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La "nappe alluviale de la Saône" au puits de Beauregard : aperçu de la contamination chimique de l’eau


Cet article a pour objet de donner un aperçu synthétique de la contamination en se limitant aux données les plus récentes, 2005 à 2008.


La nappe alluviale de la Saône au nord de Lyon est un exemple de nappe alluviale soumise à diverses pressions polluantes, en particulier agricoles et industrielles. Elle est utilisée pour l'alimentation en eau potable.
L'évolution de la qualité chimique de l'eau (micropolluants organiques et pesticides) est préoccupante, comme le montre la fiche SEQ eau PUIT DE BEAUREGARD pour l'année 2007 et les années précédentes : cette qualité est "très mauvaise" pour les micropolluants organiques et "médiocre" pour les pesticides, sans compromettre toutefois son aptitude à la production d'eau potable pour ces deux types de paramètres : "eau de qualité acceptable".
La masse d'eau (FR06741X0008/692A) fait l'objet d'un contrôle de surveillance opérationnel pour l'état chimique.

Méthode

Les données brutes ont été téléchargées à partir du portail du Système d'Information sur l'Eau du bassin Rhône-Méditerranée et de la fiche signalétique 06741X0008/692A. Le captage plonge dans la nappe alluviale au niveau de la commune de Villefranche-sur-Saône (69).

Aucune donnée n'est disponible pour l'année 2008. Les données pour 2007 sont signalées par le producteur "provisoires non validées".
Pour rappel, on ne dispose des valeurs des LQ que pour les analyses non quantifiées.
Les traitements ont été effectués avec Excel 2007.

Pour tous les détails nécessaires sur la méthode, les termes utilisés et la signification des calculs effectués, voir l'article Comment Eau-Evolution évalue les contaminations chimiques et la toxicité.

Résultats

Sauf à considérer l'évolution particulière de certaines substances comme le Tetrachloréthylène mesurées à peu prés régulièrement depuis 1992, Eau-Evolution préfère s'intéresser aux années récentes pour lesquelles l'effort de recherche est plus conséquent.
Il faut cependant noter que les premières recherches effectuées en 1992 ont montré que la nappe était anormalement contaminée par des substances d'origine industrielle et qu'il fallait donc prendre des mesures immédiates pour stopper la ou les sources de pollution. On a en effet pu quantifier en 1992 : Chloroforme 0,2 µg/L, Trichloréthylène 0,8 µg/L, Tétrachloréthylène 1,5 µg/L et Trichloréthane-1,1,1 0,6 µg/L.

Ci-dessous le nombre de substances chimiques recherchées dans chaque prélèvement d'eau, avec le détail par famille :


Beaucoup de substances recherchées, mais essentiellement des pesticides et relativement peu d'autres micropolluants organiques, ce qui est dommage puisque ce puits pose particulièrement problème pour cette dernière famille. Les nombres de substances recherchées vont de 344 à 383 pour les pesticides, 0 à 13 pour les HAP, 25 à 32 pour les autres substances chimiques de synthèse et 0 à 16 pour les métaux. Les PCB ne sont pas recherchés.

Cette stratégie a un impact direct sur les nombres de substances chimiques quantifiées, au total ou par famille, dans chaque prélèvement d'eau :


On constate que sur la période 2005-2007, jusqu'à 12 substances chimiques différentes sont quantifiées ensemble dans un même prélèvement, ce qui est beaucoup pour une eau souterraine.
Toutes les familles, excepté les PCB non recherchés et les HAP, sont représentées. En particulier, les pesticides (jusqu'à 7 simultanément), et les autres substances chimiques (jusqu'à 7 simultanément).
Ci-dessous le détail des 21 substances différentes qui ont été quantifiées sur cette période, avec leurs concentrations maximales quantifiées :
  • Pesticides : 2,6-Dichlorobenzamide 0,1 µg/L, Asulame 0,07 µg/L, Atrazine 0,07 µg/L, Atrazine déséthyl 0,08 µg/L, Diuron 0,09 µg/L, Métolachlore 0,03 µg/L, Oxadixyl 0,17 µg/L, Simazine 0,04 µg/L, Simazine-hydroxy 0,21 µg/L, Hydroxyterbuthylazine 0,06 µg/L
  • Métaux : Baryum 64 µg/L, Bore 60 µg/L, Manganèse 70 µg/L, Zinc 90 µg/L
  • Autres substances synthétiques : Chloroforme 1,8 µg/L, Dichloréthane-1,1 0,89 µg/L, Dichloréthylène-1,1 2,4 µg/L, Tétrachloréthylène 7,8 µg/L, Tétrachlorure de carbone 0,77 µg/L, Trichloréthane-1,1,1 5,5 µg/L, Trichloréthylène 0,97 µg/L
  • HAP : aucun n'est quantifié

Le graphique suivant montre l'évolution de la masse totale des pesticides quantifiés dans l'eau lors de chaque prélèvement :


La fréquence des mesures (5 à 6 prélèvements par an) ne permet pas de voir les pics. Les concentrations cumulées ne paraissent pas très élevées, mais le nombre de pesticides quantifiés est important. Ce nombre traduit la contamination de la nappe ainsi qu'une toxicité potentielle due à l'effet synergique de ce cocktail de substances.

Le graphique suivant montre l'évolution de la masse totale des autres micropolluants quantifiés lors de chaque prélèvement, principalement des solvants chlorés :


La fréquence des mesures (5 à 6 prélèvements par an) ne permet pas de voir les pics ni de suivre de façon satisfaisante l'évolution de la contamination, alors que les concentrations cumulées paraissent assez élevées, atteignant parfois environ 17 µg/L.

Ci-dessous un zoom sur l'évolution depuis 1992 des deux solvants chlorés qui atteignent les concentrations les plus élevées, Tétrachloréthylène et Trichloréthane-1,1,1 :


Ces données montrent sans conteste l'augmentation régulière des concentrations de ces deux solvants depuis 1992. La variabilité des mesures étant élevée, on regrette qu'il n'y ait pas au moins une mesure par mois, plus pendant les pics, et de façon systématique depuis 1992, et ce pour l'ensemble des solvants chlorés susceptibles de se trouver dans l'eau.

Remarques sur les limites analytiques

Un Code remarque égal à "2" signifie normalement une limite de détection (LD). Mais dans les fichiers téléchargés, il s'agit vraisemblablement de limites de quantification (LQ) puisque l'on ne dispose que de Codes remarques égaux à "2" ou à "1" (voir l'article Comment Eau-Evolution évalue les contaminations chimiques et la toxicité).

Pour tous les micropolluants synthétiques, ces limites devraient être suffisamment basses de façon à servir d'alerte en cas de début de contamination et à prendre les mesures nécessaires pour protéger efficacement cette ressource que l'on doit gérer de façon patrimoniale depuis 1992.

En particulier pour les pesticides, dans le Système d'évaluation de la qualité des eaux souterraines publié en 2003, le premier seuil de contamination est de 0,01 µg/L par substance (0,001 µg/L même pour certaines substances) : "L'état patrimonial du SEQ Eaux souterraines fournit une échelle d'appréciation de l'atteinte des nappes par la pollution et permet de donner une indication sur le niveau de pression anthropique s'exerçant sur elles sans faire référence à un usage quelconque".

Les LQ ne devraient donc pas excéder 0,01 µg/L. Les exemples suivants montrent que ce n'est pas forcément le cas :
En 2007, 92% des LQ des pesticides sont supérieures à 0,01 µg/L. Plus de 50 pesticides ont une LQ exactement égale à 0,1 µg/L.
Les pesticides suivants ont des LQ supérieures à 0,1 µg/L en 2007 : Dichloropropylène-1,3 LQ=2 µg/L, Dibromoéthane-1,2 LQ=0,5 µg/L, Dichloropropylène-2,3 LQ=0,5 µg/L, Dichloropropane-1,3 LQ=0,5 µg/L, Dichloropropane-1,2 LQ=0,5 µg/L, Hexachloroéthane LQ=0,5 µg/L.

Les LQ de toutes les substances chimiques devraient aussi logiquement baisser au cours des années, en fonction des progrès réalisés sur le plan analytique. Mais ce n'est pas forcément le cas :
Parmi les solvants chlorés, la LQ du Chloroforme est de 0,5 µg/L en 2007 contre 0,2 µg/L en 1992. La LQ du Tetrachloréthylène est de 0,5 µg/L en 2007 contre 0,1 µg/L en 1993. La LQ du Trichloréthylène est de 0,5 µg/L en 2007 contre 0,4 µg/L en 1993.

Conclusions

Une recherche conséquente en 2005 et 2006, mais qui reste insuffisante pour les autres substances chimiques que les pesticides ainsi que pour les limites analytiques. La stratégie de recherche ne peut pas permettre d'évaluer de façon satisfaisante l'état chimique réel de l'eau et l'efficacité des mesures de réduction des pollutions.

La question de gros bon sens : pourquoi n'a-t-on pas empêché, depuis 1992, la progression de la pollution chimique de cette nappe par les solvants chlorés ? Et le bon état 2015 ?


Note :
Pour Eau-Evolution, la catégorie des pesticides regroupe toutes les substances utilisées, ou ayant été utilisées autrefois, pour leur pouvoir biocide par les secteurs agricole mais aussi industriel et domestique. Le classement de certaines substances est difficile et souvent délicat. Une quinzaine de substances sur les 972 recensées ont d’ailleurs changé de catégorie avec mise à jour de l’index des substances depuis la rédaction de cet article (n-Butyl Phtalate, Butyl benzyl phtalate, Formaldehyde, etc.). Cela ne change en rien les résultats concernant les quantifications. Le lecteur est tout à fait libre de classer les substances dans la catégorie qui répond au mieux à ses interrogations. L’auteur rappelle que l’objectif premier de cette vitrine est de proposer des méthodes pour appréhender au mieux la réalité de la contamination chimique des milieux aquatiques. Les experts chimistes et toxicologues sont fortement invités à participer à l’amélioration de la pertinence de l’index des substances chimiques.


Création : 10 mars 2009
Dernière actualisation :

Commentaires (fermés depuis mars 2014)

Cyrille WWF, le 2009-09-24 17:16:48

Là encore une analyse très pertinente. Les résultats sont très parlants et le moins que l'on puisse dire, si l'on prend quelques paramètres tels que Trichloroéthane et Tétrachoréthylène, leur concentration ne cesse d’augmenter ! Alors que l'on tend à dire que les molécules les plus préoccupantes en matière de micropolluants sont les pesticides ! Il faudrait pour le moins être plus incisif sur les ICPE et les autorisations de rejets industriels. L’objectif zéro rejets doit être fixé. Dire que cette nappe sert à produire de l'eau potable !


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