Résumé : un exemple de hausse importante et durable des teneurs en nitrates dans un cours d'eau à cause de l'agriculture intensive.
La Vilaine est située dans le massif armoricain. Elle draine plus de 10000 km2 de paysages principalement d'agriculture intensive mais aussi d'un peu de forêts et de zones urbaines. Elle se jette dans l'océan Atlantique, en baie de Vilaine.
Elle représente assez bien la problématique des nitrates dans un grand bassin versant de l'ouest, que ce soit au niveau des concentrations mesurées que des flux déversés dans l'océan.
Méthode
Les concentrations en nitrates sont mesurées à la
station de qualité 04216000 située en aval de la rivière. Elles sont téléchargées à partir du
site de téléchargement des données brutes du portail de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne. On dispose de données depuis 1971 à nos jours, avec au moins une mesure par mois depuis les années 80, sur de l'eau filtrée.
Eau-Evolution a choisi de remplacer les quelques valeurs (9 exactement) en-dessous des limites analytiques ("Anal.-Remarque"=2) par la valeur de la limite indiquée correspondante. On aurait pu décider de les remplacer par zéro ou par la moitié de la limite indiquée.
Les concentrations mensuelles sont plus faciles à représenter sur une aussi longue période que les concentrations ponctuelles. Eau-Evolution a choisi de présenter les concentrations mensuelles maximales plutôt que les concentrations mensuelles moyennes. Si un mois comporte par exemple deux mesures, la concentration maximale, qui peut très bien traduire la réalité des concentrations dans l'eau pendant la moitié du mois ou plus, reflète bien mieux (en particulier pour les organismes qui ne vivent pas longtemps mais qui sont à la base de la chaine alimentaire) l'impact potentiel sur la vie aquatique qu'une concentration moyenne sur le mois. Les essais préliminaires ont montré que la courbe des concentrations moyennes avait la même allure que celle des concentrations maximales.
De façon générale, les moyennes sont à utiliser avec beaucoup de précaution, surtout lorsque l'on s'adresse à la nature. Un poisson, une algue ou un petit invertébré ne vit pas dans une qualité d'eau "moyenne". Un SDF ne meurt pas d'une température moyenne hivernale, une crue peut passer inaperçue dans un débit moyen, etc.
Par ailleurs, ce type de graphique permet de voir facilement si les données mensuelles existent ou pas pour les périodes de l’année qui correspondent aux minimums ou aux maximums des concentrations en nitrates.
Les données sont traitées avec Excel 2007.
Résultats
Afin de faciliter l'interprétation du couplage pluviométrie/concentrations en nitrates, Eau-Evolution a choisit d'utiliser pour ses différentes représentations graphiques des échelles de temps qui respectent les grands cycles pluviométriques pluriannuels. On trouvera dans "
La pluviométrie annuelle en France des années 1950 à nos jours" une aide importante pour interpréter la qualité de l’eau et son évolution (il ne s'agit malheureusement que de données globales par année et nationales). L'article
La rivière la Vilaine (3) : évolution des débits de 1970 à 2008 fournit des éléments d'interprétation plus précis pour le graphe suivant qui montre l’évolution des concentrations depuis 1971 :
Les morceaux de courbe absents correspondent aux données manquantes.
Au cours d'une même année, les concentrations en nitrates augmentent en hiver, avec les lessivages des sols par les pluies. Elles restent élevées au début du printemps et chutent pendant les étiages à la fin de l'été. Les concentrations maximales passent d'environ 5 mg/l en 1971 à 67 mg/l en 1992 !
Ces dernières années, elles se maintiennent de façon assez stable entre 38 et 48 mg/l, ce qui reste encore très élevé pour une rivière de cette taille. Cela signifie qu’avec les mêmes pratiques, l'on peut certainement rencontrer des concentrations encore plus élevées sur des bassins versants plus petits du même secteur géographique.
Les deux graphiques suivants permettent de mieux suivre les évolutions des concentrations à des périodes stratégiques :
- L'hiver avec les pics de concentration et d'apports à l'océan
- Le début du printemps avec l'éclosion et le développement des jeunes organismes aquatiques a priori sensibles à toutes formes de pollution, et à leur effet synergique (nitrates + pesticides + HAP + PCB + etc.)
Chacune des 3 courbes ci-dessus montre l'évolution des concentrations de 1971 à 2008, respectivement pour les mois de janvier, février et mars.
Chacune des 2 courbes ci-dessus montre l'évolution des concentrations de 1971 à 2008, respectivement pour les mois d'avril et mai.
Il y a un lien marqué entre les cycles pluviométriques pluriannuels et les cycles des concentrations de nitrates. Les évolutions ne peuvent donc se constater que sur un terme suffisamment long qui prenne en compte plusieurs cycles pluviométriques.
Tous ces graphiques montrent que les concentrations élevées ont certainement baissé par rapport à celles rencontrées durant les cycles pluviométriques précédents qui couvrent les années 89 à 2002. En particulier, les remontées pluviométriques de 2006/2007 qui constituent apparemment le début d'un nouveau cycle pluviométrique n'ont pas provoqué la même croissance des concentrations dans les cours d'eau que par exemple lors des débuts des derniers grands cycles pluviométriques de 92/94 et 98/2000.
Mais au vu des seules concentrations (voir
La rivière "la Vilaine" à Rieux (2) : deux millions de tonnes de nitrates en trop déversés à l'océan depuis 1971) et compte tenu de la variabilité interannuelle importante des conditions hydrologiques, on ne peut pas encore évoquer de tendance récente, c'est-à-dire depuis 2003, à la baisse.
On a ainsi laissé les concentrations maximales se multiplier par un facteur 10 depuis les années 70 !
Alors, la question de gros bon sens : cécité durable vis-à-vis des données de l'environnement et/ou inaction durable ? Et le bon état des eaux en 2015 ?
Création : 30 décembre 2008
Dernière actualisation :