes souterraines contaminées se traduisent par un bruit de fond plus ou moins important de nitrates et d’atrazine, comme le montre le graphique suivant :

Dans cet exemple, la Connie, résurgence de la nappe de Beauce, est sans doute responsable d’une grande partie des apports de nitrates et d’atrazine dans le Loir à St-Denis-les–Ponts. Les minimum hivernaux de l’atrazine sont souvent absents du graphe, faute de mesures pendant cette période.

Détails de l’arrivée de l’atrazine avec les pluies printanières et des modifications du rapport DEA/A après 2003 sur un petit bassin versant

Le graphe ci-dessous montre que des mesures, même une fois par mois, ne permettent pas d’évaluer la durée des pics ni les concentrations maximales réellement atteintes :

Les mesures ne sont pas forcément effectuées après le premier épisode pluvieux qui suit l’épandage. En 2006, aucune mesure n’a été effectuée en juillet, et la mesure de septembre a eu lieu juste avant le premier épisode pluvieux de l’été.
Par ailleurs, quand on parle de concentration maximale, il ne s’agit que de la concentration maximale mesurée qui peut être en réalité très inférieure à la concentration maximale réellement atteinte puisqu’il y a trop peu de mesures. Même avec 12 mesures par an, il est impossible d’évaluer l’ampleur réelle des pics. Si bien que quand les évaluations réglementaires comme le SEQ-Eau éliminent 10% des concentrations maximales mesurées ("on retient la classe la plus défavorable après avoir éliminé 10% des plus mauvais prélèvements. On évite ainsi de prendre en compte des conditions exceptionnelles, peu représentatives de la situation réelle observée"), il semble que ces évaluations sont exceptionnellement décalées par rapport à la situation réelle…

Le graphe ci-dessous montre, pour la même station de mesure, le lien entre le quotient DEA/A et les apports printaniers d’atrazine :


On constate que les pics printaniers, qui suivent parfois des débits suffisamment bas pour que les concentrations soient quantifiables s’il arrivait encore de l’atrazine après les lessivages d’hivers, ne proviennent donc pas de lessivage d’apports anciens mais bien d’épandages récents, surtout lorsque le rapport DEA/A est faible.
Pour ne pas compliquer la lecture, le rapport DEA/A n’est représenté que quand il peut être calculé et a un sens, si bien qu’il n’y en a beaucoup, surtout pour les périodes récentes où il pourrait apporter des indications précieuses sur l’usage éventuel d’atrazine. Les LQ sont en effet inadaptées et il n’y a pas de recherche du DEA après début 2007.

L’atrazine, le DEA et le rapport DEA/A en régions agricoles

Eau-Evolution présente, pour chacune des stations sélectionnées, un zoom avec une échelle adaptée (0-0,2 µg/L) aux concentrations récentes de l’atrazine pour voir l’évolution de ce pesticide et du rapport DEA/A, ainsi que chacune des dates de mesure. Ce zoom est complété par une vue d’ensemble des évolutions de l’Atrazine et du DEA.

Les flèches vers le bas (A quantifiée et DEA non quantifié, donc DEA/A réel inférieur à la valeur indiquée) sont précisées sur les graphiques à partir de 2004.
Pour ne pas compliquer la lecture, on ne précise pas les flèches vers le haut (A non quantifiée et DEA q, donc DEA/A réel supérieur à la valeur indiquée) qui n’apportent pas d’information intéressante puisqu’elles concernent les valeurs d’atrazine non quantifiées et des rapports DEA/A tous plus grands que 1.

Quelques cours d’eau du Massif armoricain

Deux rivières au nord et au sud de la Bretagne

Le Gouët :



Fréquences de mesure anciennes : 3 à 4 /an
Fréquences de mesure récentes : 7 à 8 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 0,44 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : non
• en 2005 : non
• en 2006 : pic de 0,05 µg/L avec DEA/A < 0,4
• en 2007 : pas de données disponibles
• en 2008 : pas de données disponibles


Le Blavet :



Fréquences de mesure anciennes : 7 à 8 /an
Fréquences de mesure récentes : 7 à 9 /an, 12 en 2007
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 0,29 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : non
• en 2005 : non
• en 2006 : non
• en 2007 : non
• en 2008 : non


La Vilaine

Les résultats pour la Vilaine sont présentés pour 5 stations situées de l’amont (Bourgon) à l’aval (Rieux).

La Vilaine à Bourgon :



Fréquences de mesure anciennes : 7 /an
Fréquences de mesure récentes : 7 à 9 /an, 12 en 2007
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 2,1 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : pic de 0,8 µg/L avec DEA/A < 0,02
• en 2005 : pic de 0,12 µg/L avec DEA/A < 0,2 ; pic de 0,08 µg/L avec DEA/A < 0,3
• en 2006 : non
• en 2007 : pic de 0,06 µg/L mais DEA non recherché
• en 2008 : pas de données disponibles


La Vilaine à Cesson-Sevigne :



Fréquences de mesure anciennes : 4 /an
Fréquences de mesure récentes : 7 à 9 /an, 12 en 2007
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 1,15 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : pic de 0,09 µg/L avec DEA/A < 0,2
• en 2005 : non
• en 2006 : non
• en 2007 : non
• en 2008 : non


La Vilaine à Rennes :



Fréquences de mesure anciennes : 7 à 11 /an
Fréquences de mesure récentes : 7 à 9 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 1,5 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : pic de 0,04 µg/L avec DEA/A < 0,5
• en 2005 : non
• en 2006 : non
• en 2007 : pas de données disponibles
• en 2008 : pas de données disponibles


La Vilaine à Sainte-Marie :



Fréquences de mesure anciennes : 4 /an
Fréquences de mesure récentes : 7 à 9 /an, 12 en 2007
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 1,18 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : pic de 0,32 µg/L avec DEA/A < 0,1
• en 2005 : non
• en 2006 : non
• en 2007 : non
• en 2008 : non


La Vilaine à Rieux :



Fréquences de mesure anciennes : 12 /an
Fréquences de mesure récentes : 13 à 24 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 1 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : pic de 0,06 µg/L avec DEA/A < 0,3
• en 2005 : non
• en 2006 : non
• en 2007 : non
• en 2008 : non


Quelques cours d’eau des Tables calcaires

La Loire

L’immense bassin de la Loire ne draine pas que des régions agricoles, mais c’est sans doute la traversée des Tables calcaires qui contribue le plus à sa contamination par l’atrazine.
La station de la Possonnière a pris le relais de la station de Montjean-sur-Loire à partir de 2002. Ces deux stations, très proches l’une de l’autre (environ 15 km), permettent de connaître la qualité de l’eau en aval de la Loire :




Fréquences de mesure anciennes : 11 à 12 /an
Fréquences de mesure récentes : 18 à 24 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 0,48 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : non
• en 2005 : non
• en 2006 : non
• en 2007 : non
• en 2008 : non


Quelques cours d’eau des Tables calcaires de l’ouest de la Beauce

La Conie :




La Conie est une résurgence de la nappe de Beauce qui se jette dans le Loir, juste en amont de Saint-Denis-les-Ponts. L’interprétation des évolutions des concentrations est donc délicate, mais facilitée par l’article L’atrazine dans les eaux (2) : les eaux souterraines qui montre des teneurs en atrazine et en DEA voisines de 0,1 µg/L dans la zone de la nappe de Beauce drainée par la Conie. Cette interprétation est d’autant plus difficile qu’il n’y a pas de données sur le DEA après début 2007.
Si l’on remarque cependant qu’à partir de 2003, aucun quotient DEA/A n’est inférieur à 0,6 sur les 9 points de la nappe de Beauce analysés, on peut quand même suspecter certains des pics d’atrazine dans la Conie :
Fréquences de mesure anciennes : 4 /an
Fréquences de mesure récentes : 7 à 9 /an, 12 en 2007
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 0,2 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : non
• en 2005 : deux pics de 0,08 µg/L et 0,09 µg/L avec DEA/A = 0,4
• en 2006 : non
• en 2007 : pic de 0,115 µg/L, mais pas de données DEA
• en 2008 : pas de données disponibles


Le Loir à Saint-Denis-les-Ponts puis à Lezigne :




On constate, par le bruit de fond en atrazine et les teneurs en DEA, que le Loir à Saint-Denis-les-Ponts est manifestement contaminé en atrazine et ses résidus par la Conie, donc par la nappe de Beauce.
Fréquences de mesure anciennes : 4 /an
Fréquences de mesure récentes : 6 à 10 /an, 12 en 2007
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 0,92 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : pic de 0,12 µg/L avec DEA/A = 0,3 ; pic de 0,13 µg/L avec DEA/A = 0,46
• en 2005 : pic de 0,104 µg/L avec DEA/A = 0,3
• en 2006 : non
• en 2007 : pic de 0,15 µg/L, mais pas de données DEA
• en 2008 : non





A Lezigne, l’impact de la Conie est toujours perceptible au niveau des teneurs en DEA. La remontée récente du quotient DEA/A est concomitante avec la suppression des épandages.
Fréquences de mesure anciennes : 4 /an
Fréquences de mesure récentes : 7 à 9 /an, 12 en 2007
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 1 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : non
• en 2005 : pic de 0,08 µg/L avec DEA/A = 0,5
• en 2006 : non
• en 2007 : non
• en 2008 : non


Quelques cours d’eau des Tables calcaires en Vendée et Charente

La Sèvre Nantaise (son bassin versant est aussi en partie sur le Massif armoricain) :



Fréquences de mesure anciennes : 7 /an
Fréquences de mesure récentes : 5 à 9 /an, 12 en 2007
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 0,53 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : pic de 0,12 µg/L avec DEA/A < 0,2
• en 2005 : deux pics de 0,04 µg/L avec DEA/A < 0,5
• en 2006 : pic de 0,07 µg/L avec DEA/A < 0,3
• en 2007 : non
• en 2008 : non


La Sèvre Niortaise :



Fréquences de mesure anciennes : 4 /an
Fréquences de mesure récentes : 6 à 9 /an, 12 en 2007
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 0,33 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : non
• en 2005 : non
• en 2006 : non
• en 2007 : non
• en 2008 : non


La Charente :



La résurgence de la Touvre est sans doute à l’origine des teneurs en DEA et des quotients DEA/A qui restent élevés.
Fréquences de mesure anciennes : 9 /an
Fréquences de mesure récentes : 9 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 0,33 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : non
• en 2005 : non
• en 2006 : non
• en 2007 : pas de données disponibles
• en 2008 : pas de données disponibles


Quelques cours d’eau des Coteaux aquitains

Quelques cours d’eau des Coteaux aquitains du bassin de la Garonne

Le Gers :



Fréquences de mesure anciennes : 9 /an
Fréquences de mesure récentes : 10 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 4,99 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : non
• en 2005 : non
• en 2006 : pic de 0,048 µg/L avec DEA/A < 0,5
• en 2007 : pas de données disponibles
• en 2008 : pas de données disponibles


La Grande Baïse :



Fréquences de mesure anciennes : 9 /an
Fréquences de mesure récentes : 10 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 7,9 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : non
• en 2005 : pic de 0,05 µg/L avec DEA/A = 0,68
• en 2006 : non
• en 2007 : pas de données disponibles
• en 2008 : pas de données disponibles


La Garonne :



Fréquences de mesure anciennes : 8 à 10 /an
Fréquences de mesure récentes : 10 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 0,76 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : non
• en 2005 : non
• en 2006 : non
• en 2007 : pas de données disponibles
• en 2008 : pas de données disponibles


Le Dropt :



Fréquences de mesure anciennes : 9 /an
Fréquences de mesure récentes : 9 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 4,3 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : pic de 0,19 µg/L avec DEA/A = 0,55
• en 2005 : pic de 0,114 µg/L avec DEA/A = 0,4
• en 2006 : non
• en 2007 : pas de données disponibles
• en 2008 : pas de données disponibles


Quelques cours d’eau des Coteaux aquitains du bassin de l’Adour

L’Adour :



Fréquences de mesure anciennes : 9 /an
Fréquences de mesure récentes : 9 à 10 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 4,2 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : pic de 0,14 µg/L avec DEA/A = 0,2
• en 2005 : pic de 0,048 µg/L avec DEA/A < 0,5
• en 2006 : non
• en 2007 : pas de données disponibles
• en 2008 : pas de données disponibles


Le Luy :



Fréquences de mesure anciennes : 4 à 5 /an
Fréquences de mesure récentes : 4 à 6 /an
Niveau max des anciens pics d'atrazine : 3,5 µg/L
Présence de pics récents d'atrazine suspects• en 2004 : pic de 0,1 µg/L avec DEA/A = 0,58
• en 2005 : pic de 0,11 µg/L avec DEA/A < 0,45
• en 2006 : pic de 0,1 µg/L avec DEA/A < 0,5
• en 2007 : pas de données disponibles
• en 2008 : pas de données disponibles

On remarque des LQ, pour l’atrazine comme pour le DEA, particulièrement élevées (0,05 µg/L) pendant la période de fin 2004 à début 2006.

CONCLUSION

Ces quelques exemples apportent des éléments de réponse aux questions posées dans l’introduction :
  • Les LQ sont-elles adaptées aux faibles concentrations actuelles ou prévisibles dans la plupart des cours d’eau? Non, car on sait maintenant que les effets perturbateurs endocrinien peuvent avoir lieu à des concentrations nettement plus faibles que 0,02 µg/L (voir Modulateur endocrinien). Il faudrait donc utiliser une LQ au moins 10 fois inférieure à celle qui est généralement pratiquée. Pour le Tributylétain (TBT) par exemple, le rapport Suivi annuel de l’Imposex le long des côtes françaises signale que "des effets biologiques sont observés où les concentrations en TBT dans l’eau de mer sont inférieures au seuil de détection actuel de la chimie analytique (0,4 nanogramme par litre)."
  • Les LQ sont-elles asses basses pour permettre d’évaluer les flux d’atrazine ou de DEA qui arrivent en mer ? Non, sur l’exemple de l’aval de la Loire, on ne quantifie plus d’atrazine à partir de 2007 à la Possonnière, mais avec une LQ qui ne descend pas en dessous de 0,02 µg/L, on peut laisser passer sans le quantifier un flux d’environ ½ tonne d’atrazine par an (le calcul est effectué avec le débit interannuel à Montjean-sur-Loire). Dans cette station, la concentration d’atrazine quantifiée de 0,02 µg/L le 17/05/2006 correspond par exemple à un flux de 1 kg pour ce jour-là
  • Les fréquences de mesure sont-elles adaptées à la grande variabilité saisonnière des concentrations dans l’eau des rivières ? Non, on est très loin, même pour les grands cours d’eau, des fréquences minimales qui permettraient d’évaluer correctement les contaminations réelles et leurs évolutions
  • Tous les métabolites sont-ils recherchés ? non puisque Le DEA est plutôt moins bien mesuré que l’atrazine (il n’est pas forcément mesuré récemment alors que le niveau de l’atrazine est suspect) et que les autres métabolites, excepté le DIA sont très peu recherchés. Pourtant la proportion entre ces différents métabolites donnerait des indications plus précises sur l’origine des contaminations récentes. C’est d’autant plus ennuyeux que l’on ne sait pas grand-chose sur la toxicité de tous ces métabolites
  • Les mesures ciblent-elles suffisamment l’aval des petits bassins agricoles ? Non, il n’y a que très peu de données sur les pesticides et très peu de stations pour les bassins de taille petite et moyenne dans les zones d’agriculture intensive
  • Quelles concentrations trouve-t-on actuellement dans les rivières ? Est-ce qu’elles sont suffisamment basses pour écarter tout danger résiduel de toxicité ? On trouve sur cet échantillon de stations jusqu’à 7,9 µg/L d’atrazine (en 2001). Les teneurs quantifiées à partir de 2007 ont beaucoup baissé, mais atteignent tout de même 0,15 µg/L : 0,02 à 0,15 µg/L pour l’atrazine ; 0,02 à 0,13 µg/L pour le DEA ; 0,15 µg/L pour le DIA ; 0,02 à 0,05 µg/L pour le DEDIA. Elles ne sont donc certainement pas négligeables au regard du risque toxique. Et on peut penser qu’un échantillon plus vaste de stations mettrait en évidence des concentrations récentes quantifiées supérieures
  • En cas de présence significative d’atrazine après 2003, est-ce que les protocoles de mesures permettent de vérifier si elle peut s’expliquer par les sources de pollution que constituent les sols et les eaux souterraines toujours contaminés par les utilisations anciennes ou si l’on doit suspecter une utilisation récente donc interdite de l’atrazine ? Non, puisque tous les métabolites, y compris le DEA, ne sont pas correctement recherchés et parce que les mesures sont trop espacées pour qu’on puisse espérer repérer les pics de pollution et les estimer à leur juste valeur
  • Bruit de fond ou utilisation interdite ? Même si les stratégies de recherche sont insuffisantes et conduisent donc à une sous-évaluation certaine de la contamination, on note quelques résultats inquiétants. En 2004, les pics de concentrations printaniers disparaissent de façon spectaculaire sur certains cours d’eau, mais persistent, accompagnés d’un quotient DEA/A faible sur d’autres, faisant fortement suspecter une utilisation interdite. Après 2004, même si les teneurs ont beaucoup baissé, il semble qu’il y ait des encore des pics printaniers fortement suspects dans certaines stations de cet échantillon de 15 rivières. Cela concerne : le Gouët, la Vilaine amont, la Conie, le Loir amont, la Sèvre Nantaise, le Gers, la Grande Baïse, le Dropt, l’Adour et le Luy


Autres remarques :

Comme signalé dans l’introduction, l’atrazine fait partie des pesticides les mieux et les plus longtemps mesurés dans les eaux. Alors si le mieux n’est pas terrible, que dire de la mesure des centaines d’autres pesticides qui contaminent nos eaux ?

Interdire l’atrazine ne signifie toutefois pas que l’on en ait fini, après 2003, avec les très fortes concentrations de pesticides dans les rivières. On trouve par exemple, sur ce même échantillon de 21 stations :
  • 2,9 µg/L de Métolachlore le 24 mai 2005 dans le Dropt
  • 2,9 µg/L d’AMPA le 6 décembre 2004 dans la Sèvre Nantaise
  • 3,4 µg/L d’AMPA le 7 avril 2005 dans la Vilaine à Sainte-Marie
  • 3,9 µg/L d’AMPA le 14 juin 2004 dans la Sèvre Niortaise
  • 4,5 µg/L d’AMPA le 6 juillet 2005 dans la Vilaine à Rennes
  • 4,4 µg/L de Flusilazol le 5 décembre 2004 dans la Sèvre Niortaise
  • 6,3 µg/L de Glyphosate le 23 août 2004 dans la Sèvre Nantaise
Ces fortes concentrations ne concernent pas la famille des insecticides. Ces derniers sont néanmoins beaucoup plus toxiques à des doses relativement insignifiantes.

Les fréquences de mesures et les LQ ne sont pas adaptées à l’évaluation correcte de la contamination des eaux douces, mais aussi à l’évaluation des flux qui arrivent réellement en mer, pour l’atrazine comme pour les autres pesticides que l’on utilise à des doses moindres, mais qui sont plus nombreux.

Pour des pesticides organochlorés interdits, comme le Lindane ou le Chlordécone qui devraient bientôt faire partie des POP, on le sait, les mesures d’interdiction n’empêcheront pas une contamination durable. Mais on constate, sur cet échantillon de 21 stations, qu’une substance de deuxième génération comme l’atrazine (et ses métabolites), pesticide organoazoté sensé se dégrader plus rapidement que les organochlorés, est aussi, après son interdiction, présente de façon durable dans les milieux aquatiques. Et même si sa concentration baisse de façon spectaculaire dans certains cours d’eau, il n’est est pas forcément de même pour son potentiel toxique puisqu’elle peut agir à des concentrations inférieures à la LQ de 0,02 µg/L généralement pratiquée, et participer à l’effet synergique des cocktails de toxiques présent dans les milieux aquatiques.

Au-delà de cet exemple du couple Atrazine/DEA, ce sujet concerne aussi le couple Glyphosate/AMPA mis sur le marché en 1975, le glyphosate étant largement utilisé apparemment avec la même inconscience que l’atrazine l’aura été.

Etant donné qu’il n’apparait nulle part, sauf erreur, de réglementation exigeant en urgence d’abaisser fortement les LQ de tous les micropolluants mesurés dans les eaux, on risque de regretter l’atrazine et bientôt peut être le glyphosate, car au moins, on était en mesure de quantifier leur présence. Se pose en effet le problème de la mesure de toutes les substances utilisées en remplacement, avec des doses plus faibles mais pas forcément moins toxiques : ces substances se retrouvent dans l’eau avec des concentrations faibles et sont tout aussi mal mesurées que l’atrazine et ses métabolites actuellement.

Les questions de gros bon sens :
  • Pourquoi n’a-t-on pas empêché très rapidement l’utilisation massive d’une substance dont on pouvait se douter : -qu’elle contaminerait, elle et ses produits de dégradation, pratiquement toutes les ressources en eaux -et, qu’à l’instar de toute les substances chimiques synthétiques, elle serait peut être plus persistante et plus dangereuse que ce que l’on croyait le jour où on saura mesurer sa toxicité réelle, seule ou en cocktail, à forte ou très faible concentration, ainsi que la toxicité de ses produits de dégradation ?
  • les 3 lois sur l’eau qui se sont succédées ont-elles vraiment été appliquées, car la santé des écosystèmes et la santé publique ont été mises en danger par l’atrazine depuis bien avant son l’interdiction en 2003, et malgré les restrictions qui n’ont pas empêché des teneurs très élevées comme 7,9 µg/L en 2001 sur la Baïse ?
  • Le glyphosate réitérerait-il depuis 20 ans, le même scénario qu’avec l’atrazine ?
  • Le rapport de l’Inspection générale de l’environnement de 2005 "Bilan des plans d'actions régionaux de lutte contre les pollutions de l’eau par les pesticides dans le cadre du premier plan national" signale qu’"il apparaît que le suivi des pesticides dans les eaux naturelles n'est pas satisfaisant". L’article La qualité de la recherche récente des substances chimiques dans les cours d’eau (1) : l'éventail de substances, les fréquences des mesures et les limites analytiques le confirme et montre que cela semble être le cas pour l’ensemble des micropolluants. Sans doute par défaut d’information pertinente, les citoyens ont laissé faire des stratégies de recherche inadaptées pour mesurer la contamination massive de la ressource en eau par une seule molécule, l’atrazine. Pourquoi devraient-ils désormais accepter des stratégies de recherche inadaptées pour mesurer le nouveau type de contamination massive qui se met en place ? Il s’agit d’une contamination beaucoup plus sournoise, puisque le changement du scénario rend la mesure des concentrations très difficiles, voire impossible : les nouvelles pratiques de l’usage des pesticides (plus de molécules présentes en cocktail, mais avec des dosages plus faibles qui font passer les concentrations des substances en-dessous de tous les anciens seuils d’alerte) et les nouvelles connaissances sur la toxicité exigeraient en effet que l’on ait au préalable considérablement abaissé les seuils analytiques des mesures et augmenté les fréquences de mesure. En 1962, Rachel Carson évoquait un printemps futur sans oiseaux à cause des pesticides et, selon la formulation de l’article de Wikipédia Printemps silencieux, "accusait l'industrie chimique de pratiquer la désinformation, et les autorités publiques de répondre aux attentes de l'industrie chimique sans se poser de questions". Effectivement, on constate que (SOeS) : "Les populations d’oiseaux communs de France métropolitaine ont globalement connu un déclin de 18% entre 1989 et 2007. La situation varie cependant selon les espèces. Les espèces spécialistes des milieux agricoles (20 espèces suivies) et bâtis (13 espèces suivies) apparaissent comme les plus touchées : leurs populations ont respectivement chuté de 28% et 27%". Les raisons sont multiples, mais les pesticides en font bien partie (Cité-Science) : "La pollution apparaît aussi comme un problème grandissant. Qu'elle provienne de l'eau, de l'air ou des sols, elle entraîne nombre de pathologies : dysfonctionnement de l'appareil reproducteur, déformations, coquilles trop fines… Autre pollution : celle des herbicides et insecticides. En diminuant le nombre de graines et d'insectes, certains pesticides vident le réservoir de nourriture des oiseaux spécifiques des espaces agricoles". Si en 2009 le printemps n’est pas encore silencieux au niveau des oiseaux, il semble qu’il le soit au niveau des données sur la contamination réelle des eaux par les pesticides : elles sont tellement décalées par rapport aux besoins et aux enjeux que c’est comme si elles n’existaient pas. Combien de ces substances contaminent les rivières incognito et rejoignent la mer ? La question de la mesure des pesticides autorisés est d’ailleurs évoquée pour certains de ses aspects dans le rapport de l’Inspection générale de l’environnement de 2005 (Bilan des plans d'actions régionaux de lutte contre les pollutions de l’eau par les pesticides dans le cadre du premier plan national) : "La procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM) prend-elle vraiment en compte ces objectifs, c'est à dire la possibilité de suivre de façon opérationnelle les pesticides et leurs métabolites dans le milieu naturel ? Il serait souhaitable que cet aspect soit véritablement pris en compte s'il ne l'est pas".
  • Le Plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides 2006 – 2009 "prévoit la réduction de 50% des quantités vendues de substances actives les plus dangereuses". Mais comment l’Etat peut-il prouver qu’avoir fermé les yeux pendant des années sur le déversement d’environ 80000 tonnes de pesticides par an dans la nature correspondait bien à son rôle qui était, et qui est, de protéger les citoyens et de gérer la ressource en eau de façon patrimoniale, alors qu’il signale maintenant qu’il va agir, donc qu’il peut agir, pour réduire ces tonnages ? Puisqu’il peut agir maintenant, pourquoi ne l’a-t-il pas fait avant ? Pourquoi lui ferait-on désormais confiance ? N’est-ce-pas trop tard pour les sols imbibés de Chlordécone, pour tous les sols agricoles en général (l’Inra signale dans Pesticides, agriculture et environnement : rapport d'expertise : "La contamination des sols par différentes substances, dont les pesticides, a été reconnue comme l'une des principales menaces qui pèsent sur les sols européens."), pour les nappes souterraines pleines d’Atrazine et de DEA, etc. Trop tard surtout pour les espèces vivantes déjà disparues et pour tous les citoyens déjà empoisonnés !



Note :
Pour Eau-Evolution, la catégorie des pesticides regroupe toutes les substances utilisées, ou ayant été utilisées autrefois, pour leur pouvoir biocide par les secteurs agricole mais aussi industriel et domestique. Le classement de certaines substances est difficile et souvent délicat. Une quinzaine de substances sur les 972 recensées ont d’ailleurs changé de catégorie avec mise à jour de l’index des substances depuis la rédaction de cet article (n-Butyl Phtalate, Butyl benzyl phtalate, Formaldehyde, etc.). Cela ne change en rien les résultats concernant les quantifications. Le lecteur est tout à fait libre de classer les substances dans la catégorie qui répond au mieux à ses interrogations. L’auteur rappelle que l’objectif premier de cette vitrine est de proposer des méthodes pour appréhender au mieux la réalité de la contamination chimique des milieux aquatiques. Les experts chimistes et toxicologues sont fortement invités à participer à l’amélioration de la pertinence de l’index des substances chimiques.


Création : 26 juillet 2009
Dernière actualisation :

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