Résumé général des cinq sections présentant un nouveau paradigme pour l'eau potable et l'assainissement (1-
Un modèle non durable qui a atteint ses limites, 2-
Les contraintes pour un nouveau modèle, 3-
La description du nouveau modèle, 4-
La réalisation et l'innovation technologique et 5-
Les réalisations et expérimentations collectives récentes dans le monde) :
Les systèmes occidentaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement des eaux usées domestiques ne sont pas durables
(1). Ils constituent une véritable ineptie sur les plans techniques, énergétiques et écologiques. Ils ont, excepté pour les nappes exploitées presque entièrement pour l'irrigation, des impacts qualitatifs et quantitatifs sur la ressource en eau au moins aussi forts, sinon plus, que l'agriculture intensive. Malgré un avenir de fuite en avant technologique, énergétique et financière, que ce soit au niveau des techniques de traitement que de l'exploitation des eaux salées, ils n'offrent pas de garantie de protection de la ressource en eau ni de sécurité sanitaire. De plus, ils entreraient en dysfonctionnement grave si une grande partie de la population restreignait vraiment sa consommation d'eau. On ne devrait pas les exporter dans les pays pauvres du sud. Il est grand temps de
les repenser complètement dans une approche interdisciplinaire et intersectorielle, et à la lumière des connaissances scientifiques les plus pointues sur l'eau et l'environnement.
Tout le modèle occidental repose sur deux piliers :
la chasse d'eau et
l'eau potable au robinet. Ces inventions du siècle dernier s'avèrent finalement stupides et irresponsables. Ce sont des leurres qui nous ont conduits dans des impasses écologiques et on s'y cramponne encore et toujours, sans jamais remettre en cause leur bien fondé.
Or au moins un nouveau paradigme, un modèle réellement durable existe, et il n'est sans doute pas le seul. Il est basé sur deux principes :
traiter la pollution à la source et
arrêter de gâcher les eaux souterraines profondes. Il repose sur deux piliers :
la toilette sans eau et
l'eau hygiénique au robinet. Il est adapté à nos pays et aux pays du sud, même et surtout avec la perspective du changement climatique. Il est entièrement respectueux de la ressource, des équilibres écologiques et de l'homme. Il prend en effet en compte : -les contraintes environnementales, dont la protection des milieux aquatiques et la valorisation agricole et énergétique des boues -les contraintes techniques, dont la réutilisation de l'infrastructure existante en l'état -et les contraintes humaines et financières, dont l'hygiène, la qualité de la vie, les coûts réduits et un accès décent à l'eau et à l'assainissement possible pour tous. Il permet de préserver les ressources profondes ou rares pour les générations futures et de laisser plus d'eau disponible pour le soutien des étiages et pour l'agriculture. Cette dernière doit devenir agroécologique partout avec interdépendance pour la gestion de l'eau et la réutilisation des boues issues des toilettes sans eau. Il redonne enfin à l'eau son rôle originel de lien social profond et devrait contribuer à établir la paix dans le monde, car l'or bleu va être de plus en plus à l'origine de conflits entre les pays.
Il faut se donner les moyens d'explorer ce nouveau paradigme. Cela demande : -de la volonté et de l'indépendance politique -un site expérimental -des entreprises motivées prêtes à s'investir dans l'innovation technologique -et des fonds internationaux.
Et cela demande surtout, selon les mots de Aimé Césaire : "
la force d'inventer au lieu de suivre ; la force d'inventer notre route et de la débarrasser des formes toutes faites, des formes pétrifiées qui l'obstruent".
Résumé de cette deuxième section :
Pour repenser complètement nos modèles occidentaux, dans une approche interdisciplinaire au fait des connaissances scientifiques et intersectorielle avec l'agriculture et l’industrie, il faut prendre en compte l'ensemble des contraintes écologiques, humaines, techniques et financières.
Un paradigme ne peut être durable que s'il tient compte de l'ensemble des contraintes écologiques, humaines, techniques et financières. Il doit aussi intégrer l'ensemble des données disponibles sur les dysfonctionnements connus du modèle occidental actuel d'alimentation en eau potable et d'assainissement.
Les contraintes écologiques
Impacter le moins possible la ressource, sur les plans quantitatifs et qualitatifs
- Minimiser l'ensemble des prélèvements d'eau, mais surtout ceux qui ont lieu dans les eaux souterraines profondes, donc prélever l'eau autant que possible dans la ressource renouvelable, dans les cours d'eau de préférence ou sinon dans les nappes de surface, et la recycler au maximum
- Ne pas oublier que les eaux météoriques (qui tombent du ciel sous la forme de pluie, grêle ou neige) s’intègrent tout naturellement dans la ressource en eau renouvelable de moindre qualité dont l’exploitation est à privilégier devant celle des nappes profondes
- Minimiser la pollution des eaux de surface et des eaux souterraines, charge organique, microbes et substances toxiques d'origine médicamenteuse ou autre. C'est une nécessité écologique mais aussi sanitaire.
Anticiper le changement climatique et ses conséquences financières lourdes sur les systèmes actuels d'eau potable et d'assainissement
- Fréquences accrues des débits d'étiage des cours d'eau trop faibles pour tolérer les rejets des stations d'épuration
- Fréquences accrues des inondations violentes avec contamination des réserves d'eau potabilisable et pertes de rejets non traités faute de zones de rétention et de foncier inconstructible
- Contaminations microbiologiques accrues suite à l'accroissement de la température des eaux superficielles
- Dégradation accélérée des conduites d'assainissement et odeurs intolérables (H2S) suite à l'augmentation de la température du sol et des effluents
- Et beaucoup d'autres effets auxquels on ne pense même pas...
Les contraintes humaines et financières
Il s'agit de mettre la qualité et la quantité de l'eau distribuée en adéquation avec les besoins des différents usagers. Et que chacun puisse avoir gratuitement le minimum nécessaire à une vie décente.
Il faut bien entendu, conserver la sécurité sanitaire procurée par la distribution d'eau au robinet. Mais cette sécurité ne provient que du seul caractère hygiénique, c'est-à-dire exempt des principaux pathogènes connus, de l'eau du robinet. Le fait que l'eau soit consommable, c'est-à-dire ne contienne par exemple que 50 au lieu de 55 mg/l de nitrates ou 0,5 au lieu de 0,6 µg/l de pesticides, n'y ajoute rien. L’eau du robinet peut respecter les normes de potabilité et contenir quand même des pathogènes et des substances toxiques. Beaucoup de substances toxiques réellement présentes dans les eaux prélevées
(1), et a fortiori celles qui sont rajoutées par le réseau
(2), ne sont même pas recherchées. On est forcément aveugle à toutes les substances que l'on ne recherche pas mais aussi à celles que l'on recherche mal, à cause de limites de détection trop élevées ou de prélèvements effectués à la mauvaise année ou au mauvais moment
(3). Les normes ne concernent que certains toxiques et pathogènes bien identifiés. Et même dans ce cas, lorsque la norme parle par exemple de "
somme des pesticides" : combien et quels pesticides prend-t-on en compte? prend-on en compte comme pesticides les substances qui ont aussi d'autres usages connus? comment calcule-t-on une somme avec des substances qui ne sont pas quantifiées, mais dont la limite de quantification peut être élevée? Et si les prélèvements ne sont pas faits au bon moment, que signifie cette somme? etc. Cet article récent "
Pollution des eaux de consommation américaines : un problème dans les contrôles ?" pointe une "
insuffisance du nombre et de l'efficacité des contrôles effectués" qui concernerait peut-être bien aussi la France ?
Concernant ces normes, on lit sur le
portail Eaufrance, "Les usages de l'eau et les pollutions" : "
la qualité chimique : les substances chimiques autres que les sels minéraux font l'objet de normes très sévères. Ces substances sont dites "indésirables" ou "toxiques". Elles sont recherchées à l'état de trace (millionième de gramme par litre). Ces normes sont établies sur la base d'une consommation journalière normale, pendant toute la vie". Or on lit par ailleurs, en autres dans l'hebdomadaire "IMPACT MÉDECINE" paru en février 2009, concernant des résidus de médicaments trouvés à l'état de traces dans certaines eaux du robinet : "
Les effets de faibles doses de médicaments, sur un temps long et en interaction avec d'autres médicaments et/ou polluants, restent difficiles à évaluer", observe l'Académie de Pharmacie. "Certaines substances peuvent avoir un impact significatif sur la flore et la faune même à doses très faibles, notamment en matière de modulation endocrinienne, observe le Pr Jean-Marie Haguenoer, président de la commission santé-environnement de cette Académie. La prudence reste de mise". Sachant qu'en outre, on ne recherche qu'une toute petite des substances susceptibles de contaminer l'eau potable, qu'en déduire ?
Ces normes sont par nature arbitraires et évolutives. Elles ne signifient donc pas grand chose, changent d'un pays à l'autre, sont adaptées à la conjoncture et les règles de respect en sont très souples, en particulier pour les toxiques saisonniers comme les pesticides. L'eau non potable au robinet est d'ores et déjà une réalité de façon géographique ou périodique. L'eau consommable au robinet, garantie sans toxicité à court et à long terme, n'est-elle pas qu'une vue de l'esprit et a-t-elle déjà existé ? Tout n'est-il pas question de normes et de la façon dont on contrôle leur respect ?
Il faut donc que l'eau destinée à la consommation soit réellement de l'eau de très bonne qualité physico-chimique, microbiologique et gustative, donc extraite d'une ressource la mieux protégée possible de toutes sortes de contaminations, et sur laquelle on pourra effectuer toutes les recherches possibles de présence de molécules chimiques. Il faut en outre que cette eau soit accessible à tous, et aussi disponible pour les générations futures qu'elle l'aura été pour nous.
Il faut bien entendu aussi, conserver la sécurité sanitaire procurée par le réseau d'assainissement. Mais cette sécurité ne provient que de l'absence de contact et d'ingestion entre les individus et leurs lisiers, et plus précisément de leurs excréments qui contiennent les pathogènes. L'invention de la chasse d'eau n'ajoute rien à cette sécurité sanitaire. Au contraire, puisque l'on se contente de déplacer les pathogènes générés au sein des villes et qui ne sont pas totalement éliminés par les traitements, à l'aval de ces dernières, ou dans la nature via les réseaux d'assainissements dégradés, cette sécurité sanitaire est un leurre, voire un crime pour les enfants des pays pauvres du sud. Pour comble de stupidité de ce système, on ne peut plus prélever l'eau de la plupart des cours d'eau, et lorsqu'on y est contraint parce qu'il n'y a pas de nappes propres disponibles, on récupère les pathogènes rejetés par la ville en amont, et on finit par les consommer quand même, car le chlore et les normes n'éliminent pas tout.
Il faut aussi, pour des raisons financières, conserver autant que possible l'infrastructure existante des réseaux d'eau potable et des réseaux d'assainissement, et tenir compte de leur détérioration et du coût exorbitant donc de l'impossibilité de leur réfection à court ou moyen terme.
La nécessité d'une démarche interdisciplinaire, intersectorielle et à haute technicité
Il faut bien évidemment, à l'instar de ce qui a été entrepris dans le secteur industriel, retenir et traiter les pollutions à la source et recycler les eaux de process.
Il faut une démarche scientifique d'ouverture, de transparence et de synergie avec les autres secteurs. Il faut surtout du bon sens et de l'indépendance, et il semble malheureusement que ce secteur essentiel de l'eau potable et de l'assainissement en ait beaucoup manqué jusqu'à présent. L'eau potable et l'assainissement ne doivent pas apparaitre comme des chasses gardées. Par exemple pour l'eau potable, les données ponctuelles sur les molécules recherchées, sur les limites de détection pratiquées, sur les dates des analyses, dans les eaux brutes et dans les eaux traitées devraient être accessibles sur le web, et de façon pédagogique, à chaque consommateur immédiatement après chaque prélèvement. Même chose pour l'assainissement et les données de qualité des effluents rejetés, ainsi que les données des débits des effluents rejetés et du cours d'eau récepteur. De façon plus générale, toutes les données brutes concernant les eaux potables traitées et les rejets des stations d'épuration devraient être, à l'instar des autres données sur l'eau, mises à la disposition du public.
Récapitulatif des contraintes
- Réduire au strict nécessaire les prélèvements dans les eaux souterraines
- Prélever et recycler le plus possible en surface, dans les cours d'eau de préférence, sinon dans les nappes superficielles qui se renouvellent rapidement, et utiliser autant que faire ce peut les eaux météoriques avant qu’elles ne se chargent de toutes sortes de substances indésirables en ruisselant sur les surfaces imperméabilisées
- Traiter les pollutions domestiques à la source
- Valoriser les lisiers humains sans les diluer ni les contaminer par d'autres rejets
- Minimiser les pollutions des eaux de surface, charge organique et macropolluants, mais aussi tous les microorganismes pathogènes et tous les micropolluants émergents
- Anticiper le changement climatique avec ses conséquences sur le milieu récepteur
- Arrêter la fuite en avant technologique, énergétique et financière
- Réutiliser de préférence les infrastructures existantes, réseaux et stations de traitement
- Assurer une vraie sécurité sanitaire durable et améliorer la qualité chimique et gustative de l'eau consommable
- Créer l'équité sociale autour de l'eau et la qualité de vie dans les agglomérations, en redonnant à l'eau son lien social premier, dans l'intérêt de tous et de la nature.
Notes
- Micropolluants émergents
- En particulier les sous-produits cancérigènes résultant de la chloration de l'eau qui se forment dans les réseaux, mais aussi les substances relarguées lors de la corrosion des conduites : plomb, cuivre, résidus de PVC ou autres.
- A ce sujet, lire par exemple l'article "les trafics de pesticides, nouvelle plaie mondiale" dans un numéro du magazine Marianne paru en février 2009, dont voici un extrait qui peut être transposé à l'eau brute et à l'eau traitée :"Il existe aujourd'hui sur le marché mondial un millier de principes actifs licites et illicites entrant dans la composition des produits phytosanitaires. Seulement 146 d'entre eux sont recherchés sur les échantillons de fruits et légumes. L'écart est gigantesque. Cette faiblesse, l'Europe la reconnait puisqu'elle vient d'exiger que "les laboratoires communautaires de référence élargissent leur champ d'analyse". Notamment pour détecter les pesticides illégaux. Et en France ? Un rapport de l'Office alimentaire et vétérinaire (OAV) de la commission européenne publié en mai 2006, pointe les insuffisances de notre système de contrôle. "On se contente de doser les molécules connues, confie un directeur régional de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). En somme, on est aveugle". La faille n'a pas échappé aux réseaux criminels qui vendent les produits phytosanitaires illégaux. "Les fraudeurs remettent en fabrication de très vieilles molécules qui ne sont plus homologuées depuis longtemps et que l'on ne détecte même plus tant elles nous paraissent dépassées", s'inquiète Jacques Deuse, expert international en gestion des pesticides".
Création : 27 août 2008
Dernière actualisation : 25 janvier 2010