Résumé : en 2007, la Vilaine a encore déversé plus de 80000 tonnes de nitrates dans les eaux côtières. La majeure partie de cette pollution azotée provient de l’agriculture intensive.
La Vilaine est située dans le massif armoricain. Elle draine plus de 10000 km2 de paysages principalement d'agriculture intensive mais aussi d'un peu de forêts et de zones urbaines. Elle se jette dans l'océan Atlantique, en baie de Vilaine.
Elle représente assez bien la problématique des nitrates dans un grand bassin versant de l'ouest, que ce soit au niveau des concentrations mesurées que des flux déversés dans l'océan.
Cet article s’intéresse aux flux de nitrates que la Vilaine véhicule vers l’océan. Il fait suite à l’article
La rivière "la Vilaine" à Rieux (1) : hausse des concentrations de nitrates de 1971 à 2008 qui s’intéresse aux concentrations en nitrates dans ce même cours d’eau.
Méthode
Pour calculer des flux, il faut disposer des données de concentration et des données de débit :
Les concentrations en nitrates sont mesurées à la
station de qualité 04216000 située en aval de la rivière. Elles sont téléchargées à partir du
site de téléchargement des données brutes du portail de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne. On dispose de données depuis 1971 à nos jours, avec au moins une mesure par mois depuis les années 80, sur de l'eau filtrée.
Eau-Evolution a choisi de remplacer les quelques valeurs (9 exactement) en-dessous des limites analytiques ("Anal.-Remarque"=2) par la valeur de la limite indiquée correspondante. On aurait pu décider de les remplacer par zéro ou par la moitié de la limite indiquée.
Les débits sont mesurés aux
stations de Jaugeage J9300610 jusqu'en 2000 et J9300611 de 2002 à 2008. Ces stations drainent un bassin total de 10100 km2. Les données sont parfois incomplètes ou de qualité moyenne. Mais elles permettent quand même d'obtenir une estimation raisonnable des débits et des flux de nitrates. Les débits à la station de mesure de la qualité sont pratiquement égaux à ceux mesurés à ces stations de jaugeage (rapport des surfaces de 10134/10100=1,003).
Le principe du calcul des flux est relativement simple. Exemple : le 19 mars 2007, à Rieux, la concentration de nitrates était de 39 mg/l et le débit journalier de 140 m3/s. Ce jour-là, au niveau de Rieux, la Vilaine a donc véhiculé vers l'océan : 0,0864 x 39 x 140 = 471,7 tonnes de nitrates (0,0864 = 3600 x 24 /1 000 000).
Il faut ensuite transformer ces flux journaliers en flux mensuels. Les données de débit mensuel de l'année et les données de débit moyen mensuel interannuel permettent de calculer le flux réel de l'année, ainsi que le flux ajusté à débit constant pertinent dans le cas des nitrates dont les flux sont liés aux débits.
Il existe des méthodes de calcul des flux et de leurs tendances
beaucoup plus élaborées et adaptées à plusieurs types de paramètres, mais elles demandent des moyens de calculs plus importants. Il faut savoir en outre que, quelle que soit la méthode employée, on n'obtient de toute façon qu'une estimation des flux : à la variabilité analytique (20 % ?) sur les mesures de qualité de l'eau, s'ajoute en effet la variabilité (20 % à 30 % ?) des mesures du débit...
Les données sont traitées avec Excel 2007.
Le flux qui arrive in fine à l'océan est légèrement supérieur au flux calculé à Rieux, puisque Rieux n'est pas tout à fait au bord de l'océan, mais les données trouvées sur le web concernant la surface réelle de la totalité du bassin versant de la Vilaine semblent peu précises. Eau-Evolution se contentera donc, faute d'informations nouvelles, du flux à Rieux.
Résultats
L'article
La rivière "la Vilaine" à Rieux (3) : l'évolution des débits de 1970 à 2008 fournit des éléments d'interprétation si besoin puisque l’arrivée des nitrates dans une rivière dépend fortement de la pluviométrie sur son bassin versant.
Les flux "réels" (en rouge) représentent la masse réelle de nitrates déversés dans la baie de Vilaine. Ils dépendent non seulement de la pollution des sols par les nitrates, mais aussi de la pluviométrie annuelle. Donc, bien qu'ils donnent une bonne image de la pollution réelle par les nitrates, ils ne permettent pas d'en voir l'évolution.
Les flux "ajustés à débit constant" (en bleu) sont les flux réels que l'on trouverait si le débit annuel était le même d'une année sur l'autre, égal au débit moyen interannuel de la Vilaine. Ce n'est pas le cas. Ces flux "ajustés" sont donc des flux fictifs. Ils ne donnent pas une image exacte des flux de nitrates, mais ils permettent par contre d'en voir l'évolution et donc l'évolution des pratiques agricoles.
On constate par exemple que les flux réels les plus importants (1994/1995 et 1999/2000) correspondent aux débits annuels les plus importants, mais que par contre, les flux ajustés pour ces mêmes années ne marquent pas de pics particuliers.
Les flux ajustés augmentent régulièrement de 8000 t/an en 1971 jusqu'à 80000 t/an en 1990, augmentant ainsi d'un facteur 10.
Ils restent au niveau de 80000 t/an pendant une dizaine d'année, jusqu'en 2000.
Depuis 5 ans, ces flux ont tendance à se stabiliser au niveau d’environ 65000 t/an, mais cette évolution récente, qui traduirait une baisse d'environ 20 % des apports azotés nets (apports – exports) minéraux et organiques confondus par rapport aux années 89 à 2002, est à confirmer dans les années à venir.
La quantité, à débit constant, déversée actuellement chaque année à l'océan est de 65000 t/an de nitrates, soit 15000 t/an d'azote (rapport des masses molaires N/NO3 = 14/62) et encore 8 fois plus que le flux ajusté de 1971.
Le cumul des déversements réels depuis 1971 montre que la baie de Vilaine a dû digérer environ 2200000 t de nitrates, soit 500000 t d'azote ! Si l'on prend le flux ajusté de 1971 comme référence, cela fait presque 2 millions de tonnes de nitrates en trop depuis 1971, soit 57000 poids lourds 35t chargés de palettes de nitrates qui se sont jetés à l'océan pour rien...
Alors, les questions de gros bon sens : Comment a-t-on pu laisser pendant si longtemps se mettre en place une telle augmentation des concentrations ? Et est-ce que "le bon état des eaux" prévu pour 2015 consiste bien à revenir aux concentrations et donc aux flux de nitrates que l'on voyait début des années 70 ?
Notons aussi qu'il est regrettable qu'un instrument de gestion de l'eau aussi pertinent que le flux ajusté ne puisse être calculé sur le long terme que sur très peu de rivières, principalement à cause de l'insuffisance de la fréquence des mesures des paramètres de qualité de l'eau. Cette fréquence pour les nitrates devrait en effet être d'au moins deux mesures/mois et plus en période hivernale et de façon générale en périodes de crues.
Création : 30 décembre 2008
Dernière actualisation :