Voir l'état des eaux et son évolution - rivières et aquifères

À partir des données brutes mises à la disposition du public, des citoyens élaborent et partagent une information indépendante sur l'état de l'environnement

ACCUEIL
VOIR L'ETAT DES EAUX
COIN CALCUL
AGIR POUR L'EAU
LES SOUTIENS
Contact
Qualité générale
Micropolluants chimiques
Quantité
Vie aquatique
Les cartes interactives

La qualité de la recherche récente des substances chimiques dans l'eau des rivières (1) : l’éventail des substances, les fréquences des mesures et les limites analytiques pour la période 1998 à 2008


Résumé : un tour de France de la qualité de la recherche récente des substances chimiques dans l’eau, en particulier au niveau des éventails de substances recherchées (HAP, PCB, pesticides, autres substances de synthèse et métaux) et des limites analytiques pratiquées.


Eau-Evolution ne s’intéresse ici ni à la contamination, ni à la toxicité de l’eau, mais, sur quelques exemples de stations choisies parmi les mieux mesurées dans toute la France, à la qualité de la recherche récente des substances chimiques.

On est aveugle à tout ce que l’on ne recherche pas, mais aussi, beaucoup plus sournois et difficile à mettre en lumière, à tout ce que l’on recherche mal. Cet article et ses annexes examinent donc, pour ces 10 dernières années :
  • Si l’éventail des substances recherchées est assez large
  • Si les mesures permettent d’évaluer les cumuls de substances
  • Si les fréquences des mesures sont suffisantes
  • Si les limites de quantification (LQ) sont comparables dans le temps ou entre stations
  • Si les LQ sont suffisamment basses d’un point de vue patrimonial ou pour évaluer la toxicité ou les flux déversés dans les mers
Il est nécessaire que toutes ces conditions au moins soient réunies pour que la recherche soit pertinente.
Il ne sert à rien par exemple de rechercher beaucoup de substances, si on les recherche avec des LQ trop élevées. Ou de rechercher beaucoup de substances avec des LQ basses, si on les recherche avec des fréquences trop faibles.
Et nous n’avons pas pris en compte ici les saisons, les lieux ainsi que les conditions hydrologiques des prélèvements, et qui sont tout aussi nécessaires pour évaluer la pertinence de la recherche.

La mauvaise qualité des données brutes rend ce genre de synthèse entre différents bassins et différentes stations difficile, voire périlleuse. C’est en effet une gageure que d’essayer d’élaborer une information cohérente et la plus claire possible à partir de ces données tout à fait disparates. Un peu comme si elles n’avaient pas été produites pour être exploitées, car si on prenait en compte toutes les interrogations que suscitent la mauvaise qualité de ces données, on ne pourrait pratiquement rien en faire. L’objectif de Eau-Evolution est d’essayer de produire quelques informations pertinentes à partir de ces données et, si cela est impossible, de le montrer comme une information en tant que telle.

Eau-Evolution a conscience que ce type d’article est rébarbatif, et que peu de lecteurs s’y plongeront ; mais ce n’est qu’en entrant dans les détails concrets que l’on peut prendre conscience de la réalité atterrante qui caractérise la façon dont les substances chimiques sont recherchées dans nos cours d’eau, et dans toutes les eaux en général. L’enjeu de cette recherche paraît pourtant capital pour l’avenir des écosystèmes aquatiques et de la santé humaine.

Dans cet article, comme dans tous les autres, Eau-Evolution choisit ses exemples concrets pour développer son objectif premier de pédagogie. Rappelons que ce site n’a pas pour vocation de produire des résultats représentatifs ni de critiquer plus particulièrement tel ou tel producteur de données.

METHODE

Les données de 1998 à 2008 ont été téléchargées le 2 mai 2009 à partir des sites de téléchargement des différentes agences de l’eau, pour le support eau (voir portail Eaufrance).

Les stations de mesure sélectionnées

Pour effectuer cette synthèse, on a retenu, dans chacun des 6 grands bassins versants français, une (ou deux stations très proches en cas de rupture de série temporelle) parmi les mieux mesurées indiquées dans les fiches stations du SANDRE (familles de substances recherchées et fréquences des mesures). Elles sont situées de façon stratégique en aval des grands cours d’eau. Il s’agit de :
Les données du bassin Artois-Picardie n’ont pas pu être exploitées en raison d’anomalies non résolues sur les fichiers téléchargés.

Dans les résultats présentés ci-dessous, lorsque l’on parlera de "la Seine" ou de "SN", il s’agira toujours des données sur la station retenue d’Amfreville-sous-les-Monts. Même remarque pour les autres bassins et cours d’eau.

Les 252 substances sélectionnées

Pour étudier en détail les fréquences de mesure et les LQ, Eau-Evolution a sélectionné une liste restreinte de substances. Cette liste comprend logiquement les substances les plus à risque connues (celles qui ont des LTC inférieures ou égales à 0,1 µg/L), même si elles ne sont ni quantifiées, ni recherchées, ainsi que les substances qui ont été quantifiées au moins une fois sur l’ensemble des données téléchargées.
On a ainsi sélectionné 252 substances, dont la majorité des substances de la Directive cadre et des substances rencontrées couramment dans l’eau, parmi les 772 substances recherchées au moins une fois sur l’ensemble des données disponibles.
Parmi ces 252 substances, 241 ont été recherchées au moins une fois et 195 ont été quantifiées au moins une fois sur l’ensemble des données disponibles.
Ces 252 substances (135 pesticides, 16 HAP, 10 PCB, 66 autres synthétiques et 25 métaux) sont suffisamment nombreuses et diversifiées pour donner un bon aperçu de la qualité de la recherche, au moins au niveau des LQ pratiquées.

La liste des 252 substances sélectionnées est la suivante :
  • Pesticides herbicides : 1-(3,4-dichlorophényl)-3-méthyl-urée ; 2,4-D ; 2,4-MCPA ; 2-hydroxy atrazine ; Acétochlore ; Aclonifène ; Alachlore ; Aminotriazole ; AMPA ; Atrazine ; Atrazine déisopropyl ; Atrazine déséthyl ; Azimsulfuron ; Bentazone ; Bifénox ; Bromacil ; Chlortoluron ; Clopyralide ; Desmétryne ; Dichlobénil ; Dichlorprop ; Diflufenicanil ; Dimethenamide ; Dinoterbe ; Diuron ; Flazasulfuron ; Fluroxypyr ; Foramsulfuron ; Glufosinate ; Glufosinate-ammonium ; Glyphosate ; Iodosulfuron ; Isoproturon ; Linuron ; Mécoprop ; Mesosulfuron methyle ; Métazachlore ; Métolachlore ; Métosulame ; Metsulfuron méthyle ; Norflurazon ; Oxadiazon ; Oxasulfuron ; Oxyfluorfène ; Paraquat dichloride ; Pendiméthaline ; Picolinafen ; Propyzamide ; Pyraflufen-ethyl ; Simazine ; Sulfosulfuron ; Tébutame ; Terbacile ; Terbuthylazine ; Terbutryne ; Triasulfuron ; Triclopyr ; Trifluraline
  • Pesticides fongicides : Carbendazime ; Cyprodinil ; Fenpropimorphe ; Fluoxastrobine ; Folpel ; Fosetyl-aluminium ; Hydroxyde de triphénylétain ; Kresoxim-méthyl ; Métalaxyl ; Oxadixyl ; Pentachlorophénol ; Phosphate de tributyle ; Procymidone ; Quinoxyfen ; Tébuconazole ; Tetraconazole ; Tributylétain
  • Pesticides insecticides : Abamectin ; Aldrine ; Alpha-cyperméthrine ; Azinphos méthyl ; Betacyfluthrine ; Bifenthrine ; Biphényle ; Butyl benzyl phtalate ; Carbofuran ; Chlorfenvinphos ; Chlorpyriphos-éthyl ; Cyfluthrine ; Cyperméthrine ; DDD 24' ; DDD 44' ; DDE 24' ; DDE 44' ; DDT 24' ; DDT 44' ; Deltaméthrine ; Depalléthrine ; Dichlorvos ; Dieldrine ; Dinosèbe ; DNOC ; Endosulfan ; Endosulfan alpha ; Endosulfan bêta ; Endrine ; Esfenvalerate ; Fénitrothion ; Fenoxycarbe ; Fenthion ; Fipronil ; Heptachlore ; Hexachlorobenzène ; Hexachlorocyclohexane alpha ; Hexachlorocyclohexane bêta ; Hexachlorocyclohexane delta ; Hexachlorocyclohexane gamma ; Isodrine ; Lambda-cyhalothrine ; Lufénuron ; Malathion ; Milbemectin ; Naled ; Naphtalène ; n-Butyl Phtalate ; Parathion éthyl ; Pentachlorobenzène ; Phoxime ; Piperonil butoxide ; Téflubenzuron ; Terfluthrine ; Trichlorobenzène-1,2,4
  • Pesticides autres : Anthraquinone ; Chlorophacinone ; Chloropicrine ; Chlorure de choline ; Métaldéhyde
  • HAP : Acénaphtène ; Anthracène ; Benzo(a)anthracène ; Benzo(a)pyrène ; Benzo(b)fluoranthène ; Benzo(g,h,i)pérylène ; Benzo(k)fluoranthène ; Chrysène ; Dibenzo(a,h)anthracène ; Fluoranthène ; Fluorène ; Indéno(1,2,3-cd)pyrène ; Méthyl-2-Fluoranthène ; Méthyl-2-Naphtalène ; Phénanthrène ; Pyrène
  • PCB : PCB 101 ; PCB 118 ; PCB 138 ; PCB 153 ; PCB 169 ; PCB 180 ; PCB 28 ; PCB 35 ; PCB 52 ; PCB 77
  • Autres substances synthétiques : 4-nonylphenols ramifiés ; 4-tert-butylphénol ; 4-tert-Octylphenol ; Acétate de triphénylétain ; Chloroaniline-2 ; Chloroaniline-3 ; Chloroforme ; Chloronitrobenzène-1,2 ; Chloronitrobenzène-1,3 ; Chloronitrobenzène-1,4 ; Chlorure de triphénylétain ; Décabromodiphényl oxyde/éther ; Dibutylétain ; Dichlorobenzène-1,2 ; Dichloroéthane-1,2 ; Dichloroéthène-1,1 ; Dichlorométhane ; Dichloronitrobenzène-2,3 ; Dichloronitrobenzène-2,4 ; Dichloronitrobenzène-2,5 ; Dichloronitrobenzène-3,4 ; Dichloronitrobenzène-3,5 ; Dichlorophénol-2,3 ; Dichlorophénol-2,4 ; Dichlorophénol-3,4 ; Diéthyl phtalate ; Diethylamine ; Diméthylamine ; Dinitrotoluène-2,4 ; Dinitrotoluène-2,6 ; Dioctylstannane ; EDTA ; Ethyl hexyl phthalate ; Heptabromodiphényléther ; Hexabromodiphényléther ; Hexachlorobutadiène ; Isopropylbenzène ; Monobutylétain ; Monooctylétain ; Nitrophénol-2 ; Nonylphénols ; Octabromodiphényléther ; Octylphénols ; Oxyde de tributylétain ; p-(n-octyl) phénol ; Pentabromodiphényl oxyde/éther ; Tétrabromodiphényléther ; Tétrabutylétain ; Tétrachloréthène ; Tétrachlorobenzène-1,2,3,4 ; Tétrachlorobenzène-1,2,3,5 ; Tetrachlorobenzène-1,2,4,5 ; Tétrachlorophénol-2,3,5,6 ; Tétrachlorure de carbone ; Tin(1+), tributyl- ; Trichloroaniline-2,4,6 ; Trichlorobenzène-1,2,3 ; Trichlorobenzène-1,3,5 ; Trichloroéthane-1,1,1 ; Trichloroéthane-1,1,2 ; Trichloroéthylène ; Trichlorophénol-2,4,6 ; Tricyclohexylétain ; Trioctylétain ; Triphénylétain ; Xylène-para
  • Métaux : Aluminium ; Antimoine ; Argent ; Arsenic ; Baryum ; Béryllium ; Bore ; Cadmium ; Chrome ; Cobalt ; Cuivre ; Etain ; Fer ; Manganèse ; Mercure ; Molybdène ; Nickel ; Plomb ; Sélénium ; Tellurium ; Thallium ; Titane ; Uranium ; Vanadium ; Zinc

Les fractions de mesure

Substances synthétiques

Elles sont mesurées dans la fraction "eau brute" pour tous les bassins, excepté en RM où elles sont mesurées sur "eau filtrée" en 98, 99 et 2000.

Métaux

Les fractions choisies pour analyser les teneurs en métaux dépendent beaucoup des stations :
  • RM : tous les métaux sont mesurés en "eau filtrée" en 1998, 1999 et 2000. Ensuite, de 2001 à 2007 (fin des données disponibles), ils sont tous mesurés en "eau brute", excepté pour Cadmium, Mercure, Nickel et Plomb mesurés à nouveau en "eau filtrée" en 2007
  • SN : tous les métaux sont mesurés en "eau filtrée", exceptés : Sélénium toujours mesuré en "eau brute" ; Arsenic mesuré en "eau brute" en 1998, 1999 et 2000 ; Bore mesuré sur les deux fractions et pour lequel on ne conservera que les mesures en "eau filtrée" de façon à ne pas alourdir à l’excès la présentation des résultats
  • LB : tous les métaux sont mesurés en "eau brute", excepté Bore mesuré en "eau filtrée" de 2000 à 2006 (fin des données disponibles)
  • AG : aucune mesure de métaux disponible dans l’eau
  • RMC : tous sont mesurés en "eau brute"
Le lecteur n’interprétera une LTC pour les métaux que lorsqu’ils sont mesurés en "eau filtrée".

Les limites analytiques

Quelques barrages pour les téméraires qui voudraient faire des statistiques sur les limites analytiques

Toutes les données ne sont pas accessibles :
Dans les fichiers téléchargés, on ne connait la limite analytique d’une substance que pour les analyses qui ne sont pas quantifiées… Cela signifie en particulier que l’on n’a aucune information pour les substances qui sont toujours quantifiées. C’est très regrettable.

Des confusions probables dans les codes précisant s’il s’agit de LD ou de LQ :
Dans certains fichiers téléchargés, on ne dispose que des signes "=" ou "< ", ou que des codes "1" ou "2" ; dans ces cas, Eau-Evolution a attribué logiquement le code "10" aux codes "< " et aux codes "2".
Dans certains fichiers téléchargés, pour les analyses non quantifiées, on trouve simultanément les codes remarques "2" et "7", ou "2" et "10", ce qui laisserait supposer que l’on a à la fois des LD et des LQ. L’examen approfondi des données concernées montre que ces distinctions ne concernent que certaines années de mesure ou certains réseaux de mesure ou certaines substances. En outre, les valeurs indiquées par les codes "2" sont presque toujours égales, parfois même supérieures, aux valeurs indiquées par les codes "7" ou "10" pour les mêmes substances. Donc, pour les mêmes raisons qu’avec les supports MES ou sédiments, on peut légitimement considérer que, malgré ces distinctions des codes remarques, toutes les limites analytiques présentées sont des LQ (voir l’article Petit lexique pour comprendre les données sur l’eau).

LQ et fractions mesurées

Dans les travaux préliminaires, on a séparé les résultats concernant les LQ selon les fractions mesurées : eau brute ou eau filtrée. Les valeurs trouvées étant aussi variables et dans les mêmes gammes quelle que soit la fraction pour un même paramètre, on a finalement préféré tout regrouper, en précisant le détail des fractions au cas par cas dans les résultats.

Pour les substances synthétiques, dans les quelques cas où les analyses sont faites en eau filtrée (RM 1998, 1999 et 2000), la LQ n’est pas forcément comparable avec la LTC valable en eau brute. Pour les métaux, même quand les analyses sont faites en eau brute, on peut comparer la LQ avec la LTC valable en eau filtrée (en effet, lorsqu’on sait quantifier 1 µg/L d’une substance dans l’eau brute, on sait a fortiori le quantifier dans l’eau filtrée).
Pour faciliter la lecture et la comparaison, les seuls cas où les LQ ne sont pas comparables avec les LTC, ceux qui concernent donc les analyses de synthétiques en eau filtrée, sont signalés par une note.

LQ "récentes"

On a comparé la LQ la plus récente connue (2008 et jusqu’à 2005 si rien de plus récent) avec la LQ minimale pratiquée pour la substance depuis 1998, de façon à voir si les LQ récentes sont les plus basses de la série temporelle de mesures sur une même station.

LQ "adaptées"

Eau-Evolution considère que le respect élémentaire du principe de précaution en l’état actuel des connaissances voudrait que l’on recherche une substance avec une limite de quantification jamais supérieure au 1/10ième de toute concentration critique patrimoniale ou toxique connue pour cette substance. On a donc comparé la LQ la plus récente connue avec la valeur 0,1 LTC quand la substance possède une LTC. Pour les pesticides, on a aussi comparé la LQ la plus récente connue avec la valeur patrimoniale 0,01 µg/L (voir § "La qualité de la recherche" de l’article La rivière "l'Ill" à Huttenheim (2) : contamination chimique et toxicité de l'eau (les pesticides)), qui correspond aussi au dixième de la norme eau potable par pesticide.
Les LQ sont donc dites "adaptées" par rapport au principe de précaution quand elles sont inférieures ou égales à 0,1 LTC pour les substances LTC, et inférieures ou égales à 0,01 µg/L pour les pesticides.

Le principe de précaution appliqué en eaux douces vaut aussi pour les eaux marines : on ne peut pas évaluer correctement les flux de polluants qui arrivent dans les eaux marines sans une mesure correcte des concentrations dans les eaux douces.

Divers

Sur la question des doublons, à savoir une même substance chimique recherchée deux fois ou plus à la même date sur la même station, notre stratégie est, sauf cas particuliers, la suivante : privilégiant le point de vue patrimonial et non réglementaire sur l'état des eaux, il nous importe finalement peu que ces doublons soient liés à tel ou tel producteur ou réseau de données. Donc tant mieux si la même substance est recherchée deux fois à la même date. Il faut juste s'assurer que l'on ne la compte pas deux fois dans les nombres de substances quantifiées ou les nombres de substances recherchées. Pour cela, on élimine les doublons en conservant en priorité la valeur quantifiée maximale s'il y a des valeurs quantifiées, et on rassemble toutes les mesures effectuées à la même date comme faisant partie du même prélèvement sur la station concernée.

Toutes les unités sont en µg/L excepté pour le Titane exprimé en mg/L sur la Seine. Eau-Evolution considère cette information comme suspecte (on trouverait des teneurs de 4,5 mg/L de Titane dans la Seine ?) et, en l’absence de précisions, a traité ces données comme étant en µg/L. On peut si besoin changer l’unité dans l’interprétation des résultats.

Tous les traitements ont été effectués avec Excel 2007.

Ci-dessous un petit rappel terminologique :



Et de façon générale, pour tous les détails nécessaires sur la méthode, les termes utilisés et la signification des calculs effectués concernant la contamination, la toxicité et la qualité de la recherche, voir l'article Comment Eau-Evolution évalue les contaminations chimiques et la toxicité.

RESULTATS

Attention, pas de généralisations hâtives ! Eau-Evolution ne prétend en effet pas donner une vision exhaustive de la qualité de la recherche par bassin ou pour les rivières sélectionnées : les stations sont choisies parce qu’elles font parties des plus suivies dans chacune des grandes rivières, au niveau des familles de substances recherchées comme au niveau des fréquences de mesure. On peut supposer qu’elles sont représentatives des pratiques par bassin au niveau des limites analytiques, point essentiel pour la qualité de la recherche et qui reste sans doute le plus obscur dans les publications courantes. Elles ne sont cependant pas représentatives pour les fréquences de mesures ou pour les éventails de substances recherchées qui peuvent être très inférieurs sur la plupart des autres stations.
De plus, certains bassins n’avaient pas mis à disposition les données de 2008, 2007, voire même 2006, à la date du téléchargement des données.

Le lecteur est invité à comparer les différentes stratégies de recherche, mais pas les résultats concernant la contamination à cause du manque d’homogénéité analytique, spatiale et temporelle des stratégies de recherche.

L’éventail des substances recherchées et son évolution

Pour évaluer le spectre de la recherche, voici les nombres de substances différentes recherchées au moins une fois, avec, pour information, le détail des nombres de substances différentes quantifiées au moins une fois :



Très peu de substances différentes recherchées sur la Garonne et relativement peu sur la Seine, mais on ne dispose pas, pour ces deux bassins, des données les plus récentes.
C’est sur la Loire (697 substances distinctes) et dans une moindre mesure sur le Rhône (584 substances distinctes) que le plus grand panel de substances a été recherché au moins une fois.

Pour évaluer la progression de l’éventail des substances recherchées, voici le détail, année par année pour chaque cours d’eau :

Le Rhin :




La Seine :




La Loire :




La Garonne :




Le Rhône :



En 2005 par exemple, année la plus récente pour laquelle toutes les stations sont renseignées, les nombres de substances différentes recherchées étaient de 22 sur la Garonne, 83 sur la seine, 306 sur le Rhin, 499 sur le Rhône et 574 sur la Loire.

Les éventails de substances recherchées au moins une fois n’ont pas progressé de la même façon pour l’ensemble des stations, et les écarts sont considérables.

Les possibilités d’évaluer les cumuls de substances

Pour pouvoir évaluer l’effet synergique toxique d’un cumul de substances, il faut mesurer un large éventail de substances distinctes dans un même prélèvement d’eau.
Se donne-t-on la possibilité d’étudier les cumuls ? C’est l’objet des graphiques suivants donnant les nombres maximaux de substances distinctes recherchées par prélèvement, et pour information les nombres maximaux de substances quantifiées par prélèvement, de façon globale ou avec le détail par famille de substances (pour rappel, les nombres de substances quantifiées dépendent directement des nombres de substances recherchées, mais au moins autant de la bassesse des LQ) :







Sur la Seine jusqu’en 2006 et a fortiori sur la Garonne jusqu’en 2005, on ne se donne manifestement pas la possibilité d’évaluer les cumuls de substances.
Sur la Loire, le nombre de substances recherchées simultanément dans un même prélèvement atteint la valeur intéressante de 580. Cela ne signifie malheureusement pas que cette recherche soit pertinente puisque ce nombre élevé ne concerne qu’un nombre limité de mesures (3 prélèvements en 2007) et que surtout, comme on le verra dans la suite sur l’exemple des 252 substances sélectionnées, la majorité de ces substances ont des LQ inadaptées. Même constat pour le Rhône, avec en plus des fréquences annuelles de mesures trop faibles.
Nous n’avons pas représenté les évolutions annuelles des nombres de substances recherchées par prélèvement car ils suivent à peu près les évolutions des nombres de substances différentes recherchées par année (voir les graphiques ci-dessus).

On a donc déjà quantifié simultanément au moins 25 à 27 substances dans l’eau du Rhin, de la Seine et du Rhône, au moins 14 sur la Loire et au moins 7 sur la Garonne. "Au moins", car ces contaminations sont forcément sous-évaluées : toutes les substances ne sont pas recherchées ou pas recherchées à la bonne période, les LQ sont souvent beaucoup trop élevées par rapport aux teneurs réelles dans l’eau, les fréquences de mesures sont trop faibles, etc.
On ne peut pas comparer les contaminations et conclure par exemple que la Loire serait plus contaminée que la Garonne, puisque comme expliqué ci-dessus, les stratégies de recherches sont trop hétéroclites.

Quelles familles sont les plus recherchées, et pour information les plus quantifiées, par prélèvement ?







Ce sont les pesticides qui sont les substances recherchées en plus grand nombre, avec un maximum de 394 pesticides recherchés dans un même prélèvement sur le Rhône. Par contre, en ce qui concerne les quantifications, toutes les familles de substances peuvent se trouver quantifiées en nombre à peu prés équivalent dans chaque prélèvement.

On a ainsi déjà quantifié simultanément au moins 15 pesticides dans l’eau de la Seine, 13 HAP sur le Rhône, 8 PCB sur la Seine, 15 autres synthétiques sur le Rhône, et 16 métaux sur le Rhin.

On ne peut pas, là encore, comparer les contaminations avec ce graphique, puisque comme expliqué ci-dessus, rien n’est comparable entre les différentes façons de mesurer. Un exemple pour les PCB :
Entre 1998 et 2008, jusqu’à 8 PCB ont été quantifiés ensemble dans la Seine, alors qu’aucun n’a été quantifié sur le Rhône.
On relève au moins deux différences importantes dans les stratégies de mesure :
  • Au niveau des LQ : les LQ disponibles ne descendent jamais en dessous de 0,005 µg/L sur le Rhône et la Loire, tandis qu’elles descendent à 0,001 µg/L sur la Seine et le Rhin
  • Au niveau des fréquences de mesure : le nombre médian de mesures par an est de 24 prélèvements/an sur la Seine (sur 8 années de mesures) contre seulement 4 prélèvements/an sur le Rhône (sur 11 années de mesure)
Zoomons sur le cas concret de 1999 : cette année-là, 26 prélèvements d’eau ont été effectués dans la Seine à Amfreville. A chaque fois, 8 PCB ont été recherchés avec, pour la plupart, mais cependant pas pour tous, des LQ égales à 0,001 µg/L. 63 des 208 analyses ainsi réalisées ont été quantifiées, mais seulement 5 de ces 63 quantifications étaient supérieures à 0,005 µg/L. Ces 5 quantifications supérieures à 0,005 µg/L concernaient le même prélèvement du 22 décembre 1999 pour lequel tous les 8 PCB avaient d’ailleurs été quantifiés, dont 3 avec des valeurs inférieures à 0,005 µg/L.
Ci-dessous, le graphique chronologique des 26 analyses de PCB effectuées en 1999 sur la Seine montre que leur présence est très variable, et que l’on peut très bien effectuer 4 prélèvements régulièrement espacés dans l’année sans trouver grand-chose, et sans trouver rien du tout si on utilise des LQ égales à 0,005 µg/L (voir les flèches) :



Sur cet exemple donc, avec les protocoles utilisés par le passé et jusqu’en 2008 (en 2008, la fréquence était passée à 23 mesures/an, mais les LQ sont restées à 0,005 µg/L) sur le Rhône, que cela soit au niveau des LQ trop élevées et/ou au niveau des fréquences de mesure trop basses, on n’aurait certainement rien quantifié, et jamais quantifié non plus la présence simultanée de 8 PCB dans un même échantillon d’eau.
Notons en passant que la fréquence de 4 mesures/an correspond au protocole recommandé par la Directive cadre pour les substances chimiques non prioritaires…
Toutes les analyses de PCB quantifiées dans la Seine étaient au-dessus de la LQ de 0,001 µg/L, donc au-dessus des LTC égales à 0,001 µg/L pour la plupart d’entre eux. Il y a sans doute eu toxicité aigüe avec jusqu’à 18 fois la LTC pour l’un des PCB. Mais il y a aussi forcément eu, si on considère le cumul des substances, une toxicité chronique avérée pour les espèces aquatiques d’eau douce, et apport d’un flux non négligeable de PCB à l’océan. Rien n’a été quantifié dans les eaux du Rhône, mais on peut logiquement supposer que les résultats de contamination auraient été au moins équivalents à ceux de la Seine si la stratégie de recherche avait été la même.

Sur cet exemple, on remarque que la recherche des PCB était relativement très satisfaisante sur la Seine en 1999. Dans l’idéal cependant, pour respecter le principe de précaution, il aurait fallu rechercher plus de substances de cette même famille, et surtout avec des LQ divisées par un facteur 10, soit toutes égales à 0,0001 µg/L.

Tout ceci est d'autant plus inquiétant que, malgré la mise en place du Système d’Information sur l’Eau, la Directive Cadre sur l’eau, la publication des Normes de Qualité Environnementales, le Grenelle de l’environnement, le récent scandale sur les PCB dans le Rhône, etc., les LQ sur le Rhône sont toujours de 0,005 µg/L en 2008 ! On est donc aveugle à une concentration de la somme des 7 PCB marqueurs (PCB 28, 52, 101, 118, 138, 153 et 180) qui peut atteindre 0,035 µg/L dans le Rhône contre 0,007 µg/L dans la Seine.

Il faut bien comprendre que rechercher des substances avec des LQ les plus basses possibles ne relève absolument pas d’un quelconque intégrisme écologique : c’est une nécessité pour pouvoir évaluer non seulement la contamination et la toxicité réelle par substance et cumulée des eaux douces, mais aussi les flux de substances chimiques qui arrivent réellement dans les mers exutoires et s’accumulent de façon durable pour certaines. Toujours sur cet exemple, en considérant les débits moyens annuels (source : banque HYDRO) du Rhône à Arles (1700 m3/s pour la station V7200010) et de la Seine à Amfreville (538 m3/s à la station H8110010) :
  • En recherchant un PCB avec une LQ de 0,005 µg/L, on est aveugle à un flux de ce PCB qui peut atteindre 85 kg/an (0,85 tonnes en 10 ans) dans l’Atlantique et 270 kg/an (2,7 t en 10 ans) dans la Méditerranée !

  • En recherchant un pesticide avec une LQ de 0,1 µg/L (cas de l’AMPA par exemple), on est aveugle à un flux de ce pesticide qui peut atteindre de 1,7 t/an (17 t sur 10 ans) dans l’Atlantique et 5,3 t/an (53 t en 10 ans) dans la Méditerranée !
Si bien que, si on cumule les flux de l’ensemble des substances mesurées avec des LQ trop élevées, on réalise que l’on ne s’est pas donné, et que l’on se donne toujours pas, les moyens de mesurer la plus grande partie des toxiques qui arrivent réellement depuis des décennies dans les eaux marines.

Les fréquences des mesures des différentes substances

Le Tableau qui fait l’objet de l’article La qualité de la recherche récente des substances chimiques dans les cours d’eau (2) : les fréquences de mesure pour une sélection de 252 substances présente, pour chaque substance, le nombre d’années mesurées et le nombre médian de prélèvements par année sur l’ensemble des données disponibles en téléchargement de 1998 à 2008.
Ces informations sont fournies avec le détail par station de mesure de façon à faciliter les comparaisons par substance ou par station.

Eau-Evolution rappelle que ces stations ont été choisies pour être parmi les mieux suivies au niveau des fréquences de mesure. Malgré cela on constate des disparités importantes selon les substances et les bassins. C’est le cas par exemple des fréquences de mesures médianes annuelles des PCB et de beaucoup d’autres substances qui sont de 4 prélèvements/an sur le Rhône alors qu’elles sont très supérieures ailleurs ou pas mesurées du tout sur la Garonne.

L’exemple de la mesure des PCB dans le paragraphe précédent, ainsi que de nombreux articles du site Eau-Evolution, illustrent le problème des fréquences de mesure insuffisantes pour évaluer la qualité de l’eau comme pour évaluer les flux polluants qui arrivent en mer.
En janvier 2008, le Cemagref a proposé un stage intitulé "L'analyse des données relatives aux produits phytosanitaires issues des réseaux de surveillance". Lorsqu'on lit : "Une des difficultés majeures pour l'interprétation des données ainsi acquises tient, pour les produits phytosanitaires dont les concentrations dans les eaux de surface sont très variables, à la faible fréquence de prélèvements aux points de suivi : 4 à 12 par an au mieux pour les points classiques en eaux superficielles, un par an pour les sédiments. Le suivi n'a de surcroît pas à être réalisé tous les ans, ce qui rend a priori difficile la détection d'éventuelles évolutions", s’agirait-il d'essayer de trouver un tour de passe-passe statistique qui permettrait de tirer quelque chose des données manifestement inadaptées issues du réseau de surveillance ?
La qualité des statisticiens et la qualité des données ne sont-elles pas tout autant nécessaires l’une que l’autre à l’élaboration de résultats pertinents ? Aucune méthode d’analyse des données, la plus pointue soit-elle, ne peut permettre de remplacer un tel manquement dans les données !

Les limites de quantification des différentes substances

Les limites de quantification contribuent de façon essentielle à la qualité de la recherche. Pour respecter le principe de précaution, elles devraient être le plus bas possible, au moins inférieures au dixième de la LTC pour les substances LTC et à 0,01 µg/L s’il s’agit d’un pesticide (voir § méthodes). Et elles devraient diminuer sans cesse d’une année sur l’autre.

Variabilité des LQ pour une même station de mesure

Le Tableau qui fait l’objet de l’article La qualité de la recherche récente des substances chimiques dans les cours d’eau (3) : les valeurs minimum et maximum des LQ pour une sélection de 252 substances présente, pour chaque substance, les écarts des LQ (LQ minimum et LQ maximum) ainsi que la LTC quand elle existe, sur l’ensemble des données disponibles en téléchargement de 1998 à 2008.
Ces informations sont fournies avec le détail par station de mesure de façon à faciliter les comparaisons par substance ou par station.

Pour beaucoup de substances, les écarts des LQ, toutes stations confondues et pour la même station, sont parfois énormes, même en supposant qu’il puisse y avoir des confusions entre LD et LQ.

On constate aussi que lorsque les LTC sont basses, en particulier pour la trentaine de substances qui ont des LTC inférieures à 0,005 µg/L, les LQ sont presque systématiquement trop élevées.
C’est très dommage puisque les substances qui ont des LTC basses sont celles qui sont les plus toxiques et donc la plupart du temps les moins concentrées dans l’eau…. C’est le cas pour la plupart des pesticides de la famille des insecticides.

Evolution annuelle des LQ pour une même station de mesure et bassesses des LQ les plus récentes

Le graphique suivant ne considère que les LQ les plus récentes postérieures à 2005 disponibles pour chaque station de mesure, 2008 pour certaines et jusqu’à 2005 pour d’autres. Pour une même station, les LQ d’une même substance peuvent varier d’une année sur l’autre, mais aussi au cours de la même année. Toujours dans l’optique du respect du principe de précaution, en cas de plusieurs LQ disponibles pour une même substance sur une même station pour la même année on a retenu comme indicateur la LQ maximale pour l’année concernée.



Pour cette sélection de 252 substances, on constate en particulier que :
  • Sur la Garonne, particulièrement peu de valeurs de LQ récentes sont disponibles car particulièrement peu de substances sont recherchées (19 LQ sur la Garonne contre un maximum de 223 LQ sur la Loire)
  • Environ 20% des substances LTC sont recherchées avec des LQ récentes supérieures à leur LTC. Plus de 30% pour la Loire et le Rhône
  • Environ 50% des substances LTC sont recherchées avec des LQ récentes supérieures au dixième de leur LTC. Plus de 60% pour le Rhin et la Loire
  • Environ 75% des pesticides sont recherchés avec des LQ récentes supérieures à 0,01 µg/L. Tous sur la Garonne et 78% sur le Rhône
  • Environ 80% des substances sont finalement recherchées partout avec des LQ récentes inadaptées par rapport au principe de précaution minimal
  • Environ 20% des substances sont recherchées avec des LQ récentes en augmentation par rapport au minimum trouvé dans la chronique des recherches depuis 1998 sur la même station de mesure. Presque 30% sur le Rhin

Les valeurs les plus récentes des LQ maximum annuelles (2008 à 2005 selon les bassins) sont en augmentation par rapport aux valeurs enregistrées durant les années antérieures, sur la même fraction "eau brute" pour :
  • 29% des substances sur le Rhin, avec un maximum de 2000 fois pour le Fenthion qui passe de 0,01 µg/L en 2006 à Lautebourg à 20 µg/L en 2007 à Gambsheim
  • 18% des substances sur la Seine, avec un maximum de 35 fois pour le PCB 52 qui passe de 0,001 µg/L de 1998 à 2003 inclus à 0,035 µg/L en 2005
  • 23% des substances sur la Loire, avec un maximum de 2000 fois pour le Mercure qui passe de 0,00005 µg/L en 2001 à 0,1 µg/L en 2007 (jusqu’à 1µg/L en 2005 !)
  • 21% des substances sur la Garonne, avec un maximum de 4 fois pour le Lindane qui passe de 0,005 µg/L en 1998, 1999, 2001 à 2004 inclus à 0,02 µg/L en 2005
  • 16% des substances sur le Rhône, avec un maximum de 100 fois pour le Xylène-para qui passe de 0,05 µg/L de 1999 à 2002 inclus à 5 µg/L en 2005

Et ci-dessous les tableaux des détails des évolutions annuelles des LQ (toujours maximum par an en cas de plusieurs valeurs de LQ différentes pour la même substance au cours de la même année) pour chaque substance selon les stations :

Les trois quarts des pesticides sont recherchés avec des LQ récentes supérieures à 0,01 µg/L. Ce constat est particulièrement inquiétant : les pesticides récents sont de plus en plus utilisés en cocktails de plusieurs substances avec chacune un dosage moindre. Non seulement leurs concentrations sont de fait quantifiées à des niveaux plus faibles, et passent donc, à toxicité égale, en dessous des seuils d’alerte des indicateurs substance par substance comme le "bon état chimique" de la DCE. Mais en plus, il n’y a apparemment aucune amélioration de la mesure des très faibles concentrations dans l’eau des rivières, alors que la toxicité provient justement de la présence simultanée de plusieurs substances à très faible concentration, et que l’on sait le faire techniquement.

Tous ces résultats montrent que, pour ce qui concerne les LQ, la qualité de la recherche récente n’est pas du tout à la hauteur des enjeux environnementaux liés à la toxicité des eaux, pour les cours d’eau mais aussi pour les mers qui en sont les exutoires, et ne tient pas compte des progrès technologiques de notre époque.

Aperçu des valeurs maximales quantifiées sur les 10 dernières années

Le Tableau qui fait l’objet de l’article La qualité de la recherche récente des substances chimiques dans les cours d’eau (9) : les valeurs maximales quantifiées pour une sélection de 252 substances présente la valeur maximale quantifiée pour chacune des 195 substances qui ont été quantifiées au moins une fois sur l’ensemble des données disponibles en téléchargement de 1998 à 2008.
Pour faciliter la comparaison, Eau-Evolution présente la LTC et le nombre de doses toxiques associé à chacune des valeurs maximales quantifiées.

Sur les 10 dernières années, pour les 120 substances pour lesquelles les comparaisons avec la LTC est possible, prés de la moitié ont eu des valeurs maximales quantifiées plus grandes que leur LTC.
Le tiers de ces substances a eu des valeurs maximales quantifiées d’au moins 4 fois leur LTC, valeur qui devrait correspondre à peu prés à leur LTA (voir l’article Comment Eau-Evolution évalue les contaminations chimiques et la toxicité). Le maximum étant de 833 fois pour le Dibenzo(a,h)anthracène qui a été quantifié à 0,05 µg/L en aval du Rhône alors que sa LTC est de 0,00006 µg/L.

CONCLUSION

Ces résultats, que l’on peut comparer avec ceux pour les sédiments ou les MES dans les mêmes cours d’eau, se prêtent encore à de nombreux autres commentaires que le lecteur tirera de lui-même en fonction de ses questionnements.

D’après ce que l’on peut voir sur cet échantillon de données et dans l’ensemble des autres articles de la rubrique micropolluants chimiques, il semblerait que la mauvaise qualité des données sur les pesticides signalée dans le rapport de l’Inspection générale de l’environnement de 2005 "Bilan des plans d'actions régionaux de lutte contre les pollutions de l’eau par les pesticides dans le cadre du premier plan national", concerne en fait les données de l’ensemble des micropolluants. Et les données les plus récentes, lorsqu’elles sont disponibles, ne paraissent pas montrer d’amélioration sensible de la qualité, excepté au niveau de l’éventail des substances recherchées dans certaines zones. Quelques extraits de ce rapport :
  • Il apparaît que le suivi des pesticides dans les eaux naturelles n'est pas satisfaisant.
  • Les réseaux sont hétérogènes (en fréquence d'échantillonnage, en nombre de molécules suivies, méthodes analytiques, etc.) : leurs résultats ne peuvent être comparés les uns aux autres, il n'est pas possible de dresser un bilan national sérieux, ce que déplore, à juste titre l'IFEN.
  • La procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM) prend-elle vraiment en compte ces objectifs, c'est à dire la possibilité de suivre de façon opérationnelle les pesticides et leurs métabolites dans le milieu naturel ? Il serait souhaitable que cet aspect soit véritablement pris en compte s'il ne l'est pas."
Il suffit en effet d’aller sur les sites de téléchargement de données brutes, pour très vite constater qu’extrêmement peu de stations disposent de données fournies, et a fortiori d’historique de données, sur les micropolluants. De plus, avant de pouvoir les exploiter, il faut effectuer un travail fastidieux de reformatage des fichiers, de compréhension, voire de devinette, au cas par cas, même pour les données récentes. Il n’y a aucune homogénéisation entre toutes les banques de données. Pourquoi le langage commun de l’eau SANDRE n’est-t-il pas encore systématiquement utilisé pour les données mises à la disposition du public (voir l’article Les données sur l’eau douce continentale : des producteurs aux utilisateurs) ?

Ni la Directive cadre, ni la France au travers du SIE, n’imposent de consignes courageuses et responsables concernant la bassesse et la stabilité des LQ ; les nombres de prélèvements minima recommandés (4 par an pour les substances non prioritaires) et les panels de substances recherchées de façon obligatoire ne semblent pas relever d’un grand fondement scientifique ; tout l’aspect mesure et évaluation des cumuls de substances chimiques est occulté ; rien de bien contraignant non plus pour ce qui concerne les périodes de mesure. Et ne parlons pas des très nombreuses substances qui se promènent actuellement incognito dans nos eaux, sans aucune référence de toxicité ni aucune recherche obligatoire.
On risque donc de ne disposer encore pour longtemps que de données brutes inexploitables pour la protection et la gestion patrimoniale des ressources en eau, à l’instar des exemples présentés dans cet article et tous les autres sur le même thème. Et de rester encore longtemps aveugle à la réalité de la contamination et de la toxicité des eaux. On en sait pourtant déjà suffisamment sur le plan technique pour imposer, si on le voulait, des protocoles de recherche des substances chimiques très performants, et pas forcément plus couteux.

Alors, Lois sur l’eau, DCE, NQE, SIE, SDAGE, recherche des substances chimiques, bon état chimique, Grenelle de l’environnement, Grenelle de la mer… beaucoup d’agitation, quelques décisions, mais n'y a-t-il pas toujours un retard incroyable entre ce qui est fait et ce qui devrait être fait ?
-Ce retard est-il involontaire et serait-il alors dû à la lourdeur et à l'inadaptation de certaines procédures archaïques, aux manques de moyens chroniques, etc. ?
-Ce retard serait-il volontaire ? Ci-dessous, le schéma (toute ressemblance avec des pratiques existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence) de "la technique du métro de retard" qui permet de "concilier" protection de l’environnement et profits : dans cet exemple fictif, les autorités publiques du pays agissent, c’est incontestable, mais elles temporisent, ce qui permet la rentabilisation généreuse d'investissements et de profits souvent indignes au détriment des ressources en eau. Dans ce cycle infernal, quand les interdictions arrivent enfin, d’autres autorisations sont en cours, et ainsi de suite, accumulant à chaque tour une trace souvent indélébile dans la nature :
Cette tactique de temporisation est malheureusement une solution de facilité tentante pour résoudre tous les types de conflits entre la protection de l’environnement et la réalisation de profits : pollutions (agricoles, industrielles, domestiques, sédiments contaminés, micropolluants émergents, etc.), prélèvements (gestion des crises sécheresse, irrigation, eau potable, etc.), érosion de la biodiversité (habitats, aménagement du territoire, pêche, chasse, etc.), aménagements des cours d’eau (barrages, plans d’eau, constructions en zones inondables, érosion, etc.), etc.
Mais quelles qu'en soient ses raisons, ce retard est de toute façon inacceptable et condamnable car potentiellement criminel. A quand un Grenelle du retard ?

Il ne s’agit donc pas d’avoir plus de données en quantité, mais des données de meilleure qualité, avec des protocoles de mesures (choix des substances, fréquences et périodes des prélèvements, bassesse des LQ, etc.) adaptés à la problématique (amont des cours d’eau, exutoires marins des cours d’eau, aval des grandes villes ou des zones industrielles, aval des grands bassins agricoles, etc.) ; des données mieux faites, mieux ciblées et comparables sur le plan analytique, dans l’espace et dans le temps.
De façon à ce que l’on dispose, au moins dans les zones stratégiques, d’un historique sérieux que l’on pourra réellement exploiter pour analyser la contamination, la toxicité ainsi que leurs évolutions. Et pour mesurer l’efficacité des mesures de protection…
Et comment peut-on croire que l’on dispose d’indicateurs biologiques qui prendraient en compte la toxicité puisqu’on ne dispose pas d’historique de cette toxicité qui auraient permis d’élaborer ces indicateurs en confrontant l’abondance et la diversité des espèces vivantes (si tant est que l’on dispose d’un historique sérieux dans ce domaine aussi...) avec la toxicité réelle in situ des milieux aquatiques ?
Aucun tour de passe-passe statistique ne pourra jamais combler l’absence ou la mauvaise qualité des données brutes.

Alors, la question de gros bon sens : sauf à produire des statistiques dénuées de pertinence, quel scientifique sérieux pourrait-il, à partir des données actuelles, savoir ce qu’il y a réellement comme toxiques dans les cours d’eau et encore moins combien se déversent et s’accumulent dans nos eaux marines ?
Comment donc, sur ce seul exemple, peut-on nous affirmer avoir assuré et assurer à l’avenir la protection de notre patrimoine aquatique ?


Note :
Pour Eau-Evolution, la catégorie des pesticides regroupe toutes les substances utilisées, ou ayant été utilisées autrefois, pour leur pouvoir biocide par les secteurs agricole mais aussi industriel et domestique. Le classement de certaines substances est difficile et souvent délicat. Une quinzaine de substances sur les 972 recensées ont d’ailleurs changé de catégorie avec mise à jour de l’index des substances depuis la rédaction de cet article (n-Butyl Phtalate, Butyl benzyl phtalate, Formaldehyde, etc.). Cela ne change en rien les résultats concernant les quantifications. Le lecteur est tout à fait libre de classer les substances dans la catégorie qui répond au mieux à ses interrogations. L’auteur rappelle que l’objectif premier de cette vitrine est de proposer des méthodes pour appréhender au mieux la réalité de la contamination chimique des milieux aquatiques. Les experts chimistes et toxicologues sont fortement invités à participer à l’amélioration de la pertinence de l’index des substances chimiques.


Création : 2 mai 2009
Dernière actualisation :

Commentaires (fermés depuis mars 2014)

Cyrille WWF, le 2009-09-24 15:27:11

Là encore l'auteur, jette un pavé dans la mare et quel pavé ! Article là encore très pertinent qui ne peut laisser indifférent. Combien d'années encore avant d'agir sérieusement ? La Crise de l'Eau en France n'est pas une utopie, elle sera pour bientôt, et elle sera violente ! A nous d'éveiller les consciences. Ce qui se passe n'est pas une fatalité ! Il y a des coupables à cette situation, mais il y a surtout des réponses et des solutions. L'auteur nous éclaire : un grand merci !


Site créé en décembre 2008. Merci de votre visite. Informations légales et politique éditoriale